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Date: 20010718

Dossier: 2000-2493-EI

ENTRE :

PLANCHERS DE BOIS FRANC 2000 (LAVAL) INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

JOHANNE LEPAGE,

intervenante.

Motifsdu jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]            Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 28 mai 2001.

[2]            L'appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) selon laquelle l'emploi exercé par Johanne Lepage, la travailleuse, au cours de la période en cause, soit du 1er janvier au 10 novembre 1999, auprès de l'appelante, était assurable au motif que l'appelante et la travailleuse étaient liées par un contrat de louage de services au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[3]            Le 10 novembre 1999 un agent autorisé de l'Agence des douanes et du revenu du Canada informa l'appelante que la travailleuse avait exercé un emploi assurable, au sens de laLoi, lorsqu'à son service pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998. De plus, cet agent informa l'appelante que puisqu'elle n'avait pas envoyé sa demande avant le 30 juin 1999, aucun droit d'appel au Ministre n'était accordé pour cette période (pièce I-3).

[4]            À l'audition, la travailleuse admet ne pas avoir porté en appel la décision, relative aux périodes antérieures à 1999, déclarant son emploi assurable puisqu'il était exercé en vertu d'un contrat de louage de services. En 1995, la travailleuse a bénéficié de prestations d'assurance-chômage durant un congé de maternité.

[5]            La Cour n'a pas juridiction concernant les périodes antérieures au 1er janvier 1999 puisque le Ministre n'a pas rendu de décision au sujet de ces périodes.

[6]            La Cour doit statuer sur l'assurabilité de l'emploi pour la période du 1er janvier au 10 novembre 1999 seulement. Dans une autre lettre (pièce I-2) en date du 10 novembre 1999, un agent de l'Agence des douanes et du revenu du Canada informa l'appelante que l'emploi de la travailleuse est assurable; cette lettre se lit en partie comme suit :

« ...Même si son emploi pour vous était exercé dans le cadre d'un contrat de louage de services, un lien de dépendance existe entre vous et Mme Johanne Lepage aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi. Malgré ce fait, nous considérons, compte tenu de toutes les circonstances, qu'un contrat de travail à peu près semblable aurait été établi entre vous et Mme Johanne Lepage et ce, même sans ce lien et en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi, vous et Mme Johanne Lepage êtes réputés ne pas avoir de lien de dépendance aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi. »

[7]            Dans sa décision du 13 avril 2000, le Ministre a décidé que l'emploi de la travailleuse était assurable puisqu'il rencontrait les exigences d'un contrat de louage de services

[8]            Le paragraphe 5(1) de la Loi se lit en partie comme suit :

                « 5(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)       un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...] »

[9]            Les paragraphes 5(2) et (3) de la Loi sont libellés en partie comme suit :

                                « 5(2)        N'est pas un emploi assurable :

                                [. . .]

i)              l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance[...]

(3)            Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

a)             la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

b)                   l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. »

[10]          L'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu porte notamment ce qui suit :

« 251.        Lien de dépendance.

                                (1)            Pour l'application de la présente loi :

                                a)             des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

                                [...]

(2)            Définition de « personnes liées » . Pour l'application de la présente loi, sont des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles :

a)                   des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;

                                [...] »

[11]          Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante. Cette dernière se doit d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[12]          Le Ministre s'est fondé, pour rendre sa décision, sur les faits suivants lesquels ont été admis ou niés par l'appelante :

« a)           l'appelante a été constituée en société le 21 février 1989; (admis)

b)             durant la période en litige, les actionnaires de l'appelante étaient :

                Maurice Lepage                    55 % des actions votantes

                Suzanne René                                        45 % des actins votantes; (admis)

c)              la travailleuse est la fille de Maurice Lepage; (admis)

d)             l'appelante exploitait, à l'année longue, une entreprise de vente au détail de planchers de bois franc et d'escaliers; (admis)

e)              l'appelante avait un bureau de ventes à Laval et un autre à Longueuil; (admis)

f)              la travailleuse travaillait pour l'entreprise de l'appelante depuis huit ans; (admis)

g)             la travailleuse était directrice générale du bureau de Laval; (nié)

h)             les tâches de la travailleuse étaient de faire la comptabilité complète, de gérer le personnel, les achats et les inventaires; (nié)

i)               la travailleuse travaillait au magasin de l'appelante; (nié)

j)               la travailleuse avait un horaire régulier de 40 à 50 heures par semaine, suivant les heures d'ouverture du magasin; (nié)

k)              tout l'équipement utilisé par la travailleuse dans ses tâches appartenait à l'appelante; (admis)

l)               la travailleuse n'encourait aucune dépense dans l'accomplissement de ses tâches; (admis)

m)             le salaire de la travailleuse était fixe, soit 825 $ par deux semaines, versé par dépôt direct; (admis)

n)             la travailleuse n'a rien investi et n'a pas cautionné l'appelante; (admis)

o)             la travailleuse n'avant pas de chance de profit ou risque de perte; (admis)

p)             le travail de la travailleuse était intégré aux activités de l'appelante. » (nié)

[13]            Selon l'avis d'appel en date du 31 mai 2000, l'appelante réclame un droit d'appel pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998 alors que le 10 novembre 1999 (pièce I-3), un agent de l'Agence des douanes et du revenu du Canada informe l'appelante que puisqu'elle n'a pas fait parvenir sa demande avant le 30 juin 1999, aucun droit d'appel ne serait accordé pour cette période.

[14]            Les paragraphes 90(1) et (2) de la Loi se lisent en partie comme suit :

« (1) La Commission, de même que tout employé, employeur ou personne prétendant être l'un ou l'autre, peut demander à un fonctionnaire du ministère du Revenu national autorisé par le ministre de rendre une décision sur les questions suivantes :

[...]

(2) La Commission peut faire la demande de décision à tout moment, et toute autre personne, avant le 30 juin suivant l'année à laquelle la question est liée. »

[15]          Dans la cause Lamarre c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) [1998] A.C.F. no 831, la Cour d'appel fédérale s'est exprimé ainsi :

« Il ne fait pas de doute, depuis la décision de cette Cour dans Vaillancourt (Canada (P.G.) v. Vaillancourt [1992] A.C.F. no 447), que le délai de 90 jours prévu à ce paragraphe 70(1) de la Loi sur l'assurance-chômage ... pour en appeler d'une décision du ministre est un délai de rigueur que la Cour canadienne de l'impôt n'a pas le pouvoir d'étendre. »

[16]          Étant donné le délai de rigueur, cette Cour ne peut statuer que sur la période du 1er janvier au 10 novembre 1999.

[17]          Maurice Lepage, père de la travailleuse, a témoigné à l'audition de l'appel. Il déclare que l'emploi de la travailleuse n'était pas assurable parce qu'il y avait un lien de dépendance entre cette dernière et lui durant la période en litige et que la travailleuse n'aurait pas bénéficié de conditions de travail semblables sans l'existence de ce lien.

[18]          Maurice Lepage déclare que la travailleuse était directrice des succursales de Laval et de Longueuil depuis 8 ans. Ses tâches consistaient à s'occuper de la comptabilité, à gérer le personnel, à faire les achats et les ventes. La travailleuse s'occupait également de la tenue des inventaires et coordonnait les horaires de six à sept employés saisonniers.

[19]          La travailleuse oeuvrait tant au magasin qu'à l'extérieur, à savoir elle pouvait s'occuper de la comptabilité à la maison le soir, durant les fins de semaine et même pendant ses vacances, soit après ses heures régulières de travail, sans être rémunérée pour le temps supplémentaire. Les heures régulières de travail de la travailleuse étaient, selon le témoin, 50 heures par semaine. Le payeur fournissait à la travailleuse un véhicule pour les besoins de la compagnie ainsi que pour ses besoins personnels.

[20]          Selon Maurice Lepage, les responsabilités de la travailleuse se sont accrues au fil des ans. Le salaire de cette dernière était établi à 21 000 $ par année et elle recevait ce même salaire que ce soit pendant les périodes de pointe ou les périodes creuses. Un certain monsieur Blouin, commis-vendeur, recevait un salaire de 26 000 $ alors qu'il assumait moins de responsabilités que la travailleuse. Selon Maurice Lepage, la travailleuse devrait recevoir 10 000 $ à 15 000 $ de plus par année vu ses responsabilités.

[21]          La travailleuse corrobore le témoignage de son père. Elle affirme que ses responsabilités se sont accrues au cours des années et admet avoir bénéficié de prestations d'assurance-chômage durant son congé de maternité en 1995. Elle admet également ne pas avoir exercé son droit d'appel pour les années antérieures.

[22]          La preuve a révélé qu'il existait un contrat de louage de services entre l'appelante et la travailleuse pour la période du 1er janvier au 10 novembre 1999. Le Ministre n'a pas statué sur l'aspect des conditions travail et sur le lien de dépendance existant entre les parties.

[23]          Il est à noter que ledit monsieur Blouin bénéficiait de conditions de travail plus avantageuses que la travailleuse. La travailleuse oeuvrait également à la maison le soir, durant les fins de semaine et même pendant ses vacances sans être rémunérée.

[24]          Il est raisonnable de conclure que la travailleuse n'aurait pas été engagée avec les mêmes conditions de travail s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre elle et l'appelante. Compte tenu de toutes les circonstances, la Cour conclut que la travailleuse n'occupait pas un emploi assurable au sens de l'alinéa 5(2)i) de la Loi puisqu'il existait un lien de dépendance entre elle et l'appelante.

[25]          En conséquence, l'appel est admis et la décision du Ministre est modifiée en tenant compte du fait que la travailleuse n'occupait pas un emploi assurable pour la période du 1er janvier au 10 novembre 1999.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-2493(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Planchers de Bois Franc 2000 (Laval) Inc. et

M.R.N. et Johanne Lepage

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 28 mai 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge suppléant J.F. Somers

DATE DU JUGEMENT :                      le 18 juillet 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                  Maurice Lepage (représentant)

Pour l'intimé :                                         Me Marie-Aimée Cantin

Pour l'intervenante :                              L'intervenante elle-même

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

                                                                               

Pour l'intimé :                                         Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

Pour l'intervenante :

2000-2493(EI)

ENTRE :

PLANCHERS DE BOIS FRANC 2000 (LAVAL) INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

JOHANNE LEPAGE,

intervenante.

Appel entendu le 28 mai 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Maurice Lepage

Avocate de l'intimé :                            Me Marie-Aimée Cantin

Pour l'intervenante :                             L'intervenante elle-même

JUGEMENT

          L'appel est admis et la décision rendue par le Ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

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