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2004-3122(IT)I

ENTRE :

TATIANA TIKHOMIROVA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appels entendus à Toronto (Ontario), le 3 novembre 2005

Devant : L'honorable juge E.A. Bowie

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

M. Ken Gratton

Représentant de l'intimée :

M. David Knapp (stagiaire en droit)

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JUGEMENT

Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2001 et 2002 sont admis et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de décembre 2005.

« E.A Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'août 2006.

Christian Laroche, LL.B.


Référence : 2005CCI807

Date : 20051220

Dossier : 2004-3122(IT)I

ENTRE :

TATIANA TIKHOMIROVA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      Les présents appels sont interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu[1] (la « Loi » ) pour les années d'imposition 2001 et 2002. Même si un certain nombre de questions avaient initialement été soulevées dans le cadre de l'appel, une seule des questions a été traitée lors de l'audience. Cette question concerne l'allégation de l'appelante selon laquelle elle a le droit de déduire une perte finale au sujet de certaines améliorations qu'elle a apportées à sa résidence afin de pouvoir y exploiter une entreprise. La perte finale est déduite en 2002. À titre subsidiaire, elle allègue qu'elle a droit à une déduction pour amortissement (DPA) pour les deux années. Pour des raisons qui lui sont propres, le sous-procureur général du Canada a choisi d'envoyer une réponse à l'avis d'appel qui portait seulement sur la première des deux années. Les faits ainsi que les questions en litige sont toutefois sensiblement les mêmes pour les deux années et le représentant de l'appelante s'est contenté de procéder en fonction de la réponse à l'avis d'appel déposée.

[2]      L'appelante a quitté la Russie pour immigrer au Canada en 1998. Elle possède un niveau d'instruction et de formation élevé dans le domaine de l'esthétique, de l'aromathérapie, de la médecine holistique et de l'acuponcture, ainsi qu'une vaste expérience dans ces domaines. En mars 2000, elle a commencé à exploiter un salon d'esthétique en tant que propriétaire d'une entreprise individuelle, sous le nom commercial de « La Chance » . Elle exploitait l'entreprise dans sa maison, sur l'avenue Pinecrest à Toronto. Peu de temps après, elle a déménagé dans une plus grande maison située sur l'avenue Dorlen, avec une entrée privée pour le sous-sol. Le sous-sol était plus ou moins fini quand elle a déménagé dans la maison. Au cours de l'été 2001, elle a engagé un entrepreneur pour qu'il bâtisse cinq pièces séparées dans le sous-sol, soit une salle d'attente, une pièce utilisée pour les soins des mains et l'exposition des produits à vendre, une salle de bain, une salle d'entreposage avec un lavabo ainsi que du rayonnage pour l'entreposage des produits et une autre salle de soins. L'appelante s'est occupée de la conception des installations finies. Elle a décrit les travaux effectués, lesquels étaient considérables. L'entrepreneur a notamment dû effectuer l'installation du carrelage, des murs, du plafond, de l'éclairage et d'autres appareils d'éclairage, des équipements sanitaires, des vitrines et du rayonnage, de même que certains travaux d'aménagement paysager. Elle a payé 14 630,00 $ à l'entrepreneur qui s'est chargé de l'exécution des travaux, pour la main-d'oeuvre uniquement. Elle a acheté les matériaux elle-même, ce qui représente des frais supplémentaires de 14 520,74 $. La preuve présentée par l'appelante me convainc que le total des dépenses engagées pour construire le centre d'esthétique, y installer les équipements nécessaires et effectuer les travaux d'aménagement paysager pour les abords de la maison s'élèvent à 29 150,74 $. Les travaux ont tous été exécutés et payés en 2001. Cela a permis à l'appelante d'avoir des installations très fonctionnelles et attrayantes, à en juger par la description qu'elle en a faite et les photographies qui ont été déposées comme pièces.

[3]      Au cours de 2002, l'appelante s'est fait dire par son agent d'assurance qu'il y aurait annulation de sa couverture si elle continuait d'exploiter l'entreprise dans sa résidence. Elle a alors constitué La Chance Esthetics Ltd. (la société) pour poursuivre ses opérations et elle a loué des locaux commerciaux à cette fin. Mme Tikhomirova a indiqué dans son témoignage qu'elle n'avait été capable de trouver une compagnie d'assurance qui pouvait fournir une couverture pour sa maison pendant que l'entreprise était exploitée dans le sous-sol qu'après que les arrangements pour le déménagement avaient été pris de manière définitive. Quoi qu'il en soit, au cours de l'année 2002, elle a cessé d'exploiter son entreprise en tant qu'entreprise individuelle et elle a commencé l'exploitation de la société. Le centre d'esthétique qu'elle avait bâti dans le sous-sol de la maison sur l'avenue Dorlen n'a fait l'objet d'aucune modification.

[4]      Le premier argument de l'appelante est que les sommes dépensées doivent être traitées comme si elles faisaient partie du compte courant et qu'elles sont donc déductibles dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2001. À titre subsidiaire, elle allègue que le centre d'esthétique est un bien qui fait partie de la catégorie 8i) de l'annexe II du Règlement[2]. Selon son représentant, cela lui permettrait de déduire une perte finale en vertu du paragraphe 20(16) de la Loi.

[5]      Le premier argument de l'appelante est sans fondement. La preuve indique clairement que les dépenses qu'elle a engagées et qu'elle cherche maintenant à déduire ont toutes été effectuées pour apporter des améliorations durables à sa résidence. Dans son témoignage, elle a dit qu'elle considérait maintenant que les changements apportés à son sous-sol avaient diminué la valeur de sa maison et sa capacité de jouissance à cet égard, étant donné que les améliorations ne servaient qu'à l'entreprise qui n'était plus exploitée dans la maison. Toutefois, le fait est que, lorsque les améliorations avaient été apportées, elles avaient augmenté la valeur de la maison parce qu'elles avaient permis d'adapter le sous-sol pour l'exploitation de son entreprise.

[6]      L'appelante se fonde sur la décision de la Cour dans l'affaire McLaughlin v. M.N.R.[3] pour ce qui est de la proposition selon laquelle elle a le droit de traiter tous les postes de dépense qui coûtent moins que 150 $ comme s'ils faisaient partie du compte courant. Toutefois, il s'agissait d'un cas où le contribuable avait effectué de nombreuses dépenses pour restaurer et améliorer une résidence centenaire. Il est clair qu'une grande partie des dépenses effectuées dans ce cas-là ont servi à restaurer des parties de la maison afin de les remettre dans leur état original, alors que les autres dépenses ont été effectuées pour apporter des améliorations qui conféreraient des avantages durables. Les sommes inférieures à 150 $ ont été admises à titre de dépenses, étant donné qu'il s'agissait d'une façon équitable d'établir une distinction entre les deux catégories de dépenses. Cependant, en l'espèce, il n'y avait qu'un seul projet et il ne comportait pas de rénovations. Il ne visait plutôt que la réalisation d'améliorations qui n'étaient pas là auparavant. Toutes les dépenses étaient donc des dépenses en capital et aucune déduction du revenu à titre de dépense n'est accordée.

[7]      L'appelante n'a pas non plus le droit de demander une perte finale. L'appelante n'a pas utilisé un bien séparé de la maison dans son entreprise ni disposé de ce bien au cours de l'année d'imposition 2002, ou à n'importe quel autre moment. Les dépenses n'ont pas permis de créer un nouveau bien, elles ont simplement permis à l'appelante de modifier et d'améliorer sa résidence, dont elle est restée propriétaire après le transfert de l'entreprise dans de nouveaux locaux et son exploitation en société. Pour la même raison, l'appelante ne peut pas demander une déduction pour amortissement pour un bien de catégorie 8i). Elle n'a pas créé un tel bien, elle a seulement amélioré sa résidence.

[8]      Cependant, la preuve indique que l'appelante a utilisé presque la totalité du sous-sol de sa maison exclusivement à des fins professionnelles pendant les années visées par l'appel. Elle a donc le droit à une déduction pour amortissement de 4 %[4] relativement à la proportion appropriée de sa résidence. Les appels seront admis et l'affaire sera renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur cette base.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2005.

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'août 2006.

Christian Laroche, LL.B.


RÉFÉRENCE :

2005CCI807

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3122(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Tatiana Tikhomirova c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 3 novembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge E.A. Bowie

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 décembre 2005

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :

M. Ken Gratton

Représentant de l'intimée :

M. David Knapp (stagiaire en droit)

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

S/O

Cabinet :

S/O

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée.

[2]           Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C. ch. 945, dans sa version modifiée. La catégorie 8i), dans la mesure où elle est pertinente, est libellée de la façon suivante :

            « une immobilisation matérielle qui n'est pas comprise dans une autre catégorie de la présente annexe [...] »

[3]           92 DTC 1030.

[4]           Catégorie 1q).

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