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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-933(IT)I

ENTRE :

MICHAEL LAWRENCE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 6 janvier 1998 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge T. P. O'Connor

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Nancy Arnold

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont admis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de déduire des frais judiciaires de 13 845,78 $ pour 1994 et de 5 170,19 $ pour 1995.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 1998.

« T. P. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de janvier 2003.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19970116

Dossier: 97-933(IT)I

ENTRE :

MICHAEL LAWRENCE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé les montants de 13 845,78 $ et de 31 170,19 $, dont l'appelant avait demandé la déduction à titre de frais judiciaires en 1994 et en 1995 respectivement, et la question à trancher est de savoir si la cotisation établie par le ministre était fondée.

[2]      Les faits essentiels sont les suivants. Avant février 1991, l'appelant était un agent immobilier accrédité et il travaillait pour Homelife Solaris Realty Inc. ( « Homelife » ).

[3]      En février 1991, l'appelant ainsi que huit autres particuliers ont quitté leur emploi chez Homelife. Trois des neuf particuliers, dont l'appelant, ont formé une nouvelle société, Four Seasons Real Estate Inc. ( « Four Seasons » ). Ils avaient tous trois la propriété effective, à part égales, de Four Seasons par l'intermédiaire d'une société à dénomination numérique.

[4]      Dans une déclaration datée du 19 juin 1992, Homelife a intenté une poursuite d'un million de dollars contre, notamment, Four Seasons et les neuf particuliers, dont l'appelant, alléguant, entre autres choses, qu'ils avaient volé des listes de clients, des dossiers, des plans, des clés et des clients de Homelife. Même si la déclaration ne fournit aucune précision à ce sujet, il s'agissait d'une réclamation conjointe et solidaire.

[5]      Dans un jugement rendu par la Cour de justice de l'Ontario - Division générale, le 8 février 1995, Four Seasons et six des particuliers en cause (dont l'appelant) ont été condamnés conjointement et solidairement à verser à Homelife la somme de 70 000 $ (trois autres défendeurs avaient déclaré faillite). Ce jugement donnait suite à un règlement amiable intervenu entre les avocats des parties respectives. Homelife a fermé ses portes en 1994, mais il n'existe aucune preuve que l'entreprise a cessé d'exister sur le plan légal.

[6]      L'appelant a payé sa part des frais judiciaires engagés pour assurer sa défense relativement à la réclamation et en venir ultérieurement à un règlement amiable. Ainsi qu'il a été précisé, les frais s'élevaient à 13 845,78 $ en 1994. Pour l'année 1995, ils s'élevaient à 31 170,14$, mais ils englobaient un montant de 26 000 $, que l'appelant avait envoyé à ses avocats et qui représentait sa part du règlement amiable de 70 000 $.

Plaidoiries

[7]      Le ministre fait valoir que, l'appelant étant un ancien employé d'Homelife, il n'a dès lors pas le droit, aux termes des paragraphes 8(1) et (2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), de déduire les frais judiciaires en cause parce qu'ils ne représentent pas des frais judiciaires engagés par l'appelant pour recouvrer le traitement ou salaire ou encore l'allocation de retraite qui lui est dû ou pour établir un droit à ceux-ci, et ils n'ont pas été payés aux fins de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

[8]      L'appelant attire l'attention sur le Bulletin d'interprétation 99R4, plus particulièrement sur la première phrase du paragraphe 4, reproduite ci-après :

4. En général, les frais juridiques engagés à des fins de poursuite ou de défense dans le cas de la plupart des délits, contrats et autres réclamations de droit civil ou dans le cours habituel de l'exploitation d'une entreprise sont déductibles.

[9]      L'appelant a aussi affirmé qu'il avait été contraint d'accepter le règlement amiable pour des motifs d'ordre financier. Le rejet du règlement lui aurait occasionné des frais encore plus élevés pour assurer sa défense pendant les quelque six semaines qu'aurait duré le procès si l'affaire avait été entendue par les tribunaux. En outre, Homelife avait fermé ses portes et n'avait pas d'actifs et, même si l'appelant obtenait gain de cause, il lui était impossible de recouvrer quelque montant que ce soit auprès d'Homeline au titre des frais engagés. L'appelant soutient de plus que le montant de 26 000 $, bien qu'il représente sa part du règlement amiable, devrait néanmoins être déductible. Il attire l'attention sur le fait qu'il a remis ce montant à son avocat et qu'Homelife avait fermé ses portes en 1995.

Analyse

[10]     Je suis d'avis que le paragraphe 4 du Bulletin d'interprétation 99R4 ne s'applique pas parce que la réclamation ne s'inscrit pas dans le cours habituel de l'exploitation d'une entreprise. Par ailleurs, je ne crois pas non plus que les paragraphes 8(1) et (2) de la Loi s'appliquent. L'appelant avait quitté son emploi chez Homelife et il n'était plus un employé. En outre, en sa qualité d'agent immobilier, sa rémunération provenait principalement des commissions qu'il recevait. Il ne touchait pas juste un salaire. Par exemple, dans la déclaration de revenus de l'appelant pour l'année 1994 et le relevé T4 délivré par l'employeur cette année-là, il est fait état d'un « revenu d'emploi » en même temps que de « commissions » .

[11]     En outre, la réclamation ne se rapportait pas à une relation courante ou antérieure de l'employé et de l'employeur. C'était une demande de dédommagement de l'ancien employeur pour violation par l'ancien employé d'une entente de non-concurrence.

[12]     Les frais judiciaires ont été engagés par Four Seasons et le groupe de particuliers pour assurer leur défense relativement à la réclamation. Ils n'ont pas été engagés dans le contexte du contrat de travail antérieur mais plutôt dans celui de la nouvelle entreprise de courtage immobilier exploitée par Four Seasons et les particuliers. Au surplus, la réclamation était conjointe et solidaire, de sorte que l'appelant aurait pu être obligé de rembourser la totalité du montant réclamé. Cet élément, selon moi, exclut carrément la possibilité de situer la réclamation dans le contexte d'une relation employeur-employé.

[13]     Les conclusions que je viens de tirer sont quelque peu affaiblies par le fait que l'entreprise de Four Seasons a fermé ses portes en septembre 1992. Cependant, la déclaration a été déposée en juin 1992, ce qui a obligé l'appelante et les autres particuliers à retenir les services d'un avocat et à payer les frais judiciaires exigés pour assurer leur défense et en venir ultérieurement à un règlement amiable.

[14]     Par conséquent, j'estime que l'appelant a le droit de déduire le montant de 13 845,78 $ pour 1994. En ce qui concerne l'année 1995, cependant, je suis d'avis qu'il peut juste déduire un montant de 5 170 19 $, soit le montant de 31 170,19 $ dont il a demandé la déduction moins le montant de 26 000 $ qui représente sa part du montant convenu dans le cadre du règlement amiable. Autrement dit, le montant de 26 000 $ ne représente pas des frais judiciaires, mais plutôt des dommages-intérêts.

[15]     Il existe une abondante jurisprudence sur la question de savoir si un montant versé à titre de dommages-intérêts est de la nature d'une immobilisation (non déductible) ou d'un revenu et/ou d'une dépense (déductible), chaque affaire étant un cas d'espèce.

[16]     En l'espèce, je n'arrive pas à voir, en adoptant le point de l'appelant, de quelle manière le montant de 26 000 $ pourrait être considéré comme un revenu ou une dépense. Il n'a nullement servi à tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.


[17]     En conclusion, les appels sont admis, en tenant compte de ce qui suit. L'appelant a le droit de déduire les montants de 13 845,78 $ et de 5 170,19 $ à titre de frais judiciaires pour les années 1994 et 1995 respectivement. L'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en conséquence.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 1998.

« T. P. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de janvier 2003.

Isabelle Chénard, réviseure

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