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Dossier : 2003-1405(IT)I

ENTRE :

JEAN FALARDEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 18 septembre 2003 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimée :

Agathe Cavanagh (Stagiaire en droit)

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JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2003.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2003CCI689

Date : 20031202

Dossier : 2003-1405(IT)I

ENTRE :

JEAN FALARDEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté selon la procédure informelle contre une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour l'année d'imposition 2001. En calculant son revenu pour l'année 2001, l'appelant a déduit la somme de 7 000 $ au titre du paiement de pension alimentaire.

[2]      Le Ministre a accordé à l'appelant pour l'année 2001, une déduction de 3 800 $ au titre du paiement de pension alimentaire et a ainsi refusé la déduction d'une somme de 3 200 $ pour cette année.

[3]      Pour établir et maintenir la nouvelle cotisation, le Ministre s'est appuyé sur les faits suivants énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel :

a)          L'appelant et Madame Chantal Legris (ex-conjointe) se sont séparés durant l'année 2001;

b)          De leur union est née Valérie, le 26 novembre 1991;

c)          En date du 6 avril 2001, une requête pour mesures provisoires a été entendue à la Cour supérieure du Québec;

d)          Le jugement intérimaire ordonnait à l'appelant, de payer une pension alimentaire hebdomadaire de 200 $, soit 100 $ pour l'enfant et 100 $ pour l'ex-conjointe; il devait assumer toutes les dépenses inhérentes à la résidence familiale, les frais médicaux et dentaires de l'enfant et de l'ex-conjointe, les honoraires de psychologue de l'ex-conjointe, le coût de l'essence ainsi que l'entretien de l'automobile, les frais de scolarité de l'enfant ainsi que toutes autres dépenses nécessitées pour l'enfant; il devait payer, pour le bénéfice de l'ex-conjointe, les frais de sa carte de crédit Master Card jusqu'à une moyenne mensuelle de 400 $, lesdits frais incluant l'essence pour l'automobile et, payer dans les 30 jours du présent jugement une provision pour frais s'élevant à 2 000 $;

e)          Il n'existe aucune autre entente écrite entre les parties;

f)           Le ou vers le mois de décembre 2002, l'appelant a effectué une demande de rajustement à sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2001;

g)          Dans sa demande l'appelant réclamait, un montant de 7 000 $, à titre de déduction de pension alimentaire; de ce montant 3 800 $ représentait la pension alimentaire hebdomadaire de 100 $ versée à l'ex-conjointe et 3 200 $ représentait les frais mensuels de 400 $ attribuables à la carte de crédit Master Card;

h)          Le Ministre a accordé à l'appelant, en fonction des pièces justificatives soumises, une déduction de 3 700 $ représentant la pension alimentaire hebdomadaire versée à l'ex-conjointe; il a toutefois refusé un montant de 3 200 $ attribuable à la carte de crédit puisque d'une part, il ne s'agissait pas d'une allocation et que d'autre part, la bénéficiaire ne pouvait pas utiliser les sommes à sa discrétion.

[4]      Seul l'appelant a témoigné à l'audience. Il a alors admis tous les faits énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel à l'exception de l'alinéa h).

[5]      L'appelant a déposé sous la cote A-1 le jugement provisoire de la Cour supérieure du Québec. Ce jugement stipule, entre autres, ce qui suit :

Jugement

Le Tribunal :

[...]

De façon intérimaire le Tribunal :

-    Ordonne à Monsieur d'assumer :

1)     toutes les dépenses inhérentes à la résidence familiale, mais non limitativement, soit : électricité, téléphone, câble, etc...;

2)     les frais médicaux et dentaires de la mère et de l'enfant, ainsi que le psychologue de la mère et autres semblables dépenses;

-    Accorde à la mère l'usage exclusif de l'automobile Cavalier 1986; et,

-    Ordonne au requérant de défrayer le coût de l'essence et de l'entretien de l'automobile; quant à l'essence, elle sera assumée à même la carte de crédit Master Card;

-    Ordonne au requérant de payer une pension alimentaire de 200,00 $ par semaine, soit 100,00 $ pour l'enfant et 100,00 $ pour la mère;

-    Ordonne au requérant de défrayer tous les frais de scolarité de Valérie;

-    Ordonne au requérant d'assumer directement toutes les dépenses nécessitées pour l'enfant et notamment, mais non limitativement, ses vêtements, ses loisirs, ses camps de vacances, etc...;

-    Ordonne au requérant de payer pour le bénéfice de l'intimée, les frais de sa carte de crédit Master Card, jusqu'à une moyenne mensuelle de 400,00 $ par mois; lesdits frais incluant l'essence pour son automobile;

[6]      Dans son avis d'appel, l'appelant présente l'argumentation suivante :

[...]

L'argument invoqué est que les paiements qui sont faits à une tierce partie ne sont déductibles que si le bénéficiaire peut décider de la façon de les utiliser. Voici tous les paiements que j'ai effectués au compte Master-Card de mon ex-épouse pour la période de mai à décembre 2001 :

7-May-01         MASTERCARD              888,94 $

6-Jun-01           MASTERCARD              958,27 $

3-Jul-01            MASTERCARD           1 251,93 $

1 Aug-01          MASTERCARD           1 034,69 $

5 Sep-01           MASTERCARD           1 892,24 $

5-Oct-01          MASTERCARD           1 598,75 $

6-Nov-01         MASTERCARD              439,40 $

7-Dec-01          MASTERCARD              597,41 $

19-Dec-01        MASTERCARD              364,41 $

                        Total                            9 026,04 $

Ces paiements incluent les montants à payer pour notre fille, ainsi que les montants à payer pour l'entretien de la voiture de mon ex-épouse et ses frais médicaux. Ainsi je réclame comme pension alimentaire admissible seulement les montants mensuels de 400 $ pour lesquels mon ex-épouse avait la totale liberté de décider de la façon de les utiliser.

Je vous accorde que ce type de paiement n'est pas fréquent, mais le compte Master-Card dans ce cas est simplement utilisé comme moyen de transfert de fond [sic] au même titre que le compte de banque. En effet, en ce qui a trait à la pension alimentaire hebdomadaire de 100 $ que vous avez reconnu [sic] comme pension admissible, l'argent était retenu sur mon salaire par la Direction des Pensions Alimentaires pour être déposé dans le compte de banque de mon ex-épouse. Cette dernière pouvait ensuite dépenser l'argent comme bon lui semblait avec sa carte de débit ou en retirant l'argent comptant. Pour ce qui est de Master-Card, je transférais moi-même les fonds de mon compte de banque à son compte Master-Card directement et cette dernière pouvait dépenser l'argent comme bon lui semblait avec sa carte de crédit ou en retirant l'argent comptant. Il n'y a donc pas de différence. Master-Card n'est pas une tierce partie au même titre que le compte de banque puisqu'il appartient à Madame et qu'elle avait le loisir de dépenser un montant de 400 $ par mois comme bon lui semblait.

Je vous demande donc s'il-vous-plaît de réviser mon dossier et de bien vouloir réajuster le montant admissible comme pension alimentaire à mon ex-épouse de 3 700 $ à 6 900 $ puisque cette dernière avait la totale liberté de dépenser les mensualités de 400 $. Cette [sic] une simple question de « gros bon sens » ..

[...]

[7]      Lors de son témoignage, l'appelant a repris essentiellement la même argumentation.

Analyse

[8]      L'alinéa 60b) de la Loi permet au contribuable de déduire dans le calcul de son revenu les montants versés à titre de pension alimentaire. Cet alinéa est ainsi rédigé :

Pension alimentaire - le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A          représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B           le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[9]      Le paragraphe 56.1(4) de la Loi définit ainsi l'expression « pension alimentaire » utilisée à l'alinéa 60b) de la Loi :

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)          le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[10]     Les paragraphes 60.1(1) et 60.1(2) de la Loi permettent au contribuable de déduire dans le calcul de son revenu les montants versés à des tiers à titre de pension alimentaire. Ces paragraphes sont ainsi rédigés :

ARTICLE 60.1 : Pension alimentaire

(1) Pour l'application de l'alinéa 60b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement d'un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d'enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

a)          une fois payable, être payable à la personne et à recevoir par elle;

b)          une fois payé, avoir été payé à la personne et reçu par elle.

(2) Entente. Pour l'application de l'article 60, du présent article et du paragraphe 118(5), le résultat du calcul suivant :

A - B

où :

A          représente le total des montants représentant chacun un montant (sauf celui qui constitue par ailleurs une pension alimentaire) qui est devenu payable par un contribuable au cours d'une année d'imposition, aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit, au titre d'une dépense (sauf la dépense relative à un établissement domestique autonome que le contribuable habite ou une dépense pour l'acquisition de biens corporels qui n'est pas une dépense au titre de frais médicaux ou d'études ni une dépense en vue de l'acquisition, de l'amélioration ou de l'entretien d'un établissement domestique autonome que la personne visée aux alinéas a) ou b) habite) engagée au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente pour subvenir aux besoins d'une personne, d'enfants confiés à sa garde ou à la fois de la personne et de ces enfants, dans le cas où la personne est :

a)          l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du contribuable,

b)          si le montant est devenu payable en vertu de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province, un particulier qui est le père ou la mère d'un enfant dont le contribuable est le père naturel ou la mère naturelle;

B           l'excédent éventuel du total visé à l'alinéa a) sur le total visé à l'alinéa b) :

a)          le total des montants représentant chacun un montant inclus dans le total calculé selon l'élément A relativement à l'acquisition ou à l'amélioration d'un établissement domestique autonome dans lequel la personne habite, y compris un paiement de principal ou d'intérêts sur un emprunt ou une dette contracté en vue de financer, de quelque manière que ce soit, l'acquisition ou l'amélioration,

b)          le total des montants correspondant chacun à 1/5 du principal initial d'un emprunt ou d'une dette visés à l'alinéa a),

est réputé, lorsque l'ordonnance ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à un montant payé ou payable à leur titre, être un montant payable par le contribuable à cette personne et à recevoir par celle-ci à titre d'allocation périodique, que cette personne peut utiliser à sa discrétion.

[11]     Il est possible, en vertu du paragraphe 60.1(1) de la Loi, que des paiements à des tiers soient de la nature d'une pension alimentaire, si cette nature est clairement exprimée dans l'ordonnance et qu'une certaine discrétion quant à l'usage des paiements est accordée au bénéficiaire.

[12]     En l'espèce, rien n'indique qu'il s'agit d'une pension alimentaire. Dans le jugement provisoire, la juge ordonne à l'appelant de payer une pension alimentaire de 200 $ par semaine, soit 100 $ pour l'enfant et 100 $ pour la mère (première ordonnance). Elle lui ordonne aussi de payer pour le bénéfice de son conjoint « les frais de sa carte de crédit MasterCard, jusqu'à une moyenne mensuelle de 400,00 $ [...]; lesdits frais incluant l'essence pour son automobile » (deuxième ordonnance). À mon avis, à la lecture de la deuxième ordonnance, il en ressort que ces paiements ne sont pas de la nature d'une pension alimentaire, car cette nature n'y est pas clairement exprimée comme elle l'est dans la première ordonnance.

[13]     Il faut maintenant se demander si la deuxième ordonnance accordait à la conjointe de l'appelant une certaine discrétion quant à l'usage des montants en question. Le montant reçu ne constitue une allocation que si le bénéficiaire peut l'utiliser à sa discrétion. Le montant faisant l'objet de la discrétion est le montant reçu. Il faut donc se placer au moment de la réception du montant et non au moment de la création de l'obligation de le verser pour déterminer si le bénéficiaire peut l'utiliser à sa discrétion. Ici, au moment où l'appelant payait la facture de MasterCard, la bénéficiaire ne pouvait pas lui dire : « tu me remets l'argent et je paierai MasterCard » . La bénéficiaire n'était pas en droit d'exiger que le paiement soit fait directement à elle plutôt qu'à MasterCard. Ce que la bénéficiaire pouvait faire avec la carte MasterCard ne me semble pas pertinent. Pour ces motifs, je suis d'opinion que la conjointe de l'appelant n'avait pas de discrétion quant à l'utilisation des montants en cause.

[14]     Finalement, l'appelant ne peut à mon avis invoquer les dispositions du paragraphe 60.1(2) de la Loi pour déduire le montant de 3 200 $. Le paragraphe 60.1(2) doit être interprété de façon à lui donner son effet, qui est de protéger adéquatement de l'impôt les bénéficiaires de paiements à des tiers lorsque ces bénéficiaires n'ont pas assumé la charge fiscale en toute connaissance de cause. Ici, il n'est nullement mentionné dans l'ordonnance que la bénéficiaire consent à ce qu'elle soit imposée sur le montant de 400 $.

[15]     L'appel est en conséquence rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2003.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :

2003CCI689

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1405(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Jean Falardeau et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 18 septembre 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

Le 2e décembre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimée :

Agathe Cavanagh (Stagiaire en droit)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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