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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3675(IT)I

ENTRE :

KIM GOODWIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 15 février et le 19 septembre 2001 à Calgary (Alberta), par

l'honorable juge Gordon Teskey

Comparutions

Représentants de l'appelant :                L'appelant lui-même

                                                          Tim Goodwin (représentant)

Avocats de l'intimée :                           Me Mark Heseltine

                                                          Me David Jacyk

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2001.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20010926

Dossier: 2000-3675(IT)I

ENTRE :

KIM GOODWIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Teskey

[1]      Dans son avis d'appel, l'appelant a choisi la procédure informelle pour en appeler de la cotisation d'impôt sur le revenu établie à son égard pour l'année d'imposition 1998.

[2]      La seule question en litige en l'espèce est de savoir si les frais de 964,36 $ qu'il a engagés pour se rendre à Las Vegas, au Nevada, en avril 1998, et les frais de 505,21 $ qu'il a engagés pour se rendre à Phoenix, en Arizona, au mois de novembre 1998, étaient des frais médicaux visés au paragraphe 118.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[3]      Lors de l'audition de l'appel, j'ai pu entendre le témoignage de l'appelant et celui de son dermatologue, Gregory S. Storwick (le « dermatologue » ). Par suite de ces témoignages, l'intimée a reconnu que l'appelant souffrait d'un cas grave de psoriasis. Le dermatologue a recommandé à l'appelant de séjourner pendant de brèves périodes, en avril et en novembre, dans une région au climat plus chaud, où il pourrait porter une culotte courte et s'exposer ainsi à la lumière naturelle du soleil. Ce genre d'exposition est recommandé peu importe le type de traitement qu'un patient peut recevoir.

[4]      L'intimée a reconnu aussi que l'état de santé de l'appelant s'était amélioré par suite de ces deux séjours dans des régions au climat plus chaud.

[5]      À l'heure actuelle, il n'existe aucune façon de guérir le psoriasis grave du genre de celui qui afflige l'appelant.

[6]      Le psoriasis est une anomalie du système immunitaire dont l'effet est de stimuler la croissance de la peau à un rythme dix fois plus élevé que le rythme normal de régénération. Environ cinq pour cent des gens qui en sont atteints ont une forme chronique grave de psoriasis. La profession médicale ne peut qu'atténuer les difficultés engendrées par cette dermatose.

[7]      Le dermatologue a produit un bref rapport, dont voici un passage :

                   [TRADUCTION]

[...]

La photothérapie est un moyen reconnu depuis longtemps pour traiter le psoriasis modéré ou grave. Ce traitement peut être donné au moyen de rayons UVA ou UVB, ou de la lumière naturelle du soleil, cette dernière solution étant la méthode privilégiée. Malheureusement, un tel service médical ne peut être offert de façon constante au Canada pendant la plus grande partie de l'année. Nous recommandons fréquemment aux patients atteints de psoriasis de se rendre, au milieu de l'hiver, dans un endroit ensoleillé. L'effet de l'exposition à la lumière naturelle du soleil peut être renforcé par l'ajout de psoralènes, qui permettent d'accroître l'efficacité du rayonnement ultraviolet. Cela est semblable au traitement par PUVA qu'offrent les cabinets de dermatologues. Il est plus commode pour les patients et moins coûteux pour le régime de soins de santé. Si vous avez des questions, veuillez appeler notre bureau.

[8]      À l'heure actuelle, il est impossible de reproduire la lumière naturelle du soleil en recourant à divers rayons ultraviolets puisque la lumière naturelle du soleil offre la gamme complète des différents types de rayons.

[9]      Dans le cadre du traitement par PUVA dont il est question dans le rapport du dermatologue, on utilise les rayons ultraviolets avec ou sans l'ajout de psoralènes.

[10]     Les deux méthodes - lumière naturelle du soleil et traitement par PUVA - présentent des risques puisque le patient peut, dans les deux cas, subir des brûlures, ce qui peut entraîner de nombreuses formes de cancer de la peau.

[11]     L'opinion du dermatologue, qui n'a été contestée d'aucune façon, est que, peu importe le traitement qu'un patient atteint d'une forme grave de psoriasis reçoit, il lui sera bénéfique, sur le plan médical, d'interrompre ce traitement et de s'exposer à la lumière naturelle du soleil. En hiver, c'est-à-dire de novembre à mai, il n'y a tout simplement pas assez de journées chaudes pour qu'un patient puisse, en culotte courte, passer le temps requis au soleil, et ce n'est qu'en se rendant dans une région plus chaude, comme le Nevada et d'autres endroits semblables au sud de la frontière, qu'il peut jouir des bienfaits de la lumière naturelle du soleil à ce moment-là de l'année.

[12]     Le dermatologue estime qu'il est raisonnable pour un patient atteint d'une forme grave de psoriasis, comme l'appelant, de séjourner dans une région chaude pendant une brève période (10 jours ou deux semaines à la fois) pour obtenir le soulagement, même temporaire, que procure la lumière naturelle du soleil.

[13]     Il s'est dit d'avis que, à long terme, la lumière naturelle du soleil était moins coûteuse pour le patient que le traitement par PUVA.

[14]     Le dermatologue n'a fait aucune mention, dans le dossier médical de l'appelant, d'un séjour dans une région plus chaude. Il a déclaré que, si la question de brefs séjours dans une région plus chaude a été abordée, ce fut par hasard. Il s'agissait d'un « conseil à un patient » .

Analyse

[15]     La partie pertinente du paragraphe 118.2(2) de la Loi est libellée dans les termes suivants :

(2)                Frais médicaux - Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

[...]

            g) à une personne dont l'activité est une entreprise de transport, dans la mesure où ce paiement se rapporte au transport, entre la localité où habit[e] le particulier [...] et le lieu - situé à 40 kilomètres au moins de cette localité - où des services médicaux sont habituellement dispensés, ou vice-versa, des personnes suivantes :

(i)                   le particulier [...]

[...]

si les conditions suivantes sont réunies :

(iii)                il n'est pas possible d'obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents.

[...]

            h) pour les frais raisonnables de déplacement [...] engagés [...] afin d'obtenir des services médicaux dans un lieu situé à 80 kilomètres au moins de la localité où le particulier [...] habite [...];

[16]     Eu égard à cette disposition, la question à trancher est de savoir si la recommandation d'un dermatologue à un patient de se rendre pendant de brèves périodes dans une région chaude pour y recevoir la lumière directe du soleil peut être considérée comme un service médical au sens de la disposition de la Loi reproduite ci-dessus.

[17]     Dans l'affaire Johnston c. Canada, [1998] A.C.F. no 169 (Q.L.), le juge Létourneau, de la Cour d'appel fédérale, a dit ceci aux paragraphes 10 et 11 de ses motifs relativement aux alinéas 118.3(1)a) et 118.4(1)e) de la Loi :

L'objectif des articles 118.3 et 118.4 ne vise pas à indemniser la personne atteinte d'une déficience mentale ou physique grave et prolongée, mais plutôt à l'aider à défrayer les coûts supplémentaires liés au fait de devoir vivre et travailler malgré une telle déficience. Comme le juge Bowman le dit dans l'arrêt Radage v. R. ([1996] 3 C.T.C. 2510), à la p. 2528 :

L'intention du législateur semble être d'accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L'intention n'est pas d'accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d'un tel allégement fiscal, et l'intention est que cette disposition profite à de telles personnes.

Le juge poursuit à la p. 2529 en faisant la remarque suivante, à laquelle je souscris :

Pour donner effet à l'intention du législateur, qui est d'accorder à des personnes déficientes un certain allégement qui atténuera jusqu'à un certain point les difficultés accrues avec lesquelles leur déficience les oblige à composer, la disposition doit recevoir une interprétation humaine et compatissante.

En effet, même si elles ne s'appliquent qu'aux personnes gravement limitées par une déficience, ces dispositions ne doivent pas recevoir une interprétation trop restrictive qui nuirait à l'intention du législateur, voire irait à l'encontre de celle-ci.

[18]     Il ne fait aucun doute que de nombreuses personnes résidant au Canada estiment que des séjours - brefs ou prolongés - dans des régions chaudes au sud de la frontière leur procurent un soulagement temporaire grâce à l'effet de la lumière naturelle du soleil. Je suis certain que nombre des retraités qui séjournent dans ces régions chaudes pendant les mois d'hiver plutôt que de rester au Canada et de s'exposer aux rigueurs de l'hiver restent en bonne santé plus longtemps.

[19]     Dans l'affaire Lazenby c. La Reine, une décision non publiée rendue le 1er décembre 2000, mon collègue le juge Beaubier a dit ceci au paragraphe 3 concernant un contribuable qui avait passé l'hiver en Arizona :

L'appelant ne s'est pas déplacé pour obtenir des services médicaux au sens du paragraphe 118.2(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'est déplacé dans le but de jouir d'un climat plus doux, dans une région où il ne serait pas confiné à l'intérieur pendant tout l'hiver.

[20]     Dans le contexte des faits en l'espèce, les séjours de l'appelant dans une région chaude aux fins de recevoir la lumière naturelle du soleil pendant plusieurs jours lui étaient bénéfiques.

[21]     Le New Lexicom Webster Dictionary of the English Language définit treatment ( « traitement » ) dans les termes suivants :

                   [TRADUCTION]

Acte, méthode ou manière de traiter quelqu'un //cas médical ou chirurgical.

L'adjectif medical ( « médical » ) est défini de la façon suivante :

                   [TRADUCTION]

qui se rapporte ou qui est lié à la pratique de la médecine.

Le substantif « service » comme nom a plusieurs acceptions complètement différentes les unes des autres en anglais. Les définitions lexicographiques qui sont utiles ici sont les suivantes :

                   [TRADUCTION]

-          résultat des activités rémunérées d'un membre de profession libérale;

-          aide offerte à autrui;

-          avantage qui en découle;

-          résultat d'une activité humaine destinée à répondre au besoin de l'être humain, mais ne constituant pas un bien.

[22]     Sous le terme « service » , dans l'ouvrage intitulé The Synonym Finder, de J. I. Rodale, on trouve : assistance, aide, encouragement, avantage, avancement, défense, recommandation, soutien, aval.

[23]     Bien que, dans son rapport, le dermatologue ait mentionné la lumière naturelle du soleil comme « méthode privilégiée » de traitement, il a ensuite utilisé l'expression « service médical » dans le même sens. Or, ces deux expressions ne sont pas synonymes.

[24]     Je crois effectivement que le « traitement médical » et le « service médical » sont deux choses différentes. La question est celle de savoir si le « conseil médical » offert incidemment à un patient en des termes généraux et non consigné dans le dossier du patient peut être considéré comme un « traitement » ou un « service » ou s'il s'agit d'autre chose. La liste qui suit renferme des exemples de conseils offerts par des médecins à des patients :

-          consommer moins d'alcool

-          perdre 15 livres dans le but de se sentir mieux

-          faire davantage d'exercice

-          dormir davantage

-          observer un régime alimentaire équilibré

-          arrêter de fumer

-          faire de l'exercice en plein air - comme marcher

-          limiter l'ingestion de caféine.

[25]     Ce sont tous des conseils médicaux d'ordre général qui sont bénéfiques pour la santé des patients et qui peuvent ou non être suivis par ces derniers. La plupart des adultes bien informés n'ont pas besoin qu'un médecin leur donne ces conseils car ils les connaissent. Les conseils de ce genre relèvent certainement de la formation que reçoit un médecin. Ce ne sont pas les services du dermatologue qui sont en cause ici, mais les frais de déplacement qui sont mentionnés dans les deux alinéas. Dans les deux cas, il s'agit de déplacements effectués en vue d'obtenir un « service médical » .

[26]     Pour qu'un contribuable puisse déduire les frais de déplacement en application de l'un ou l'autre de ces alinéas, il doit se déplacer pour recevoir un service médical d'une personne qui oeuvre dans le domaine de la santé. Il va sans dire qu'il faut aussi satisfaire à l'autre condition énoncée dans les alinéas en question.

[27]     L'exposition au soleil n'est pas un service médical même si elle peut soulager le patient. On peut en dire autant du fait de perdre du poids, de réduire l'ingestion de caféine, de faire plus d'exercice ou d'arrêter de fumer. Aucun de ces cas ne requiert qu'un professionnel de la santé fasse quoi que ce soit pour le patient.

[28]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2001.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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