Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-1802(IT)I

ENTRE :

W. JACK GREGORY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 11 septembre 1998, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions

Pour l'appelant :                         l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Sanjana Bhatia

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est admis, sans frais, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant avait une perte au titre d'un placement d'entreprise de 186 000 $ pour l'année d'imposition 1992, une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise de 139 500 $ pour l'année d'imposition 1992 et une perte autre qu'en capital de 32 122,20 $ pour l'année d'imposition 1995.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de novembre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19980917

Dossier: 97-1802(IT)I

ENTRE :

W. JACK GREGORY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan, C.C.I.

[1]      Dans le calcul de son revenu imposable pour l'année d'imposition 1995, l'appelant a déduit une perte autre qu'en capital de 32 122,20 $ provenant d'années antérieures. En établissant une cotisation d'impôt pour 1995, le ministre du Revenu national a refusé la déduction. Il se fondait sur l'hypothèse selon laquelle l'appelant n'avait pas une perte autre qu'en capital provenant d'une année antérieure. La grande question dans le présent appel est celle de savoir si l'appelant avait subi au cours d'une année antérieure une perte autre qu'en capital qui lui permettrait de déduire 32 122,20 $ dans le calcul de son revenu imposable de 1995. L'appelant a demandé que la procédure informelle régisse son appel.

[2]      L'appelant soutient qu'il avait en 1992 une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise ( « PDTPE » ) qui était trop importante pour être déduite, aux termes de l'alinéa 3d) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans le calcul de son revenu de 1992. Toute partie de PDTPE ne pouvant être déduite pour l'année dans laquelle elle a été subie devient une partie de la « perte autre qu'une perte en capital » du contribuable au sens du paragraphe 111(8) de la Loi et peut, sous réserve de certains délais, être déduite dans le calcul du revenu imposable pour une année ultérieure. Dans le présent appel, il s'agit plus particulièrement de savoir si l'appelant avait une PDTPE en 1992. Une perte au titre d'un placement d'entreprise est définie à l'alinéa 39(1)c) de la Loi, duquel je ne citerai que les passages pertinents :

39(1)     Pour l'application de la présente loi :

            [...]

c)          une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977 :

(i)          soit à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique,

(ii)         [...]

                        d'un bien qui est :

           

(iii)        soit une action du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise,

(iv)        soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien [...] qui est :

(A)        une société exploitant une petite entreprise,

(B)        [...]

                        sur le total des montants suivants : [...]

Une PDTPE est définie à l'alinéa 38c) comme étant égale aux 3/4 d'une perte au titre d'un placement d'entreprise d'un contribuable. Je dois donc d'abord déterminer si l'appelant avait une perte au titre d'un placement d'entreprise en 1992. Le seul témoin dans le présent appel a été l'appelant lui-même, et son témoignage, non contredit, est résumé ci-après.

[3]      En 1989, l'appelant et William Crossin ont décidé de se lancer en affaires ensemble. Ils ont fait en sorte que soit constituée The Pewter House Canada Ltd. ( « PHC » ), chacun étant propriétaire de 50 p. 100 des actions émises. L'entreprise de PHC consistait à importer certains produits d'Angleterre pour les vendre au Canada. PHC a été constituée en société en octobre 1989; elle a commencé son activité en mai 1990; son premier exercice s'est terminé le 31 mai 1991. À l'été 1992, PHC était insolvable, ayant des dettes importantes envers sa banque et envers ses deux actionnaires, à savoir l'appelant et William Crossin. En août 1992, l'appelant a transféré sa moitié des actions de PHC à M. Crossin, sans contrepartie, mais il a été obligé de prendre en charge un montant de 186 000 $ sur la dette de PHC. Voir, dans la pièce A-3, le paragraphe 4 d'une lettre de PHC à l'appelant en date du 30 juin 1992. Voir en outre le paragraphe 1 d'une lettre de PHC à l'appelant en date du 27 août 1992, qui fait également partie de la pièce A-3.

[4]      L'appelant a expliqué comment il se fait que sa part de la dette était de 186 000 $. PHC avait emprunté 300 000 $ à la Banque Royale du Canada, et l'appelant a accepté de rembourser la moitié de cet emprunt. PHC avait emprunté 50 000 $ à la Banque de Nouvelle-Écosse, et l'appelant a accepté de rembourser la moitié de cet emprunt. Enfin, PHC avait emprunté 22 000 $ à un ami de William Crossin, et l'appelant a accepté de rembourser la moitié de cet emprunt :

                             Banque Royale du Canada                 150 000 $

                             Banque de Nouvelle-Écosse                25 000

                             Ami de M. Crossin                              11 000

                                                                                    186 000 $

[5]      La pièce A-2 est une copie des états financiers non vérifiés de PHC au 31 mai 1992. Le bilan indique une dette bancaire de 299 262 $, des avances de dirigeants de 187 298 $ et un déficit (aucun bénéfice non réparti) de 350 020 $. Bien que les états figurant dans la pièce A-2 ne soient pas des états vérifiés, ils corroborent en partie le témoignage de l'appelant sur les déboires commerciaux de PHC. On trouve également une corroboration du témoignage de l'appelant dans la pièce A-1 (soit une lettre des avocats de la Banque Royale au client de la banque en date du 4 juin 1990 décrivant certaines garanties obtenues de l'épouse de l'appelant), dans la pièce A-3 (soit les deux lettres des 30 juin et 27 août 1992 mentionnées précédemment et faisant état d'ententes entre PHC et l'appelant) et dans la pièce R-2, soit la déclaration de revenu de l'appelant de 1992 indiquant une perte au titre d'un placement d'entreprise de 186 000 $. Outre la corroboration mentionnée ci-dessus, j'ai trouvé que l'appelant était un témoin très crédible. Je crois et accepte tout son témoignage concernant son entreprise commerciale relative à PHC et concernant sa perte de 186 000 $.

[6]      L'avocate de l'intimée soutenait que l'appel devrait être rejeté parce que l'appelant n'avait pas prouvé, à l'aide d'une trace écrite précise, qu'il avait versé 186 000 $ à PHC ou qu'il était directement obligé de payer 186 000 $ des dettes de PHC. L'avocate a raison en ce sens que l'on n'a pas déposé en preuve une série de chèques émis par l'appelant au nom de PHC pour un montant total de 186 000 $ ou un billet remis par PHC à l'appelant et prouvant le montant de cette dette, mais il faut ajouter foi au témoignage sous serment de l'appelant lui-même, soit un témoignage très crédible et non contredit, ainsi qu'aux documents qui corroborent ce témoignage. Bien que la charge de la preuve incombe à l'appelant, ce n'est qu'une charge de preuve civile. Je suis convaincu que l'appelant s'est acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait et que le fardeau de la preuve est passé à l'intimée.

[7]      Me fondant sur la preuve de l'appelant, je conclus que PHC était réellement insolvable en août 1992 et que l'appelant était obligé de payer 186 000 $ à la Banque Royale au titre des dettes de PHC. D'après les déclarations de revenu de PHC (s'il y en a), le ministre du Revenu national saurait si PHC avait survécu à sa crise financière d'août 1992 et si elle avait ensuite prospéré. Si le ministre avait une sérieuse raison de croire que l'appelant n'avait pas subi une perte de 186 000 $ dans de cadre de son entreprise commerciale relative à PHC, l'intimée aurait pu citer comme témoin M. Crossin ou toute autre personne qui exploite maintenant PHC ou encore une personne de la Banque Royale connaissant bien l'obligation de l'appelant de rembourser une partie de la dette de PHC envers la Banque Royale. De tels témoins n'ont pas été appelés à la barre.

[8]      D'après la pièce A-2 (soit les états financiers de PHC), seulement deux actions de PHC avaient été émises, pour deux dollars. Comme chacun des deux actionnaires détenait initialement une action, on penserait que l'appelant ne pouvait perdre plus qu'un dollar sur le transfert de son action à M. Crossin en août 1992. Ce n'est toutefois pas ce qu'indique la preuve. Lorsque, en août 1992, l'appelant a transféré son action à M. Crossin, il a été obligé de prendre en charge une partie de la dette de PHC envers la Banque Royale. La partie prise en charge par l'appelant était de 186 000 $ et la partie prise en charge par M. Crossin était de 114 000 $. Selon l'appelant, les obligations en matière de dette ont été également réparties, car M. Crossin a accepté de payer le montant intégral de la dette envers la Banque de Nouvelle-Écosse (50 000 $) et de la dette envers son ami (22 000 $). La partie d'endettement prise en charge par M. Crossin peut être résumée comme suit :

                             Banque Royale du Canada                 114 000 $

                             Banque de Nouvelle-Écosse                50 000

                             Ami de M. Crossin                              22 000

                                                                                    186 000 $

[9]      La part d'endettement prise en charge par l'appelant est résumée au paragraphe 4 des présents motifs. Malgré ce résumé, il semble que l'appelant n'a pas versé d'argent à la Banque de Nouvelle-Écosse ni à l'ami de M. Crossin, mais qu'il a uniquement versé 186 000 $ à la Banque Royale. Il semble que M. Crossin a fait des paiements aux trois parties conformément au sommaire présenté au paragraphe 8 ci-devant. Le résultat net est que l'appelant et M. Crossin ont payé chacun la moitié de la dette globale de PHC, qui était de 372 000 $ (soit 300 000 $, plus 50 000 $, plus 22 000 $).

[10]     Je conclus que, lorsque, en août 1992, l'appelant a disposé de son action dans PHC, il a subi une perte de 186 000 $. Si c'était nécessaire, je conclurais également que toute dette de PHC envers l'appelant en août 1992 est alors devenue une créance irrécouvrable au sens du paragraphe 50(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'appel est admis en tenant compte du fait que l'appelant avait une perte au titre d'un placement d'entreprise de 186 000 $ pour 1992, une PDTPE de 139 500 $ pour 1992 et une perte autre qu'en capital de 32 122,20 $ pour 1995.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de novembre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.