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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3366(EI)

ENTRE :

TSS - TECHNICAL SERVICE SOLUTIONS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KENNETH ZDEBIAK,

intervenant.

Appel entendu avec l'appel no 2000-3367(CPP)

les 29, 30 et 31 janvier 2002 à Calgary (Alberta) par

l'honorable juge Gordon Teskey

Comparutions

Avocats de l'appelante :                       Me Jehad Haymour

                                                          Me Denny Kwan

Avocats de l'intimé :                            Me Gwen Mah

                                                          Me Mark Heseltine

Pour l'intervenant :                     L'intervenant lui-même


JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national est infirmée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de février 2002.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mars 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3367(CPP)

ENTRE :

TSS - TECHNICAL SERVICE SOLUTIONS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KENNETH ZDEBIAK,

intervenant.

Appel entendu avec l'appel no 2000-3366(EI)

les 29, 30 et 31 janvier 2002 à Calgary (Alberta) par

l'honorable juge Gordon Teskey

Comparutions

Avocats de l'appelante :                       Me Jehad Haymour

                                                          Me Denny Kwan

Avocats de l'intimé :                            Me Gwen Mah

                                                         Me Mark Heseltine

Pour l'intervenant :                     L'intervenant lui-même


JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national est infirmée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de février 2002.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mars 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020226

Dossiers: 2000-3366(EI)

2000-3367(CPP)

ENTRE :

TSS - TECHNICAL SERVICE SOLUTIONS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KENNETH ZDEBIAK,

intervenant.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Teskey, C.C.I.

[1]      L'appelante, TSS-Technical Service Solutions Inc. ( « TSS » ), interjette appel à l'encontre de deux décisions du ministre du Revenu national (le « ministre » ) en date du 2 mai 2000 dans lesquelles le ministre a déterminé que l'emploi que Kenneth Zdebiak ( « Ken » ) a exercé pour TSS du 7 septembre au 20 octobre 1999 était un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) et de ses règlements d'application et que c'était un emploi ouvrant droit à pension au sens du Régime de pensions du Canada (le « RPC » ) et de ses règlements d'application.

[2]      Par suite des décisions susmentionnées, l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) a effectué une vérification concernant TSS et a établi à l'égard de cette dernière une évaluation d'un montant total d'environ 161 000 $ au titre de cotisations d'assurance-emploi et de cotisations au Régime de pensions du Canada pour les années 1999 et 2000.

[3]      À cause de l'importance du montant de l'évaluation, des interrogatoires préalables ont été tenus. Pour les nombreux motifs énoncés ci-après, je ne peux comprendre pourquoi, par l'intermédiaire du ministère de la Justice, le procureur général du Canada n'a pas simplement dit à l'ADRC, après les interrogatoires préalables, qu'il n'existait aucun fondement factuel pour ses décisions et son évaluation et qu'elle n'aurait pas dû faire faire à une entreprise comme TSS les dépenses que cette dernière a manifestement engagées pour se défendre. La position de l'intimé en l'espèce repose sur des éléments fantaisistes et est le fruit de l'imagination.

[4]      TSS a complètement démoli tout prétendu fondement factuel concernant la décision et l'évaluation subséquente, et l'appelante a démontré que, vu l'état actuel de la jurisprudence, il n'y avait aucun fondement à la position de l'intimé.

[5]      TSS a appelé les personnes suivantes comme témoins : Christopher Robert Arthur ( « Chris » ), le président et directeur délégué de TSS, Michelle Cherie Lynn Nicholson ( « Michelle » ), une aide de bureau employée par TSS, ainsi que trois techniciens, à savoir Michael Stephen John Dolan ( « Michael » ), Russell Kurt Ashe ( « Russell » ) et Stephen John Hall ( « Stephen » ). TSS a en outre déposé, par consentement, un résumé des faits établis lors des interrogatoires préalables.

[6]      L'intimé a appelé Ken comme témoin, ainsi que Thomas Steven Kovacs ( « Tom » ); ces deux techniciens ont fourni des services pour TSS, qui a mis un terme à la relation qu'elle avait avec eux.

[7]      Lorsque je parlerai des techniciens, Ken et Tom seront inclus, à moins que je n'exclue expressément l'un ou l'autre.

[8]      Chris avait établi en décembre 1998 l'entreprise commerciale de TSS, qui consistait en ce qui suit : prestation de services techniques à divers clients ayant des problèmes informatiques, installation de réseaux d'ordinateurs dans des bureaux, installation de connexions Internet et travaux de câblage.

[9]      L'exercice de TSS prend fin le 30 juin. Ainsi, les chiffres en date du 30 juin 1999 ne reflètent que les sept premiers mois d'exploitation de TSS, et les chiffres en date du 30 juin 2000 portent sur une année complète.

[10]     En 1999, un représentant de Shaw Cable ( « Shaw » ), grande société albertaine de câblodistribution, avait contacté Chris pour dire qu'ils pourraient faire des affaires ensemble.

[11]     Il a été convenu par TSS et Shaw que TSS fournirait à Shaw des services selon un prix unitaire.

[12]     Ces services consistaient à installer dans des maisons les câbles pour le service de câblodistribution ou le service Internet, c'est-à-dire à installer les câbles pour le service Internet dans des maisons ayant déjà le service de câblodistribution et où l'on souhaitait avoir une connexion Internet par câble plutôt que par ligne téléphonique.

[13]     Les propriétaires contactaient Shaw et demandaient le service qu'ils désiraient. Shaw fixait alors un rendez-vous pour l'installation du matériel nécessaire aux fins du service désiré.

[14]     Pour l'installation de son matériel, Shaw faisait affaires avec cinq entreprises, dont TSS.

[15]     TSS avait déterminé que la meilleure façon de fournir ces services à Shaw serait de conclure des arrangements avec un certain nombre de techniciens pour que ces derniers, en tant qu'entrepreneurs indépendants, fournissent les services demandés par Shaw.

[16]     Le 13 octobre 1999, TSS avait 33 techniciens à ces fins, et, le 26 octobre, elle en avait 37.

[17]     Bien que le point litigieux en l'espèce tienne à la qualification du contrat entre Ken et TSS, c'est-à-dire à la question de savoir si Ken était un employé ou un entrepreneur indépendant, le témoignage de Michael, Russell et Stephen a été présenté pour corroborer le témoignage de Chris.

[18]     J'accepte tous les témoignages présentés au nom de l'appelante et, en cas de divergence quant aux faits pertinents entre la preuve présentée par l'intimé et la preuve présentée par l'appelante, j'accepte la preuve présentée par les témoins de cette dernière.

[19]     TSS fournissait à Shaw une liste de techniciens indiquant les heures auxquelles chacun était disponible pour effectuer les installations. Shaw se servait ensuite de cette liste pour déterminer avec ses clients quand les installations auraient lieu. Shaw fournissait quotidiennement à TSS une « feuille de route » pour le jour suivant. TSS gardait le contrôle sur la question de savoir qui allait où et elle pouvait attribuer les travaux aux techniciens qu'elle choisissait. De plus, si un technicien n'était pas disponible pour quelque raison, le travail était confié à un autre technicien.

[20]     La feuille de route indiquait à quelle date et à quelle heure un technicien désigné par un code devait se rendre chez un client et quelle installation il devait effectuer. Tout cela est sous réserve des remarques que j'ai faites aux paragraphes précédents.

[21]     Il y avait fondamentalement trois périodes par jour, à savoir la période du matin, la période de l'après-midi et la période du soir. La plupart des techniciens étaient disponibles pour les périodes du matin et de l'après-midi ou pour les périodes de l'après-midi et du soir. Les techniciens qui choisissaient la période du matin étaient tenus de se présenter au bureau de TSS avant 8 heures pour prendre leur feuille de route et les ordres de travail accompagnant cette feuille. Si un technicien n'était pas arrivé à 8 heures, les ordres de travail étaient remis à d'autres techniciens. Les techniciens qui choisissaient les périodes de l'après-midi et du soir étaient tenus de se présenter avant 11 h 30, et la procédure était la même que dans le cas de la période précédente.

[22]     Après avoir reçu la feuille de route qui lui avait été attribuée, le technicien allait à l'entrepôt de Shaw et prenait tout le matériel devant être installé, par exemple les câbles, les boîtes de connexion, les raccords, les modems et les cartes d'ordinateur. Il téléphonait ensuite au premier client et se rendait à l'endroit indiqué.

[23]     Michelle avait été embauchée par TSS pour remplir une multitude de tâches. Elle acceptait volontiers de se charger de ce travail et elle se donnait corps et âme à l'entreprise. Elle se rendait manifestement compte que, plus il y aurait d'installations faites, plus son employeur, TSS, serait prospère. Il en était de même des techniciens. Michelle travaille maintenant pour Calgary Honda, et son témoignage est accepté sans réserve.

[24]     À la fin du travail pour la journée, les techniciens retournaient à TSS avec leurs ordres de travail exécutés. Ces documents permettaient à TSS de faire des factures à Shaw et étaient utilisés pour vérifier toutes les factures présentées à TSS par les divers techniciens.

[25]     À l'étape initiale de l'entrevue, chaque technicien potentiel était informé par Chris du taux fixe offert par TSS. Ce taux était sujet à négociations si le technicien avait de l'expérience et était assez intelligent pour négocier un taux supérieur. Les techniciens étaient tous informés qu'ils seraient des entrepreneurs indépendants exploitant leur propre entreprise, qu'il leur fallait un numéro de TPS et que les prix unitaires devant être demandés à TSS incluaient la TPS. Ils se faisaient tous dire comment faire des factures à TSS pour leurs installations.

[26]     Ken a signé un contrat avec TSS le 14 septembre 1999. On le lui avait remis dans la matinée pour qu'il puisse en examiner le contenu. Il l'a signé à la fin de la journée, et le contrat a été signé au nom de TSS le même jour.

[27]     Le contrat a manifestement été établi par un profane. Il dit que le technicien est un entrepreneur indépendant et qu'il est responsable des questions touchant l'impôt sur le revenu, la TPS, les cotisations au RPC et les cotisations d'assurance-emploi; il contient également une clause de non-concurrence très restrictive et plusieurs clauses sous la rubrique « Formation » .

[28]     Lorsqu'un nouveau technicien commençait à travailler, Michelle s'organisait pour qu'il fasse équipe avec un ancien, de manière à acquérir les compétences nécessaires, s'il ne les possédait pas déjà. Le nouveau technicien n'était pas payé pour cette période d'une à deux semaines où il suivait un technicien d'expérience effectuant les installations.

[29]     Il en avait été ainsi dans le cas de Ken, qui était un informaticien mais n'avait aucune formation ou connaissance concernant le câblage nécessaire aux installations. Il a commencé à accompagner un autre technicien le mardi 7 septembre 1999 et a été avec deux techniciens différents jusqu'au 17 septembre 1999. Il apprenait ainsi comment installer le câble dans les maisons des clients. Ses compétences en informatique faisaient de lui un technicien précieux pour TSS.

[30]     Au cours du mois de septembre 1999, Ken et Tom se sont rencontrés et, avec l'approbation de TSS, ils ont travaillé en équipe. Tom accomplissait le travail de câblage, tout en acquérant les compétences informatiques nécessaires, et Ken exécutait le travail informatique, tout en continuant son apprentissage quant au câblage. Il avait été convenu par TSS et Ken qu'un seul ensemble d'honoraires serait payé par TSS pour leurs installations conjointes.

[31]     Ken et Tom avaient convenu que Ken partagerait à parts égales la rétribution gagnée par eux deux. Tom avait une camionnette pouvant transporter une échelle et tout le matériel de sécurité nécessaire. Ken n'avait rien de cela et n'avait pas d'argent pour en faire l'acquisition. Il était en voie de déclarer faillite.

[32]     À eux deux, ils fournissaient tous les outils nécessaires pour la prestation des divers services, y compris tout le matériel de sécurité, ainsi qu'une camionnette pouvant transporter une échelle utilisée pour monter aux poteaux de téléphone. On avait remis à Ken un téléphone cellulaire et un indicateur de force de réception, qui est un appareil coûteux servant à tester le niveau du signal du câble. Il s'agissait des seuls articles qui avaient été fournis par TSS, et aucuns frais de location n'étaient demandés à Ken pour ces deux articles. Habituellement, les techniciens avaient leur propre téléphone cellulaire ou téléavertisseur et concluaient différentes ententes particulières concernant l'indicateur de force de réception. Ken, à cet égard, n'était pas une recrue habituelle, et je conclus que c'était en raison de ses compétences extraordinaires en informatique que TSS avait pris cela en considération.

[33]     Ken a acheté des outils spécialisés de TSS, étant entendu qu'il les paierait en quatre versements égaux. Ces outils n'ont jamais été payés, mais ont été rendus à TSS après que Ken eut été avisé que ses services n'étaient plus requis par TSS.

[34]     L'équipe que formaient Ken et Tom a effectué des installations les 29 et 30 septembre 1999. Ken a remis à TSS ce qu'il considérait comme étant sa facture (pièce R-9) et il a reçu de TSS un chèque de 355,92 $ en date du 14 octobre 1999 indiquant que la période de facturation allait du 20 au 30 septembre 1999.

[35]     L'équipe composée de Ken et Tom a également effectué des installations pendant les 14 premiers jours d'octobre 1999. Ken a présenté à TSS sa facture (pièce R-10) décrivant tous les services fournis et il a reçu à cet égard de TSS un chèque de 1 218,95 $ en date du 29 octobre 1999 indiquant que la période de facturation allait du 1er au 31 octobre 1999.

[36]     Ken a partagé ces deux chèques à parts égales avec Tom.

[37]     Bien que Ken ait allégué qu'il avait effectué quelques travaux informatiques après le 15 octobre 1999 mais ne s'était pas donné la peine de facturer ce travail à TSS, je rejette catégoriquement cette allégation et je conclus que le 14 octobre 1999 a été la dernière journée où du travail a été accompli.

[38]     Tom a allégué qu'on lui avait remis une copie vierge d'une convention de sous-traitance en date du 27 septembre 1999 et que, après l'avoir examinée, il avait signé cette convention et l'avait rendue à Michelle. Cette convention n'a jamais été signée par TSS. Je conclus que Michelle avait établi cette convention par erreur et que celle-ci n'avait pas été signée par TSS parce que la convention conclue avec Ken était en vigueur et que TSS considérait qu'elle ne faisait alors affaires qu'avec Ken. Par la suite, lorsque Tom a commencé à fournir ses services directement à TSS, on a oublié de signer le contrat.

[39]     Michelle, au nom de TSS, envoyait de nombreux messages électroniques aux techniciens pour essayer de faire en sorte qu'on puisse les joindre en tout temps et qu'ils assistent à des réunions concernant des changements de procédure, les exigences de Shaw et des conseils techniques d'employés de Shaw. Les techniciens n'étaient pas payés pour assister à ces réunions, et bon nombre ne tenaient simplement pas compte de ces directives. Ken assistait à toutes les réunions.

[40]     Environ un an avant de travailler pour TSS, Ken avait enregistré une entreprise à propriétaire unique sous la raison sociale « Blue Anchor Systems » . Il utilisait cette raison sociale en cherchant à travailler comme technicien en informatique. Il avait été contrarié que le premier chèque qu'il avait reçu de TSS n'ait pas été fait à l'ordre de Blue Anchor Systems.

[41]     Le 6 octobre, Revenu Canada avait confirmé à Blue Anchor Systems et à Kenneth Robert Zdebiak que la demande d'inscription aux fins de la TPS avait été acceptée et qu'un numéro de TPS avait été attribué.

[42]     Ken savait que tous les frais unitaires qui lui étaient payés incluaient la TPS. Après la fin de toutes relations avec TSS, il était allé à Développement des ressources humaines Canada pour demander comment calculer la TPS qu'il avait perçue et comment déclarer et verser celle-ci. En même temps, il s'était informé quant à savoir s'il y avait des programmes dont il pourrait tirer parti.

[43]     Un employé de Développement des ressources humaines Canada a pris sur lui d'établir un relevé d'emploi pour Ken en date du 26 mai 2000 et l'avait envoyé à Ken. Évidemment, il n'y a aucune disposition légale à cet effet, et cela n'était absolument pas justifié. En annexe à ce relevé d'emploi figurent deux prétendues factures de Kenneth Zdebiak en date du 1er octobre 1999 et du 16 octobre 1999, au montant de 355,95 $ et de 1 218,95 $ respectivement. Ces documents peuvent très bien avoir été dactylographiés par Michelle, au nom de Ken, à partir du résumé de travaux exécutés que Ken avait établi et présenté (pièces R-9 et R-10). Rien ne dépend véritablement de ces factures, puisqu'elles n'auraient servi qu'à mettre de l'ordre dans la tenue de livres de TSS.

[44]     Je rejette l'allégation de Ken qu'un calendrier de rotation pour deux semaines était affiché au bureau de TSS, eu égard notamment à la fiche de travail suivante de Ken :

1er octobre

3 octobre

4 octobre

5 octobre

7 octobre

10 octobre

12 octobre

14 octobre

14 h à

8 h 45 à

10 h à

8 h 45 à

9 h 45 à

8 h 45 à

10 h à

13 h à

19 h

18 h 30

17 h 30

10 h 45

14 h 30

14 h 30

20 h

8 h 30

[45]     Ken était libre de travailler aux dates et heures qu'il voulait. Il pouvait prendre congé quand il voulait, par exemple pendant la journée ou pour toute la journée. D'après l'horaire qui figure ci-devant, il est facile de voir que Ken ne se conformait pas aux voeux de TSS et que les heures auxquelles il commençait à travailler étaient irrégulières.

[46]     Malgré le fait que TSS désirait que ses techniciens commencent à travailler à des heures convenues, le but ultime était que les installations demandées par Shaw soient effectuées à temps et d'une manière professionnelle et que le plus grand nombre possible d'installations soient faites pendant une journée donnée. Cette politique avantageait aussi bien TSS que les techniciens.

[47]     Shaw avait un gros volume d'affaires, suffisant pour tenir tous les techniciens de TSS occupés à temps plein. Tous ces techniciens avaient des connaissances en informatique et étaient libres de faire du dépannage informatique pour des particuliers. TSS ne voulait pas que les techniciens travaillent pour des concurrents. Elle savait qu'elle pouvait tenir les techniciens aussi occupés qu'ils le désiraient et elle voulait en même temps que les techniciens soient disponibles pour effectuer les installations et qu'ils ne travaillent pas pour divers concurrents de façon à faire augmenter les prix unitaires. Je crois que, du point de vue juridique, la clause de non-concurrence du contrat conclu avec Ken est absolument nulle et inexécutoire.

[48]     Pour ce qui est des cas où le témoignage de Ken diffère des témoignages présentés au nom de l'appelante, je rejette les allégations de fait de Ken.

[49]     Shaw était un gros client de TSS, qui voulait faire en sorte que Shaw reste satisfaite. La meilleure façon d'y parvenir était de veiller à ce que les installations soient effectuées à temps et d'une manière experte.

[50]     Je rejette l'allégation selon laquelle il était obligatoire d'acheter des chemises à TSS et de les porter et je conclus que le seul code vestimentaire était celui de Shaw, qui exigeait que les techniciens aient une apparence soignée. Leurs vêtements ne représentaient qu'une autre partie de leurs dépenses.

[51]     Je conclus que chaque technicien était responsable en cas de travail mal fait et que chacun était responsable de tous dommages.

[52]     Chaque technicien était informé que l'on pouvait inspecter son véhicule n'importe quand pour s'assurer qu'il contenait tout le matériel de sécurité nécessaire.

[53]     Je conclus que les installations n'étaient pas inspectées par TSS ou Shaw pendant qu'elles étaient effectuées ou par après. Toutefois, si un client se plaignait à TSS ou à Shaw, une inspection avait lieu et, si l'installation n'était pas conforme à la norme, le technicien devait retourner chez le client et, à ses propres frais, régler le problème. Si ce technicien ne le faisait pas, un autre se rendait chez le client pour remédier à la situation, et les frais en étaient imputés au premier technicien.

[54]     Chaque technicien était payé seulement pour les travaux effectivement accomplis et était responsable de toutes dépenses, toutes erreurs et tous dommages.

[55]     Ken et Tom ont tous les deux dit en témoignant - tout comme les trois techniciens qui ont témoigné au nom de TSS - qu'ils travaillaient comme entrepreneurs indépendants exploitant leur propre entreprise et, sauf pour ce qui est de quelques points mineurs, ils ont confirmé la preuve présentée au nom de TSS.

[56]     Ken a déposé un avis d'intervention. Il n'entendait pas être partie aux présents appels. Il se préoccupait de ce que certains des faits allégués n'étaient pas exacts à son avis et de ce qu'il pourrait être tenu pour responsable envers TSS du paiement de frais juridiques. À ce jour, il estime qu'il était un entrepreneur indépendant et non un employé.

Analyse

L'emploi selon les règlements

[57]     La thèse subsidiaire du ministre est que l'intervenant était un employé selon les règlements adoptés en application des deux lois. Les règlements disposent expressément qu'est un emploi assurable « l'emploi exercé par une personne appelée par une agence de placement à fournir des services à un client de l'agence, sous la direction et le contrôle de ce client [...] » .

[58]     S'il n'existe pas un emploi dans lequel le particulier est placé sous la direction ou le contrôle d'une partie, ni l'un ni l'autre des règlements ne s'appliquent.

[59]     Dans l'affaire Sara Consulting & Promotions Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), C.C.I., no 2000-3982(EI), 20 novembre 2001, [2001] A.C.I. no 773, mon confrère le juge Bell a dit, au paragraphe 94 :

94.        Je traiterai rapidement de l'argument de l'intimé selon lequel l'appelante était une agence de placement au sens de l'alinéa 6g) du Règlement. Je rappelle que la réponse de l'intimé à l'avis d'appel dit que, si les travailleuses « n'exerçaient pas un emploi en vertu de contrats de louage de services conclus avec l'appelante » , elles exerçaient un emploi assurable conformément à l'alinéa 6g) du Règlement. Si les travailleuses « n'exerçaient pas un emploi » , pour reprendre la thèse de l'avocate, comment pourrait-il s'agir de travailleuses qui exerçaient leur « emploi » en tant que personnes « appelées » par qui que ce soit à fournir des services? L'appelante n'était pas et n'est toujours pas une agence de placement. Cet argument est rejeté.

[60]     Je conviens qu'un préalable de l'application de ce règlement est que je conclue que le technicien, c'est-à-dire Ken, était un employé de Shaw et qu'il était sous le contrôle de Shaw, ce qui n'est manifestement pas le cas. Cette disposition s'appliquerait si Ken était soumis au contrôle direct de Shaw. Tel n'était pas le cas. La seule préoccupation de Shaw était que le technicien ait une apparence soignée et remplisse les tâches de façon professionnelle. Ce n'est pas là un degré de contrôle suffisant pour que Ken soit considéré comme ayant été un employé de Shaw.

[61]     L'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi et l'article 34 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada n'aident nullement le ministre dans ce cas-ci, car l'intervenant n'était pas un employé de Shaw Communications ou d'un autre client de l'appelante et n'était pas sous la direction et le contrôle de Shaw Communications ou d'un autre client de l'appelante.

Employé ou entrepreneur indépendant

[62]     Le dernier état de cette question est la décision récente de la Cour suprême du Canada dans l'affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, 2001 C.S.C. 59. Dans cette affaire, la Cour suprême traitait de la responsabilité du fait d'autrui, mais elle a dû examiner la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant. Elle a fait référence à la décision de la Cour d'appel fédérale dans Wiebe Door et a dit aux paragraphes 47 et 48 :

47.        Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

48.        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[63]     C'était feu le juge MacGuigan, de la Cour d'appel fédérale, qui avait dit dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, 87 D.T.C. 5025, qu'il y avait un critère composé de quatre parties intégrantes, lequel critère se résume comme suit :

Le contrôle

Ce critère consiste à déterminer le degré de contrôle qu'une partie à la relation exerce sur l'autre. S'il y a un degré élevé de contrôle, le particulier assujetti à ce contrôle sera considéré comme étant un employé. Toutefois, s'il n'y a guère ou pas du tout de contrôle et que le particulier est raisonnablement libre de déterminer quand et comment accomplir le travail, ce particulier sera généralement considéré comme étant un entrepreneur indépendant.

La propriété des instruments de travail

Ce critère consiste à déterminer qui est propriétaire du matériel utilisé pour accomplir le travail. Si ce matériel appartient à l'embaucheur, une relation employeur-employé peut exister. Toutefois, si un particulier fournit ses propres instruments de travail, il est susceptible d'être considéré comme un entrepreneur indépendant.

Les chances de bénéfice et les risques de perte

Ce critère consiste à déterminer ce qui est en jeu pour les parties à la relation. Si le particulier risque de perdre de l'argent dans la relation, il sera généralement considéré comme étant un entrepreneur indépendant. Toutefois, s'il n'a aucun risque de perte, il sera généralement considéré comme étant un employé. Bien que cela puisse être appliqué inversement concernant le bénéfice, une telle analyse est probablement moins utile, car aussi bien un employé qu'un entrepreneur indépendant peut tirer un profit de la relation, tandis que seul un entrepreneur indépendant a des risques de perte.

Le degré d'intégration

Ce critère consiste à déterminer si le travail accompli par une partie à la relation fait partie intégrante de l'entreprise de l'autre partie ou y est simplement accessoire. Dans le premier cas, on considérera généralement qu'il s'agit d'un employé. Toutefois, dans le deuxième cas, le particulier sera généralement considéré comme étant un entrepreneur indépendant.

[64]     Peu après la décision rendue dans Wiebe Door, la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Moose Jaw Kinsman Flying Fins c. Le ministre du Revenu national, C.A.F., no A-531-87, 15 janvier 1988, 88 D.T.C. 6099, a confirmé l'approche qu'il convient d'adopter pour trancher cette question, à savoir qu'un ou plusieurs des critères peuvent n'être guère applicables, voire pas du tout, et qu'il faut donc considérer l'ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger.

[65]     Je signale que l'intimé a fait valoir à notre cour ce que je considère comme étant des faits neutres qui ne conduisent pas à une conclusion dans un sens ou dans l'autre.

Le contrôle

[66]     Ni Shaw ni TSS ne contrôlaient les techniciens. Ceux-ci étaient libres d'aller et venir à leur guise et de commencer à travailler quand ils voulaient. Ils pouvaient, sans permission, prendre des vacances, des journées de congé et des heures de congé pendant une journée de travail.

[67]     Shaw déterminait un horaire pour les installations après avoir reçu une demande de services d'un client. Ses seules préoccupations étaient que les techniciens ne dérangent pas inutilement ses clients, qu'ils aient une apparence présentable et qu'ils travaillent de manière professionnelle.

[68]     Ni Shaw ni TSS n'inspectaient le travail, à moins qu'il y ait une plainte. Il était à l'avantage de Shaw et de TSS que les clients soient satisfaits.

[69]     Le fait que Shaw se préoccupait de la qualité du service fourni n'équivaut pas à un contrôle exercé sur la façon dont le service était fourni par les techniciens. En l'espèce, Shaw était soucieuse de qualité, mais aucune tentative n'était faite par elle ou TSS pour contrôler l'installation effective.

[70]     Selon le critère du contrôle, Shaw ou TSS ne contrôlaient pas Ken ni d'ailleurs les autres techniciens.

La propriété des instruments de travail

[71]     Bien qu'un indicateur de force de réception soit relativement coûteux - environ 1 800 $ - la valeur de cet appareil et du téléphone cellulaire est faible en comparaison de la valeur de tout le reste du matériel et du véhicule automobile nécessaires pour effectuer les installations. Shaw tenait une ligne d'aide que pouvaient utiliser ses clients et les techniciens, et TSS n'a aidé Ken que concernant l'indicateur de force de réception et le téléphone cellulaire.

[72]     Le téléphone cellulaire était autant à l'avantage de Ken qu'à l'avantage de TSS. Ken était le seul technicien n'ayant pas son propre téléphone cellulaire ou son propre téléavertisseur.

Les chances de bénéfice et les risques de perte

[73]     Les chances de bénéfice et les risques de perte s'appliquaient aussi bien aux techniciens qu'à TSS. Certes, le véhicule automobile représentait la plus grosse dépense, mais le choix du véhicule et la décision quant à savoir s'il convenait de l'acheter ou de le louer et comment l'assurer pouvaient faire une différence importante en matière de bénéfice. La capacité du technicien de fournir les services adéquatement et efficacement avait beaucoup à voir avec les risques de perte ou les chances de réaliser un bon profit. Causer des dommages dans une résidence pouvait causer la faillite du technicien.

L'intégration

[74]     Comme les tribunaux l'ont dit à plusieurs reprises, il s'agit à cet égard de déterminer, du point de vue du travailleur, à qui appartient l'entreprise. Du point de vue de Ken et des autres techniciens qui ont témoigné, y compris Tom, ils travaillaient pour leur compte. Ils ne faisaient pas partie de l'entreprise de TSS ou de Shaw.

[75]     Shaw exploite une entreprise consistant à fournir à des clients un service d'émissions de télévision multiples et un service Internet. À cette fin, il faut installer un câble et d'autre matériel dans la résidence du client ou à son lieu d'affaires. Les installations effectuées en l'espèce n'étaient qu'un prélude par rapport à ce que Shaw fournissait pour répondre à la commande du client, à savoir le service de télévision par câble ou le service Internet par câble.

Autres facteurs

[76]     Le fait que Shaw fournissait tout le matériel est un facteur neutre. Évidemment, Shaw voulait que ses câbles, ses raccords, ses boîtes de connexion et ses modems soient installés dans les demeures des clients pour que, si un problème se posait, les fournisseurs de services aient toujours affaire aux mêmes câbles et aux mêmes articles.

[77]     Le fait que l'on demandait à ces techniciens d'assister à des réunions est également un facteur neutre. Il était à l'avantage de tout le monde d'avoir ces réunions et d'y participer. Même si ces réunions étaient en fait obligatoires, cela n'indique pas l'existence d'un emploi. Les techniciens assistaient à ces réunions à l'extérieur des heures de travail et sans être rémunérés. Habituellement, un employé assisterait à de telles réunions pendant les heures de travail et serait rémunéré par voie de salaire.

Clause de non-concurrence

[78]     En l'espèce, cela aussi représente un facteur neutre. En contrepartie de cette clause, TSS disposée à donner aux techniciens autant de travail qu'ils le désiraient, car TSS ne voulait pas que ses techniciens passent dans un autre camp ou travaillent pour un concurrent.

[79]     L'intimé argue que le fait que TSS remettait une feuille de taux à un nouveau technicien en lui disant que tel était le marché devant être conclu est une indication quant au contrôle exercé sur le travail. La preuve indiquait que le taux était négocié. Ken a simplement accepté le taux comme étant définitif; il était disposé à l'accepter.

[80]     Le fait que ces techniciens laissaient des brochures de Shaw ou de TSS chez le client pour l'informer de la personne à téléphoner s'il avait des plaintes et du nom du technicien n'est pas une indication d'intégration.

[81]     Ainsi, en me fondant sur le critère historique, je suis convaincu que Ken était un entrepreneur indépendant. Toutefois, j'estime devoir également examiner ce qui peut être décrit comme étant l'approche moderne des lois fiscales.

[82]     La Cour suprême du Canada a expressément et clairement statué qu'un arrangement valable entre des parties sans lien de dépendance ne doit pas faire l'objet d'un refus d'avantage fiscal ou autre, à moins qu'il s'agisse d'un trompe-l'oeil ou que l'arrangement ne peut donner lieu à un avantage parce que la loi l'indique clairement.

[83]     Dans l'affaire Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, 99 D.T.C 5669, le juge McLachlin (titre qu'elle portait alors), s'exprimant pour l'ensemble de la Cour, a dit au paragraphe 39 :

39.        Notre Cour a statué à maintes reprises que les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous-tend l'opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle-ci: Bronfman Trust, précité, aux pp. 52 et 53, le juge en chef Dickson; Tennant, précité, au par. 26, le juge Iacobucci. Cependant, deux précisions à tout le moins doivent être apportées. Premièrement, notre Cour n'a jamais statué que la réalité économique d'une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu'en l'absence d'une disposition expresse contraire de la Loi ou d'une conclusion selon laquelle l'opération en cause est un trompe-l'oeil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n'est possible que lorsque la désignation de l'opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables: Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache.

[84]     Dans l'affaire Sara, précitée, mon confrère le juge Bell a dit au paragraphe 92 :

[...] Je souscris à l'orientation donnée dans l'arrêt Shell, à savoir qu'une nouvelle qualification des rapports juridiques n'est possible que lorsque la désignation de l'opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables. Il faut reconnaître que cet énoncé de la Cour suprême du Canada se rapportait à des causes fiscales. Toutefois, en l'absence d'une preuve claire et digne de foi selon laquelle la description d'une relation est autre que la description dont avaient convenu des parties sans lien de dépendance, la description dont ces parties avaient convenu doit être acceptée. Il y a absence d'une telle preuve claire et digne de foi en l'espèce.

[85]     Sur la foi de cette règle de droit, je crois que, dès que Ken a témoigné qu'il traitait avec TSS sans lien de dépendance, qu'il avait conclu une relation de travail avec elle en tant qu'entrepreneur indépendant exploitant sa propre entreprise, Blue Anchor, qu'il entendait qu'il en soit ainsi, qu'il estime aujourd'hui qu'il n'était pas un employé et qu'il n'avait jamais voulu être un employé, et vu l'ensemble de la preuve présentée par TSS, l'audience aurait dû s'arrêter là, la position de l'intimé ayant été démolie par ses propres témoins.

[86]     L'intimé n'a pas prétendu que la convention entre Ken et TSS était un trompe-l'oeil, et le témoignage de Ken n'indiquait nullement que sa relation avec TSS était autre que ce que les parties avaient désiré ou voulu.

[87]     Les réponses à l'avis d'appel en l'espèce contiennent un paragraphe qui dit :

En établissant la décision, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes.

Il y a ensuite 42 alinéas énonçant des faits. Il a été reconnu que cinq de ces alinéas n'ont pas été pris en compte par le ministre. Cela représente une proportion d'environ 12 p. 100. La réponse est prétendument déposée par Morris A. Rosenberg, sous-procureur général du Canada, avocat de l'intimé, et est signée par un certain « B. Aylesworth » en tant que représentant de l'intimé.

[88]     Les avocats de l'intimé ont appris cela au plus tard lors des interrogatoires préalables. Je crois qu'ils auraient alors dû modifier la réponse. J'estime également que le premier devoir d'un avocat à qui une affaire est confiée est de s'assurer que les hypothèses de fait sont des faits, qu'elles sont exactes et qu'elles faisaient effectivement partie de la décision ou de la cotisation du ministre, selon le cas.

[89]     Dans les présents appels, pourquoi les avocats n'ont-ils pas modifié la réponse? Est-ce que ce pourrait être pour induire sciemment en erreur la Cour ou quiconque lirait la réponse ou était-ce simplement par indifférence? Dans leur plaidoirie, les avocats de l'intimé n'ont nullement fait allusion à cela, sans parler des excuses qu'ils n'ont pas faites pour ces actes de procédure inacceptables.

[90]     Dans l'affaire Cline-Schuit c. La Reine, C.C.I., no 2001-1883(IT)I, le 20 septembre 2001, aux motifs du jugement rendus oralement à London (Ontario), mon confrère le juge Bowie a dit au par. 12 :

[...] La jurisprudence a attribué un statut particulier aux hypothèses formulées par le ministre dans l'établissement des cotisations : voir l'arrêt Hickman Motors et les affaires qui y sont citées. Il importe dès lors que les actes de procédure dans lesquels sont énoncées les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est censément appuyé pour établir la cotisation soient rédigés avec soin de manière que les hypothèses plaidées s'appuient uniquement sur des faits et que ce qui a censément été tenu pour acquis par le ministre a véritablement été tenu pour acquis et n'est pas le fruit de l'imagination du rédacteur. Les actes de procédure du genre de ceux que j'ai devant moi suscitent généralement des interrogations quant à l'exactitude des réponses déposées par le sous-procureur général.

[91]     Dans l'affaire Shaughnessy c. La Reine, C.C.I., no 2000-178(IT)G, dont le jugement a été signé le 9 janvier 2002, le juge en chef adjoint Bowman a dit au paragraphe 13 au sujet d'hypothèses :

13. [...] La formulation d'hypothèses dans la réponse à l'avis d'appel comporte une sérieuse obligation, pour la Couronne, d'énoncer honnêtement et intégralement les hypothèses effectives sur lesquelles le ministre s'est fondé en établissant la cotisation, qu'elles appuient ou non la cotisation. Le fait d'alléguer dans la réponse à l'avis d'appel que le ministre s'est fondé sur des hypothèses qu'il ne peut avoir formulées n'est pas une façon de satisfaire à cette obligation. Le tribunal et la partie appelante devraient pouvoir compter sur l'exactitude et l'exhaustivité des hypothèses alléguées dans la réponse à l'avis d'appel. Malheureusement, cela devient de plus en plus difficile. L'ensemble du système élaboré dans nos tribunaux quant aux hypothèses et quant au fardeau de la preuve est menacé si la partie intimée n'énonce pas les hypothèses effectives sur lesquelles se fonde la cotisation, et ce, avec une franchise, une impartialité et une honnêteté totales.

[92]     Je conclus que les cinq hypothèses de fait étaient le fruit de l'imagination du rédacteur. Cette pratique doit cesser. Le sous-procureur général et ses avocats du ministère de la Justice n'entendent certainement pas induire en erreur les contribuables appelants et les juges de la Cour canadienne de l'impôt. Cette partie des actes de procédure est extrêmement importante et ne doit pas induire en erreur. L'avocat au procès est responsable de la réponse à l'avis d'appel. Il ne suffit pas qu'il dise simplement que ce n'est pas lui qui l'a rédigée. Si elle énonce des faits sur lesquels on ne s'est pas effectivement fondé ou si la forme en est inadéquate, la réponse à l'avis d'appel doit être immédiatement modifiée.

[93]     Si j'avais compétence pour ce faire, j'accorderais à l'appelante les dépens sur une base procureur-client pour tout le travail effectué après la fin des interrogatoires préalables, c'est-à-dire à partir du moment où la réponse à l'avis d'appel aurait dû être immédiatement modifiée.

[94]     Le procureur général du Canada est responsable de tout litige auquel le gouvernement du Canada est partie. Il lui incombe de veiller à ce qu'un système soit en place pour que ce problème se règle. Peut-être que les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé devraient accompagner une nouvelle cotisation d'impôt ou de taxe ou une décision rendue par le ministre en vertu de la Loi.

[95]     Pour tous les motifs énoncés, les appels sont accueillis et les décisions du ministre sont infirmées.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de février 2002.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mars 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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