Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

98-949(IT)I

ENTRE :

LUC P. LANCE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 27 janvier 2000 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Avocat de l'appelant :                Me Serge Laurin

Avocate de l'intimée :                 Me Jade Boucher

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'impositions 1995 et 1996 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mars 2000.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.


Date: 20000315

Dossier: 98-949(IT)I

ENTRE :

LUC P. LANCE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'appels selon la procédure informelle, de cotisations établies par le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) pour les années d'imposition 1995 et 1996. En calculant son revenu, pour chacune de ces années, l'appelant a déduit les sommes de 5 500 $ et de 14 389,44 $ respectivement, à titre de paiement de pension alimentaire.

[2]      Le Ministre a accordé une déduction pour pension alimentaire de 4 800 $ pour chacune des années en question, refusant ainsi la déduction d'une somme de 700 $ pour l'année 1995 et de 9 589,44 $ pour l'année 1996.

[3]      Pour établir ces cotisations, le Ministre s'est appuyé sur les faits suivants énoncés au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel :

(a)         dans le jugement de divorce rendu le 14 octobre 1994, l'appelant a été tenu, notamment:

            (i)          de payer à Loretta Anderson (ci-après appelée « l'ancienne épouse » ) une pension alimentaire de 400 $ par mois pour les enfants issus du mariage;

            (ii)         d'effectuer le paiement de l'hypothèque, des impôts fonciers et de l'assurance-maison du foyer familial, somme représentant approximativement 799,12 $ par mois;

            (iii)        dans l'hypothèse où l'appelant omettrait de faire le paiement de l'hypothèque, des impôts fonciers et de l'assurance-maison, de verser à l'ancienne épouse la somme de 799,12 $ par mois, somme que celle-ci doit utiliser pour payer ces mêmes dépenses;

(b)         la déduction non acceptée au titre de la pension alimentaire, soit les sommes de 700 $ pour 1995 et de 9 589,44 $ pour 1996, vise le coût de l'hypothèque, des impôts fonciers et de l'assurance-maison du foyer familial où résident l'ancienne épouse et les enfants;

(c)         l'ancienne épouse n'a aucun pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à l'utilisation des sommes versées par l'appelant au titre de l'hypothèque, des impôts fonciers et de l'assurance-maison;

(d)         les sommes payées par l'appelant au titre de l'hypothèque, des impôts fonciers et de l'assurance-maison n'ont pas été versés directement à l'ancienne épouse;

(e)         dans le jugement du divorce entre l'appelant et l'ancienne épouse, il n'est précisé nulle part que les paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) s'appliquent aux sommes dues au titre de l'hypothèque, des impôts fonciers et de l'assurance-maison, et que ces montants sont réputés payés à l'ancienne épouse et reçus par elle à titre de paiements périodiques.

[4]      L'avocat de l'appelant a déposé en preuve avec l'accord de l'avocate de l'intimée le jugement de divorce entérinant l'entente de divorce intervenue entre l'appelant et son ex-conjointe. Il s'agit de la pièce A-1.

[5]      Les termes de cette entente repris dans le jugement de divorce stipulent, entre autres, ce qui suit :

JUDGMENT OF DIVORCE

. . .

            THE COURT RENDERS a judgment of divorce between the parties whose marriage was solemnized on the 1st of June 1984 at Elliot Lake, Province of Ontario, to take effect on the thirty-first day after the date of the present judgment;

            RATIFIES the agreement entered into by the parties and filed into the Court record, dated September 15th 1994, which document forms integral part of this judgment, including all renunciations, DECLARES it to be executory, ENJOINS the parties to abide therewith and, more particularly:

. . .

            ORDERS Defendant to pay to Applicant, for the said children, an alimentary allowance of $400.00 per month, payable in advance the first day of every month;

            The father will pay, as supplementary child support, the mortgage payment and the taxes of the property described in paragraphe (sic) 14 of the agreement, and the house insurance; that represents currently an amount of approximately $799.12 per month;

            In default by the father to undertake either one of the payments mentioned in the preceeding paragraph, he will pay to the mother, as supplementary support for the children the sum of $799.12 per month, such sum being used by the mother for the payment of the expenses mentioned in the proceeding (sic) paragraph;

. . .

            GIVES to the Applicant a formal right of use and habitation of the principal family residence.

[6]      Le seul point en litige consiste à déterminer si les sommes versées par l'appelant en paiement de l'hypothèque, des impôts fonciers et de l'assurance-maison sur la résidence familiale, lesquelles sommes sont évaluées à 799,12 $ par mois selon l'entente et le jugement de divorce, sont déductibles dans le calcul du revenu de l'appelant pour chacune des années 1995 et 1996.

[7]      L'intimée est d'avis que l'appelant ne peut déduire ces sommes puisque d'une part, il ne s'agit ni d'une pension alimentaire ni d'une allocation au sens de l'alinéa 60b) et du paragraphe 56(12) de la Loi. D'autre part, elle soutient que ces sommes ne sont pas réputées être payées par l'appelant à son ex-conjointe à titre d'allocation payable périodiquement aux termes du paragraphe 60.1(2) puisque le jugement de divorce n'en fait aucunement mention.

[8]      L'avocat de l'appelant ne semble pas contester qu'il ne s'agit pas d'une pension alimentaire au sens de la Loi puisque l'appelant et son ex-conjointe n'étaient plus mariés au cours des années en litige (voir Langstaff c. La Reine, [1996] A.C.I. no 1266 (Q.L.)). Il soutient que les sommes faisant l'objet du litige sont par ailleurs déductibles par le seul jeu du paragraphe 60.1(1) et de l'alinéa 60b) de la Loi. Selon lui, le libellé de ces deux dispositions écarte l'application des paragraphes 56(12) et 60.1(2) de la Loi. De façon subsidiaire, il soutient que ces sommes constituent une allocation payable périodiquement au sens des paragraphes 56(12) et 60.1(2) puisque les termes du jugement de divorce font référence à des sommes payées « as supplementary child support » . Selon lui, nul n'a besoin de faire référence spécifiquement aux paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) pour rendre ces sommes déductibles dans la mesure où les termes du jugement sont suffisamment clairs pour établir qu'il s'agit d'une allocation payable périodiquement.

Analyse

[9]      Au cours des années en litige, les articles pertinents de la Loi se lisaient comme suit :

ARTICLE 56: Sommes à inclure dans le revenu de l'année.

456(12)3

         (12) Non-application des al. (1)b), c) et c.1). Sous réserve des paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) et pour l'application des alinéas (1)b), c) et c.1) et 60b), c) et c.1), un montant reçu par une personne - appelée « contribuable » aux alinéas (1)b), c) et c.1) et « bénéficiaire » aux alinéas 60b), c) et c.1) - ne constitue une allocation que si cette personne peut l'utiliser à sa discrétion.

ARTICLE 60 : Autres déductions.

         Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

460b)3

b) Pensions alimentaires - un montant payé par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint à qui il était tenu d'effectuer le paiement, au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

460c)3

c) Prestation alimentaire - un montant payé par le contribuable au cours de l'année à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si les conditions suivantes sont réunies :

       (i) au moment du paiement et durant le reste de l'année, le contribuable vivait séparé du bénéficiaire,

       (ii) le contribuable est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire,

       (iii) le montant a été reçu en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province;

ARTICLE 60.1 : Paiements d'entretien.

         (1) Dans le cas où une ordonnance, un jugement ou un accord écrit visé aux alinéas 60b) ou c), ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement périodique d'un montant par un contribuable :

       a) soit à une personne qui est, selon le cas :

         (i) le conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable,

         (ii) si le montant est payé en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, un particulier de sexe opposé qui est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du contribuable;

       b) soit au profit de la personne, d'enfants confiés à sa garde ou à la fois de la personne et de ces enfants,

tout ou partie du montant, une fois payé, est réputé, pour l'application des alinéas 60b) et c), payé à la personne et reçu par elle.

460.1(2)3

         (2) Entente. Pour l'application des alinéas 60b) et c), le résultat du calcul suivant :

A - B

où :

A        représente le total des montants représentant chacun un montant, à l'exception d'un montant auquel les alinéas 60b) ou c) s'appliquent par ailleurs, payé par un contribuable au cours d'une année d'imposition en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, au titre d'une dépense (sauf une dépense relative à un établissement domestique autonome que le contribuable habite ou une dépense pour l'acquisition de biens corporels qui n'est pas une dépense au titre de frais médicaux ou d'études ni une dépense en vue de l'acquisition, de l'amélioration ou de l'entretien d'un établissement domestique autonome que la personne visée aux alinéas a) ou b) habite) engagée au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente pour subvenir aux besoins d'une personne qui est :

              a) soit le conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable,

              b) soit, si le montant est payé en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, un particulier de sexe opposé qui est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du contribuable,

         ou pour subvenir aux besoins d'enfants confiés à la garde de la personne ou aux besoins à la fois de la personne et de ces enfants, si, au moment où la dépense a été engagée et durant le reste de l'année, le contribuable et la personne vivaient séparés;

B        l'excédent éventuel du total visé à l'alinéa a) sur le total visé à l'alinéa b) :

              a) le total des montants représentant chacun un montant inclus dans le total calculé selon l'élément A relativement à l'acquisition ou à l'amélioration d'un établissement domestique autonome dans lequel la personne habite, y compris un paiement de principal ou d'intérêts sur un emprunt ou une dette contracté en vue de financer, de quelque manière que ce soit, l'acquisition ou l'amélioration,

              b) le total des montants correspondant chacun à 1/5 du principal initial d'un emprunt ou d'une dette visés à l'alinéa a),

         est, lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à tout paiement effectué à leur titre, réputé être un montant payé par le contribuable et reçu par la personne à titre d'allocation payable périodiquement.

[10]    L'alinéa 60b) prévoit la déduction de sommes payées à titre alimentaire à l'ex-conjoint. Dans le cas présent, il s'agit de sommes versées par l'appelant à des tiers. Aux termes du paragraphe 60.1(1), si le jugement de divorce prévoit le paiement périodique d'un montant par un contribuable au profit de son ex-conjoint ou d'enfants confiés à sa garde, ce montant sera réputé pour l'application des alinéas 60b) et c), payé à l'ex-conjoint et reçu par ce dernier.

[11]    Selon l'avocat de l'appelant, c'est bien le cas ici puisque le jugement de divorce impose à l'appelant le paiement de l'hypothèque, des taxes foncières et de l'assurance-maison en montants périodiques précis pour le bénéfice de son ex-conjoint et de ses enfants qui ont l'usage de la résidence familiale.

[12]    Selon l'avocat de l'appelant, le paragraphe 60.1(1) ne fait aucune référence au paragraphe 56(12) et il n'est donc pas nécessaire de faire la preuve que l'ex-conjoint pouvait utiliser ces sommes à sa discrétion pour les qualifier d'allocation. Selon lui, il est illogique d'appliquer les paragraphes 60.1(1) et 56(12) de façon concurrente puisque le paragraphe 60.1(1) traite spécifiquement des paiements à des tiers au profit de l'ex-conjoint ou d'enfants confiés à sa garde et que ces paiements ne peuvent de toute évidence, être utilisés à la discrétion de l'ex-conjoint. Selon l'avocat de l'appelant, dans la mesure où le paragraphe 60.1(1) trouve application, il n'est donc plus nécessaire de rencontrer les conditions du paragraphe 56(12). Il s'appuie sur la décision de la section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire La Reine c. Bryce, [1981] 1 C.F. 587, infirmée par la Cour d'appel fédérale mais rétablie selon lui par la Cour suprême du Canada par jugement sur consentement. L'avocat de l'appelant s'appuie également sur les décisions de cette Cour rendues dans Crewe c. La Reine, [1992] A.C.I. no 547 (Q.L.) et Langstaff, précitée.

[13]    La Cour d'appel fédérale a eu le loisir d'étudier ce point précis dans l'affaire La Reine c. Armstrong, [1996] A.C.F. no 599 (Q.L.). Le juge Stone s'exprime ainsi aux pages 7 à 9 :

[20] Je reconnais que l'interprétation du paragraphe 60.1(1) n'est pas aisée. Cependant, en toute déférence, je ne puis voir pourquoi la décision que la Section de première instance a rendue dans l'affaire Bryce est incontestable, comme le juge de la CCI le soutient, étant donné que la Cour d'appel fédérale l'a infirmée en appel. Il est vrai que la Cour suprême du Canada a infirmé à son tour ce jugement sur présentation d'une requête en chambre; cependant, comme il s'agit d'un jugement par consentement, il ne fait pas jurisprudence. Un jugement par consentement découle d'un accord des parties et, même s'il est consigné au dossier avec l'approbation d'un tribunal et lie les parties, il ne crée pas un précédent qui lie un tribunal inférieur [Voir Note 3 ci-dessous]. De plus, il semble évident qu'aucun argument n'a été présenté à la Cour suprême dans l'affaire Bryce au sujet de la question que la Cour d'appel fédérale a tranchée.

_______________

     Note 3 : Voir Prince et al. v. Frost-Johnson Lumber Co. et al., 250 S.W. 785 (Tx. Ct. of Civ. App.), p. 789. Voir également Belcher et al. v. Cobb et al., 86 S.E. 600 (S.C.N.C.), p. 602 et Cason v. Shute et al., 189 S.E. 495 (S.C.N.C.), p.495-496.

[21] Le paragraphe 60.1(1) n'intègre pas explicitement la définition du mot "allocation" au paragraphe 56(12). Cependant, il restreint sa propre application au paiement périodique d'un montant par le contribuable, en vertu d'un arrêt, une ordonnance, un jugement ou un accord écrit visé à l'alinéa 60b), c) ou c.1) ou une modification s'y rapportant..." intervenu après le 6 mai 1974. À mon avis, les descriptions pertinentes se trouvent dans le texte suivant des alinéas respectifs:

         60b) ... d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage ...

         60c) ... d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent, à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants du bénéficiaire ou à la fois du bénéficiaire et d'enfants du bénéficiaire ...

         60c.1) ... d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et d'enfants de celui-ci ...

[22] À mon avis, il est nécessaire de lire les termes restrictifs "à titre de pension alimentaire ou autre allocation" ou "à titre d'allocation" dans leur contexte particulier à l'intérieur de ces dispositions et de les considérer comme des termes décrivant entièrement les mots "arrêt, ordonnance, jugement ou accord écrit" du paragraphe 60.1(1). S'il en était autrement, tout arrêt, ordonnance, jugement ou accord écrit serait théoriquement visé par les descriptions.

[23] Il convient de souligner que ce langage descriptif ne figure pas au paragraphe 60.1(1). De plus, la définition du mot "allocation" du paragraphe 56(12) a été adoptée expressément, notamment, "pour l'application des alinéas... 60b), c) et c.1)". Le paragraphe 60.1(1) ne prévoit pas en soi la déduction d'un montant payé et reçu. Il a plutôt pour effet d'étendre le droit à la déduction qui est prévu aux alinéas 60b), c) ou c.1) en présumant que, "pour l'application des alinéas 60b), c) et c.1)", un montant "a été payé à la personne et reçu par celle-ci". À mon avis, il faut lire la définition du mot "allocation" contenue au paragraphe 56(12) de concert avec le paragraphe 60.1(1) de la Loi et interpréter cette dernière disposition en conséquence. Il s'ensuit que, étant donné que l'ex-conjointe n'avait aucune discrétion quant à l'utilisation des sommes d'argent, l'intimé ne peut les déduire de son revenu pour les années d'imposition en question [Voir Note 4 ci-dessous].

__________________

     Note 4: Dans l'arrêt La Reine c. Arsenault, [1996] F.C.J. no 202, une majorité de la Cour a conclu que les paiements sous forme de chèques faits à l'ordre d'un tiers, mais remis à l'ex-conjoint pour être donnés au tiers en paiement d'une pension alimentaire prévue dans une ordonnance et un accord de séparation pouvaient être déduits aux termes de l'alinéa 60b) de la Loi, étant donné que, d'après les faits, l'ex-conjointe "conservait le pouvoir discrétionnaire de décider comment la somme d'argent était versée...".

[24] Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a dit que, si cette interprétation était retenue, le paragraphe n'aurait aucun effet, parce que, dans le cas d'un contribuable qui verse des paiements périodiques "au profit" d'un ex-conjoint, des enfants ou des deux, ces paiements sont destinés à une fin particulière et ne laissent aucun pouvoir discrétionnaire au conjoint quant à la façon d'utiliser les sommes d'argent. S'il s'agit d'un problème, il découle du libellé clair de la Loi et, par conséquent, seul le Parlement peut le régler [Voir Note 5 ci-dessous].

_________________

     Note 5: Voir l'arrêt R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 685, décision du juge en chef Lamer, p. 704:

         Voici la proposition que j'adopterais : lorsqu'une législature adopte un texte législatif qui emploie des termes clairs, non équivoques et susceptibles d'avoir un seul sens, ce texte doit être appliqué même s'il donne lieu à des résultats rigides ou absurdes ou même contraires à la logique (Maxwell on the Interpretation of Statutes, op. cit., à la p. 29). Le fait qu'une disposition aboutit à des résultats absurdes n'est pas, à mon avis, suffisant pour affirmer qu'elle est ambiguë et procéder ensuite à une analyse d'interprétation globale.

Voir également l'arrêt Wilbur-Ellis Company of Canada Limited c. Sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise (1995), 129 D.L.R. (4th) 579 (C.A.F.), [1995] F.C.J. no 1435.

[25] L'allégement fiscal n'est pas disponible aux termes de la Loi pour un contribuable dans la position de l'intimé qui verse un paiement à un tiers au nom d'un ex-conjoint, des enfants ou des deux. Pourvu que les exigences de cette disposition soient respectées, le paragraphe 60.1(2) présume, "pour l'application des alinéas 60b), c) et c.1)", qu'un montant ainsi payé est un montant payé par ce contribuable et reçu par la personne au nom de laquelle il est payé à titre d'allocation payable périodiquement". C'est apparemment l'existence de cette nouvelle disposition qui a incité la Cour suprême du Canada à dire ce qui suit dans l'arrêt Gagnon, précité, p. 276 :

Avant de conclure, il y a lieu de noter qu'après l'audition de ce pourvoi par cette Cour, la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée par 1984 (Can.), chap. 45, art. 20. Selon ces modifications, des sommes comme celles dont il est question en l'espèce sont, à certaines conditions et jusqu'à concurrence de certains montants, réputées être payées et reçues à titre d'allocations payables périodiquement.

[14]    Ainsi, la seule façon pour que des paiements faits directement à des tiers puissent être déductibles, c'est de rencontrer les exigences du paragraphe 60.1(2). Par ailleurs, le juge Stone indiquait clairement que le paragraphe 60.1(2) ne peut être invoqué pour permettre la déduction des montants ainsi payés lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit, selon le cas, ne prévoit pas que les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) s'appliquent à tout paiement en vertu de ce document. Une telle interprétation est justifiée par l'un des objectifs visés par ce paragraphe, à savoir confirmer que les deux parties savent qu'il y a des attributs fiscaux à un tel jugement, ordonnance ou accord (voir Mambo c. La Reine, [1995] A.C.I. no 931 (Q.L.)).

[15]    Dans le cas qui nous occupe, aucune référence n'est faite aux paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) de la Loi, non plus qu'au traitement fiscal des sommes à être versées par l'appelant, comme c'était le cas dans La Reine c. Larsson, [1997] A.C.F. no 1044; et Pelchat c. La Reine, 97 DTC 945 (C.C.I.), citées par l'avocat de l'appelant. L'appelant ne peut donc se prévaloir du paragraphe 60.1(2) pour invoquer que les sommes payées à des tiers sont déductibles.

[16]    De plus, les paiements de l'hypothèque, des taxes foncières et de l'assurance-maison sont payables en sus de la pension alimentaire de 400 $ par mois que devait payer l'appelant à son ex-conjointe. Il ne s'agit pas de sommes payées en remplacement de la pension alimentaire prévue au jugement de divorce comme c'était le cas dans La Reine c. Arsenault, [1996] A.C.F. no 202 (Q.L.). Si l'appelant n'était pas en défaut de faire ces paiements, l'ex-conjointe n'était pas légalement en droit d'exiger que le paiement soit fait directement à elle plutôt qu'aux tiers. L'aurait-il été, qu'elle n'aurait pas eu le pouvoir discrétionnaire de décider comment la somme d'argent devait être versée en application de l'entente et du jugement de divorce. Elle n'avait donc aucune discrétion sur l'utilisation de ces paiements, de sorte qu'ils ne peuvent se qualifier comme une allocation au sens du paragraphe 56(12) de la Loi.

[17]    Pour ces motifs, je suis d'avis que l'appelant ne pouvait déduire les sommes de 700 $ et de 9 589,44 $ à l'encontre de ses revenus pour les années d'imposition 1995 et 1996 respectivement à titre de pension alimentaire puisque les conditions exigées aux alinéas 60b) et c), et aux paragraphes 56(12), 60.1(1) et 60.1(2) de la Loi ne sont pas satisfaites. Les cotisations du Ministre sont donc bien fondées et les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mars 2000.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       98-949(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Luc P. Lance c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 27 janvier 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :                    le 15 mars 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :                    Me Serge Laurin

Pour l'intimé(e) :                        Me Jade Boucher

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                   Nom :           Me Serge Laurin

                   Étude :                   Beauchamp, Laurin, Mineault

Pour l'intimé(e) :                        Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.