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Dossier : 2002-675(IT)I

ENTRE :

RÉGIS DELAUNIÈRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

9039-0402 Québec Inc. (2002-676(IT)I) le 25 août 2003,

à Chicoutimi (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Régis Gaudreault

Avocate de l'intimée :

Me Nancy Dagenais

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1999 est rejeté, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2003.

« François Angers »

Juge Angers


Dossier : 2002-676(IT)I

ENTRE :

9093-0402 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

Régis Delaunière (2002-675(IT)I) le 25 août 2003,

à Chicoutimi (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Régis Gaudreault

Avocate de l'intimée :

Me Nancy Dagenais

____________________________________________________________________

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1999 et 2000 sont rejetés, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2003.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2003CCI739

Date : 20031110

Dossiers : 2002-675(IT)I

2002-676(IT)I

ENTRE :

RÉGIS DELAUNIÈRE,

9039-0402 QUÉBEC INC.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      Les appels ont été entendus sur preuve commune à Chicoutimi. Les années d'imposition visées sont 1999 dans le cas de Régis Delaunière (ci-après « l'appelant » ) et 1999 et 2000 dans le dossier de 9039-0402 Québec Inc. (ci-après « 9039 » ). Le ministre du Revenu national (ci-après « le ministre » ), par une cotisation en date du 25 mai 2001 ratifiée le 20 novembre 2001, a ajouté dans le calcul du revenu de l'appelant la somme de 25 078 $ à titre de revenus supplémentaires pour l'année d'imposition 1999. Le ministre a de plus imposé une pénalité pour la même année d'imposition conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après « la Loi » ).

[2]      Pour ce qui est de l'appelante 9039, le ministre, par des cotisations en date du 1er juin 2001 ratifiées le 20 novembre 2001, a ajouté à l'égard de ses années d'imposition terminées le 28 février 1999 et le 29 février 2000 les sommes de 4 180 $ et de 20 898 $ à titre de revenus d'entreprise. Ces sommes représentent, en ce qui concerne l'exercice terminé le 28 février 1999, 2/12 des revenus non déclarés de l'appelant pour l'année d'imposition 1999 et, en ce qui concerne celui terminé le 29 février 2000, 10/12 des mêmes revenus de l'appelant. Tout comme il l'a fait dans le cas de l'appelant Régis Delaunière, le ministre a imposé une pénalité conformément au paragraphe 163(2) de la Loi.

[3]      L'appelant est l'unique actionnaire de 9039. Cette dernière exploite un restaurant-bar sous le nom de « La Broue » et occupe un immeuble dont le propriétaire est une société du nom d'Aspirateurs Chicoutimi Inc. Madame Nancy Tremblay, vérificatrice pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a reçu le mandat de vérifier les déclarations de revenus de 9039. Par après, elle a procédé à une détermination du revenu de l'appelant par la méthode dite de l'avoir net.

[4]      Les informations ayant servi à établir le revenu de l'appelant par la méthode de l'avoir net ont été fournis à la vérificatrice par l'appelant, à qui cette dernière avait demandé de remplir un formulaire de calcul et d'y inscrire les montants de ses dépenses personnelles. La vérificatrice a modifié certains montants à la suite d'une comparaison avec certaines données provenant de Statistique Canada, afin d'atteindre, selon son témoignage, un juste milieu. Les chiffres définitifs ont été déposés en preuve sous la cote I-4. La vérificatrice a fait un exercice semblable pour l'année d'imposition 1998 de l'appelant, mais des explications satisfaisantes de ce dernier lui ont permis d'éviter une nouvelle cotisation.

[5]      L'appelant n'en est pas à sa première vérification. Revenu Québec, pour 1992 et 1993, a établi à son égard une cotisation par la méthode de l'avoir net et des sommes de 3 912 $ et de 4 197 $ pour chacune de ces années respectivement ont été ajoutées à ses revenus. De son côté, Revenu Canada a fait une vérification des revenus déclarés de l'appelant pour les années 1997 à 2000 inclusivement, mais seule l'année présentement en litige, soit 1999, a fait l'objet d'une nouvelle cotisation.

[6]      L'appelant a témoigné concernant chacune des dépenses personnelles qu'il conteste, et la vérificatrice a témoigné également à leur sujet. J'expose ci-après leur position respective :

          Transport

Le montant en question est de 5 400 $. Il s'agit de dépenses de 4 800 $ pour l'essence et l'entretien et de 600 $ pour l'assurance automobile. Ces deux dépenses représentent des frais reliés à l'utilisation d'une Jeep TJ que l'appelant avait en location à l'époque. En ce qui concerne cette rubrique, l'appelant a témoigné que non seulement il trouvait le montant des dépenses d'essence excessif, mais c'était sa conjointe de fait qui assumait à l'époque la totalité de ces dépenses, puisqu'elle était seule à faire usage du véhicule et ne s'en servait que pour faire le trajet entre le restaurant et la maison. L'appelant utilisait le camion de la société Aspirateurs de Chicoutimi Inc. pour faire l'installation d'aspirateurs et les dépenses reliées à cela étaient payées par cette société. Il a reconnu toutefois avoir utilisé la Jeep le samedi soir et le dimanche à des fins personnelles. Lors de la vérification, il n'a pas donné cette information à la vérificatrice ni fourni de preuve documentaire ou autre, que sa conjointe payait effectivement les dépenses reliées à la Jeep en question.

De son côté, madame Tremblay a eu un peu de difficulté à justifier les 4 800 $ ajoutés au titre des dépenses d'essence et d'entretien mais a dit que c'est le montant que lui avait fourni l'appelant.

Divertissement

En ce qui concerne cette rubrique, l'appelant a dit avoir un téléviseur mais ne pas être abonné au câble. Quant à l'élément « évènements sportifs, billets, centre sportif, etc. » , il a témoigné qu'il ne participe pas à ces choses-là et ne va pas à des spectacles. La vérificatrice, de son côté, a déclaré que les montants qu'elle a utilisés lui avaient été fournis par l'appelant.

Tabac et alcool

Le montant de 473,72 $ est indiqué sous cette rubrique. L'appelant conteste ce montant, prétendant qu'il ne boit pas. La position de la vérificatrice est toujours que ce montant provient des chiffres que lui a remis l'appelant.

Autres

Cinq éléments figurent sous cette rubrique. L'appelant accepte le premier montant indiqué, soit 16 900 $, lequel représente la pension alimentaire versée. Concernant les trois éléments suivants, représentant des intérêts versés par lui sur différents prêts, l'appelant n'a rien ajouté. Quant au dernier élément, soit le montant de 5 072,04 $, il a dit que cela représente le coût de la location de la Jeep TJ pour l'année. Le contrat de location est à son nom et il fait les versements mensuels par paiement direct. Il a déclaré toutefois que sa conjointe de fait lui en remboursait le montant chaque mois en argent liquide.

De son côté, la vérificatrice a témoigné que, lors de ses rencontres avec l'appelant, il ne lui a jamais parlé de cet arrangement qu'il avait avec sa conjointe de fait concernant le remboursement par cette dernière du coût de location. Elle n'a pas constaté de dépôts faits par l'appelant qui seraient reliés au remboursement des frais de location. La conjointe de fait n'a pas témoigné.

Autres sommes

L'appelant a témoigné avoir reçu durant l'année d'imposition en litige une somme de 15 000 $ qu'il a déclaré tantôt être un prêt, tantôt être un don. Cette somme lui a été prêtée ou donnée par un certain Étienne Tremblay, un ami qu'il connaissait depuis 7 ans et qui a été, jusqu'en 1997, gérant de l'établissement de l'appelant. Il a été décrit par ce dernier comme une personne souffrant d'une dépendance à l'alcool et ayant beaucoup de difficulté à gérer son argent.

L'appelant a témoigné qu'Étienne Tremblay avait quitté son emploi en 1997 pour aller travailler en Algérie pour un cabinet d'ingénieurs et qu'à son retour en 1999, il avait accumulé une somme de 175 000 $. Il lui arrivait de se promener avec beaucoup d'argent liquide sur lui et ce fait a aussi été confirmé par le témoin Pierre Deschênes.

Les faits entourant la remise de la somme de 15 000 $ sont un peu contradictoires. L'appelant a relaté qu'à l'époque où l'avance lui avait été faite, son ami se promenait avec 30 000 $ en argent liquide sur lui parce qu'il voulait acheter un chalet. L'appelant aurait donc reçu, le 12 mai 1999, la somme de 5 000 $ comptant qu'il aurait déposée le même jour dans son compte en banque, selon son livret de banque, déposé en preuve. Le lendemain, il aurait reçu 10 000 $ comptant dont il aurait déposé 4 100 $ le 28 juin 1999 et 5 000 $ le 27 juillet 1999, toujours selon son livret de banque.

[7]      Dans une lettre datée du 12 septembre 2001 adressée à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, l'appelant résume les faits de la manière suivante :

Vers le 12 mai 1999, Étienne Tremblay retire de son coffre la somme de cinq milles [sic] dollars (5,000.00 $) qu'il me remet et que je dépose dans mon compte. Le lendemain, il retire au comptoir un montant de trente milles [sic] (30,000.00 $), dépose quinze milles [sic] dollars (15,000.00 $) dans son coffre et me remet dix milles [sic] dollars (10,000 $) que je conserve en argent quelque temps. Le 28 juin 1999 je dépose les quatre mille cent dollars (4,100.00 $) restant dans mon compte.

[8]      Au cours de la vérification, une lettre en date du 6 mars 2001 signée par Étienne Tremblay a été remise à la vérificatrice. Cette lettre certifie entre autres qu'Étienne Tremblay a donné la somme de 15 000 $ à l'appelant le 13 mai 1999 et que ce montant a été retiré de son compte personnel à la Banque Nationale du Canada sur le boulevard Talbot à Chicoutimi. La somme ainsi remise faisait partie d'un retrait bancaire de 30 000 $. Une photocopie de son compte démontre qu'Étienne Tremblay a fait un retrait de 30 000 $ le 13 mai 1999. Deux exemplaires de la lettre du 6 mars 2001 ont été déposés en preuve, soit l'original déposé par l'appelant, et une photocopie déposée par l'intimée. La signature d'Étienne Tremblay n'est pas au même endroit sur la photocopie, ce qui laisse supposer qu'il ne s'agit pas d'une photocopie de l'original déposé par l'appelant, et les deux signatures sont un peu différentes. L'appelant a été incapable d'expliquer cette anomalie sauf qu'il a admis que lui et Étienne Tremblay ont tenté de reconstituer ce qui s'était passé à l'époque.

[9]      Selon l'appelant, aucun document n'a été signé par lui et Étienne Tremblay relativement à l'avance de fonds en question. Il a admis n'avoir jamais discuté avec son ami de la question de savoir s'il s'agissait d'un prêt ou d'un don, mais a dit qu'il en a remboursé une partie, qu'il a qualifiée de très peu. Étienne Tremblay n'a pas été vu depuis environ un an et demi et n'a pas témoigné.

[10]     En ce qui concerne cette question de remboursement, l'appelant a nié avoir dit à la vérificatrice, dans une conversation avec elle, qu'il avait remboursé intégralement le prêt. Il a nié également l'avoir menacée au téléphone en disant qu'il irait lui parler à deux pouces du nez avec un 12, ce que je comprends être un fusil de calibre 12. L'appelant a dit avoir été direct avec la vérificatrice parce qu'il était déçu de la tournure des évènements. Il a expliqué son comportement à cet époque par le fait qu'il passait une période difficile.

[11]     De son côté, la vérificatrice, madame Nancy Tremblay, lors d'une rencontre avec Étienne Tremblay, a reçu confirmation que la lettre du 6 mars 2001 était véridique, celui-ci ayant précisé qu'il avait retiré l'argent de son compte personnel et que c'était un don. Il n'a pas parlé d'un coffre à la banque. Madame Tremblay a été incapable de concilier la date du don avec les dates des dépôts faits par l'appelant, en particulier le dépôt de 5 000 $ fait le 27 juillet 1999.

[12]     La vérificatrice a déposé en preuve son rapport en date du 20 avril 2001 dans lequel elle a recommandé l'application de la pénalité aux motifs qu'il s'agissait ici d'une récidive de l'appelant, que le montant en question était près de la moitié des revenus déclarés par l'appelant et que ce dernier avait accès à tout ce qui concernait la comptabilité. La vérificatrice a terminé son témoignage en disant que le comportement de l'appelant durant la vérification avait été acceptable, sauf lors de la conversation téléphonique durant laquelle il avait proféré des menaces contre elle.

[13]     L'appelant a témoigné en contre-preuve qu'une secrétaire s'occupe de la comptabilité depuis 7 ans, que la comptabilité se fait sur ordinateur et que les chiffres sont envoyés au cabinet d'experts-comptables avec lequel il fait affaire. Pour ce qui est de sa conjointe de fait, elle a travaillé pour lui à un salaire de 10 800 $ pour l'année 1999, et a touché en plus des prestations d'assurance-chômage. Chacun voulait être indépendant de l'autre afin de maintenir le caractère assurable de son emploi.

Analyse

[14]     Les principes qui s'appliquent dans les affaires où il s'agit de cotisations fondées sur l'avoir net ont été repris dans plusieurs décisions de cette Cour et de la Cour d'appel fédérale. Madame la juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Hsu c. Canada, [2001] A.C.F. no 1174 (QL), aux paragraphes 29 et 30, les a résumés ainsi :

29       Les évaluations de la valeur nette sont une solution de dernier recours communément employée dans les cas où le contribuable refuse de produire une déclaration de revenus, qu'il a produit une déclaration fort inexacte ou qu'il refuse de fournir des documents qui permettraient à Revenu Canada de vérifier le rendement (V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax Law, 5e éd. (Toronto : Carswell, (1995) à la page 1089). La méthode de la valeur nette est fondée sur l'hypothèse selon laquelle une augmentation de la richesse d'un contribuable au cours d'une certaine période peut être imputée au revenu pour cette période à moins que le contribuable ne démontre le contraire (Bigayan, précité [2000 DTC 1619], à la page 1619). Cette méthode vise à libérer le ministre de l'obligation ordinaire qui lui incombe de prouver l'existence d'une source imposable de revenu. Le ministre est uniquement tenu de démontrer que la valeur nette du contribuable a augmenté entre deux dates. En d'autres termes, une évaluation de la valeur nette ne se rapporte pas à la détermination de la source ou de la nature de l'augmentation de la richesse du contribuable. Une fois qu'il est démontré qu'il y a eu augmentation, il incombe entièrement au contribuable de séparer son revenu imposable des gains provenant de sources non imposables (Gentile c. La Reine, [1988] 1 C.T.C. 253, à la page 256 (C.F. 1re inst.)).

30       Par sa nature, une évaluation de la valeur nette est une estimation arbitraire et imprécise du revenu du contribuable. Toute iniquité perçue se rapportant à ce genre d'évaluation est réglée en reconnaissant que le contribuable est celui qui est le mieux placé pour connaître son revenu imposable. Lorsque le fondement factuel de l'estimation du ministre est inexact, il devrait être simple pour le contribuable de corriger à la satisfaction de la Cour l'erreur que le ministre a commise.

         

[15]     Je tiens également à souligner le passage suivant tiré de la décision Bigayan c. Canada, [1999] A.C.I. no 778 (QL) (2000 DTC 1619, angl.), où le juge Bowman dit (aux paragraphes 2 à 4) :

2       La méthode de la valeur nette est, comme on le faisait observer dans l'affaire Ramey v. The Queen, 93 D.T.C. 791, une solution de dernier recours que l'on emploie lorsque tout le reste a échoué. On l'utilise souvent lorsqu'un contribuable a omis de produire des déclarations de revenus ou n'a pas conservé de documents. C'est un instrument imprécis, exact à l'intérieur d'un registre dont le champ est indéterminé. Elle repose sur le postulat selon lequel, si l'on soustrait la valeur nette d'un contribuable en début d'année à sa valeur nette en fin d'année, si l'on ajoute les dépenses du contribuable durant l'année et si l'on soustrait les encaissements non imposables et les plus-values d'actifs existants, alors le résultat net, après déduction de toute somme déclarée par le contribuable, doit être attribuable au revenu non déclaré gagné durant l'année, sauf si le contribuable peut apporter une preuve contraire. C'est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte, mais quelquefois c'est le seul moyen d'arriver à un chiffre qui se rapproche du revenu d'un contribuable.

3       Le meilleur moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est de produire la preuve de ce qu'est véritablement le revenu du contribuable. Un moyen moins satisfaisant, mais néanmoins acceptable, est décrit par le juge Cameron dans l'affaire Chernenkoff v. Minister of National Revenue, 49 D.T.C. 680, à la page 683 :

[TRADUCTION]

En l'absence de documents, l'autre moyen offert à l'appelant consistait à prouver que, même après une application en règle de la formule de la valeur nette, les cotisations étaient erronées.

4       Ce moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est reconnu, mais, même après que l'on a procédé aux rajustements, on reste avec le sentiment trouble que la vérité n'a pas été pleinement découverte. Il est peu probable que l'on rende parfait en le modifiant un instrument qui, par nature, est imparfait. [...]

[16]     Il incombe donc à l'appelant d'établir selon la prépondérance des probabilités que le ministre a agi sans justification en ajoutant à ses revenus la somme de 25 078,19 $ établie par la méthode de l'avoir net. Pour faire cette preuve, l'appelant a contesté certains chiffres utilisés dans le calcul de ses dépenses personnelles et a fait valoir qu'il avait payé ses dépenses à l'aide d'un don de 15 000 $ reçu d'un de ses amis.

[17]     En l'espèce, les calculs de l'avoir net ont été faits selon l'information que la vérificatrice a obtenue sur un formulaire rempli par l'appelant. De plus, et selon son témoignage sur cette question, elle avait en sa possession la confirmation de certains des chiffres qu'elle a utilisés reçue de personnes qu'elle avait elle-même contactées. Elle n'a pu retrouver le formulaire rempli par l'appelant dont elle s'est servie, mais malgré cela, je n'ai aucune raison de croire que l'information qu'elle a obtenue n'est pas celle qui a servi aux calculs des dépenses personnelles de l'appelant.

[18]     C'est dans ce contexte d'ailleurs que je conclus que les dépenses indiquées sous les rubriques « Divertissement » et « Tabac et alcool » sont raisonnables. La vérificatrice a obtenu ces montants de l'appelant lui-même. Comment aurait-elle pu obtenir le chiffre de 473,72 $ sous la rubrique « Tabac et alcool » si l'appelant ne le lui avait pas communiqué lui-même?

[19]     En ce qui concerne la rubrique « Transport » , l'appelant a maintenu que sa conjointe a assumé seule toutes les dépenses inscrites sous cette rubrique. Il a ajouté que, comme la Jeep en question était neuve et sous garantie, il ne devrait pas y avoir de dépenses d'entretien. Selon la vérificatrice, les montants indiqués proviennent de l'appelant et la preuve présentée ne me permet pas d'y apporter de changement. L'appelant n'a pas présenté de pièces justificatives se rapportant à cette rubrique, et même si, à première vue, le total des dépenses d'essence et d'entretien semble élevé, je ne dispose de rien sur lequel je pourrais me fonder pour redresser la situation.

[20]     Quant à la rubrique « Autres » , en ce qui concerne la location de la Jeep, je rejette la version de l'appelant selon laquelle c'était sa conjointe qui la payait. S'il importait tellement à lui et à sa conjointe de maintenir leurs affaires séparées pour s'assurer du caractère assurable de l'emploi de chacun, il y aurait une preuve documentaire à l'appui de son assertion qu'elle lui remboursait les paiements mensuels et il aurait certainement informé madame Tremblay de ce fait lors de la vérification. Les dépenses indiquées sont, à mon avis, des dépenses que l'appelant a faites lui-même et elles ont donc été à juste titre attribuées à ce dernier.

[21]     Les dépenses de pension alimentaire figurant sous la rubrique « Autres » ont été admises par l'appelant et les frais d'intérêts relatifs à trois emprunts ont été vérifiés par la vérificatrice auprès des institutions financières concernées. Les montants indiqués sont donc exacts et attribuables à l'appelant. Aucune preuve n'a été apportée qui pourrait me permettre de conclure autrement.

[22]     D'après l'appelant, il a reçu durant l'année d'imposition en litige un prêt ou un don de 15 000 $ de son ami Étienne Tremblay et cela, a-t-il expliqué, était sa source d'argent pour payer ses dépenses. Même si j'accepte le fait qu'Étienne Tremblay ait pu posséder, du moins durant la période de décembre 1998 à mai 1999, des sommes d'argent considérables, je me pose de sérieuses questions sur la véracité de toute cette histoire. S'agit-il d'un don ou d'un prêt? Si c'est un prêt, a-t-il été remboursé presque au complet, comme l'a dit l'appelant dans la version relatée à la vérificatrice, ou l'a-t-il été en partie, comme il l'a indiqué dans la version qu'il a presentée au procès? S'il a été remboursé, avec quoi l'appelant a-t-il payé ses dépenses?

[23]     La lettre de l'appelant en date du 12 septembre 2001 adressée à l'ADRC mentionne un retrait de 5 000 $ de son coffre à la banque fait par Étienne Tremblay vers le 12 mai 1999, alors que monsieur Étienne Tremblay, dans sa lettre du 6 mars 2001, parle d'un don de 15 000 $ fait le 13 mai 1999 sur des fonds retirés de son compte personnel à la Banque Nationale. Que s'est-il vraiment passé?

[24]     Dans son témoignage, l'appelant a déclaré avoir fait, le 27 juin 1999, un troisième dépôt de fonds provenant des 15 000 $. Pourquoi n'en fait-il pas mention dans sa lettre du 12 septembre 2001? S'il a déposé cet argent, pourquoi les trois dépôts totalisent-ils 14 100 $ et, finalement, comment a t-il pu déposer 5 000 $ le 12 mai 1999 alors qu'Étienne Tremblay dit lui avoir donné 15 000 $ le 13 mai 1999?

[25]     Monsieur Étienne Tremblay n'a pas pu témoigner puisqu'il demeure introuvable. Sa crédibilité n'a pas été eprouvée durant l'audition de cette cause, mais la preuve fournie par monsieur Tremblay contredit celle de l'appelant et met en doute les affirmations de ce dernier. Pourquoi les deux lettres identiques d'Étienne Tremblay sont-elles signées à différents endroits? S'agit-il de la même signature dans chaque cas? Pourquoi l'appelant était-il si hésitant à admettre les menaces qu'il a faites à la vérificatrice dans une conversation avec celle-ci? L'appelant affirme beaucoup de choses et se soucie peu de leur véracité. La conséquence de tout cela est que sa crédibilité devient douteuse et toute cette histoire qu'il raconte paraît des plus invraisemblables. En conséquence, je rejette sa version des faits. Comme il ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait, je conclus que la somme de 25 078 $ a été à bon droit ajoutée à titre de revenus non déclarés dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1999.

[26]     Pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus que les sommes de 4 180 $ pour son année d'imposition 1999 et de 20 898 $ pour son année d'imposition 2000, c'est-à-dire 2/12 et 10/12 respectivement des revenus non déclarés par l'appelant Régis Delaunière, représentent la partie attribuable à l'appelante desdits revenus non déclarés de ce dernier et ont donc été à bon droit ajoutés à titre de revenus d'entreprise non déclarés dans le calcul du revenu de 9039 pour les années d'imposition 1999 et 2000.

Pénalités

[27]     Le ministre a imposé une pénalité à chacun des appelants en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Ce paragraphe est ainsi formulé :

(2)         Faux énoncés ou omissions. Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

            [ . . . ]

[28]     Il incombe donc à l'intimée d'établir selon la prépondérance des probabilités d'établir que les appelants ont fait un faux énoncé dans leurs déclarations de revenus pour les années en litige et que cet énoncé a été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[29]     Je souscris aux propos qu'a tenus le juge Strayer dans l'arrêt Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 [QL] (84 DTC 6247, angl.) relativement à la notion de faute lourde :

La "faute lourde" doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable.    Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi.

[30]     En l'espèce, l'intimée a établi que, dans le cas de l'appelant Régis Delaunière, il s'agit d'une récidive. En effet, Revenu Québec, en 1992 et en 1993, a soumis ce dernier à une vérification et a fait à son égard une cotisation établie par la méthode de l'avoir net. Or, le montant de sa cotisation en l'espèce est près de la moitié des revenus déclarés par lui, et la preuve indique que l'appelant avait accès à la tenue des livres même si c'était une secrétaire qui s'occupait de la comptabilité. L'attitude de l'appelant et le fait qu'il ne s'est guère soucié de présenter un témoignage véridique me permettent de conclure à son indifférence au respect de la Loi. Il en va de même pour l'appelante 9039. L'intimée s'est donc acquitté du fardeau qui lui incombait et les pénalités pour les années d'imposition en litige, que le ministre a imposées aux deux appelants en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, sont justifiées.

[31]     Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2003.

Juge François Angers


RÉFÉRENCE :

2003CCI739

No DES DOSSIERS DE LA COUR :

2002-675(IT)I

2002-676(IT)I

INTITULÉS DES CAUSES :

Régis Delaunière et Sa Majesté la Reine

9039-0402 Québec Inc. et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 25 août 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

le 14 novembre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :

Me Régis Gaudreault

Pour l'intimé(e) :

Me Nancy Dagenais

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Me Régis Gaudreault

Étude :

Roy, Gauthier, Desgagné, Gaudreault

Jonquière (Québec)

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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