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Dossier : 2002-425(IT)G

ENTRE :

SANDRA WELTON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Toronto (Ontario), le 1er février 2005.

Devant : L'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Robert K. Brown

Avocat de l'intimée :

Me A'Amer Ather

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, dans le calcul de son revenu, l'appelante a le droit de déduire la somme de 1 027,50 $ au titre des frais de repas et de représentation.


          L'intimée a droit à ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mai 2005.

« A. A. Sarchuk »

Le juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mai 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2005CCI359

Date : 20050524

Dossier : 2002-425(IT)G

ENTRE :

SANDRA WELTON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk

[1]      Durant l'année d'imposition 1996, l'appelante était une agente immobilière indépendante qui travaillait pour la firme de courtage Countrywide Associates Ltd. Dans le calcul de son revenu de cette année-là, elle a déduit la somme de 32 000 $ au titre des frais de gestion et la somme de 1 027,50 $ au titre des frais de repas et de représentation. Par un avis de nouvelle cotisation daté du 4 octobre 1999, le ministre du Revenu national a refusé la déduction des frais de gestion et la déduction de 704,58 $ au titre des frais de repas et de représentation.

Les faits

[2]      L'appelante a obtenu un baccalauréat ès arts à l'université Western Ontario et un diplôme en éducation à l'Althouse College. En 1985, elle s'est mariée avec John Zebulon Welton (M. Welton). Elle a continué d'enseigner jusqu'en 1989, année où le premier de trois enfants est né, et elle a obtenu alors un congé de maternité. Deux autres enfants ont suivi, le dernier en juillet 1994, et, tout au long de cette période, elle est demeurée en congé prolongé.

[3]      La famille de M. Welton avait depuis plusieurs années une entreprise d'aménagement immobilier. En 1984, après avoir terminé ses études universitaires, M. Welton a commencé à travailler pour la United Lands Corporation, une société appartenant à son père et à son oncle. Il a décrit les activités de l'entreprise comme des activités liées tantôt aux travaux de construction, tantôt à l'aménagement immobilier. La société a connu des difficultés financières en 1991, et M. Welton a finalement été licencié en mai 1996, date où l'ensemble des éléments d'actif de la société ont été vendus. Avant de quitter la United Lands, et en prévision de la déconfiture de la société, M. Welton et son frère avaient [TRADUCTION] « lancé un projet de maisons en rangée en condominiums, baptisé Welton Developments » . La société John Welton Custom Homebuilding Limited (Sunvale Homes) était également enregistrée en 1996, un directeur était embauché et les travaux de construction ont commencé cette année-là[1].

[4]      En 1991 et 1992, l'appelante et son mari se sont inscrits à une série de cours en vue de leur enregistrement comme agents immobiliers. À un certain moment, M. Welton a appris qu'il ne pouvait pas s'inscrire parce que, selon la loi applicable, son rôle dans la société United Lands l'excluait de l'inscription. L'appelante, quant à elle, a terminé les cours et s'est inscrite. Elle a expliqué que, étant donné les heures souples et son horaire exigeant, puisqu'elle était mère de trois enfants, elle avait pris la décision de ne pas retourner à l'enseignement, mais de s'investir davantage dans la vente immobilière. Elle a vendu son premier immeuble en 1994, une maison construite par son mari, puis elle a continué à se constituer une clientèle.

[5]      Durant l'année d'imposition en cause, l'appelante a continué d'exercer ses activités immobilières depuis le domicile familial, à Mississauga. L'emploi de M. Welton dans l'entreprise de son père a pris fin cette année-là, mais M. Welton a continué à jouer un rôle actif dans la construction d'immeubles de condominiums, avec son frère, ainsi que dans les activités de construction de Sunvale. Pour ces dernières activités, il utilisait le domicile familial [TRADUCTION] « comme un genre de modèle [...] afin d'attirer des clients pour notre entreprise de construction de maisons personnalisées - mon entreprise de construction de maisons personnalisées » . Il croyait que c'était là un outil efficace, qui attirait les clients potentiels et qui [TRADUCTION] « me donnait la possibilité de décrocher des contrats de construction » . Dans ce contexte, il a dit que l'inscription de l'appelante comme agente immobilière constituait un atout important, puisqu'elle pouvait offrir ses services et aider ses éventuels clients à lui à vendre leurs maisons actuelles et à les mettre ainsi en possession des sommes requises pour financer la construction de nouvelles maisons ou pour acheter de nouvelles maisons à la société Sunvale. Durant son témoignage, l'appelante a dit que M. Welton l'aidait à montrer les maisons, en lui amenant des clients potentiels et en offrant des services complémentaires, grâce à la connaissance qu'il avait de la construction, du zonage, de la rénovation et de la valeur des maisons personnalisées offertes sur le marché. Elle a aussi fait observer que les acheteurs potentiels qui la consultaient en sa qualité d'agente immobilière constituaient pour lui un bassin de clients possibles pour Sunvale Homes, ce qui profitait à la famille.

[6]      S'agissant des honoraires en cause, M. Welton a dit [TRADUCTION] qu' « il lui appartenait de discuter avec les comptables des déclarations de revenus [...] Sandy me laissait cette responsabilité. Et, lorsque les déclarations de revenus devaient être produites, je les lui faisais signer et j'envoyais le chèque et produisais les déclarations de revenus » . Les frais de gestion, chiffrés à 32 000 $, ont été calculés après la fin de l'année d'imposition 1996, au cours d'une discussion avec le comptable. Il a été admis par l'appelante qu'aucun document contemporain n'avait été conservé à propos des services qui auraient été fournis par M. Welton et que M. Welton n'avait pas non plus consigné le temps consacré aux services fournis à tel ou tel de ses clients à elle, ni la nature des services en question. Monsieur Welton a aussi admis que les honoraires avaient été fixés comme chiffre global unique, dont le fondement était le fait que [TRADUCTION] « le comptable avait avancé que c'était là un chiffre raisonnable » , et que ce chiffre était acceptable pour M. Walton comme pour l'appelante. Il n'a été produit aucune preuve établissant le raisonnement à l'origine de la conclusion du comptable.

Les observations de l'appelante

[7]      L'avocat de l'appelante a fait valoir que, durant l'année d'imposition en cause, le mari de l'appelante avait le temps de fournir de précieux services à l'entreprise immobilière de l'appelante. Plus précisément, la connaissance qu'il avait d'aspects tels que les rénovations, la construction, les facteurs environnementaux, l'urbanisme et les budgets des travaux de construction pour les acheteurs et les vendeurs constituait pour ses clients à elle un service à valeur ajoutée non négligeable. Certains clients étaient également présentés à l'appelante et une commission d'aiguillage était versée à son mari, parce qu'ils venaient à elle grâce à ses autres relations à lui, principalement les relations commerciales et autres de son père. Ainsi, même si M. Welton sollicitait simultanément des contrats de construction pour sa propre société, il n'en restait pas moins que la possibilité qu'il avait de communiquer aux clients de l'appelante des renseignements aptes à augmenter au maximum le prix de vente de leurs propres maisons était, pour ses clients à elle, un service à valeur ajoutée qui n'était pas négligeable.

[8]      L'avocat a aussi fait observer que M. Welton faisait un travail très appréciable pour chacun des clients de l'appelante, par exemple en les aidant à faire le budget des travaux de construction et en s'occupant d'autres aspects des diverses opérations dont l'appelante n'était pas en mesure de se charger elle-même. La cessation des activités de l'entreprise du père de M. Welton avait constitué en effet une occasion qui permettait à l'appelante de bénéficier de l'expertise de M. Welton, un atout dont ne bénéficient pas d'autres conjoints qui sont, comme l'appelante, agents immobiliers. Ainsi, les frais déduits par l'appelante dans sa déclaration de revenus de 1996 sont le reflet de l'arrangement qu'elle avait avec son mari, c'est-à-dire qu'ils seraient associés. L'avocat s'est aussi référé à la décision Costigane c. Canada[2] pour affirmer qu' « il n'est pas illégal ni inapproprié qu'un contribuable organise ses activités en vue de créer un certain fractionnement du revenu. Cette question n'est pas en litige. La question à trancher est de savoir si les dépenses étaient raisonnables » . En l'espèce, il ressortait clairement de la preuve que M. Welton fournissait certains services pertinents et que la valeur qu'il attribuait à ces services était raisonnable.

[9]      L'avocat de l'appelante a aussi fait valoir que M. Welton avait un certain nombre de projets en cours durant l'année d'imposition dont il s'agit et que le ministre ne pouvait par conséquent prétendre qu'il fournissait des services à l'appelante sans être rémunéré. Il aurait pu faire autre chose dans le domaine de l'aménagement immobilier, mais, selon l'avocat, il a plutôt pris la décision réfléchie d'aider l'appelante à augmenter ses commissions et à fournir ses services au grand public. C'était là, d'affirmer l'avocat, une décision économique et pas simplement une [TRADUCTION] « décision matrimoniale fondée sur l'amour et l'affection que se portent des époux » . Par ailleurs, l'avocat a fait observer que la somme de 32 000 $ qui avait été déduite par l'appelante à titre de frais correspondait [TRADUCTION] « à un partage à peu près égal de ce qui reste » , c'est-à-dire après les autres frais, et cela s'accordait avec leur position selon laquelle il existait durant cette année-là une société de personnes qui avait augmenté ses commissions à elle.

Les observations de l'intimée

[10]     L'avocat de l'intimée a avancé deux arguments au soutien de sa position. D'abord, s'agissant de la déductibilité des frais de gestion, aucune obligation juridique n'a été établie qui forçait l'appelante à payer à son mari la somme de 32 000 $. Cette observation s'appuie sur deux arrêts rendus par la Cour d'appel fédérale, Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec c. Canada[3] et Wawang Forest Products Limited et al c. Canada[4], deux jugements qui donnent à penser qu'une dépense n'est engagée que lorsqu'il existe une obligation juridique de payer. L'avocat a relevé plus précisément que, dans l'arrêt Caisses populaires, le juge Desjardins, se référant à l'arrêt R. c. Burnco Industries Ltd.[5], écrivait : « Selon la jurisprudence constante de notre Cour, une dépense n'est « engagée » au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi que lorsqu'il y a une obligation de payer une somme d'argent. » L'avocat a aussi fait observer que la Cour d'appel fédérale est arrivée à une conclusion similaire dans l'arrêt Wawang : « De façon générale, le contribuable effectue une dépense lorsqu'il a l'obligation juridique de payer une somme d'argent. » Par conséquent, d'affirmer l'avocat, quel que fût l'arrangement conclu par l'appelante et son mari, cet arrangement n'a pas établi entre eux une obligation juridique. S'il existait un arrangement, ce ne pouvait être qu'un arrangement domestique et non un arrangement juridiquement contraignant.

[11]     S'agissant du salaire déduit, l'avocat de l'intimée a fait valoir qu'aucun homme d'affaires raisonnable [TRADUCTION] « ne se serait engagé à payer une telle somme en ne considérant l'appelante que dans une perspective commerciale » . Il a aussi invoqué précisément le fait que le paiement des services comprenait un nombre appréciable d'éléments qui auraient en principe été la responsabilité des clients de l'appelante ou qui se rapportaient directement à l'entreprise de construction de M. Welton. Les frais n'étaient donc pas déductibles, et cela, en raison des dispositions de l'article 67 de la Loi.

Conclusion

[12]     Le point que doit décider la Cour est celui de savoir si les frais de gestion de 32 000 $ payés à M. Welton peuvent être déduits par l'appelante dans le calcul de son revenu imposable de 1996.Il n'est pas contesté qu'une dépense n'est engagée, aux fins de l'impôt, que lorsque le contribuable a une obligation juridique évidente de payer la somme en question. La Loi ne définit pas le mot « dépense » , mais, dans l'arrêt Burnco, le juge Pratte définissait ainsi ce mot : « Selon nous, une dépense au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu est une obligation de payer une somme d'argent. On ne peut dire qu'un contribuable a engagé une dépense s'il n'est pas tenu de verser une somme d'argent à quelqu'un. » G. H. L. Fridman écrivait également, dans The Law of Contract in Canada :

[TRADUCTION] [...] Il n'y a un contrat que s'il existe l'intention de créer des obligations juridiques entre les parties. Sans une intention expresse ou tacite de conclure un contrat, intention qui résulte des mots ou de la conduite des parties, alors aucune obligation contractuelle n'existe ni n'est exécutoire. L'offre qui est faite doit donc être une offre de contracter qui suppose la naissance de relations juridiques. [...]

L'alinéa 18(1)a) impose un critère d'objet pour la déductibilité de sommes dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien. Il empêche aussi une déduction si la somme ne peut être validement décrite comme une « dépense engagée » . Ces mots ne sont pas définis dans la Loi, mais la jurisprudence montre très clairement qu'une dépense est engagée, aux fins de l'impôt, lorsqu'un contribuable a l'obligation juridique de payer la somme en question.

[13]     Il y a un fondement appréciable à la position de l'intimée selon laquelle ce qui existait entre l'appelante et son mari n'était rien de plus qu'un arrangement domestique qui n'était pas considéré, et ne pouvait être considéré, comme l'origine d'une entente qui les aurait liés juridiquement. J'ai examiné la preuve et n'y ai rien trouvé qui permettrait de dire que l'appelante et son mari avaient conclu un arrangement devant produire des conséquences juridiques. Il suffit pour s'en convaincre de considérer le témoignage de l'appelante et celui de son mari, et en particulier la manière dont ils décrivent l'arrangement. À titre d'exemple, M. Welton s'est exprimé ainsi :

[TRADUCTION] [...] nous en avions discuté et nous avions trouvé que c'était une bonne façon pour nous de continuer de gagner un revenu, parce que je n'étais plus payé par la United Lands et parce que je n'étais pas admissible à m'inscrire comme agent immobilier et ne pouvais pas avoir accès au service inter-agences, contrairement à Sandra, que j'amènerais autant de clients que possible à Sandra et, bien sûr, l'argent qu'elle gagnerait pourrait être utilisé par la famille.

Un tel arrangement est loin, à mon avis, de faire naître une obligation juridique. Par ailleurs, en réponse aux questions de l'avocat, M. Welton et l'appelante ont reconnu tous deux que c'était là le fondement sur lequel M. Welton et le comptable étaient arrivés à la conclusion que la somme de 32 000 $ était un chiffre raisonnable. Selon moi, le témoignage de l'appelante et de son mari soulevait une question importante quant à savoir ce qu'ils avaient réellement à l'esprit et si les discussions qu'ils avaient pu avoir s'étaient cristallisées au point de devenir une offre ferme susceptible d'être acceptée. En l'absence d'une telle preuve, je suis arrivé à la conclusion qu'il n'existait pas d'obligation contractuelle. Par conséquent, l'appelante n'a pas engagé les frais de gestion en cause et ne pouvait pas déduire, selon l'alinéa 18(1)a) de la Loi, les dépenses qu'elle a déduites.

[14]     Subsidiairement, s'appuyant sur l'article 67 de la Loi, l'intimée a fait valoir que la somme de 32 000 $ représentant les frais de gestion n'était pas raisonnable eu égard aux circonstances et que cette somme n'aurait pas été payée dans une opération conclue sans lien de dépendance. Même si la conclusion précédente ne le requiert pas, je suis d'avis que certaines observations s'imposent à propos de la preuve produite dans ce contexte.

[15]     Pour affirmer que la somme payée à M. Welton était raisonnable, l'appelante et son mari ont produit un certain nombre de factures et ils ont témoigné à propos des opérations qui y sont mentionnées[6]. Toutes les factures ont été rédigées aux fins de la vérification de Revenu Canada, elles étaient entièrement rétrospectives, elles n'étaient appuyées d'aucune pièce justificative et elles ont été remises à Revenu Canada pour la première fois dans une lettre datée du 7 juin 2000[7]. Chacune d'elles se présente aussi comme un document qui a été délivré au cours du mois où les présumés services ont été fournis en 1996, ce qui était manifestement faux. Il est également constaté que, dans une lettre adressée à son comptable, Roger Chaplin, en date du 16 octobre 2000, M. Welton écrivait : [TRADUCTION] « les factures n'étaient pas établies périodiquement, mais plutôt en fin d'exercice, pour des raisons de commodité » . Cette affirmation est fausse elle aussi, puisque aucune facture n'a jamais été établie en fin d'exercice et puisque, comme l'a concédé M. Welton, elles avaient en réalité été établies durant l'année 2000, expressément pour être soumises à l'examen de l'Agence.

[16]     J'examinerai maintenant quelques-unes des factures[8] qui, selon le témoignage de l'appelante et de son mari, reflétaient les services fournis par lui.

L'opération Barrie - facture numéro dix

Cette facture fait état d'une [TRADUCTION] « commission d'aiguillage pour la présentation de Scott et de Rita Barrie pour un contrat de rénovations et d'inspection » . Rita Barrie était une amie personnelle de l'appelante et avait engagé l'appelante pour la vente de la maison du couple Barrie et l'achat d'une nouvelle maison. L'appelante prétend que M. Welton a ajouté de la valeur à la vente de la maison du couple Barrie, parce qu'il avait demandé à ses ouvriers de la remettre en état. Elle a aussi fait remarquer [TRADUCTION] qu' « il leur avait fallu réparer des fenêtres et tuiles qui étaient brisées, arranger la moquette à certains endroits et faire un peu de peinture » , et elle a dit que M. Welton [TRADUCTION] « avait demandé à ses ouvriers » de faire le travail et que le couple Barrie les avait payés directement. Les Barrie voulaient aussi son aide pour leur nouvelle maison, concernant certains travaux au sous-sol et l'emplacement éventuel d'un spa. Monsieur Welton a admis que, dans le cours ordinaire de ses activités, il présentait une facture au client pour ce genre de choses, mais qu'il ne l'a pas fait dans ce cas-ci, parce qu'ils étaient des amis proches et, prié de dire s'il considérait que la somme de 2 500 $ était une commission d'aiguillage pour la présentation du couple Barrie, il a répondu : [TRADUCTION] « c'est ce que dit la facture, oui, c'est exact » . Par ailleurs, priée de dire ce à quoi se rapportait la facture, l'appelante a contredit son mari en affirmant : [TRADUCTION] « oui, comme je l'ai déjà dit, ce n'était pas pour la présentation. Je veux dire qu'il s'agit là simplement d'un mauvais emploi de mots. C'était pour remettre leur maison en état. [...] » Il est raisonnable de conclure que le versement d'une commission d' « aiguillage » n'avait aucun fondement. De plus, si M. Welton a demandé à ses ouvriers de faire certains travaux, c'était un service qu'il rendait à ses amis, et non à l'appelante. Il a fort bien pu aider les Barrie à obtenir un meilleur prix de vente pour leur maison (et rien n'indique que tel fut le cas), mais il est improbable qu'un agent immobilier traitant sans lien de dépendance (ou en fait le couple Barrie ou tout autre acheteur) aurait été disposé à lui verser 2 500 $ pour ce service limité.

L'opération Wolfs - factures numéros 6 et 9

La première facture portait sur des [TRADUCTION] « services de consultation, de sélection et d'inspection pour Rudi et Veronica Wolfs - 2 500 $ » . La seconde fait état d'une [TRADUCTION] « commission d'aiguillage pour présentation de Rudi et de Veronica Wolfs » , elle aussi pour la somme de 2 500 $. Au cours de leur témoignage, l'appelante et M. Welton ont maintenu que M. Welton avait conseillé les Wolfs concernant la valeur de leur maison existante et leur avait recommandé de voir plus grand en achetant une maison neuve, au lieu de rénover celle qu'ils avaient déjà. L'appelante prétend que M. Welton a aidé les Wolfs à en trouver une qui n'était pas achevée et qu'il leur a donné des conseils sur les travaux encore nécessaires, ainsi que sur les coûts probables de ces travaux. Pour ce service fourni aux clients de l'appelante, M. Welton a demandé à l'appelante la somme de 2 500 $, sans donner de renseignement raisonnable sur le fondement d'après lequel le service était évalué. La facture numéro 9 indique pour sa part une commission d'aiguillage de 2 500 $ payée à M. Welton, parce qu'il avait présenté le couple Wolfs à l'appelante. La commission d'aiguillage semble être quelque peu injustifiée, quand on sait que l'appelante a obtenu le mandat de vendre la maison des Wolfs alors qu'ils visitaient le domicile de l'appelante, domicile qui était son bureau et qui à l'époque [TRADUCTION] « était sur le marché et pouvait être visité par tout acheteur éventuel » . Selon l'appelante, les Wolfs, qui examinaient diverses possibilités, ont fini par acheter l'immeuble en cause.

Les « services » de M. Welton - facture numéro 11 (et la facture manquante numéro 7)

La facture n ° 11, qui indique la somme de 5 000 $, a été désignée par M. Welton comme une facture payée au titre de « services » , qu'il a décrits ainsi :

[TRADUCTION] [...] aide à l'inscription de maisons, entretien et installation d'enseignes de courtage immobilier, déménagement de meubles et assistance aux clients, rédaction d'inscriptions, mesurage des maisons en vue des inscriptions, rencontre de clients et conduite des clients vers diverses maisons inscrites pour qu'ils les inspectent, services d'inspection de maisons pour divers clients, assistance administrative, du 1er janvier 1996 au 1er décembre 1996.

Je remarque que le total des sommes apparaissant sur les factures produites était de 27 000 $, mais que le revenu effectivement déclaré par M. Welton à Revenu Canada se chiffrait à 32 000 $. L'écart a été expliqué comme un écart attribuable à une facture manquante, la facture n ° 7, laquelle, a-t-il dit, [TRADUCTION] « devait se chiffrer à 5 000 $ » . Prié de dire à quels services se rapportait la facture, il a répondu [TRADUCTION] « sans doute des services semblables à ceux de la facture n ° 11. Simplement des services de nature générale et un partage des tâches. » Ce que dit M. Welton, c'est que la somme de 10 000 $ représentait des « frais raisonnables » pour de tels services, même s'il n'a été produit aucun dossier, aucune feuille de présence ni aucun autre renseignement qui permettrait de dire quels services avaient été effectivement fournis, quand ils l'avaient été, combien de temps leur avait été consacré, etc., expliquant ainsi d'une manière rationnelle comment pouvait être justifiée une somme de 10 000 $ pour [TRADUCTION] « des services de nature générale et un partage des tâches » .

[17]     Il convient de préciser qu'il n'est pas contesté que l'expertise de M. Welton a été utile à l'appelante et qu'il a bel et bien rendu certains services. Il n'est pas contesté non plus que, comme l'a dit M. Welton, [TRADUCTION] « nous discutions, quand nous en avions l'occasion, ou durant les négociations concernant la manière dont les choses pouvaient se faire. Et c'était là quelque chose qui mettait les clients à l'aise. Mais Sandy elle-même était très bonne elle aussi dans ce travail. » Toutefois, eu égard à la preuve que j'ai devant moi, la seule conclusion possible est qu'aucun homme d'affaires raisonnable ne se serait engagé à payer une telle somme pour les travaux accomplis ou les services rendus, en ayant à l'esprit uniquement des considérations commerciales.

[18]     Dans ce contexte, l'avocat de l'intimée s'est référé au jugement Mépalex inc. c. Canada[9], où la Cour faisait observer ce qui suit :

17         L'avocat s'est référé à la décision de cette Cour dans Safety Boss Ltd. v. The Queen, [2000] A.C.I. no 18 (Q.L.), et plus particulièrement aux passages suivants :

27         Le mot « raisonnable » figurant à l'article 67 véhicule un concept un peu vague faisant appel au jugement et au bon sens d'un observateur objectif et bien informé. [...]

[...]

52         Il y a eu de nombreux jugements sur la question du caractère raisonnable des dépenses. Il s'agit essentiellement d'une détermination de fait. Je citerai seulement un jugement qui énonce le principe et qui a fréquemment été cité : Gabco Ltd. v. M.N.R., 68 D.T.C. 5210. À la page 5216, le juge Cattanach disait :

[TRADUCTION]

Il s'agit non pas que le ministre ou notre cour substitue son jugement à celui du contribuable lorsqu'il s'agit de déterminer ce qu'est un paiement raisonnable, mais plutôt que le ministre ou la Cour arrive à la conclusion qu'aucun homme d'affaires raisonnable ne se serait engagé par contrat à verser une telle somme en n'ayant à l'esprit que les intérêts commerciaux de l'appelante. Je ne pense pas que Jules, en concluant l'arrangement qu'il a conclu avec son frère Robert, considérait seulement le fait que le service rendu par Robert à l'appelante dans ses trois premiers mois d'emploi correspondrait strictement à la paye qu'il recevrait. Je pense que Jules pouvait légitimement à l'époque de l'embauchage de Robert prendre en considération d'autres aspects comme des avantages futurs pour l'appelante, ce qu'il a manifestement fait.

[19]     Un autre point reste à régler, celui du refus par l'intimée de la somme de 704,58 $ au titre des frais de repas et de représentation qui ont été déduits. À la fin du contre-interrogatoire mené par l'avocat de l'intimée, il est devenu évident qu'elle n'avait reçu aucun renseignement indiquant lesquelles des dépenses en cause avaient été refusées. L'avocat de l'intimée a dit que le vérificateur ne serait pas appelé à témoigner et qu'aucun témoignage ne serait produit par le ministre dans ce contexte. Il a semblé qu'il y avait unanimité sur le fait que, dans ces conditions, l'intégralité de la somme de 1 027,50 $ au titre des frais de repas et de représentation devrait être acceptée. Dans cette mesure, l'appel est admis et l'intimée a droit à ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mai 2005.

« A. A. Sarchuk »

Le juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mai 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2005CCI359

DOSSIER :

2002-425(IT)G

INTITULÉ :

Sandra Welton c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 1er février 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge A.A. Sarchuk

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 mai 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Robert K. Brown

Avocate de l'intimée :

Me A'Amer Ather

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Robert K. Brown

Cabinet :

Stutz et Associés

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           L'appelante et son mari étaient tous deux actionnaires, M. Welton détenant 51 p. 100 des actions et l'appelante 49 p. 100. Je relève que la Sunvale Homes a eu un chiffre d'affaires d'environ 57 000 $ jusqu'au 31 décembre 1996 et que l'état des pertes et du déficit de l'entreprise révèle un salaire de gestion de 40 000 $ versé à M. Welton. Cette somme a été déclarée par lui en 1997.

[2]           no 2000-5079(IT)G, 31 mars 2003, 2003CCI67.

[3]           no A-739-99, 23 février 2001, 2001 D.T.C. 5173.

[4]           no A-153-99, 26 mars 2001 2001 D.T.C. 5212.

[5]           no A-848-81, 10 mai 1984, 84 D.T.C. 6348 (C.A.F.)

[6]           Pièce A-5. Le couple Welton a dit que 11 factures avaient été préparées, mais 10 seulement ont été produites.

[7]           Pièce A-9.

[8]           Pièce A-5.

[9]           no 2001-1696(IT)G, 21 février 2002, [2002] A.C.I. n ° 98.

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