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Dossier : 2002-2656(GST)I

ENTRE :

1863-4725 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

2415-7851 Québec inc. (2002-2653(GST)I)

le 6 février et le 16 juin 2004 à Sherbrooke (Québec).

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Pierre A. Cloutier

Avocat de l'intimée :

Me Frank Archambault

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis de cotisation porte le numéro 22150 et est daté du 14 juillet 2000, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2005.

« François Angers »

Juge Angers


Dossier : 2002-2653(GST)I

ENTRE :

2415-7851 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

1863-4725 Québec inc. (2002-2656(GST)I)

le 6 février et le 16 juin 2004 à Sherbrooke (Québec).

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Pierre A. Cloutier

Avocat de l'intimée :

Me Frank Archambault

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis de cotisation porte le numéro 22149 et est daté du 14 juillet 2000, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2005.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2005CCI47

Date : 20050117

Dossiers : 2002-2656(GST)I

2002-2653(GST)I

ENTRE :

1863-4725 QUÉBEC INC. et

2415-7851 QUÉBEC INC.

appelantes,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      Les deux sociétés appelantes portent en appel la cotisation de chacune datée du 13 mars 2002 relativement à la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998. Ces deux cotisations portent sur un rajustement de la taxe nette due par les deux sociétés appelantes en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ). Dans le dossier de l'appelante 1863-4725 Québec inc. ( « 1863 » ), il s'agit d'un rajustement de 23 974,76 $, avec des intérêts de 3 274,06 $ et des pénalités de 4 355,52 $. Pour l'appelante 2415-7851 Québec inc. ( « 2415 » ), c'est un rajustement de 10 710,53 $, avec des intérêts de 1 892,96 $ et des pénalités de 2 581,91 $.

[2]      Les deux sociétés appelantes sont des inscrits aux fins de la TPS. La société 1863 exploite une entreprise de quincaillerie, de fourniture de matériaux de construction et de papeterie, alors que 2415 exploite une entreprise de construction résidentielle et commerciale. L'actionnaire majoritaire des deux sociétés appelantes est monsieur Jean-Guy Prévost, qui exploite une entreprise personnelle d'excavation et de location d'immeubles commerciaux.

[3]      Un résumé du conflit qui oppose les parties se retrouve dans les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre » ) s'est fondé pour émettre sa cotisation. Dans le dossier 1863, la prétention du ministre est que les registres comptables de 1863, tant informatiques que manuels, sont inadéquats quant aux ventes au comptant inscrites. De plus, une vérification des factures émises par l'appelante à un dénommé Martin Prévost a permis de constater un écart entre la TPS due et la TPS déclarée par l'appelante. Le ministre a donc utilisé les données du système informatique de l'appelante pour établir la TPS due. Cette analyse a révélé des écarts entre la TPS due et la TPS déclarée par l'appelante, de même qu'entre la TPS perçue et la TPS non déclarée par l'appelante. Le ministre a procédé au même travail de vérification, mais en utilisant le système comptable manuel de l'appelante, et l'écart entre la TPS déclarée et la TPS due était sensiblement identique à celui calculé selon le système comptable informatique. Le ministre a aussi refusé des crédits de taxe sur intrants parce que l'appelante n'a pu produire les factures. Il en est donc résulté un rajustement de 23 974,76 $, plus les intérêts et les pénalités.

[4]      Dans le dossier 2415, la cotisation a été établie sur la base des factures, des dépôts, des contrats et des déboursés de l'appelante; selon cette information, l'appelante a omis de remettre la somme de 4 405 $ en TPS pour la période en litige. En utilisant les états mensuels de banque, les chèques oblitérés et l'état de caisse pour l'année 1998, le ministre a déterminé le crédit de taxe sur intrants (le « CTI » ) auquel l'appelante avait droit pour la période en litige. Il en est donc résulté que l'appelante aurait réclamé un CTI en trop de 6 305,29 $. Un rajustement de 10 710,53 $ a donc été effectué, avec les intérêts et les pénalités.

[5]      Les deux sociétés appelantes contestent les cotisations au motif que le ministre a refusé de considérer la comptabilité manuelle des appelantes et, de ce fait, n'a pas tenu compte des comptes fournisseurs qui ne paraissaient pas dans le système informatique. Les sociétés appelantes demandent également qu'une révision de certaines opérations soit faite afin de déterminer si la TPS à remettre a été bien déterminée dans le cas des projets « Caron-Robideau » , « Garand-Favreau » , « Jacques Bosse » et « Marc Roy » . Finalement, est-ce que le ministre a taxé un emprunt de 100 000 $ relativement à un projet nommé « Loisirs Cookshire » dans le dossier 1863?

[6]      La difficulté qui se présente dans le présent litige repose principalement sur le fait que les sociétés appelantes fonctionnent avec deux systèmes de comptabilité, l'un informatique et l'autre manuel. Quoique la preuve semble indiquer que les résultats comptables sont sensiblement similaires dans le cas des deux systèmes, cela semble à tout le moins créer une difficulté lors du calcul de la TPS et des CTI, notamment si les comptes fournisseurs ne paraissent pas dans le système informatique, d'une part, et si le calcul de la TPS a été fait à partir des dépôts bancaires, d'autre part. De plus, le manque de rigueur dans l'inscription comptable de chacune des opérations, particulièrement celles visant les projets décrits ci-haut, c'est-à-dire le fait d'attribuer les revenus et les dépenses aux bonnes entités - l'une ou l'autre des deux sociétés appelantes ou Jean-Guy Prévost - aux fins de la TPS est, à mon avis, la raison des difficultés rencontrées dans le calcul de la taxe nette des deux sociétés appelantes.

2415

[7]      Josée Bourbeau est vérificatrice au ministère du Revenu depuis 1992. Lors de sa vérification des deux sociétés appelantes, elle a constaté que les livres comptables de 2415 utilisaient la comptabilité de caisse. Il n'y a pas de journal des ventes ni d'état de caisse. Elle a découvert des différences entre les livres comptables et les montants de TPS déclarés pour chacun des trimestres de la période en litige. Voulant concilier la TPS qui a été déclarée au ministre avec le montant des ventes indiqué aux états financiers, elle a examiné les feuilles de calcul de la comptabilité manuelle de 2415 et a constaté qu'il y avait un écart significatif entre les taxes à déclarer selon les feuilles de calcul et les taxes réellement déclarées. Elle a aussi reconstitué les revenus de 2415 selon les dépôts, la facturation et les contrats émis. Cet exercice a été nécessaire afin de comprendre ce qui s'était passé dans une opération portant sur un projet appelé le projet Marc Roy, soit le projet qui est au coeur du litige dans le dossier 2415.

[8]      Le projet Marc Roy remonte à 1996. Jean-Guy Prévost est propriétaire d'un terrain et il décide d'y construire une maison. Les travaux ont débuté à l'automne de 1995 pour se terminer le printemps suivant. Les matériaux servant à la construction sont fournis par 1863; il semblerait que 2415 a fait la construction, mais la preuve n'est pas claire, puisque M. Prévost est aussi un entrepreneur en construction et est dûment inscrit aux fins de la TPS. Chose certaine, le 28 mars 1996, une promesse d'achat en faveur de Jean-Guy Prévost est signée par M. Marc Roy pour l'achat du terrain et de la maison pour le montant de 128 000 $, taxes comprises.

[9]      Le 6 juin 1996, un acte de vente par lequel Jean-Guy Prévost vend à Marc Roy et Manon Dufresne le lot sur lequel a été construit une résidence est signé devant le notaire. L'acte de vente dit qu'il s'agit d'un lot sans bâtisse.

[10]     Monsieur Prévost a clairement témoigné que la construction a été faite à l'automne 1995 et au printemps 1996. Pour corroborer cette affirmation, il suffit d'examiner le certificat de localisation du lot en question attestant que le lot a été arpenté le 9 avril 1996, et que la bâtisse a été localisée sur le terrain et est conforme au règlement de zonage. Le certificat est fait au nom de Jean-Guy Prévost. Il y a donc erreur dans l'acte de vente, erreur qui est demeurée sans explication.

[11]     L'acte de vente indique que le prix de vente du terrain est de 16 500 $, plus taxes. La TPS est calculée à 1 155 $, et la TVQ à 1 147 $. La société 2415 est intervenue dans l'acte de vente afin de s'engager à construire, sur le lot vendu, une résidence dont la construction sera terminée le 31 août 1996 (résidence qui, en passant, et selon la photo annexée au certificat de localisation, paraît complétée, du moins de l'extérieur, le 9 avril 1996. La contrepartie est de 84 090,25 $ plus les taxes, soit 6 707,75 $ pour la TPS et 6 664,63 $ pour la TVQ. La contrepartie totale incluant les taxes est donc de 116 265,20 $. Il y a donc un écart de 11 734,80 $ entre le montant indiqué dans l'acte de vente et celui dans la promesse d'achat; de plus, Jean-Guy Prévost témoigne que 2415 n'a rien à voir avec le projet Marc Roy.

[12]     En plus de cet écart, Jean-Guy Prévost a reçu du notaire le montant de 119 055,88 $ pour la vente. Il insiste pour dire que le prix de vente était de 128 000 $ et que la différence entre ce montant et ce qu'il a reçu représente la commission de l'agent d'immeuble. Ni la facture de l'agent d'immeuble ni le détail des rajustements faits aux fins de cette opération n'ont été déposés en preuve.

[13]     Selon M. Prévost, pour financer le projet Marc Roy, il a emprunté de la Caisse populaire de Cookshire le montant de 68 000 $ en 1995 et a déposé cet argent dans le compte de 1863, car c'est elle qui fournissait les matériaux servant à la construction. Le chèque que M. Prévost a reçu du notaire a servi à rembourser ce prêt avec intérêts, et comme il devait toujours d'autres sommes à 1863, une somme de 60 000 $ a été déposée dans le compte de 1863 sans identifier de façon précise quelles factures étaient réellement payées par le dépôt de cette somme. La comptabilisation de cette opération, la façon dont les sommes ont été manipulées, le système de comptabilité des appelantes et la façon de traiter la TPS de cette opération ont créé les difficultés qui sont présentes dans l'appel de 2415.

[14]     On se rappelle que madame Bourbeau a reconstitué les revenus de 2415 selon trois sources différentes. Selon les dépôts, elle constate que 6 438 $ en TPS a été payé en trop, car 2415 a payé la TPS sur l'opération Marc Roy et le chèque de 119 055 $ a été déposé dans le compte de M. Prévost. Elle constate plus tard que les revenus déclarés dans les états financiers de 2415 sont presque les mêmes que les dépôts, sauf que les états financiers ne reflètent pas la vente du projet Marc Roy parce qu'il y a un paiement en trop.

[15]     Devant cet état de choses, madame Bourbeau prend la décision de traiter l'opération Marc Roy aux fins de la TPS comme si 2415 était la société qui avait effectué la vente. Elle fonde sa décision sur le fait que la TPS pour cette opération a été déclarée par 2415, que 2415 est la société qui a réclamé le remboursement de la TPS pour habitation neuve que lui avait cédé Marc Roy et que certaines factures d'achat de matériaux pour cette construction étaient au nom de 2415.

[16]     En attribuant la vente à 2415 par le truchement des dépôts, et vu que 2415 avait déclaré la TPS sur cette opération, Mme Bourdeau devait accorder le crédit de 6 438 $ payé en trop. Selon les contrats de vente et les montants des contreparties, les chiffres ne correspondent plus. Elle a donc reconstitué la vente sur la base de la remise de 119 055 $ à M. Prévost; vu que la TPS a été cédée à 2415, il faut ajouter cela au montant de la remise pour en arriver à une contrepartie totale de 124 980,93 $, taxes comprises. De ce montant, elle soustrait 16 500 $ pour le terrain, plus les taxes que M. Prévost a déclarées personnellement, soit 18 802 $, pour arriver à une contrepartie de 106 178,36 $. La TPS à payer est de 6 522,30 $, ce qui explique la cotisation. Elle rappelle toutefois qu'elle a crédité le 6 438 $ payé en trop selon les dépôts, ce qui laisse donc une taxe nette de 83,69 $.

[17]     De son côté, 2415 demande le rétablissement du traitement de la TPS de sorte que l'opération ne lui soit plus attribuée aux fins de la TPS et qu'elle soit attribuée à Jean-Guy Prévost personnellement, le véritable vendeur en l'espèce. 2415 demande également que la cotisation reflète les intrants sur une série de factures provenant de 1863 et qui vise toujours le projet Marc Roy.

[18]     La difficulté que pose le crédit de taxe pour intrants repose sur le fait que M. Jean-Guy Prévost a déposé une somme forfaitaire de 60 000 $ dans le compte de 1863 pour payer les matériaux qu'elle a fournis lors de la construction de la résidence de Marc Roy. Toutefois, cette somme n'a pas été rattachée à une série de factures de façon précise mais, selon M. Prévost, c'était pour payer les factures de 1863 déposées sous la cote A-15 et qui vont d'octobre 1995 jusqu'en mai 1996. Il faut noter que cette série de factures porte sur une période de 7 mois, mais qu'elles ont des numéros consécutifs. Il s'agit donc de factures qui ont tous été faites en même temps et elles indiquent Jean-Guy Prévost comme acheteur.

[19]     Il a donc été impossible pour la vérificatrice de faire le lien entre les factures en question et le paiement effectué. Elle a donc fait des tests sur les ventes de 1863 et a constaté qu'aucune de ces factures de vente n'a été déclarée dans 1863. De plus, dans les livres comptables de Jean-Guy Prévost et dans la comptabilité informatique de 1863, le dépôt de 60 000 $ fait par M. Prévost dans le compte de 1863 a été traité comme une opération financière. Monsieur Prévost n'a pas réclamé de crédit pour intrants pour le 60 000 $ selon ses livres comptables. Dans ceux de 1863, on voit sous la rubrique « caisse » le montant de 52 229,41 $ (60 000 $ moins les taxes) et un montant de 52 229,41 $ dû à Jean-Guy Prévost. Le montant de 60 000 $ ne représente donc pas une vente mais un prêt et les taxes sur cette somme n'ont pas été déclarées par 1863 et ce, même si le chèque de 60 000 $ indiquait les taxes. Comme résultat, madame Bourbeau ne peut accorder à M. Prévost les crédits de taxe sur intrants au motif que 1863 n'a pas déclaré les taxes sur cette opération et qu'il s'agit d'un prêt.

[20]     Madame Bourbeau a fait l'examen des factures et se demande, avec raison, comment il se fait que l'on retrouve une série de 16 factures avec des numéros consécutifs sur une période de 7 mois alors que 1863 a un chiffre d'affaires annuel de 1 500 000 $. Chose certaine, ces factures-là n'ont pas été déclarées par 1863 aux fins de la TPS et M. Prévost a reconnu que lors d'opérations entre personnes liées, il n'enregistre pas les factures. Il dit toutefois remettre les taxes sur la base des déboursés et non sur la base des factures. Madame Bourdeau décide donc de s'adapter à sa façon de faire et elle conclut que 1863 n'a pas eu de recettes taxables car le montant de 60 000 $ a été comptabilisé comme opération personnelle. La société 1863 n'a donc pas payé la TPS sur ce montant et elle n'établit pas de cotisation à l'endroit de 1863 pour autant.

[21]     Malgré cet état de choses, 2415 soutient que si l'on traite le projet Marc Roy dans le cadre des activités de 2415, il faut en revanche lui accorder le crédit de taxe sur intrants pour le montant de 60 000 $ payé à 1863. Monsieur Prévost, dans son témoignage, a eu beaucoup de difficultés à faire la lumière sur le projet Marc Roy. Il déclare que la vente Marc Roy n'a été déclarée aux fins de la TPS ni par lui personnellement, ni par 2415, mais plutôt par 1863. Plus tard, il se reprend et dit que ce n'est pas 1863 mais 2415 qui l'a déclarée et que seul le terrain a été déclaré aux fins de la TPS par lui personnellement. Dans tout ça, il reconnaît qu'il déclare la TPS sur ce qu'il dépose et non pas nécessairement sur le prix réel de vente. (L'argent déposé excluait la commission de l'agent d'immeuble.) Il ne fait aucun doute qu'il devient très difficile de comprendre et d'apprécier la façon de faire de l'appelante, tant dans sa comptabilité que dans sa façon de traiter les opérations entre elle-même, 1863 et M. Prévost.

[22]     Dans le dossier 2415, les parties ont convenu que les questions en litige seraient de savoir si le ministre a bien déterminé la TPS à remettre par l'appelante dans les dossiers identifiés comme étant ceux de « Caron-Robidoux » , « Garand-Favreau » et « Jacques Bresse » . La question à trancher dans le cas du projet Marc Roy est de savoir si le ministre aurait dû établir la taxe pour ce projet à l'endroit de Jean-Guy Prévost plutôt qu'à l'endroit de l'appelante.

[23]     Il n'y a rien dans la preuve avancée par 2415 qui puisse justifier une quelconque modification de la cotisation visant les projets « Caron-Robidoux » , « Garand-Favreau » et « Jacques Bresse » . De fait, M. Prévost a reconnu que, dans le cas du projet « Caron-Robidoux » , l'écart visait la commission de l'agent d'immeuble qui avait été soustraite du prix de vente et, dans le cas du projet « Garand-Favreau » , le prix de vente a dû être augmenté parce qu'on y avait soustrait le montant de la TPS cédée par l'acheteur. Monsieur Prévost a reconnu qu'il avait déclaré la TPS sur les montants qu'il avait déposés et non sur le prix de vente, ce qui explique le redressement. Il n'y a donc aucune modification à apporter à la cotisation. Quant aux objections de 2415 dans le dossier « Jacques Bresse » , elles visent une anomalie au titre de la TVQ et ne relèvent donc pas de ce tribunal.

[24]     En ce qui concerne le dossier Marc Roy, il ne fait aucun doute que toutes les difficultés qu'il comporte sont dues uniquement aux erreurs de M. Prévost dans sa façon de gérer ses affaires sur le plan personnel et au niveau de ses deux sociétés, de même que dans sa façon de calculer la TPS et les CTI. Toutes ces erreurs et ces anomalies ont fait en sorte que le travail de la vérificatrice a été très long et difficile afin d'arriver, à mon avis, à un traitement raisonnable de 2415 et 1863 quant à la taxe nette à déterminer selon la Loi. Madame Bourbeau m'a paru très compétente, juste et patiente devant la tâche que lui réservait le méli-mélo aux fins de la vérification.

[25]     Il faut, en premier lieu, souligner que 2415 a, de sa propre initiative, décidé de traiter la TPS sur le projet Marc Roy comme si elle avait elle-même vendu cette propriété. Jean-Guy Prévost a déclaré la TPS sur la vente du terrain. Pourtant, lorsque la propriété a été vendue à Marc Roy, la maison était construite sur le terrain de M. Prévost et c'est lui-même qui en a fait la construction. Un acte de vente nous confirme qu'il a vendu le terrain mais qu'au moment de la vente, il s'agissait d'un terrain sans bâtisse, alors qu'on sait que c'est faux. L'acte de vente déclare que 2415 va construire la maison en question alors qu'en réalité, la maison a déjà été construite par Jean-Guy Prévost.

[26]     Jean-Guy Prévost achète ses matériaux de 1863. Il emprunte de l'argent pour en payer une partie et, lors de la vente de la maison, il verse 60 000 $ à 1863 qui, à vrai dire, auraient dû servir à payer des factures mais que les livres comptables décrivent comme étant un prêt. Monsieur Prévost fournit une série de factures faites simultanément pour justifier le montant, mais ne déclare pas ce revenu pour 1863 aux fins de la TPS sous prétexte que les factures entre lui et ses sociétés ne sont pas enregistrées parce qu'il remet ses taxes sur la base de la comptabilité de caisse. Puisque le montant de 60 000 $ n'est pas inscrit comme recette, la TPS n'a pas été déclarée sur ce montant. Si le montant de 60 000 $ avait servi à payer les factures, on n'aurait pas eu ce problème. La vérificatrice n'a pas accordé les intrants à 2415 parce que 1863 n'a pas payé la taxe sur ce revenu. Elle n'a pas établi de cotisation à son égard non plus. De plus, les factures sont au nom de Jean-Guy Prévost et le 60 000 $ est comptabilisé comme étant un prêt.

[27]     Dans la présente instance, 2415 demande maintenant que la TPS pour le projet Marc Roy soit attribuée à Jean-Guy Prévost et qu'on accorde à 2415 un CTI pour le montant de 60 000 $ ayant servi à payer les factures. À mon avis, il m'est impossible d'accorder le CTI pour les 60 000 $ à 2415 si j'accorde à 2415 sa demande d'attribuer le projet Marc Roy à Jean-Guy Prévost. Il faudrait plutôt accorder le CTI à Jean-Guy Prévost, puisque les factures sont à son nom. Si j'accorde cette requête, il faudrait que la TPS sur les revenus des factures (pièce A-15) soit payée par 1863, étant donné que le montant de 60 000 $ a été comptabilisé sous forme de prêt plutôt que comme recette. La société 2415 n'aurait pas droit au remboursement de la TPS que Marc Roy lui aurait cédé. Il faudrait donc que 2415 remette ce montant au ministre et que Jean-Guy Prévost le demande. Jean-Guy Prévost ne pourra pas le demander puisque la période pour le faire est maintenant prescrite. Il faut se rappeler que M. Jean-Guy Prévost n'est pas une partie à la présente instance. Il faudrait aussi réduire les intrants accordés à 2415 pour le premier prêt de 70 000 $ qui a servi à acheter les matériaux avant la vente à Marc Roy. Ce problème vient du fait que 2415 a choisi de traiter la TPS et les intrants comme si elle avait effectué la vente, sauf dans le cas du terrain.

[28]     La vérificatrice, à l'époque de sa vérification, avait suffisamment d'éléments lui permettant de conclure que 2415 était l'auteur de l'opération. Elle a traité les intrants selon les informations qu'elle avait recueillies et elle a été fidèle à ce qu'elle a trouvé dans la comptabilité de 2415 et de 1863. Elle a choisi de ne pas accorder les intrants parce que 1863 n'avait pas payé la TPS sur les factures faites au nom de Jean-Guy Prévost. Elle s'est finalement adaptée à la façon de faire de 2415 et de 1863, même si cette façon de faire n'était pas la bonne.

[29]     Les contradictions dans le témoignage de M. Prévost sont remarquables. Qu'il me suffise de souligner le fait qu'il lui est impossible de déterminer la contrepartie exacte dans le projet de Marc Roy, sa déclaration que le produit de cette vente a été déposé par erreur dans son compte personnel alors qu'aujourd'hui, au nom de 2415, il dit que c'est lui qui était le vendeur et que 2415 n'aurait pas dû faire l'objet d'une cotisation, le fait qu'il réclame, au nom de 2415, des intrants liés aux factures de 60 000 $ en même temps qu'il réclame que la vente lui soit attribuée personnellement, et j'assume qu'il veut les mêmes intrants s'y rattachant.

[30]     La société 2415 a choisi de traiter comme sienne l'opération du projet Marc Roy et le ministre, par sa vérificatrice, a choisi d'accepter cette façon de faire et de s'y adapter. Même si cette façon de faire est contraire à la réalité, aux fins du traitement de la TPS, le résultat est sensiblement le même sauf que ce n'est pas la bonne entité qui en devient responsable. Les sociétés 2415 et 1863 ont choisi de procéder de cette façon et le ministre s'est adapté. Elles demandent maintenant à la Cour de corriger la situation en attribuant la vente à M. Prévost tout en accordant les intrants à 2415, ce qui est contradictoire.

[31]     Ce sont effectivement toutes ces contradictions qui font que le témoignage de M. Prévost est peu fiable. Comment réconcilier sa demande d'imputer la TPS du projet Marc Roy à Jean-Guy Prévost avec le fait que l'acte de vente identifie 2415 comme intervenant à titre de constructeur?

[32]     Devant tout cela, je n'interviendrai pas dans le choix qu'ont fait les parties quant au traitement de la TPS du projet Marc Roy et quant aux intrants. La société 2415 ne m'a pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la cotisation du 13 mars 2002 visant 2415 et le projet Marc Roy a besoin d'être modifiée ou annulée.

1863

[33]     Dans le dossier 1863, la question en litige est de savoir si l'intimée était justifiée d'utiliser le système comptable informatique de 1863 pour établir la cotisation. Est-ce que le système informatique est similaire et équivalent au système manuel? La deuxième question en litige regroupe deux rubriques : est-ce que l'intimée a tenu compte des factures d'achats aux États-Unis et des factures relatives au matériel roulant de 1863 pour déterminer les CTI admissibles, et est-ce que l'intimée a taxé par erreur un emprunt de 100 000 $ fait par 1863 dans un projet appelé « Loisirs Cookshire » ?

[34]     À l'audience, 1863 a laissé tomber la deuxième question en litige regroupant deux rubriques puisque, selon M. Prévost, il n'a aucune incidence et que le prêt de 100 000 $ n'est pas dans la cotisation.

[35]     Lors de sa vérification, madame Bourbeau s'est vu remettre par 1863 aux fins de sa vérification, par 1863, le système comptable informatique. Elle a donc concilié la TPS à payer et les intrants selon ce système avec ceux déclarés par 1863 dans ses rapports trimestriels pour la période en question et il en a résulté des écarts. Devant cet état de choses, 1863 par son représentant, M. Prévost, a remis à madame Bourbeau le système comptable manuel sous prétexte que ce dernier était plus représentatif quant aux ventes et aux achats et qu'il comptabilisait les comptes fournisseurs. Madame Bourbeau a donc refait l'exercice avec le système manuel et il y avait des écarts dans tous les rapports trimestriels entre ce que 1863 avait déclaré et ce qu'indiquait le système comptable manuel. Madame Bourbeau a donc conclu que le système comptable manuel n'était également pas représentatif des montants déclarés.

[36]     Afin de comparer les deux systèmes de comptabilité, madame Bourbeau a témoigné avoir effectué une série de tests et d'exercices dans le but de déterminer si le système comptable informatique était fiable. Elle a notamment pris l'ensemble des dépôts qui apparaissent dans le système manuel pour chaque mois et a comparé l'ensemble de ces dépôts avec ceux qui étaient indiqués dans le système informatique. Cette comparaison lui a permis de conclure que les deux systèmes étaient semblables, puisque l'écart était très minime eu égard au nombre d'opérations. Elle a aussi comparé, pour l'année 1998, les dépôts selon le journal synoptique au journal des recettes par mois selon le système informatique. Le total des dépôts était presque identique pour cette année. De là, elle a conclu que le système comptable informatique était fiable. Ayant établi sa cotisation selon le système comptable informatique, il n'y avait donc pas lieu de recommencer la vérification avec le système manuel. Chose certaine, les deux systèmes comptables ne sont pas représentatifs des déclarations produites par 1863.

[37]     La société 1863 prétend que le système comptable informatique ne tient pas compte des comptes fournisseurs. Sur cette question, madame Bourbeau a fait référence à sa feuille de calcul intitulée « balance de vérification pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1998 » où on trouve, au poste 21301, des comptes fournisseurs de 69 669,14 $. Il me paraît pertinent ici de reproduire les commentaires de madame Bourbeau lors de son témoignage sur cette question.

R.    Bien, c'est que quand on fait une vérification, première étape au niveau de la vérification, vérification taxes; dans un premier temps on fait l'analyse des états financiers. Suite à ça, on fait une conciliation des taxes. Avant de faire des sondages, avant de faire des sondages sur des livres, on s'assure que les livres sont représentatifs des montants qui ont été déclarés au ministère du Revenu. Dans ce cas-ci, je prends les livres, il y a un système ... Il y a deux systèmes de comptabilité : un manuel, un informatique. Je ne sais pas s'il y en a un troisième qui balance, mais moi j'en ai un manuel puis j'en ai un informatique; j'essaie de concilier à partir du système informatique quelles sont les taxes déclarables au système informatique, quelles sont les taxes qui ont été déclarées au ministère du Revenu, je ne balance pas. Je prends le système manuel pour m'assurer que je ne cotise pas indûment l'individu, je prends le système manuel, je veux dire, je vais faire l'exercice même si ma vérification en ce qui me concerne est terminée. Je refais une conciliation des taxes, je réalise que son système manuel, je tente de voir est-ce que son système manuel, est-ce qu'au moins il se sert de ce système manuel-là pour produire ses déclarations de taxes? Non, puisque aucune des déclarations par période, il y a toujours des ... Je ne sais pas comment ça s'explique, je ne peux pas refaire l'ensemble des transactions, comment s'expliquent les décalages et tout. Ce que je dis, c'est que les déclarations sont non représentatives des livres manuels. Mon mandat n'est pas de reconstituer cent pour cent les ventes ...

[38]     Un autre commentaire de madame Bourbeau qui, à mon avis, veut tout dire est celui qui concerne la façon de faire de 1863 et de 2415 tant dans leur tenue des livres comptables que dans leur façon d'inscrire les opérations aux livres comptables. Elle a dit que dans sa vérification, elle n'a pas pu fonctionner avec la normalité. Elle a d'ailleurs complété son témoignage en disant :

R. C'est parce qu'il aurait fallu qu'il me montre, quand on me parle, quand monsieur Prévost me dit ... qu'il me le montre dans les livres, qu'il me montre ce qu'il me dit dans les livres. Je ne peux pas, moi, avoir une transaction qui ne réfère pas à une base de référence. J'ai besoin d'une base de référence pour ... sinon je suis obligée de reconstituer toutes les pièces qu'il me donne, me refaire un autre, un troisième système de comptabilité. C'est impossible. Je voudrais par exemple. Ça a été possible de le faire pour 2415 en totalité parce que le nombre de transactions n'était pas élevé; ça a été possible de le faire aussi pour l'individu en totalité. Mais malheureusement je n'ai pas pu le faire pour 1863. Mais ce que je dois vous assurer, ce que je me suis assurée, c'est que la cotisation n'était pas ... je n'ai pas inventé les chiffres, j'ai pris les livres informatiques. J'ai rien inventé, là. J'ai pris un système comptable ... Une personne qui est mandataire du Ministère doit tenir des livres et registres dans une forme appropriée. Je veux dire, j'ai composé avec ce que j'avais, Maître Cloutier. J'aurais aimé ça composer avec des outils plus clairs puis on n'en serait probablement pas ici aujourd'hui.

[39]     De son côté, le représentant de 1863 déclare qu'aux fins des déclarations de TPS, il se servait de son système comptable manuel et qu'il ne reconnaît pas le système comptable informatique au motif qu'il ne contenait pas toutes les données, et surtout les comptes fournisseurs. Plus tard, lors de son témoignage à la reprise de l'audience, il déclare qu'il utilisait le système comptable informatique pour calculer la TPS à payer, mais que pour le calcul des CTI, il utilisait le système comptable manuel. Dans un autre temps, il reconnaît qu'il y a des erreurs, mais qu'elles sont minimes et ne justifient pas une cotisation. Il critique le travail de la vérificatrice, mais n'apporte rien de concret pouvant me permettre de corriger quoi que ce soit et ce, même si j'étais d'accord avec lui sur toutes ses prétentions. Il admet même tenir un troisième système de comptabilité pour 1863.

[40]     La société 1863, aux fins de vérification, a remis son système comptable informatique à madame Bourbeau. Lorsque le résultat n'a pas fait son affaire, elle a produit un deuxième système comptable, mais manuel cette fois-ci, et plus tard, on parle d'un troisième système comptable. De plus, ni le système comptable informatique, ni le système comptable manuel est représentatif des déclarations trimestrielles de TPS pour la période en litige. La société 1863 ne peut même pas établir par un quelconque système de comptabilité ses propres déclarations de TPS. Il n'y a donc rien dans la preuve qui soit suffisamment convaincant, documenté ou confirmé pour me permettre de conclure que la cotisation est erronée. Le travail de la vérificatrice est, à mon avis, acceptable et des plus raisonnables dans les circonstances.

[41]     Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2005.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :

2005CCI47

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2002-2656(GST)I

2002-2653(GST)I

INTITULÉS DES CAUSES :

1863-4725 Québec Inc. et Sa Majesté la reine

2415-7851 Québec Inc. et Sa Majesté la reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Sherbrooke (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :

le 6 février 2004 et le 16 juin 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

le 17 janvier 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Pierre A. Cloutier

Pour l'intimée :

Me Frank Archambault

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Pierre A. Cloutier

Étude :

Cloutier, Larkin

Avocats

Sherbrooke (Québec)

Pour l'intimé(e) :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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