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Dossier: 2003-645(IT)G

ENTRE :

WOLF VON TEICHMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]                  

_______________________________________________________________

Requête entendue conjointement avec la requête de Gillian Von Teichman (2003-585(IT)G) le 17 juin 2003, à Toronto (Ontario)

Par : l'honorable juge J. M. Woods

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Kevin A. Johnson

Me Barry Webster

Avocats de l'intimée :

Me Eric Sherbert

Me James Rhodes

_______________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la requête de l'intimée visant à obtenir une ordonnance rejetant l'appel relatif aux cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998,

          et après avoir entendu les avocats des parties,

          IL EST ORDONNÉ :

1.      Que le soi-disant appel de l'appelant relatif à l'année d'imposition 1993 soit annulé;

2.      Que l'appelant dispose de 30 jours suivant la date de cette ordonnance pour déposer un avis d'appel modifié pour les années d'imposition 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998;

3.      Que l'intimée dispose de 45 jours suivant la signification de l'avis d'appel modifié pour donner une réponse.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de septembre 2003.

« J. M. Woods »

Le juge J. M. Woods

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2005.

Sophie Debbané, réviseure


Dossier: 2003-585(IT)G

ENTRE :

GILLIAN VON TEICHMAN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]   

_______________________________________________________________

Requête entendue conjointement avec la requête de Wolf Von Teichman (2003-645(IT)G) le 17 juin 2003, à Toronto (Ontario)

Par : L'honorable juge J. M. Woods

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Kevin A. Johnson

Me Barry Webster

Avocats de l'intimée :

Me Eric Sherbert

Me James Rhodes

_______________________________________________________________

ORDONNANCE

          Vu la requête de l'intimée visant à obtenir une ordonnance rejetant l'appel relatif aux cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998,

          et après avoir entendu les avocats des parties,

          IL EST ORDONNÉ :

1.      Que le soi-disant appel de l'appelante concernant l'année d'imposition 1993 soit annulé;

2.      Que l'appelante dispose de 30 jours suivant la date de cette ordonnance pour déposer un avis d'appel modifié pour les années d'imposition 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998;

3.      Que l'intimée dispose de 45 jours suivant la signification de l'avis d'appel modifié pour donner une réponse.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de septembre 2003.

« J. M. Woods »

Le juge J. M. Woods

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2005.

Sophie Debbané, réviseure


Référence: 2003CCI512             

Date: 20030905

Dossier: 2003-645(IT)G

ENTRE :

WOLF VON TEICHMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET ENTRE :

Dossier: 2003-585(IT)G

GILLIAN VON TEICHMAN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DES ORDONNANCES

Le juge Woods

[1]      L'intimée demande des ordonnances rejetant les appels de Wolf Von Teichman et de Gillian Von Teichman pour l'année d'imposition 1993. Ces ordonnances ont été demandées pour le motif que les avis d'appel n'ont pas été déposés dans les 90 jours suivant la date d'expédition des avis de ratification, comme l'exige le paragraphe 169(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la « Loi » ). Les appelants soumettent que la position de l'intimé est irrecevable pour cause de préclusion puisqu'elle est fondée sur une présentation erronée des faits sur laquelle ils se sont fondés et qui leur a causé préjudice.

Les faits

[2]      Les faits suivants se rapportent à l'appel de Wolf Von Teichman. Les faits concernant l'appel de Gillian Von Teichman sont suffisamment semblables aux fins de cette cause, pour qu'il ne soit pas nécessaire de les présenter ici.

[3]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi un avis de cotisation daté du 13 juin 1994, pour l'année d'imposition 1993, à l'endroit de Wolf Von Teichman. Une nouvelle cotisation pour la même année d'imposition a été établie par un avis de nouvelle cotisation daté du 20 mars 1997.

[4]      Un avis d'opposition à la nouvelle cotisation a été reçu par le ministre le 23 juin 1997, dans lequel M. Von Teichman s'objectait à l'imposition d'arriérés d'intérêts, ainsi qu'à la réduction de la déduction pour gains en capital et a demandé une explication générale [TRADUCTION] « des intérêts et des autres calculs qui ont été pris en compte pour établir le montant censé être dû » .

[5]      Dans une lettre adressée à M. Von Teichman, datée du 13 janvier 1999, Revenu Canada a déclaré avoir fourni une explication du nouveau calcul de la déduction des gains en capital et a déclaré que la cotisation serait ratifiée. La lettre parlait également des arriérés d'intérêts. Voici le paragraphe pertinent de la lettre :

[TRADUCTION]

Nous accepterons la demande d'annulation des arriérés d'intérêts sur le solde de l'année 1993, de la période allant du 20 mars 1997 au 20 mars 1998, en vertu du paragraphe 220(3.1). Cette action sera complétée après que la période d'appel contre l'opposition a expiré, à moins que vous ne souhaitiez retirer votre opposition maintenant.

Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation par un avis de ratification daté du 3 février 1999.

[6]      Par une lettre datée du 17 mars 1999, M. Von Teichman a retiré son opposition pour l'année d'imposition 1993.

[7]      L'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ) n'a pas immédiatement effectué l'annulation des arriérés d'intérêts. En réponse à ce défaut d'agir, M. Von Teichman a de nouveau déposé un avis d'opposition daté du         17 mai 2000. Dans ce dernier avis, M. Von Teichman s'opposait à l'inclusion d'une somme de 2 139 636 $ dans son revenu. Cette somme n'a pas été mentionnée spécifiquement dans l'avis d'opposition initial reçu le 23 juin 1997.

[8]      Par une lettre datée du 27 septembre 2002, l'ADRC a déclaré que, en vertu du paragraphe 165(1.1) de la Loi, elle ne pouvait accepter le dernier avis d'opposition.

[9]      Par une lettre adressée à M. Von Teichman datée du 6 décembre 2002, l'ADRC expliquait comme suit le défaut de traiter l'annulation des arriérés d'intérêts :

[TRADUCTION]

Après que la lettre [du 13 janvier 1999] a été envoyée, nous avons été avisés par le vérificateur, Jim Lowes, qu'il devait procéder à d'autres vérifications et établir une nouvelle cotisation pour votre déclaration de revenus de 1993.

[...]

Si d'autres nouvelles cotisations ou d'autres litiges sont toujours en cours pour l'année en question, la demande d'équité n'est généralement pas traitée, parce que le montant final d'impôt dû et l'intérêt payable sur ces impôts, ne sont pas encore connus.

Une fois que nous aurons déterminé le solde final de l'impôt et des intérêts pour votre déclaration de revenus de 1993, nous vous suggérons de demander l'annulation des intérêts pour cette année (et pour toute autre période pour laquelle vous pensez que des intérêts ne devraient pas s'appliquer).

[10]     Un avis d'appel concernant plusieurs années d'imposition, y compris l'année 1993, a été déposé le 29 janvier 2003.

Représentations des parties

[11]     M. et Mme Von Teichman soutiennent qu'ils avaient une entente avec le ministre en 1999 concernant l'annulation des arriérés d'intérêts et qu'ils se sont fondés sur cette entente lorsqu'ils ont retiré leur opposition. Il a été suggéré que le ministre a par la suite rompu cette entente en n'annulant pas immédiatement les arriérés d'intérêts et en indiquant dans une lettre datée du 6 décembre 2002 que l'ADRC avait l'intention de reconsidérer l'affaire à nouveau.

[12]     Il a été soutenu que ces circonstances satisfont les critères d'application de la doctrine de la préclusion. Ces critères ont été établis par le juge Bowman (tel était alors son titre) dans Goldstein c. Canada, [1995] A.C.I. no170 (96 DTC 1029), au paragraphe 21:

[TRADUCTION]

Les facteurs essentiels pour fonder une fin de non-recevoir sont, je pense, les suivants :

(1)         Une affirmation, ou une conduite y équivalant, qui a pour but d'inciter la personne à qui elle est faite à adopter une certaine ligne de conduite.

(2)         Une action ou une omission résultant de l'affirmation, en paroles ou en actes, de la part de la personne à qui l'affirmation est faite.

(3)         Un préjudice causé à cette personne en conséquence de cette action ou omission.

[13]     L'avocat de M. et Mme Von Teichman soumet qu'il y a eu une présentation erronée (c'est-à-dire, promesse d'annuler les intérêts, qui devait s'appliquer immédiatement si les oppositions étaient retirées), une confiance en la présentation erronée (c'est-à-dire, le dépôt des retraits) et un préjudice (c'est-à-dire, la perte de tous les droits d'appel qui en auraient résulté si les avis d'opposition n'avaient pas été retirés). Il est soumis que les contribuables devraient être mis dans la position dans laquelle ils auraient été si ces droits d'appel n'avaient pas expiré. Ainsi, les contribuables devraient avoir le droit de déposer des avis d'appel dans lesquels ils pourraient soulever d'autres questions.

[14]     L'intimée soutient que la préclusion ne peut déroger à l'obligation prévue par la loi et que cela s'applique au délai imparti pour le dépôt d'un avis d'appel en vertu du paragraphe 169(1) : Centre hospitalier Mont-Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), [2001] 2 R.C.S. 281. Il est, de plus, soumis que la procédure d'appel serait entièrement désorganisée si la préclusion s'appliquait dans de telles circonstances. Il a été concédé que la lettre du ministre, datée du 6 décembre 2002, n'était pas bien rédigée, mais on plaide que, si les contribuables pouvaient, en conséquence de lettres mal rédigées, faire abstraction des délais impartis, l'ADRC aurait un sérieux problème.

[15]     L'avocat de M. et MmeVon Teichman concède que la préclusion ne peut déroger à une obligation claire prévue par la loi, mais soumet que ce principe se limite aux obligations prévues par la loi et qui sont fondamentales à la loi. Il a été soutenu que le délai imparti pour déposer un avis d'appel n'est pas une disposition fondamentale de la Loi. De plus, il a été fait référence à une cause qui a appliqué la préclusion à un délai de dépôt prévu par la loi en vertu de la Loi sur la taxe de vente au détail de l'Ontario: Molson Ontario Breweries v. Ontario, [1985] O.J. No. 295. Dans cette affaire, il a été décidé, par jugement rendu oralement, que les avis d'appel non déposés pendant le délai imparti avaient été dûment déposés et que le ministre du Revenu était empêché, pour cause de préclusion, d'affirmer le contraire. La présentation erronée qui a donné lieu à ce redressement était une déclaration incorrecte faite par un agent du Ministère au consultant du contribuable, selon laquelle le délai imparti pour déposer un appel avait expiré.

Analyse

[16]     La question dans cette demande concerne l'irrecevabilité résultant d'une déclaration de mandataire. Une définition de l'irrecevabilité résultant d'une déclaration de mandataire se trouve dans un article de Glen Loutzenhiser, Holding Revenue Canada to its Word: Estoppel in Tax Law:[1]

[TRADUCTION]

Lorsqu'une personne (l' « auteur d'une affirmation » ) a fait une représentation à l'endroit d'une autre personne ( « le destinataire d'une affirmation » ) en des termes, par des actions ou un comportement ou (étant dans l'obligation envers le destinataire de l'affirmation de parler ou d'agir) par le silence ou l'inaction, avec l'intention (réelle ou présumée), et avec pour résultat d'induire le destinataire de l'affirmation sur la foi d'une telle représentation à modifier sa position à son propre préjudice, l'auteur de l'affirmation, dans tout litige qui pourrait en résulter entre lui et le destinataire de l'affirmation, est préclu, contre le destinataire de l'affirmation, d'établir, ou de tenter d'établir, en preuve, toute allégation sensiblement différente de sa représentation initiale, si le destinataire de l'affirmation, au moment opportun et de la façon appropriée, s'y objecte.[2]

[17]     M. Loutzenhiser déclare que cette doctrine se fonde sur un principe de justice qui, de façon plus familière veut [TRADUCTION] « qu'on ne peut pas envoyer quelqu'un prendre certains risques et le laisser le bec dans l'eau » .[3]

[18]     Dans le cas qui nous occupe, il est possible que l'ADRC ait envoyé M. et Mme Von Teichman prendre certains risques, mais on ne peut pas dire qu'elle les ait déjà laissés le bec dans l'eau. M. et MmeVon Teichman n'ont pas encore souffert de préjudice, la troisième exigence d'application de la préclusion. À mon avis, il n'y aura pas de préjudice matériel fait à M. et Mme Von Teichman à moins ou jusqu'à ce que l'ADRC refuse d'annuler les arriérés d'intérêts.

[19]     Il n'a pas été suggéré que l'ADRC refuse d'annuler les arriérés d'intérêts. Tout au plus, la lettre du 6 décembre 2002 pourrait être interprétée comme l'intention qu'a l'ADRC de reconsidérer l'affaire à nouveau. Cependant, la lettre pourrait également être interprétée comme demandant simplement une mesure procédurale, soit une lettre rogatoire. Dans un cas comme dans l'autre, l'ADRC n'en est pas à l'étape du refus de l'annulation des arriérés d'intérêts.

[20]     L'avocat de M. et MmeVon Teichman plaide que le fait que l'ADRC n'ait pas agi promptement et annulé les arriérés d'intérêts après la lettre du 17 mars 1999 est un cas de présentation erronée et la lettre du 6 décembre 2002 qui indique que l'affaire va être reconsidérée à nouveau en est un autre. S'il y a eu présentation erronée, aucun préjudice n'en est résulté.

[21]     Bien que ceci devrait régler la question soulevée par les requêtes, il peut être utile de faire un commentaire, à savoir si le redressement demandé est approprié, même si tous les éléments d'une préclusion ne sont pas présents. Le redressement pour l'irrecevabilité résultant d'une déclaration de mandataire décrit ci-dessus est que la partie à qui la préclusion s'applique est empêchée de prendre une position sensiblement différente de celle de la représentation. Dans ce cas, le redressement approprié serait que l'ADRC ne puisse refuser d'annuler les arriérés d'intérêts. Le redressement demandé par M. et Mme Von Teichman va beaucoup plus loin que cela et tente de traiter l' « entente » initiale comme étant nulle ab initio de sorte que M. et Mme Von Teichman puissent interjeter de nouveau leurs appels pour l'année d'imposition 1993 et invoquer de nouveaux motifs d'appel. Je ne connais aucun précédent qui soutiendrait ce type de redressement et cela différencie cette affaire de l'affaire Molson Breweries.

Conclusion

[22]     D'autres points ont été soulevés au cours de l'audition des requêtes et, en conséquence, est ordonné ce qui suit :

1.      Que les soi-disant appels des appelants en ce qui concerne les années d'imposition 1993 soient annulés;

2.      Que les appelants disposent de 30 jours suivant la date des ordonnances pour déposer des avis d'appel modifiés pour les années d'imposition 1994 à 1998 inclusivement;

3.      Que l'intimée dispose de 45 jours suivant la signification de chacun des avis d'appel modifiés pour donner une réponse;

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de septembre 2003.

« J. M. Woods »

Le juge J. M. Woods

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai 2005.

Sophie Debbané, réviseure



[1]           (1999) 57(2) U.T. Fac. L. Rev 127-164.

[2]            G.S. Bower & A.K. Turner, The Law Relating to Estoppel by Representation, 3eéd. (Toronto: Butterworths, 1997) au par. 4.

[3]           Précité, note 1, par. 5.

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