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Date: 20020712

Dossier: 2001-1955-GST-I

ENTRE :

GUY BOUCHER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise ( « Loi » ) par laquelle le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) a refusé à l'appelant le remboursement de taxe sur les produits et services ( « TPS » ) pour habitation neuve au montant de 2 099,62 $ au motif que l'une des conditions requises par les dispositions du paragraphe 256(2) de la Loi n'aurait pas été rencontrée.

[2]            Les passages pertinents du paragraphe 256(2) de la Loi se lisent comme suit :

256(2) Remboursement - habitation construite par soi-même - Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

a) le particulier, lui-même ou par un intermédiaire, construit un immeuble d'habitation - immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété - ou y fait des rénovations majeures, pour qu'il lui serve de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

[3]            Pour établir cette cotisation, le Ministre s'est fondé sur les faits qui se retrouvent aux alinéas 4b) et suivants de la Réponse à l'avis d'appel et qui se lisent comme suit :

b)        l'Appelant n'était pas un inscrit durant la période en litige;

c)        l'Appelant réclame un remboursement de la taxe (TPS) pour habitation neuve auquel il n'a pas droit pour les raisons suivantes :

i)            toutes les adresses officielles de l'Appelant sont dans la région de Montréal, soit au 90 rue Lacaille à St-Constant, Province de Québec, J5A 1B2 ;

ii)          l'Appelant a fait construire en 1998 une résidence ou habitation au 1102 Chester à Val-Bélair, Province de Québec, sur un terrain acquis par lui-même en 1996 ;

iii)         l'Appelant travaille comme policier dans la région de Montréal, avant, pendant et après la période en litige ;

iv)         l'Appelant habite avec sa conjointe et ses enfants au 90 rue Lacaille à St-Constant avant, pendant et après la période en litige ;

v)         l'habitation pour laquelle la demande de remboursement a été effectuée ne constitue pas la résidence habituelle de l'Appelant et non plus de ses proches ;

vi)        les proches de l'Appelant, soit la conjointe ainsi que ses enfants, n'habitent pas et n'ont jamais habité, à titre de résidence habituelle, l'habitation de Val-Bélair qui fait l'objet de la demande de remboursement de taxe (TPS) pour habitation neuve et ce, avant, pendant et après la période en litige ;

vii)       la résidence de Val-Bélair fut vendue le ou vers le 16 octobre 2000 par l'Appelant sans que ce dernier l'ait utilisée à titre de résidence habituelle ;

viii)      les enfants de l'Appelant fréquentaient l'école dans la région de Montréal et non de Val-Bélair, qui est située dans la région de Québec ;

ix)         l'épouse de l'Appelant a fréquenté l'université de Montréal et s'est par la suite trouvée un emploi dans la région de Montréal pendant la période en litige ;

x)          aux fins de la police d'assurance, la propriété de Val-Bélair est considérée à titre de résidence secondaire ;

xi)         la situation de l'Appelant ne constitue pas une situation pour laquelle un remboursement pour habitation neuve peut être accepté par l'intimée puisque les conditions prévues par les dispositions de l'article 256(2) de la Loi sur la taxe d'accise (L.R.C. 1985, c. E-15) à l'effet que l'immeuble d'habitation à logement unique nouvellement construit doit servir de résidence habituelle au particulier ou encore servir ainsi pour un particulier ou ses proches ;

xii)        le ministre précise que l'Appelant ne peut réclamer et réclame sans droit le remboursement pour habitation neuve au montant de 2 099,62 $ pour la période de juin 2000 ;

[4]            L'appelant admet qu'il habitait à St-Constant dans la région de Montréal avec sa famille jusqu'à la fin des classes, soit jusqu'à la fin du mois de juin 2000. A ce moment, ils ont déménagé une partie de leurs meubles dans la résidence nouvellement construite de Val-Bélair, dans la région de Québec, et la femme de l'appelant s'y est installée avec ses enfants. Celle-ci venait de terminer un Baccalauréat en enseignement à l'Université de Montréal et se cherchait un emploi pour la rentrée scolaire, à l'automne 2000. Elle a fait des demandes d'emploi à Québec et à Montréal. Elle a fait les démarches auprès des écoles à Québec pour y inscrire ses enfants. Ceux-ci n'ont pu être inscrits en juin 2000 à cause de documents manquants.

[5]            La femme de l'appelant n'a eu aucune offre d'emploi au cours de l'été. Ce n'est qu'en septembre 2000 qu'elle a obtenu une offre d'emploi d'une commission scolaire à Montréal, qu'elle a finalement acceptée vers la fin du mois de septembre 2000, et pour laquelle elle travaille toujours.

[6]            C'est à ce moment, soit au mois de septembre 2000, que l'appelant et sa femme ont décidé de mettre la maison de Val-Bélair en vente. Celle-ci a été vendue en octobre 2000.

[7]            L'appelant a également mentionné que lui-même est policier à Montréal et qu'il n'avait pas l'intention de quitter cet emploi. Sa femme et lui, tous deux natifs de Québec, ont déménagé dans le passé à Montréal à cause de son emploi. Ils habitent depuis à St-Constant. Sa femme a suivi un cours de quatre ans à l'Université de Montréal et ils ont inscrits les enfants à l'école à Montréal. Toutefois, ils ont toujours eu l'intention de retourner à Québec. Lors de la dernière année universitaire de la femme de l'appelant, soit l'année scolaire 1999-2000, ils ont mis la maison de St-Constant en vente dans l'espoir d'aller s'établir à Québec à la fin de l'année scolaire. L'appelant a fait des démarches auprès de son employeur pour obtenir un horaire comprimé sur trois ou quatre jours, pour passer plus de temps avec sa famille à Québec. Toutefois, compte tenu que sa femme n'a pas obtenu d'emploi à Québec, ils ont abandonné en septembre 2000 l'idée de s'y installer et ont retiré leur maison de St-Constant du marché.

[8]            Il est utile également de souligner que l'appelant avait déjà mis en vente à l'automne de l'année 1999 la maison de Val-Bélair à Québec (dont la construction ne fut terminée qu'au début de l'année 2000), en même temps que celle de St-Constant. Ils espéraient, en vendant les deux maisons, avoir l'argent nécessaire pour construire une maison plus grande à Québec. Toutefois, aucune de ces deux maisons n'a été vendue à ce moment. Ils ont retiré du marché la maison de Val-Bélair pour aller s'y installer à la fin des classes, au mois de juin 2000. Ils ont laissé la maison de St-Constant en vente. Comme je le mentionnais plus haut, cette dernière maison n'étant toujours pas vendue en septembre 2000 et compte tenu des circonstances, ils l'ont retirée du marché et ont remis la maison de Val-Bélair en vente, laquelle a été vendue en octobre 2000.

[9]            Il est également utile de souligner qu'au cours de l'été 2000, l'appelant a ajouté deux pièces à la maison de Val-Bélair, afin de la rendre plus convenable pour leurs besoins. L'appelant a également mentionné qu'il n'y avait pas de téléphone dans la maison de Val-Bélair car ils utilisaient un téléphone cellulaire.

[10]          Par ailleurs, l'appelant a expliqué que la compagnie d'assurance avait considéré la maison de St-Constant comme résidence principale car il n'est pas possible d'avoir deux résidences principales sur une police d'assurance. Toutefois, il ne payait pas la prime élevée attribuable à un chalet relativement à la maison de Val-Bélair à Québec, mais la prime payable sur une résidence principale. C'est à cause de son emploi à lui, qu'il donnait l'adresse de St-Constant sur sa correspondance. Par contre, sa femme avait donné son adresse à Val-Bélair comme adresse de correspondance par suite de son déménagement en juin 2000.

[11]          Le seul point en litige est de déterminer si l'appelant a construit la résidence de Val-Bélair pour qu'elle lui serve de résidence habituelle comme l'exige l'alinéa 256(2)a) de la Loi.

[12]          Dans l'affaire Burrows c. La Reine, [1998] A.C.I. no 606 (Q.L.), laquelle m'a été référée par l'avocat de l'intimée, le juge Hamlyn reprenait la position du Ministre quant à savoir ce qu'est une résidence habituelle dans les termes suivants aux paragraphes 13 et 14 :

13    La position du ministre quant à savoir ce qu'est une "résidence habituelle" est énoncée dans le Mémorandum sur la TPS 500-4-5, Remboursements pour habitations et autres immeubles, qui dit :

"lieu de résidence habituelle" Habitation, en propriété conjointe ou autre, qui est destinée à être habitée par le particulier de façon permanente. Une seule résidence peut constituer le lieu de résidence habituelle d'une personne. Aux fins du remboursement, si une personne a plus d'un lieu de résidence, on tient compte des trois facteurs suivants pour déterminer si la résidence peut être considérée comme le lieu de résidence habituelle: l'intention du particulier ou des particuliers d'utiliser l'habitation à titre de lieu de résidence habituelle, la durée pendant laquelle le lieu est habité, et la désignation de l'adresse qui figure sur les documents personnels de la personne.

14    L'énoncé de politique P-130 du ministre intitulé Lieu de résidence précise la position du ministre quant au sens de l'expression "résidence habituelle". Ce document dit que, bien qu'une personne puisse avoir plus d'une résidence, elle ne peut avoir qu'une seule résidence habituelle. Pour déterminer le lieu de résidence habituelle, on devrait, selon l'énoncé de politique, prendre en considération l'objet du séjour, la durée de celui-ci et la présence physique à la résidence.

[13]          Il ressort de la preuve que l'appelant et sa femme ont construit la résidence de Val-Bélair avec l'intention d'aller s'y installer. L'appelant a bien mentionné qu'il n'aurait jamais construit sinon. D'ailleurs, le fait que la maison de St-Constant ait été mise en vente pendant presque un an à compter de l'automne 1999, soit un peu avant la fin des travaux de construction de la résidence de Val-Bélair qui se sont terminés au début de l'année 2000, en fait foi.

[14]          Dans l'affaire Bérubé c. La Reine, 2000 GTC 868, on reprenait les critères indicatifs d'une résidence habituelle dans l'énoncé de politique P-228 émis le 30 mars 1999, entre autres au paragraphe 5 où l'on dit ceci :

Critères indicatifs d'une résidence habituelle

[...]

5. Si le particulier possédait ou louait une autre résidence au moment où l'immeuble d'habitation ou la part dans la coopérative en question a été acquis ou construit ou a fait l'objet de rénovations majeures, la disposition de cette résidence ou une preuve claire que la résidence est mise en vente ou est louée au moment de l'occupation de l'immeuble ou de l'habitation ou avant peut indiquer que l'immeuble ou l'habitation est la résidence habituelle du particulier.

[15]          Je reconnais que c'est par le seul témoignage de l'appelant que l'information de la mise en vente de la résidence de la maison de St-Constant a été établie. Toutefois, ceci n'a pas été mis en doute par l'intimée lors du contre-interrogatoire et je n'ai aucune raison de douter de la crédibilité de l'appelant.

[16]          Par ailleurs, il est vrai que le fait que l'appelant ait mis en vente la résidence de Val-Bélair dès l'automne 1999 peut venir jeter un doute sur l'intention de l'appelant et sa famille de venir s'installer dans cette habitation en particulier, qui selon l'appelant était un peu petite pour ses besoins. Toutefois, il ressort de la preuve qu'en juin 2000, ils s'y sont installés avec l'intention d'y rester puisqu'ils ont agrandi la maison de deux nouvelles chambres et que la résidence de Val-Bélair avait déjà trois salles de bain.

[17]          Quant à la durée pendant laquelle l'appelant et sa famille ont habité la maison de Val-Bélair, il est clair qu'ils ont déménagé à la fin de l'année scolaire 2000 puisque la femme de l'appelant terminait ses études universitaires à l'Université de Montréal et ses propres enfants fréquentaient également à l'école à Montréal. On peut comprendre que la famille n'ait pas pu déménager avant. Par ailleurs, il ressort clairement que durant la période du mois de juin jusqu'au mois de septembre 2000, la famille a habité de façon permanente et habituelle à la résidence de Val-Bélair. Ce ne sont que les circonstances entourant le nouvel emploi de la femme de l'appelant, lesquelles n'ont été connues qu'au mois de septembre 2000, qui les ont obligés à revenir à Montréal s'y installer.

[18]          Je ne crois pas que l'on puisse dire que la résidence de Val-Bélair était une résidence secondaire. D'ailleurs, elle a été mise en vente en septembre 2000 dès que l'appelant a su que sa femme n'aurait pas d'emploi à Québec. À mon avis, si la femme de l'appelant s'était trouvé un emploi à Québec en septembre 2000, l'intimée n'aurait pas contesté le remboursement de la taxe (TPS) pour habitation neuve. Ce n'est pas parce que ses démarches ont été infructueuses dans la région de Québec que cela change le but de la construction de la résidence de Val-Bélair.

[19]          Pour ces raisons, je suis d'avis que l'appelant rencontre les conditions prévues au paragraphe 256(2) de la Loi, et plus particulièrement celle qui requiert que l'appelant ait construit la résidence de Val-Bélair pour qu'elle lui serve ainsi qu'à sa famille de résidence habituelle. Comme c'était là le seul point en litige, je suis d'avis d'accueillir l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12ième jour de juillet 2002.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-1955(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Guy Boucher c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 26 juin 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :                      12 juillet 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :                               l'appelant lui-même

Pour l'intimé(e) :                                    Me François Marcoux

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                                    Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-1955(GST)I

ENTRE :

GUY BOUCHER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 26 juin 2002 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Pour l'appelant :               L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :         Me François Marcoux

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 7 septembre 2000 et porte le numéro 001940677229G0001 pour la période de juin 2000 est admis, avec dépens s'il y a lieu, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a droit au remboursement de taxe sur les produits et services pour habitation neuve au montant de 2 099,62 $ aux termes du paragraphe 256(2) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12ième jour de juillet 2002.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

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