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2000-3365(IT)I

ENTRE :

BENOÎT BOULIANNE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 30 avril 2001 à Chicoutimi (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2001.

« Alain Tardif »   

J.C.C.I.


Date: 20010525

Dossier: 2000-3365(IT)I

ENTRE :

BENOÎT BOULIANNE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Alain Tardif, C.C.I.

[1]      L'appelant a témoigné qu'il avait contracté un emprunt au montant de 30 000 $ en 1984, lequel emprunt avait été garanti par un hypothèque sur sa résidence familiale. Le fruit de l'emprunt avait été utilisé pour l'achat de droits dans des unités de condominium à Montréal et pour l'achat d'actions dans un Régime Épargne Action « R.E.A. » .

[2]      Des suites de cet emprunt, il a réclamé la déductibilité des intérêts selon le calcul suivant :

                   1987                       12 436 $

                   1988                       10 603 $

                   1989                       8 476 $

                   1990                       7 071 $

                   1991                       5 012 $

                   1992                       4 020 $

                   1993                       5 008 $

                   1994                       4 541 $

                   1995                       5 090 $

                   1996                       2 556 $

                   1997                       1 816 $

[3]      Pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) questionne la recevabilité et la pertinence de la déductibilité réclamée par l'appelant. Ce dernier réplique qu'il a toujours assumé son fardeau fiscal et qu'il a bel et bien payé les intérêts, des suites du prêt, pour l'acquisition des placements précédemment décrits, à savoir une participation dans un immeuble à Montréal et des actions dans un R.E.A.

[4]      Il a indiqué que ces placements s'étaient avérés un échec total en ce qu'il avait perdu la totalité du 20 000 $ investi dans le domaine immobilier à Montréal et qu'au surplus, il avait été victime de l'effondrement du marché boursier perdant, encore là, l'investissement boursier découlant de l'emprunt.

[5]      Conséquemment, il ressort de son témoignage qu'il a continué à payer des intérêts sur un emprunt dont l'objet a disparu bien avant l'acquittement des intérêts sur l'emprunt qui en avait permis l'acquisition.

[6]      En 1997, il a de nouveau emprunté un montant de plus de 25 000 $, soit la différence entre 46 773,44 $ et 73 272,67 $ garanti encore là, par un hypothèque sur la résidence familiale. Cette fois, l'emprunt aurait servi à rembourser la marge de crédit personnelle de l'appelant qui avait été utilisée en 1991 pour l'achat d'actions, dont certaines de la Société d'investissements R & D Vivac Inc. (pièce A-4).

[7]      Malgré mes nombreuses interventions aux fins que l'appelant établisse un lien direct avec les emprunts, ce dernier n'a jamais été en mesure de faire une telle corrélation. Il a toujours répété qu'il avait contracté ces emprunts pour des fins de placements et que le Tribunal devait le croire, d'autant plus qu'il avait toujours scrupuleusement payé ses impôts. Il a aussi répété que l'écoulement du temps faisait en sorte qu'il n'était plus en mesure de produire une preuve documentaire appropriée et adéquate.

[8]      Le Tribunal doit rendre une décision sur une question où les actes, leurs dates et leurs natures ont une très grande importance. Je ne peux pas tirer des conclusions valables à partir d'une description de faits imprécise voire même confuse.

[9]      Je ne dis pas pour autant que l'appelant a caché certains faits ou même caché la vérité puisque je reconnais qu'il est très difficile de retourner si loin dans le temps et de fournir des détails précis. Par contre, tout contribuable doit, chaque année, avoir en sa possession les documents, informations et renseignements relatifs à sa déclaration de revenu. Dans un système où les contribuables s'auto-cotisent, il est essentiel que l'exercice résulte d'une analyse sérieuse des faits pertinents pour l'année concernée par la déclaration et que tous les documents relatifs aux données soient disponibles.

[10]     Un contribuable ne peut pas compléter sa déclaration sur la foi de certaines données qu'il n'a pas, en s'appuyant sur le fait qu'il n'a fait l'objet d'aucun questionnement pour les années antérieures. Chaque année d'imposition, bien qu'il puisse y avoir une continuité tout à fait normale et souhaitable, constitue un entier en soi et doit être appuyée par tous les documents appropriés et pertinents de manière à permettre une révision éventuelle valable.

[11]     En l'espèce, la preuve soumise par l'appelant n'a pas permis une analyse objective et rationnelle permettant de conclure que les frais financiers pour l'acquisition de placements ont été encourus pour les années 1995, 1996 et 1997. Il faudrait que je m'en remettre à la seule et unique preuve testimoniale, ce qui n'est évidemment pas dans les circonstances la meilleure preuve, d'autant plus que les intérêts payés auraient pu l'être des suites d'emprunts ayant pu servir à de multiples autres fins que celles d'acheter un ou des placements.

[12]     Il ne s'agit pas là du seul point auquel il faille répondre pour disposer du présent appel. En effet, pour que des frais financiers soient déductibles, il doit être établi que lesdits frais financiers ont été encourus et engagés en vue de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise ou de faire produire un revenu à un bien ou à une entreprise pour les années d'imposition où ils sont réclamés; en l'espèce, il s'agit des années 1995, 1996 et 1997.

[13]     À cet égard, la preuve est à l'effet que les biens censément acquis par le produit de l'emprunt de 1984, n'existaient tout simplement plus en 1995, 1996 et 1997; cette réalité fait en sorte que ce qui n'existait plus ne pouvait évidemment plus produire de revenu. Cette question a été traitée à plusieurs reprises par cette Cour et il n'y a aucun doute possible que des frais financiers déboursés pour l'acquisition d'une quelconque source, devant éventuellement produire des revenus, doit toujours exister au moment où les frais financiers sont réclamés.

[14]     Il s'agit d'un élément fondamental puisqu'un bien qui n'existe plus, qui a cessé d'exister ou qui est depuis disparu ne peut et ne pourra jamais produire quelque revenu que ce soit. Il y a lieu de reproduire l'article 20(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

          Déductions admises dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien

20(1)     Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

                                                                                    (Je souligne)

[15]     Or à ce sujet, l'appelant a reconnu que les biens acquis avec le produit de l'emprunt de 1984 n'existaient plus en 1995, 1996 et 1997.

[16]     Pour ce qui est de la partie des frais financiers ayant pu provenir du deuxième emprunt, la preuve est à l'effet que le produit de l'emprunt n'a pas servi à l'achat d'un quelconque bien ou entreprise susceptible de produire des revenus, mais pour rembourser la marge de crédit personnelle de l'appelant.

[17]     L'appelant avait le fardeau de preuve et celui-ci exigeait une preuve claire, cohérente et vraisemblable démontrant d'une manière non équivoque que les frais financiers avait été déboursés pour l'acquisition de biens susceptibles de produire éventuellement des revenus; pour avoir droit à la déductibilité des frais financiers, le bien ou les biens acquis dans le but de produire un revenu doivent toujours faire partie du patrimoine du contribuable l'année où ce dernier en réclame la déduction. La preuve soumise par l'appelant a plutôt établi que les biens susceptibles de produire des revenus n'existaient plus lors des années en litige.

[18]     Compte tenu de la preuve, les appels doivent être rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2001.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       2000-3365(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Benoît Boulianne et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 30 avril 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 25 mai 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Stéphanie Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :          

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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