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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier: 95-978(IT)G

 

ENTRE :

GEDDES CONTRACTING CO. LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

 

Requête entendue par conférence téléphonique tenue le 27 mars 2003 à Ottawa (Ontario) par

l’honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Robert Holmes

Avocat de l’intimée :

Me Robert Carvalho

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          VU la requête par laquelle l’avocat de l’appelante sollicite une ordonnance rouvrant l’audition de l’appel pour permettre à l’appelante de présenter de nouveaux éléments de preuve;

 

          VU les documents déposés par les parties;

 

          ET VU les observations des avocats des parties;

 

          IL EST PAR LA PRÉSENTE ORDONNÉ CE QUI SUIT :

 

1.      La requête est accueillie en tenant compte du fait que l’instruction sera rouverte seulement pour que soient ajoutées au dossier d’instruction, comme pièce A‑4, la lettre de Penn West Petroleum Ltd. à Grand Bell Property Ltd. en date du 3 mars 2003, l’autorisation de dépenser jointe à cette lettre et la copie de l’autorisation de dépenser signée par M. Geddes (décrites collectivement comme étant les « nouveaux éléments de preuve » et marquées « pièce A » de l’affidavit de Gordon Geddes signé le 14 mars 2003). Chaque partie pourra déposer de brèves observations écrites au sujet des nouveaux éléments de preuve dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance.

 

2.       Les frais de la présente requête suivront l’issue de la cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2003.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'avril 2005.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Référence: 2003CCI197

Date: 20030402

Dossier: 95-978(IT)G

 

ENTRE :

GEDDES CONTRACTING CO. LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Bowie

 

[1]     L’instruction de cette affaire a eu lieu les 3, 4 et 5 mars 2003. J’ai pris l’affaire en délibéré le 5 mars et je n’ai pas encore prononcé le jugement. Une des questions en litige est de savoir si, après le 6 mai 1988, l’appelante exploitait avec d’autres une entreprise sous le nom de Grand Bell Property Ltd. J’ai entendu le témoignage du président de la société appelante, et des documents ont été déposés en preuve conformément à un accord des avocats quant à leur authenticité concernant l’investissement dans certaines concessions pétrolières et gazières. Le 3 mars, Penn West Petroleum Ltd., qui détient actuellement une participation majoritaire dans ces concessions, a envoyé à Grand Bell, aux soins de l’avocat de celle‑ci, une lettre informant Grand Bell qu’elle entend exercer certaines activités de forage sur l’une des propriétés, activités devant coûter 252 460 $, et demandant à Grand Bell d’approuver et de renvoyer l’autorisation de dépenser jointe à cette lettre. Les conseillers juridiques de l’appelante ont reçu cette lettre le vendredi 7 mars, deux jours après la fin du procès. Me Bilawich — un avocat de l’appelanta écrit cette journée‑là à l’avocat de l’intimée pour demander que l’intimée consente à ce que la lettre de Penn West et l’autorisation de dépenser soient ajoutées à la preuve documentaire qui avait été déposée au procès. Me Carvalho n’a pas consenti à cela, pour le motif que ces éléments de preuve ou l’essentiel de ceux‑ci auraient pu être obtenus plus tôt si l’appelante avait fait preuve d’une diligence raisonnable. L’appelante demande maintenant une ordonnance rouvrant l’instruction de manière qu’elle puisse présenter ces éléments de preuve.

 

[2]     Me Holmes a, au sujet de la requête, fait valoir que je devrais rendre une ordonnance rouvrant l’instruction et lui permettant en outre d’appeler comme témoin une personne compétente de Penn West qui identifierait et expliquerait les documents. Me Carvalho, bien qu’étant opposé à la requête en réouverture d’instruction, a fait valoir que, si j’inclinais à accueillir la requête de l’appelante et à rouvrir l’instruction, il serait d’accord que les documents soient admis sans qu’il soit nécessaire d’appeler un témoin pour établir formellement l'authenticité de ces documents. Comme Penn West est établie à Calgary et que les avocats des parties sont à Vancouver, des économies considérables seraient ainsi réalisées.

 

[3]     À l’audition de la requête, l’argumentation a beaucoup porté sur la question du critère approprié devant être appliqué. Je ne considère pas comme applicables des causes comme l’affaire R c. Palmer[1]. Cette affaire concerne une situation dans laquelle un témoin dans un procès criminel proposait de changer son témoignage, et les facteurs relatifs à la fiabilité des nouveaux éléments de preuve proposés font que ce cas est bien différent de celui dont je suis saisi. Dans l’affaire Lubrizol[2], soit une instance civile, il y avait aussi en matière d’équité des considérations très différentes de ce qu’il en est en l’espèce. Dans l’affaire Clayton v. British American Securities Ltd.[3], le juge MacDonald, s’exprimant pour la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, a dit, à la page 295 :

 

[TRADUCTION]

Je pense que c’est une règle salutaire que de laisser une entière discrétion au juge de première instance. Celui‑ci découragerait bien sûr les tentatives injustifiées de présenter un nouvel élément de preuve qui existe au moment du procès dans le but d’ébranler le fondement d’un jugement rendu ou de permettre à une partie ayant pris connaissance de l’effet d’un jugement de redresser une preuve chancelante au moyen d’un autre élément de preuve. Si le pouvoir n’était pas exercé avec modération et avec la plus grande prudence, il y aurait probablement de la supercherie et un recours abusif aux tribunaux.

 

Ce passage a récemment été cité et approuvé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[4]. Ces affaires traitent de demandes visant la réouverture d’une instruction après que les motifs du juge eurent été rendus, mais avant que le jugement formel ait été prononcé. Elles soulignent le vaste pouvoir discrétionnaire qu’a le juge de première instance de trancher la question, après avoir pris en compte tous les facteurs pertinents.

 

[4]     À mon avis, les facteurs suivants militent en faveur de l’ordonnance demandée par l’appelante. Les éléments de preuve en cause se rapportent à une question cruciale dans cette affaire. L’appelante ne les a pas sollicités, mais les a obtenus très peu de temps après la fin du procès. En fait, la lettre que l’appelante a reçue avait été mise à la poste le premier jour du procès. Aucun retard ne résultera de la réouverture; en fait, vu la concession de Me Carvalho en matière d’authenticité, il est seulement nécessaire d’ajouter cinq pages aux documents déjà produits comme pièces conformément à l’accord des parties relatif aux documents.

 

[5]     L’instruction sera rouverte seulement pour que soient ajoutées au dossier d’instruction, comme pièce A‑4, la lettre de Penn West à Grand Bell Property Ltd. en date du 3 mars 2003, l’autorisation de dépenser jointe à cette lettre et la copie de l’autorisation de dépenser signée par M. Geddes (décrites collectivement comme étant les « nouveaux éléments de preuve » et marquées « pièce A » de l’affidavit de Gordon Geddes signé le 14 mars 2003). Chaque partie pourra déposer de brèves observations écrites au sujet des nouveaux éléments de preuve d’ici 30 jours. Les frais de la présente requête suivront l’issue de la cause.

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2003.

 

 

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'avril 2005.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1]           [1980] 1 R.C.S. 759 ((1979) 106 D.L.R. (3d) 212).

[2]           Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd., [1996] 3 C.F. 40 (C.A.F.).

[3]           [1934] 3 W.W.R. 257 (C.A.C.‑B.)

[4]           [2001] 2 R.C.S. 983, au par. 60.

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