Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2003CCI411

Date : 20030806

Dossier : 2002-3421(IT)I

ENTRE :

ARTHUR DWORZAK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Pour l'appelant : L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée : Me Vlad Zolia

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à

Montréal (Québec) le 8 mai 2003.)

Le juge McArthur

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national rejetant la demande de déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (PDTPE) de l'appelant pour l'année d'imposition 1999. Les parties acceptent que la question est celle de savoir si le prêt hypothécaire ou l'hypothèque[1] constitue un paiement.

[2]      L'appelant était un actionnaire principal de Ville-Marie Integrated Systems Inc. (la « société » ). Avant d'exploiter l'entreprise de la société, il était un comptable agréé. Il est un contribuable très intelligent et éloquent dont j'accepte le témoignage. Pendant plusieurs années, la société a emprunté beaucoup auprès de M. Goldapple, qui était en fait son banquier.

[3]      Le 10 février 1998, la société et l'appelant ont reconnu devoir 80 000 $ à M. Goldapple, à un taux d'intérêt annuel de 15 p. 100. Le même jour, l'appelant a personnellement garanti la dette de la société auprès de M. Goldapple. Ce dernier et l'appelant ont signé une caution datée du 5 octobre 1998, et l'appelant a garanti le prêt en octroyant un prêt hypothécaire sur sa résidence personnelle. Il n'a fait aucun paiement à M. Goldapple en 1999. Sa demande de déduction de 80 000 $ en 1999 a été rejetée par le ministre du Revenu national en vertu des articles 38 et 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[4]      Il s'agit de savoir si le prêt hypothécaire constitue un paiement. L'appelant a fait valoir que sa situation aurait été identique s'il avait accordé un prêt hypothécaire à une institution financière indépendante et remboursé M. Goldapple en espèces. Il ajoute que s'il avait échangé un chèque de 80 000 $ avec M. Goldapple, cela aurait clairement démontré une preuve de paiement. Il cite également l'article 1553 du Code civil du Québec qui précise ce qui suit :

Par paiement on entend non seulement le versement d'une somme d'argent pour acquitter une obligation, mais aussi l'exécution même de ce qui est l'objet de l'obligation.

[5]      On doit mentionner l'évolution du prêt. À la pièce R-1 (onglet 5) se trouve la reconnaissance de la dette de 80 000 $ à 15 p. 100 par la société à l'égard de M. Goldapple datée du 10 février 1998. L'onglet 6 contient un billet de l'appelant et de la société à l'intention de M. Goldapple pour le même montant de 80 000 $ et qui est également daté du 10 février 1998. L'onglet 7 contient une garantie personnelle de l'appelant à l'intention de M. Goldapple de la dette de la société de 80 000 $. L'onglet 8 consiste en l'octroi d'un prêt hypothécaire par l'appelant et sa conjointe à M. Goldapple pour 80 000 $, daté du 1er octobre 1998. Il s'agit probablement du document clé. Le préambule est ainsi rédigé[2] :

[traduction]

La caution a solidairement garanti le remboursement de certains montants par la société [...] au créancier ainsi que l'exécution des autres dettes de la débitrice à l'égard du créancier, comme l'atteste le billet daté du dixième jour de février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit [...]

Les obligations de M. Dworzak et l'hypothèque créée en vertu des présentes ne peuvent être réduites ou modifiées d'aucune façon par une entente pouvant être conclue entre le créancier et la caution, en particulier si le cautionnement est renouvelé, si le créancier accepte de prolonger un délai ou si le créancier s'abstient d'exercer ses droits et recours, quels qu'ils soient. En outre, les hypothèques et autres droits créés aux présentes subsisteront, malgré le fait que le cautionnement peut être attesté par tout autre document, que ce soit à l'égard du montant total du cautionnement découlant du document attestant le cautionnement ou à l'égard d'un montant ultérieur réduit du cautionnement, jusqu'au paiement complet du montant de la dette originale au créancier.

Le remplacement par les parties du document attestant le cautionnement ou du document attestant la dette ne constitue pas une novation, malgré toute loi ou tout usage indiquant le contraire.

Pour garantir le remboursement de tous les montants payables en vertu du cautionnement et l'exécution de toutes les obligations à l'égard du créancier en vertu des présentes et du document attestant le cautionnement, la caution grève le bien immeuble d'une hypothèque en faveur du créancier jusqu'à concurrence de [...] 80 000 $, [...] :

La description officielle de la résidence de l'appelant suit ensuite.

[6]      Après une lecture attentive de ce document, il est évident qu'il n'a jamais été voulu que le prêt hypothécaire lui-même constitue un paiement de la dette. Il faut examiner la procédure qui a réellement été effectuée et non ce qui aurait pu être accompli. Le billet original de la société et la garantie de l'appelant survivent à l'octroi du prêt hypothécaire. Le prêt hypothécaire s'ajoute à la garantie, il ne s'agit pas d'un paiement au lieu du billet et de la garantie. Il ne s'agissait pas, en soi, d'un paiement de la dette. La société, qui demeure une entité juridique, était toujours endettée à l'égard de M. Goldapple tout au long de 1999, même si elle pouvait être insolvable.

[7]      L'appel de l'appelant n'aurait pu être accueilli que si l'octroi du prêt hypothécaire avait créé un nouveau prêt. Ce n'était pas le cas. L'endettement de la société a survécu à l'octroi du prêt hypothécaire. L'avocat de l'intimée a mentionné l'article 1661 du Code civil du Québec qui est ainsi rédigé en partie :

La novation ne se présume pas; l'intention de l'opérer doit être évidente.

Il est clairement précisé dans le prêt hypothécaire que l'on n'a pas l'intention de créer une novation. Il est signé par les deux parties, M. Goldapple et l'appelant, devant un notaire.

[8]      En réponse à la question de savoir si le prêt hypothécaire constituait un paiement de la dette, je réponds, pour ces raisons, que non, elle ne l'était pas, et l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'août 2003.

« C. H. McArthur »

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de février 2004.

Liette Girard, traductrice



[1]           Les expressions « prêt hypothécaire » et « hypothèque » sont interchangeables.

[2]           M. Goldapple est appelé le créancier alors que M. Dworzak est appelé la caution.

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