Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

97-600(IT)I

ENTRE :

SALVATORE TIZZONI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 5 novembre 1997 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Philippe Canning

Représentante de l'intimée :                  Claudie Senay (Stagiaire en droit)

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu dont l'avis porte le numéro 09037 et est daté du 23 juillet 1996 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de janvier 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


Date: 19980113

Dossier: 97-600(IT)I

ENTRE :

SALVATORE TIZZONI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel concernant la responsabilité des administrateurs en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2]      La question en litige est de savoir si l'appelant a exercé la diligence requise au sens du paragraphe 227.1(3) de la Loi.

[3]      Monsieur Joseph Petraccione et l'appelant ont témoigné à la demande de l'avocat de l'appelant. Madame Nicole Bélanger a témoigné à la demande de la représentante de l'intimée.

[4]      Au début de l'audience, la représentante de l'intimée a demandé la permission d'apporter quelques corrections à la Réponse à l'avis d'appel ( « la Réponse » ). L'avocat de l'appelant ne s'étant pas opposé à cette demande, permission fut accordée.

[5]      Les faits que le Ministre a pris pour acquis pour cotiser l'appelant sont décrits aux paragraphes 6 et 7 de la Réponse (telle que corrigée) et sont les suivants :

6.          By Notice of Assessment No. 09037 dated July 23rd, 1996, the Minister of National Revenue (the "Minister") assessed the Appellant for federal income tax deducted at source but not remitted by Da Vinci Marble and Granit Inc. (the "Corporation") and penalty and interest relating thereto as follows:

            FEDERAL TAX                                                           $ 7,124.91

            PENALTY AND INTEREST                              1,814.45

            ADDITIONAL INTEREST                                                161.90

                                                                                                $ 9,101.26

7.          In so assessing the Appellant, the Minister made the following assumptions of fact:

            a.          the Corporation ceased its operation in December 1994;

b.          a certificate for the amount of the corporation's liability has been registered in the Federal Court of Canada under section 223 and execution for such amount has been returned unsatisfied in whole.

c.          the Appellant was, at all material times, a director of the Corporation;

d.          the Corporation failed to remit to the Receiver General federal income tax withheld from the wages paid to its employees for the balance of the 1994-T4 amounting to $7,124.91;

e.          the Corporation failed to pay penalties and interest relating to the unremitted federal tax in the amounts of $1,883.68;

f.           additional interest, in the amount of $92.67, on unpaid amounts mentioned in sub-paragraphs d and e, was payable by the Appellant;

g.          the Appellant did not exercise the degree of care, diligence and skill to prevent the failure to remit the said amount by the Corporation that a reasonably prudent person would have exercised in comparable circumstances.

[6]      Les faits sur lesquels s'appuie l'appelant sont décrits à son Avis d'appel comme suit :

1.          The appellant, SALVATORE TIZZONI, is an investment partner in Da Vinci Marble and Granit Inc. The appellant did not participate in the everyday administration of the company, nor did he exercise direct control over the bookkeeping or other daily accounting affairs of the company.

2.          As a prudent and diligent businessman, the appellant required that a bookkeeping system be put in place and that a chartered accountant be mandated to overlook the affairs of the company as well as to insure that all taxes were punctually and fully paid.

3.          Having been assured that such systems had been in place, the appellant relied on the competence and administrative capacities of the involved and active directors of the company to ensure that the company would meet all its liabilities, specifically any tax liabilities as they became due.

4.          The appellant regularly asked his co-directors about the financial situation of the company.

5.          The co-directors mentioned that the company was experiencing rough times but that it was going to survive. They never mentioned problems relating to the payment of their creditors in particular Revenue Canada. The appellant relied on those financial officers and had no reason to question their information.

6.          The appellant was not aware that there were any problems concerning the payments to Revenue Canada. The appellant never expressly or implicitly authorized the decision not to remit the funds to Revenue Canada.

7.          The appellant was misled by his co-directors as to the financial situation of the company.

8.          The appellant has never committed any fraudulent, illegal or wilful acts with regards to the liabilities of the debtor company. The termination of the company's activities was brought on by difficult times in the industry as well as by a loss of confidence by the company's bankers subsequent to a seizure before judgment practiced by the landlord for unpaid rentals.

9.          The combination of all these factors were overwhelming and beyond the appellant's control. The appellant should not be made to assume the financial burdens of this corporation to respondent's claim.

10.        The appellant whom his an investment partner in Da Vinci Marble and Granit Inc. is without fault, having acted in good faith and as a prudent businessman would have in the circumstances. The facts presented here are sufficient and support this due diligence defence in favour of the appellant.

[7]      Les témoignages, tant celui de monsieur Petraccione que celui de l'appelant, ne sont pas vraiment allés dans le même sens que les raisons mentionnées dans l'Avis d'appel.

[8]      Monsieur Joseph Petraccione a expliqué à la Cour que de 1971 à 1982 il a travaillé comme journalier ou contremaître. En 1982, il a commencé sa propre entreprise de marbre et granit. En 1992, dans un désir d'expansion de son entreprise, il a souhaité acquérir l'équipement incluant la machinerie et l'inventaire d'une entreprise de marbre, granit et tuiles céramiques du nom de European Marble, située rue Jarry, à Montréal au coût de 300 000 $.

[9]      Monsieur Petraccione n'avait pas le capital nécessaire et il a parlé de son projet d'acquisition à l'appelant qu'il connaissait depuis environ deux ans. L'appelant avait, entres autres entreprises, une entreprise de fabrication d'armoires de cuisine et il requérait de temps à autres les services de monsieur Petraccione pour des comptoirs de cuisine en marbre ou en pierre. L'appelant a accepté de participer à l'acquisition. En fait, selon son témoignage il a participé activement à la mise en place du capital nécessaire à Marbre et Granit Da Vinci Inc. ( « Da Vinci » ) pour acquérir l'entreprise de European Marble. Monsieur Petraccione et l'appelant ont chacun investi 60 000 $ et ont obtenu la différence par un prêt de la Banque nationale dans le cadre du programme gouvernemental d'aide aux petites entreprises. Da Vinci a occupé les mêmes locaux que l'entreprise acquise. Le propriétaire de l'immeuble a accepté d'accorder six mois de location gratuite pour par la suite le louer au montant de 14 000 $ par mois.

[10]     L'entreprise comportait un atelier où on coupait la pierre et une salle de montre pour les ventes de gros et détail. L'entreprise employait sept à neuf personnes. La superficie des lieux étaient d'environ 25 000 pieds carrés.

[11]     Monsieur Petraccione s'occupait de la gérance de l'entreprise, tant de l'aspect opérationnel que de l'administration de bureau. Monsieur Petraccione a fait une faillite personnelle en octobre 1995.

[12]     Monsieur Petraccione témoigne pour dire qu'il faisait rapport à l'appelant quelques fois par mois et qu'il disait alors à l'appelant que tout allait bien parce qu'en fait il croyait que tout irait bien et qu'il obtiendrait des contrats qui ne sont jamais venus. L'appelant ne venait pas souvent sur les lieux. C'est monsieur Petraccione qui allait le voir à son bureau, deux fois par mois, pour lui faire signer les chèques.

[13]     Chez Da Vinci, il y avait une secrétaire qui faisait la tenue de livres et un comptable qui venait deux ou trois fois par année pour faire une certaine vérification.

[14]     Ce comptable aurait fait, en juin 1994, un premier état financier pour l'année fiscale se terminant en décembre 1993. Cet état n'a pas été déposé. Monsieur Petraccione dit que l'état des résultats ne montrait pas de perte pour la première année d'opération mais que c'était probablement dû au fait que l'entreprise n'avait pas payé de loyers les six premiers mois. Aucune déclaration d'impôt sur le revenu n'a été produite par Da Vinci.

[15]     A partir du mois de juillet 1994, les loyers n'ont plus été payés. En décembre 1994, le propriétaire de l'immeuble a fait effectuer une saisie de l'équipement et de l'inventaire de l'entreprise et fermer les portes de cette dernière. Une lettre de la Banque nationale du Canada adressée à Revenu Canada, en date du 28 décembre 1995 et produite comme pièce I-6, explique ainsi les événements :

...

À la fin de l'année 1994, le locateur des lieux où se trouvaient les stocks gagés et cédés en faveur de la Banque a fait procéder à leur saisie. C'est alors que la Banque a exigé d'être payée immédiatement du solde dû. La Banque qui détenait la garantie sur les stocks en vertu de l'article 427 de la Loi sur les Banques a obtenu mainlevée de la saisie et a alors demandé que la possession des stocks lui soit remise pour qu'elle puisse en disposer. La Banque a disposé de ces stocks pour le prix de 115 000 $ en paiement des avances dues.

Nous vous annexons copie de la garantie en vertu de la section 427 de la Loi sur les Banques consentie par la cliente.

[16]     L'appelant est un homme d'affaires. Il est le vice-président de GIT Aluminium, une corporation qui fabrique des portes et fenêtres et emploie environ 70 personnes. Il est le président de Canac Cellini Québec Inc., une corporation qui fabrique des armoires de cuisine. Il consacre 80 pour cent de son temps à la première et 20 pour cent de son temps à la deuxième. Il participe aussi, mais comme investisseur plutôt, dans une entreprise du nom de Thermalite.

[17]     En tant qu'administrateur d'autres compagnies, l'appelant connaissait bien les obligations d'un administrateur et il témoigne qu'il posait les questions normales d'un administrateur qui voit à la bonne gestion de l'entreprise. Mais monsieur Petraccione lui répondait que tout allait bien. De plus, le comptable était son comptable, un homme en qui il avait confiance.

[18]     Lors de l'acquisition de Da Vinci, tel que dit précédemment, l'appelant a mis beaucoup d'effort pour obtenir le capital nécessaire. Mais il a laissé la gestion de l'entreprise à monsieur Petraccione car il n'avait pas d'expérience dans le granit et le marbre. Il n'a pas reçu de rémunération de Da Vinci. Il espérait tout simplement un retour avantageux de son investissement. Un des avantages qu'il prévoyait, à part un accroissement de son capital, était d'obtenir de meilleurs prix pour les comptoirs de cuisine. C'était là selon l'appelant la limite de son intérêt dans Da Vinci : un investissement.

[19]     Toutefois pour être valides les chèques exigeaient deux signatures, celle de l'appelant et celle de monsieur Petraccione. La pièce I-1 est une résolution du Conseil d'administration de la corporation pour les fins bancaires, en date du 11 janvier 1993. On y voit que le président et le secrétaire de la corporation doivent tous les deux signer. L'appelant a signé cette résolution à titre de secrétaire. L'appelant n'a pas nié qu'il devait signer tous les chèques émis par Da Vinci. Il en donne comme raison qu'il devait surveiller les dépenses, vu qu'il avait investi beaucoup d'argent dans cette entreprise.

[20]     La pièce I-2 est constituée de trois chèques à l'ordre du Receveur général du Canada et faits respectivement le 1er décembre 1994, le 5 décembre 1994 et le 23 décembre 1994. Le premier indique que c'est pour les déductions d'octobre 1994, le deuxième, pour celles de septembre 1994 et sur le troisième, il n'y a pas d'indication. Les chèques sont aux montants respectifs de 3 475 $, 2 556,48 $ et 1 210 $. Ces chèques ont été produits aux fins de démontrer que l'appelant signait tous les chèques de l'entreprise et qu'il était donc au courant des paiements qui n'auraient pas été faits au Receveur général. Un autre chèque a été produit comme pièce I-3, en date du 28 mars 1995, au montant de 2 000 $. A l'égard de celui-ci, l'appelant n'a pas reconnu sa signature.

[21]     La pièce I-4 est une demande de crédit et promesse de donner des garanties aux termes de l'article 427 de la Loi sur les banques. Elle est signée par les deux administrateurs.

[22]     Madame Nicole Bélanger est un agent de recouvrement pour Revenu Canada. Elle a confirmé que Da Vinci n'avait produit aucune déclaration de revenu. Elle a aussi fait état que tout au long de son existence, l'entreprise Da Vinci a été presque tous les mois de l'année en retard dans le paiement des déductions à la source et a encouru des pénalités pour remise tardive.

Arguments et conclusions

[23]     L'avocat de l'appelant a fait valoir que l'appelant avait mis en place un système administratif fiable pour s'assurer du paiement des déductions à la source faites sur les salaires des employés, en s'assurant de la présence quotidienne d'une personne qui s'occupait de la tenue des livres et de la présence ponctuelle de son comptable.

[24]     Il fait aussi valoir que l'appelant n'avait aucune raison de douter des propos rassurants de monsieur Petraccione, qui était un honnête homme et un bon administrateur et qu'il faut aussi prendre en considération que l'appelant ne participait dans l'entreprise de Da Vinci qu'à titre d'investisseur et ne s'était pas impliqué dans l'administration opérationnelle de l'entreprise.

[25]     La représentante de l'intimée a fait valoir que l'appelant était sérieusement impliqué dans l'entreprise, qu'il avait investi autant d'argent que monsieur Petraccione, qu'il signait tous les chèques de l'entreprise ainsi que ceux faits à l'entreprise. Les chèques déposés comme pièce I-2 montrent que l'appelant ne pouvait qu'être au courant du retard à payer les déductions à la source. L'entreprise n'a pas produit de déclaration d'impôt, ce qui ne peut que signifier que le comptable n'a pas reçu le mandat d'en préparer une. Il y a eu des problèmes répétés de retard dans les remises de déductions à la source.

[26]     Je suis d'avis que la preuve a révélé que l'appelant était tout aussi impliqué dans l'administration financière de Da Vinci que monsieur Petraccione. Il avait investi le même montant d'argent que monsieur Petraccione et était un cosignataire de tous les chèques émis par la corporation. L'appelant n'a pas déposé en preuve les livres de Da Vinci qui auraient fait la preuve que monsieur Petraccione lui faisait signer des chèques qui étaient en accord avec les comptes inscrits au livre mais que ces inscriptions étaient fautives et avaient pour but de l'induire en erreur.

[27]     L'appelant soumet qu'il a pris les mesures nécessaires pour payer les déductions à la source en voyant à ce qu'une commis aux écritures soit engagée et que les services d'un comptable soient requis. Il ne suffit pas de dire que l'on a mis tout en place pour prévenir le manquement, encore faut-il en faire la preuve. D'une part, ces personnes n'ont pas été appelées à témoigner et, d'autre part, ce qui a encore plus de signification, aucune preuve documentaire n'a été produite par l'appelant. Cette preuve, ce sont les chèques signés en accord avec les livres de l'entreprise. L'appelant est un administrateur d'autres entreprises et a l'expérience nécessaire en ce qui concerne les différentes créances à payer et ne signait sûrement pas les chèques aux fournisseurs, aux employés et aux autorités gouvernementales sans voir les livres tenus à cet égard. Les seuls documents produits sont les chèques et ils ont été produits par l'intimée et ils sont tous en date du dernier mois de l'existence de l'entreprise. En conclusion, il n'y a pas de preuve que l'appelant a été induit en erreur ni qu'il a agi en conformité avec les exigences de la Loi au cours de l'existence de l'entreprise.

[28]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de janvier 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       97-600(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Salvatore Tizzoni et La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 5 novembre 1997

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    le 13 janvier 1998

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                        Me Philippe Canning

Pour l'intimée :                          Claudie Senay (Stagiaire en droit)

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :           Me Philippe Canning

                   Étude :                   Izzi, Di Iorio, Canning

Pour l'intimée :                          George Thomson

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.