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Date: 20020822

Dossier: 2001-2756-IT-I

ENTRE :

MARIO LOAYZA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Prononcés oralement sur le banc le 29 mai 2002 à Montréal (Québec)

et édités à Ottawa (Ontario) le 22 août 2002)

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant l'année d'imposition 1999.

[2]      La question en litige est de savoir si l'appelant a droit de déduire dans le calcul de son revenu la pension alimentaire payée à son ex-conjointe pour leurs quatre enfants mineurs.

[3]      Les faits que le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a pris en compte pour établir sa cotisation sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

a)          l'appelant et Claudette Tanguay (ci-après, « ex-conjointe » ), sont divorcés depuis le 4 août 1999;

b)          quatre (4) enfants sont issus de l'union de l'appelant et de son ex-conjointe;

c)          le 19 octobre 1999, la Cour supérieure (Chambre de la famille) du district de Longueuil a entériné le « consentement à jugement sur requête en modification des mesures accessoires » (ci-après : le « Consentement » ) que l'appelant et son ex-conjointe ont signé;

d)          selon le paragraphe 5 dudit « Consentement » , l'appelant doit verser à son ex-conjointe « une pension alimentaire, pour leurs 4 enfants mineurs, de cinq cent dollars par mois (500 $) et ce, à compter du mois de septembre 1999 » ;

e)          selon le paragraphe 6 de ce même document, il est mention que « puisque la requérante perçoit du ministre du Revenu, à titre de pension alimentaire, la somme de quatre cent dollars (400 $) par mois, à compter du mois de septembre 1999, l'intimé versera directement à la requérante la somme de cent dollars (100 $) par mois additionnelle et ce, jusqu'à ce que le ministre du Revenu intervienne dans le présent dossier » ;

f)           selon le paragraphe 8 de la Convention, l'appelant s'engage à habiller ses quatre enfants mineurs selon leurs besoins;

g)          l'employeur de l'appelant a confirmé par écrit que ce dernier avait payé la somme de 6 151,16 $ à titre de pension alimentaire pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1999;

h)          sauf pour le « Consentement » et la lettre de son employeur mentionnée au paragraphe 6g), l'appelant n'a fourni au Ministre aucun autre document sur les modalités de son divorce ou sur les ententes précédentes relatives à la pension alimentaire qu'il devait payer à son ex-conjointe pour leurs quatre enfants.

[4]      L'avis d'appel mentionne ce qui suit :

... Je suis en désaccord avec le refus d'opposition pour les raisons concernant la Loi de l'impôt sur le revenu de l'alinéa 60b) de l'article 60, car dans les droits de la charte Canadienne chaque Canadien a le droit au même équité sur les impôts. Alors je demande que la déduction sur la pension alimentaire payée soit acceptée comme elle l'est par d'autres Canadiens avec les même raisons ne tenant pas compte de la date d'un tel jugement.

[5]      L'appelant a témoigné. Il a admis tous les énoncés du paragraphe 7 de la Réponse.

[6]      L'appelant a relaté que la séparation a eu lieu à l'été 1996. Il a produit une requête pour mesures provisoires datée du 1er avril 1997 comme pièce A-1. Cette requête a été signifiée à l'appelant mais il ne s'agit pas d'un document produit à une cour. Le seul document de cour produit par l'appelant, tel qu'indiqué dans la Réponse, a été le consentement à jugement sur requête en modification des mesures accessoires. Ce consentement mentionné à l'alinéa 7c) a été entériné par la Cour supérieure. Il a été déposé comme pièce I-1.

[7]      L'appelant soutient avoir payé une pension alimentaire à son ex-conjointe. Cela aurait été sur la base d'ententes verbales. L'appelant a confirmé en contre-interrogatoire que le jugement de divorce du 4 août 1999 et celui sur le consentement à jugement sur requête en modification des mesures accessoires étaient les premiers jugements rendus dans leurs affaires matrimoniales.

[8]      Je citerai le troisième attendu et les paragraphes 5 et 6 du Consentement (pièce I-1) :

...

ATTENDU QUE le 4 août 1999 l'honorable juge Jocelyn Verrier prononçait un jugement de divorce entre les parties;

...

5.-         L'intimé versera à la requérante une pension alimentaire, pour leurs 4 enfants mineurs, de cinq cent dollars par mois (500 $) et ce, à compter du mois de septembre 1999;

6.-         Puisque la requérante perçoit du ministre du Revenu, à titre de pension alimentaire, la somme de quatre cent dollars (400 $) par mois, à compter du mois de septembre 1999, l'intimé versera directement à la requérante la somme de cent dollars (100 $) par mois additionnelle et ce, jusqu'à ce que le ministre du Revenu national intervienne dans le présent dossier;

...

[9]      L'avocate de l'intimée s'est référée à la décision du juge Bowman de cette Cour dans Kovarik c. Canada, [2001] A.C.I. no 181 (Q.L.) paragraphes 8 et 9 :

8           En vertu de ce que je pourrais décrire comme l'ancien régime (antérieur à mai 1997), les conjoints effectuant des paiements à leurs conjoints dont ils étaient séparés ou à leurs anciens conjoints à titre d'aliments pour les enfants pouvaient déduire ces paiements et les bénéficiaires devaient les inclure dans leur revenu. À la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, la loi a changé. Tant qu'un accord antérieur à mai 1997 demeurait inchangé, le système de déduction et d'inclusion en vertu de l'ancien régime prévalait.

9           Si un nouvel accord était conclu ou si un ancien accord était modifié d'une manière particulière, le régime de déduction et d'inclusion cessait, et seuls les paiements effectués à la « date d'exécution » , ainsi qu'elle est définie, étaient déductibles par le payeur et devaient être inclus par le bénéficiaire dans son revenu.

[10]     Elle s'est aussi référée à la décision du juge Rip de cette Cour dans O'Neil c. Canada, [2001] A.C.I. no 429 (Q.L.) au paragraphe 11 :

11         La définition de "date d'exécution" énoncée au paragraphe 56.1(4) s'applique aux faits en l'espèce : lorsque, après le mois d'avril 1997, un accord écrit conclu avant le mois de mai 1997 fait l'objet d'une modification quant au montant de la pension alimentaire pour enfants payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois devient la date d'exécution. Le premier accord écrit a été conclu le 1er septembre 1995, c'est-à-dire avant le mois de mai 1997. Cependant, le 1er janvier 1998, il a pour la dernière fois fait l'objet d'une modification quant au montant de la pension alimentaire pour enfants qui était payable à la bénéficiaire à compter du 1er janvier 1998. ... Les montants de pension alimentaire pour enfants payés en 1998 ont par conséquent été payés à la date d'exécution de l'accord ou postérieurement relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement. En conséquence, ces montants ne sont pas déductibles du revenu de l'appelant.

Conclusion

[11]     L'alinéa 60b), le paragraphe 60.1(4), les définitions de « pension alimentaire » , « pension alimentaire pour enfants » et « date d'exécution » au paragraphe 56.1(4), se lisent comme suit :

60         Autres déductions - Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

..

b)          Pension alimentaire - le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A          représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B           le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

60.1(4) Définitions - Les définitions figurant au paragraphe 56.1(4) s'appliquent au présent article et à l'article 60.

56.1(4) « date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a)          si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)          si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)          le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)         si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)        si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)        le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)          le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

[12]     Selon ces dispositions législatives, la pension alimentaire pour enfants payée en vertu d'un jugement de date postérieure à avril 1997 ne peut pas être déduite dans le calcul du revenu du payeur. Corrélativement, elle n'a pas à être incluse dans le calcul du revenu de la bénéficiaire.

[13]     Dans la présente instance, les seuls documents écrits en vertu desquels les paiements de pension alimentaire ont été faits au cours de l'année 1999 sont des jugements de l'année 1999. La nature de la perception faite par le Ministre du revenu provincial n'a pas été expliquée au cours de l'audience. Cette perception est mentionnée à l'article 6 du Consentement. Toutefois, selon ce document, cette perception a commencé à compter du mois de septembre 1999 et cette date est postérieure au jugement de divorce entre les parties en date du 4 août 1999. Ce jugement de divorce n'a pas été produit par l'appelant. Donc, les paiements des pensions alimentaires pour les enfants faits à la mère de ces derniers ne sont pas des montants qui peuvent être déduits dans le calcul du revenu de l'appelant.

[14]     L'appelant a mentionné dans son avis d'appel qu'il était discriminatoire que ceux qui payent des pensions alimentaires pour enfants en vertu d'un jugement postérieur à avril 1997 ne puissent pas en réclamer la déduction. Dans l'affaire Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, (jugement mentionné dans la décision citée au paragraphe 9 de ces motifs), l'appelante contestait la constitutionnalité de la disposition obligeant à l'inclusion de la pension alimentaire pour enfants car les femmes non séparées n'avaient pas à inclure dans leur revenu les paiements faits par les pères de leurs enfants. La Cour suprême du Canada a décidé que la disposition n'était pas discriminatoire parce que les juges en établissant le montant des pensions alimentaires prenaient en compte l'impact fiscal de telle inclusion et de telle déduction. Le raisonnement doit être le même dans le cas inverse. Les juges des cours civiles prennent maintenant en considération l'absence d'impact fiscal de ces paiements pour les paiements faits en vertu de jugements rendus après avril 1997. Avant cette date, les conséquences fiscales de l'inclusion-déduction étaient prises en compte, après cette date elles ne le sont plus.

[15]     L'appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       2001-2756(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Mario Loayza et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 29 mai 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    le 22 août 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                        l'appelant lui-même

Pour l'intimée :                          Me Julie David

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2001-2756(IT)I

ENTRE :

MARIO LOAYZA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 29 mai 2002 et jugement prononcé séance tenante

à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Julie David

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juin 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


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