Référence : 2005CCI251 Date : 20050506 Dossier : 2002-1799(IT)I |
ENTRE : |
TERRY C. BROWN, |
appelant, |
et |
|
SA MAJESTÉ LA REINE, |
l'intimée. |
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
MOTIFS DU JUGEMENT
(rendus oralement à l'audience à
Regina (Saskatchewan), le 14 février 2003)
[1] L'appel, interjeté selon la procédure informelle, a été entendu à Regina (Saskatchewan), le 12 février 2003. L'appelant a été la seule personne à témoigner. Il réside à Birch Hills, en Saskatchewan, à environ 320 kilomètres au nord de Regina. Les points en litige sont indiqués aux paragraphes 15 à 20, inclusivement, de la réponse à l'avis d'appel. Les paragraphes se lisent comme suit :
[TRADUCTION]
15) Lorsqu'il a établi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre a notamment :
a) restreint les pertes agricoles de l'appelant conformément au paragraphe 31(1) de la Loi;
b) admis une perte agricole nette pour 1997 (4 515 $);
c) admis une perte agricole nette pour 1998 (8 750 $).
16) Le ministre a calculé le montant de la perte agricole restreinte comme suit :
1997 : |
Perte agricole initialement déduite |
-12 604,00 $ |
|
Redressements |
6 075,00 |
|
Perte agricole révisée |
6 529,00 |
|
Restriction : 2 500 $ plus le moindre de la moitié de (6 529 $ - 2 500 $) et 6 250 $ |
-2 014,50 |
|
Maximum de la perte déductible |
4 514,50 |
|
Nouveau montant de la perte |
6 259,00 |
|
Montant restreint (6 529 $ - 4 514,50 $) |
2 014,50 $ |
|
|
|
1998 : |
Perte agricole initialement déduite |
-24 023,00 $ |
|
Redressements |
5 099,00 |
|
Perte agricole révisée |
18 924,00 |
|
Restriction : 2 500 $ plus le moindre des montants suivants : la moitié de (18 924 $ - 2 500 $) et 6 250 |
6 250,00 |
|
Maximum de la perte déductible |
8 750,00 |
|
Nouveau montant de la perte |
18 924,00 |
|
Montant restreint (18 924 $ - 8 750 $) |
10 174,00 $ |
17) En établissant ainsi les nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1997 et 1998, le ministre a avancé les hypothèses de fait suivantes :
a) à toutes les époques en cause, l'appelant a déduit des pertes agricoles nettes en tant que propriétaire et a déclaré un revenu d'emploi, comme suit :
Année |
« Autres revenus » |
Revenu agricole brut |
Gain agricole net (perte) |
|
Revenu d'emploi |
1990 |
2 464 |
1 193 |
(5 632) |
|
50 120 |
1991 |
2 238 |
15 816 |
(9 621) |
* |
46 588 |
1992 |
837 |
46 339 |
(6 929) |
* |
44 479 |
1993 |
774 |
52 697 |
(18 165) |
* |
43 441 |
1994 |
7 645 |
107 956 |
361 |
|
50 719 |
1995 |
985 |
112 300 |
(26 328) |
|
48 276 |
1996 |
659 |
118 896 |
(26 573) |
|
46 485 |
1997 |
6 879 |
94 575 |
(12 604) |
** |
46 629 |
1998 |
1 619 |
72 309 |
(24 023) |
** |
49 495 |
1999 |
20 757 |
81 488 |
(39 241) |
|
67 866 |
(i) dans le tableau ci-dessus, les « autres revenus » comprennent toutes les autres sources de revenu (telles que les retraits d'un REER, les gains en capital, le revenu d'intérêts, etc.);
(ii) pour les années 1991, 1992 et 1993 : les sommes de 6 093 $, de 4 746 $ et de 8 750 $ ont été admises (l'appelant a invoqué l'article 31 lorsqu'il a établi ses déclarations);
(iii) ** pour les années 1997 et 1998 : une restriction a été appliquée tel qu'il est indiqué au paragraphe 16 ci-dessus;
b) l'appelant s'est lancé dans l'agriculture en 1990;
c) de 1991 à 1993, l'appelant a déduit des pertes agricoles nettes restreintes, et les restrictions ont été ratifiées par le ministre au moyen d'un avis de ratification daté du 16e jour de mai 1996 pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993;
d) l'appelant est propriétaire d'une terre de 320 acres (la « terre » );
f) la désignation cadastrale de la terre est W ½ 19-47-23 W2;
g) l'appelant loue une terre supplémentaire de 87 acres qui appartient à sa mère;
h) la désignation cadastrale de la terre louée est E ½ NE 24-47-24 W2 (la « terre louée » );
i) la résidence personnelle de l'appelant se trouve sur la terre louée;
j) vers 1996, l'appelant a réduit la taille de son entreprise agricole en vendant 520 acres de terre agricole; il lui restait donc 320 acres à cultiver;
k) l'appelant est céréalier;
l) sur sa terre, l'appelant cultivait l'orge (l'orge fourragère et l'orge de brasserie), le blé et le canola;
m) au cours des années d'imposition 1997 et 1998, l'appelant a acheté les biens suivants aux prix indiqués ci-dessous :
(i) une tarière Flexicoil 3 000 $
(ii) une moissonneuse-batteuse TR-85 30 000 $
(iii) des cellules à grains Twister 1 985 $
(iv) un humidimètre 500 $
(v) un tracteur Case 830 1 000 $
(vi) un tracteur Versatile 856 83 196 $
n) au cours des années d'imposition 1997 et 1998, l'appelant a vendu les biens suivants aux prix indiqués ci-dessous :
(i) une tarière Farm King 10 x 50 2 200 $
(ii) une moissonneuse-batteuse PT 15 000 $
(iii) un tracteur Versatile 500 10 000 $
(iv) une houe International 1 000 $
(v) une moissonneuse-batteuse TR-85 36 934 $
o) l'appelant travaille comme surveillant-correctionnel au pénitencier de Prince Albert (le « pénitencier » );
p) l'appelant travaille au pénitencier depuis environ 20 ans;
q) l'appelant sera en droit de recevoir une pension du Service correctionnel du Canada vers 2010;
r) l'appelant travaille 37,5 heures par semaine au pénitencier;
s) en 1997 et en 1998, l'appelant a eu droit à quatre semaines de vacances par année;
t) l'appelant a reçu de l'argent du programme ACRA (programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole) et participe au programme CSRN (compte de stabilisation du revenu net);
u) la seule fois où l'appelant a déclaré un gain agricole depuis qu'il s'est lancé dans l'agriculture en 1990 a été en 1994, alors qu'il a déclaré un gain de 361 $;
v) l'appelant compte sur son revenu d'emploi pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille;
w) il lui faut au moins une heure par jour pour se rendre à son travail au pénitencier et rentrer chez lui;
x) l'appelant consacre la majorité de son temps à son emploi;
y) l'appelant gagne sa vie principalement en travaillant au pénitencier;
z) pour les années d'imposition 1997 et 1998, la principale source de revenu de l'appelant n'était pas l'agriculture ni la combinaison d'une source de revenu agricole et d'une autre source de revenu.
Autres faits pertinents :
18) a) Pour l'année d'imposition 2000, l'appelant a déclaré ce qui suit :
Revenu d'emploi figurant sur le T4 59 880 $
Dividendes 9
Gains en capital imposables 3 237
Revenu agricole net 18 057
Total du revenu déclaré 81 183 $
b) Pour l'année d'imposition 2001, l'appelant a déclaré le revenu d'emploi (T4) suivant :
Revenu d'emploi figurant sur un T4 73 143 $
Dividendes 9
Intérêts 19
Perte agricole nette (38 688)
Total du revenu déclaré 34 483 $
B. QUESTIONS À TRANCHER
19) La question est de savoir si, pour les années d'imposition 1997 et 1998, la principale source de revenu de l'appelant était l'agriculture ou la combinaison d'une source de revenu agricole et d'une autre source de revenu.
C. DISPOSITIONS DE LA LOI, MOYENS INVOQUÉS ET RÉPARATIONS SOLLICITÉES
20) Il se fonde sur les articles 3 et 9, sur les paragraphes 31(1) et 248(1) ainsi que sur les alinéas 18(1)a) et 18(1)h) de la Loi, tels qu'ils ont été modifiés pour les années d'imposition 1997 et 1998.
[2] L'appelant a admis le paragraphe 16, les alinéas 17 a), c), d), f), g), h), i), j), k), l), o), p), q), r), s) et t) et le paragraphe 18. Les hypothèses indiquées aux alinéas 17 m), n) u), v) et w) n'ont pas été réfutées. Les autres paragraphes sont en litige.
[3] Compte tenu de la cotisation établie aux termes de l'article 31, l'appelant avait une attente raisonnable de profit. D'après l'ensemble de la preuve, l'appelant consacrait à peu près le même temps à son emploi et à son entreprise agricole, mais, en fait, il aurait plutôt consacré plus de temps à son entreprise agricole. Ainsi, la question qu'il faut désormais trancher est celle-ci : si l'appelant aurait pu réaliser un gain considérable en 1997 et en 1998, pourquoi ne l'a-t-il pas fait?
[4] La terre de l'appelant a d'abord appartenu à son grand-père pendant la Première Guerre mondiale, puis elle a été cultivée par son père. Ensuite, elle a été achetée par l'appelant, c'est-à-dire un quart par suite des mesures de forclusion de son père et un autre quart de la succession de son père. La terre de sa mère, qu'il loue, a d'abord appartenu à son arrière-grand-père et est demeurée dans la famille. La résidence de l'appelant se trouve sur la terre de sa mère. L'appelant a grandi sur une ferme et se livre à des activités agricoles depuis ce temps. L'appelant a été propriétaire de la terre supplémentaire puis l'a perdue par suite d'un autre achat après forclusion. En effet, la terre était assujettie à une option d'achat par l'agriculteur initial, qui avait fait l'objet d'une forclusion. Cet agriculteur s'est redressé financièrement et a exercé son option d'acheter la terre de l'appelant en 1996. Par conséquent, la superficie totale de la terre cultivée par l'appelant a été réduite de façon considérable en 1997 et en 1998, c'est-à-dire à moins de trois quarts de section. Cela a eu des répercussions sur la rentabilité de la terre en 1997 et en 1998. À l'époque, le prix des terres dans la région de l'appelant avait augmenté d'environ 20 pour 100, allant jusqu'à 100 000 $ par quart de section, et les terrains affermés étaient rendus à environ 50 $ l'acre. L'appelant estime qu'il ne peut pas réaliser de gain avec de tels taux s'il doit acheter ou louer. La Cour est d'avis qu'il s'agit d'une décision opérationnelle valide.
[5] L'automne de 1996 a été exceptionnellement humide dans la région de Birch Hills, où l'appelant exploitait son entreprise agricole. Par conséquent, sa culture a été laissée dans les champs pendant l'hiver et a été récoltée au printemps de 1997 pour ce qui est de l'orge seulement. L'appelant a choisi de laisser l'orge, sa culture au prix le plus bas, dans les champs. Ce printemps-là, son tracteur a pris feu et a été en réparation pendant six mois. L'appelant a été obligé de louer un nouveau tracteur John Deere. Cet événement inattendu a également eu des répercussions sur les coûts de l'appelant en 1997 et en 1998. Effectivement, l'appelant se trouvait à avoir deux moissonneuses-batteuses et deux tracteurs. À l'automne de 1997, il a échangé une moissonneuse-batteuse et un tracteur contre une moissonneuse-batteuse. À l'automne de 1998, il a échangé une moissonneuse-batteuse et un tracteur contre un nouveau tracteur, ce qui lui a permis de réduire ses paiements financiers et ses paiements d'intérêt et de les répartir sur une période de quatre ans. Autrement dit, il a essayé de rationaliser ses activités au moyen d'un meilleur équipement exigeant une sortie d'argent moins importante.
[6] À la fin de 1998, l'appelant a demandé et a reçu une subvention dans le cadre du programme fédéral d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole. Cette subvention est versée à une personne si son revenu agricole pour 1998 se situe en-deçà de 70 pour 100 de son revenu agricole moyen précédent. L'appelant a reçu 383,91 $, déduction faite de ses paiements au titre du CSRN et de ses autres paiements dans le cadre du programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, pièce A-8. Cela indique à la Cour qu'un organe du gouvernement fédéral considérait l'appelant comme un agriculteur en 1998. Cela indique également le niveau historique du revenu agricole de l'appelant en 1998.
[7] Voici les chiffres du revenu de l'appelant qui sont importants dans la présente affaire :
|
Revenu d'emploi |
Revenu agricole brut |
Revenu agricole net |
DPA demandée |
1997 |
46 629 $ |
94 575 $ |
(12 604 $) |
19 492,99 $ |
1998 |
49 495 $ |
72 309 $ |
24 023 $ |
26 617,94 $ |
[8] Ainsi, pour chacune des années, l'appelant aurait pu réaliser un gain agricole si la déduction pour amortissement (DPA) n'avait pas été demandée. En outre, les dépenses de l'appelant visées par la DPA en 1997 auraient été moins élevées s'il n'avait pas fait de récolte au printemps de 1997 et si le tracteur n'avait pas alors pris feu. De façon semblable, la DPA de 1998 aurait été inférieure si l'appelant n'avait pas, dans un esprit d'entreprise, effectué ses échanges en 1997 et en 1998 par suite de l'incendie du tracteur. Enfin, selon la Cour, la DPA est facultative.
[9] La Cour relève deux autres facteurs pertinents dans cette affaire :
1) l'appelant ne vit pas sur la terre agricole qui lui appartient ou qu'il loue. Il vit sur la terre de sa mère. Donc, son entreprise agricole est une opération commerciale sans bien personnel.
2) l'appelant a réalisé un gain agricole de 18 057 $ en 2000.
[10] Dans les circonstances, la Cour estime que l'entreprise agricole de l'appelant était en mesure de réaliser un gain considérable en 1997 et en 1998 et qu'elle aurait réalisé un tel gain si les événements suivants n'avaient pas eu lieu :
1) l'exercice de l'option d'achat en 1996;
2) l'automne humide de 1996 et la récolte au printemps de 1997;
3) l'incendie du tracteur en 1997; ces trois événements ont eu des répercussions sur les coûts et le revenu dans les années suivantes, mais plus particulièrement en 1997 et en 1998.
[11] L'appel est admis. La somme de 300 $ est allouée à l'appelant en remboursement des débours qu'il a engagés dans le cadre de cet appel et de l'audience tenue à Regina.
Signé à Saskatoon (Saskatchewan) ce 6e jour de mai 2005.
« D.W. Beaubier » |
Le juge Beaubier
Traduction certifiée conforme
ce 18e jour de novembre 2005.
Joanne Robert, traductrice
CITATION: |
2005TCC251 |
COURT FILE NO.: |
2002-1799(IT)I |
STYLE OF CAUSE: |
Terry C. Brown v. The Queen |
PLACE OF HEARING: |
Regina, Saskatchewan |
DATE OF HEARING: |
February 14, 2003 |
ORAL REASONS FOR JUDGMENT BY: |
The Honourable Justice Beaubier |
DATE OF ORAL REASONS: |
May 6, 2005 |
APPEARANCES: |
Agent for the Appellant: |
Blair Schlosser |
Counsel for the Respondent: |
Michael Van Dam |
COUNSEL OF RECORD: |
For the Appellant: |
Name: |
|
Firm: |
|
For the Respondent: |
John H. Sims, Q.C. Deputy Attorney General of Canada Ottawa, Canada |