Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-2986(IT)I

ENTRE :

WILLIAM O. BLAGDON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 17 janvier 2002 à St. John's (Terre-Neuve), par

l'honorable juge en chef adjoint D.G.H. Bowman

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :                 Me Cecil Woon

                                                Me John Bodurtha

JUGEMENT

          Il est ordonné que l'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 soit rejeté.

Signé à Toronto, Canada, ce 8e jour de février 2002.

« D.G.H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de juillet 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020208

Dossier: 2001-2986(IT)I

ENTRE :

WILLIAM O. BLAGDON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      L'appel en l'instance est interjeté à l'encontre d'une cotisation établie pour l'année d'imposition 1999 de l'appelant, par laquelle le ministre du Revenu national a refusé à l'appelant une déduction de 7 167,72 $ demandée en vertu de l'alinéa 8(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La déduction demandée portait sur deux montants :

(a)       des frais judiciaires de représentation de 6 249 $ engagés lors d'une enquête de Transports Canada portant sur des allégations d'incompétence à la suite d'une explosion survenue en 1997 à bord d'un pétrolier dont il était le capitaine;

(b)      des frais judiciaires de 918 $ engagés relativement à une action intentée contre un ancien employeur, T.B. Services Ltd., pour congédiement injustifié. Le montant réel était de 651,59 $. Je n'ai toutefois pas tenté de faire concorder les chiffres.

[2]      En 1996, l'appelant a été embauché comme capitaine du pétrolier M/V Petrolab qui transportait de l'essence et du carburant diesel vers des ports des côtes de Terre-Neuve et du Labrador. Le propriétaire du pétrolier a demandé à l'appelant s'il désirait travailler de nouveau en 1997. L'appelant a répondu qu'il travaillerait seulement si des modifications étaient apportées au navire. Le propriétaire, William Normore, a alors indiqué qu'il apporterait les modifications demandées. L'appelant est donc retourné au travail au printemps 1997 en exigeant que les modifications soient effectuées dans les 90 jours à compter du 25 mai 1997.

[3]      Le 19 juillet 1997, au port de St. Barbe situé dans la péninsule Northern, une grave explosion est survenue lors du nettoyage du navire. Deux personnes ont été tuées, d'autres blessées et le navire a été détruit.

[4]      Une première enquête a été tenue en 1997 en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada suivie d'une autre enquête en 1998, relativement à des allégations d'incompétence de l'appelant en lien avec l'accident survenu en 1997.

[5]      La commission d'enquête devait essentiellement se pencher sur quatre allégations d'incompétence. La preuve n'est pas suffisamment claire pour démontrer si des accusations ont réellement été déposées ou si l'enquête visait plutôt à déterminer si des accusations devaient être portées.

[6]      Dans l'ensemble, les allégations étaient les suivantes :

(a)       le non-respect des dispositions du Règlement sur les mesures de sécurité au travailpris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada;

(b)      le défaut de faire utilisation de la citerne à résidus avant l'explosion et l'utilisation du cofferdam à la place;

(c)      le défaut de procéder aux activités de nettoyage du pétrolier de façon sécuritaire (plusieurs manquements précis ont été allégués à ce sujet);

(d)      le non-respect des dispositions de la partie II du Code canadien du travail (plusieurs manquements aux mesures de sécurité prescrites ont été allégués).

[7]      L'appelant a retenu les services de Me Corwin Mills, c.r., afin de réfuter ces allégations. Je conviens avec l'appelant que si les accusations avaient été établies, il aurait pu perdre son brevet de capitaine pour une longue période si ce n'est de façon définitive.

[8]      Le 14 mai 1999, Me Mills a présenté une offre de règlement sous toutes réserves à M. Young des services juridiques de Transports Canada, qui se lit comme suit :

                   [TRADUCTION]

Entre-temps, notre client est disposé à régler l'affaire selon les termes suivants :

1.          que les accusations portées contre lui soient retirées et qu'un avis public en fasse état;

2.          qu'il accepte volontairement de ne pas être capitaine d'un pétrolier avant d'avoir suivi la formation requise;

3.          que le ministère assume une partie des frais judiciaires engagés.

[9]      L'offre a été rejetée, mais plus tard cet été-là les accusations portées contre l'appelant ont été retirées. Une fois les accusations retirées, Transports Canada a cependant suspendu le brevet de capitaine de l'appelant. Le brevet a ensuite été rétabli après que l'appelant a passé un examen.

[10]     La question est de savoir si les frais judiciaires engagés par l'appelant pour sa représentation devant la commission d'enquête ainsi que les frais judiciaires engagés pour l'action intentée pour congédiement injustifié contre T.B. Services Ltd. peuvent être déduits sous le régime de l'alinéa 8(1)b).

[11]     L'alinéa 8(1)b) est ainsi libellé :

8(1)       Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

b)          les sommes payées par le contribuable au cours de l'année au titre des frais judiciaires ou extrajudiciaires qu'il a engagés pour recouvrer le traitement ou salaire qui lui est dû par son employeur ou ancien employeur ou pour établir un droit à ceux-ci;

[12]     Au paragraphe 248(1), l'expression « traitement ou salaire » est ainsi définie :

« traitement ou salaire » Sauf aux articles 5 et 63 et à la définition de « prestation consécutive au décès » , le revenu que tire un contribuable d'une charge ou d'un emploi, calculé d'après la sous-section a de la section B de la partie I, y compris les honoraires touchés par le contribuable pour des services qu'il n'a pas fournis dans le cours des activités de son entreprise, mais à l'exclusion des prestations de retraite ou de pension, ainsi que des allocations de retraite.

[13]     Le paragraphe 248(1) définit l'expression « allocation de retraite » dans les termes suivants :

« allocation de retraite » Somme, sauf une prestation de retraite ou de pension, une somme reçue en raison du décès d'un employé ou un avantage visé au sous-alinéa 6(1)a)(iv), reçue par un contribuable ou, après son décès, par une personne qui était à sa charge ou qui lui était apparentée, ou par un représentant légal du contribuable :

a)          soit en reconnaissance de longs états de service du contribuable au moment où il prend sa retraite d'une charge ou d'un emploi ou par la suite;

b)         soit à l'égard de la perte par le contribuable d'une charge ou d'un emploi, qu'elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d'un tribunal compétent.

[14]     Aux termes du paragraphe 8(2), seuls les montants expressément prévus à l'article 8 sont déductibles dans le calcul du revenu tiré d'une charge ou d'un emploi.


[15]     J'examinerai brièvement la demande de déduction des frais judiciaires engagés relativement à l'action pour congédiement injustifié. L'action, si elle avait été accueillie, aurait donné lieu à des dommages-intérêts. Les dommages-intérêts liés à la partie d'une charge ou d'un emploi sont visés par la définition de « allocation de retraite » . Les allocations de retraite sont exclues de la définition de « traitement ou salaire » . L'alinéa 8(1)b) autorise la déduction de frais judiciaires engagés pour recouvrer un traitement ou un salaire ou pour établir un droit à ceux-ci. Par conséquent, une action en recouvrement des dommages-intérêts pour congédiement injustifié ne peut pas servir au recouvrement d'un traitement ou d'un salaire au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[16]     Je ne vois pas comment les frais judiciaires de 6 249 $ engagés afin de représenter l'appelant dans l'enquête de Transports Canada peuvent, de façon réaliste, être réputés être engagés pour recouvrer le traitement ou salaire qui est dû à l'appelant par son employeur ou ancien employeur ou pour établir un droit à ceux-ci. Rien n'indique qu'un traitement ou un salaire était dû à l'appelant par son employeur. En fait, le lien entre l'enquête et un traitement et un salaire était au mieux lointain et indirect. Il est vrai que si l'appelant avait perdu son brevet de capitaine, le traitement ou le salaire qu'il aurait pu recevoir par la suite d'employeurs éventuels aurait sans doute été sévèrement touché. Néanmoins, la représentation de l'appelant devant la commission d'enquête visait à protéger son moyen de subsistance plutôt qu'à recouvrer un traitement ou un salaire qui lui était dû.

[17]     Le procureur de la couronne a cité de nombreuses décisions. Il est inutile de les reproduire ici. La loi est claire. Toutefois, je les énumère puisqu'elles présentent un examen utile du droit dans ce domaine.

-         L'Écuyer c. La Reine, 95 DTC 175 ([1995] 2 C.T.C. 2983)

-         Turner-Lienaux c. R., C.A.F., no A-683-96, 5 mai 1997 ([1997] 2 C.T.C. 344)

-         Jazairi c. R., C.A.F., no A-782-99, 21 janvier 2001 ([2001] 2 C.T.C. 28)

-         Basque c. R., C.C.I., no 97-3813(IT)I, 7 octobre 1998 (1998 CarswellNat 3021)

-         G.A. Macdonald c. M.R.N., C.C.I., no 89-59(IT), 18 juillet 1990 ([1990] 2 C.T.C. 2269)

-         De Verteuil c. La Reine, C.C.I., no 92-710(IT), 30 juillet 1992 ([1993] 1 C.T.C. 2669)

[18]     Un dernier élément doit être mentionné. M. Blagdon a fait l'observation suivante :

[TRADUCTION]

Il me semble que ma situation est analogue à celle de l'exemple donné au paragraphe 29 du bulletin IT-99R5. Il y est indiqué qu'un employé peut déduire les montants raisonnables qu'il a payés durant l'année au titre de frais judiciaires résultant d'un événement qui, de par sa nature même, comporte des risques qui sont habituellement liés à une activité génératrice de revenus. Dans mon cas, une suspension de longue durée aurait eu un sérieux impact sur ma capacité à gagner un revenu.

[19]     L'article 29 du Bulletin d'interprétation 99R5 se lit comme suit :

            Un employé qui a le droit de déduire des dépenses en vertu de l'alinéa 8(1)f) (voir la dernière version du bulletin IT-522, Frais afférents à un véhicule à moteur, frais de déplacement et frais de vendeurs engagés ou effectués par les employés) peut déduire les montants raisonnables qu'il a payés durant l'année au titre de frais juridiques résultant d'un événement qui, de par sa nature même, comporte des risques qui sont habituellement liés à une activité génératrice de revenus. Par exemple, un agent immobilier peut déduire les frais juridiques qu'il a engagés pour sa défense lorsqu'il est accusé de fausse déclaration dans le cas de l'échec d'une vente. Toutefois, il ne peut pas déduire les frais juridiques d'ordre personnel ou qui se rapportent au capital, comme les frais qui sont directement attribuables à un accident de voiture qui a lieu alors qu'il utilisait l'automobile à des fins personnelles, ni les frais engagés pour protéger le permis qui lui permet de toucher des commissions sur la vente d'immeubles.

[20]     Cet article traite des dépenses d'employés qui vendent des biens ou qui négocient des contrats en vertu de l'alinéa 8(1)f). Il ne s'agit aucunement de la situation de M. Blagdon.

[21]     Je ressens une très grande sympathie pour M. Blagdon. Bien qu'il paraisse ne pas être responsable du tragique accident survenu, il a dû se défendre afin de poursuivre sa vie professionnelle. Si les revenus qu'il a obtenus comme capitaine de navire avaient été des revenus d'entreprise, il semble probable qu'il aurait pu déduire ces dépenses. Je regrette de ne pouvoir aider l'appelant, mais la loi est claire.

[22]     L'appel est rejeté.

Signé à Toronto, Canada, ce 8e jour de février 2002.

« D.G.H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de juillet 2002.

Martine Brunet, réviseure

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.