Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence : 2003CCI160

Date : 20030409

Dossiers : 2002-3267(IT)I

2002-3269(IT)I

2002-3270(IT)I

2002-3271(IT)I

2002-3272(IT)I

2002-3273(IT)I

ENTRE :

MARIE CAMPBELL,

DAVID AUSTEN,

HAZEL KENNEDY,

GEORGE KEHOE,

ALLAN ARMSWORTHY,

MARY JESS MACDONALD,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

                   Avocat des appelants :                         Me Bruce S. Russell

                   Avocate de l'intimée :                          Me Dominique Gallant

____________________________________________________________________

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à Halifax (Nouvelle-Écosse),

le mercredi 26 février 2003.)

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      La Cour est maintenant saisie dans les affaires de Marie Campbell et Sa Majesté la Reine, 2002-3267(IT)I; David Austen et Sa Majesté la Reine, 2002-3269(IT)I; Hazel Kennedy et Sa Majesté la Reine, 2002-3270(IT)I; George Kehoe et Sa Majesté la Reine, 2002-3271(IT)I; Allan Armsworthy et Sa Majesté la Reine, 2002-3272(IT)I; ainsi que Mary Jess MacDonald et Sa Majesté la Reine, 2002-3273(IT)I. Il a été convenu dès l'introduction de l'instance que ces affaires seraient toutes entendues sur preuve commune et l'audience s'est déroulée en conséquence.

[2]      Les faits ne sont pas contestés et ils peuvent être résumés comme suit :

[...]

b) pendant toute la période pertinente, les appelants exerçaient des fonctions auprès du Strait Regional School Board (le « conseil scolaire » );

c) les appelants recevaient une allocation annuelle de 7 200 $ du conseil scolaire;

d) les appelants recevaient du conseil scolaire un formulaire T4 visant la fonction imposable de l'allocation, à savoir 4 800 $;

e) les appelants ont déclaré uniquement 4 800 $ du montant de 7 200 $ pour chacune des années d'imposition 1998 et 1999;

f)    les appelants tenaient tous un bureau dans leur maison;

g) les bureaux à domicile des appelants constituaient les sièges à partir desquels ceux-ci exerçaient leurs fonctions et constituaient un lieu de travail ordinaire;

h) le siège social du conseil scolaire est situé à Port Hastings, en Nouvelle-Écosse ( « immeuble du conseil scolaire » );

i)    les appelants n'avaient pas de bureau dans l'immeuble du conseil scolaire;

j)    dans le cadre de leurs fonctions ordinaires, les appelants devaient assister chaque mois à des réunions à date fixe dans l'immeuble du conseil scolaire;

k) l'immeuble du conseil scolaire était un lieu de travail ordinaire des appelants;

l)    au cours des années en litige, les appelants ont reçu du conseil scolaire une indemnité de déplacement kilométrique pour leur présence aux réunions;

m) pour les années en question, les appelants n'ont pas inclus l'indemnité de déplacement dans leur revenu.

Questions en litige

[3]      L'intimée a prétendu que les déplacements entre les bureaux à domicile des appelants et l'immeuble du conseil scolaire en vue d'assister aux réunions étaient des déplacements personnels et que les sommes reçues en 1998 et en 1999 pour ces déplacements constituaient des avantages conférés aux appelants par le conseil scolaire qui, par conséquent, étaient imposables en vertu des dispositions de l'alinéa 6(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ).

[4]      Les appelants ont soutenu que leurs déplacements en automobile en 1998 et en 1999, entre leurs bureaux situés dans leurs maisons à l'immeuble administratif du Strait Regional School Board à Port Hastings, pour lesquels le conseil scolaire leur versait une allocation kilométrique avaient lieu [traduction] « dans l'accomplissement des fonctions de la charge des appelants » à titre de membres de ce conseil scolaire, conformément au sous-alinéa 6(1)b)(vii.1) de la Loi, et qu'ils sont exonérés d'impôt.

[5]      La Cour est convaincue de la franchise des témoins; et elle accueille leurs témoignages. Il ne fait aucun doute qu'il ne s'agissait pas là de frais personnels ou de subsistance. Les frais étaient effectivement conformes au sous-alinéa 6(1)b)(vii.1) de la Loi, lequel exonère ce qui suit :

(vii.1)    les allocations raisonnables pour l'usage d'un véhicule à moteur qu'un employé - dont l'emploi n'est pas lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur - a reçues de son employeur pour voyager dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi.

Par conséquent, ces frais sont exclus du revenu des appelants.

[6]      La Réponse à l'avis d'appel ( « Réponse » ) ne contient que fort peu d'éléments présomptifs à l'égard desquels les parties ne se sont pas entendues et, en conséquence, la Cour ne peut trouver pratiquement aucun élément dans la Réponse qui pourrait offrir un certain soutien à la décision du ministre que ces montants étaient personnels.

[7]      Dans le paragraphe 10f) de la Réponse, il est admis que les appelants tenaient des bureaux dans leurs maisons. Cet aveu est sans doute exact et il est corroboré sous nul doute par la preuve. La Cour est convaincue que chacun de leurs domiciles abritait un bureau où ils effectuaient un travail considérable lié à leurs postes, c'est-à-dire, à titre de membres du conseil scolaire.

[8]      Dans le paragraphe 10g) de la Réponse, il a été admis que les bureaux à domicile des appelants constituaient les siéges à partir desquels ceux-ci exerçaient leurs fonctions et constituaient leur lieu de travail habituel. Ce fait a été prouvé et appuie les appels des appelants.

[9]      Le paragraphe 10i) indique que les appelants n'avaient pas de bureau dans l'immeuble du conseil scolaire. La Cour est convaincue que tel était le cas, et que ce fait aide beaucoup les appelants. Compte tenu de la preuve, la Cour estime qu'il ne serait pas pratique de procéder de cette manière.

[10]     Le paragraphe 10k) admet que l'immeuble du conseil scolaire était un lieu de travail habituel des appelants. Ce fait est indubitable. Cet immeuble était un lieu de travail habituel, tout comme le bureau à domicile était également un lieu de travail ordinaire pour chaque appelant. Lorsqu'ils quittaient l'endroit où ils résident, ceux-ci se déplaçaient en fait d'un lieu de travail à un autre. Ils gardaient à part une partie de leurs résidences pour leurs bureaux.

[11]     En rendant sa décision, le ministre a été évidemment influencé par le fait que les bureaux se trouvaient dans leurs domiciles. La Cour ne voit aucune différence entre le choix du domicile pour les bureaux et le choix d'un autre emplacement situé à 10 ou à 100 pieds de la maison et qui, selon les éléments de preuve, aurait été déraisonnable et trop dispendieux et n'aurait en aucune mesure avantagé les appelants.

[12]     La Cour ne peut conclure que la simple présence des bureaux se situant dans les maisons ne saurait permettre au ministre ou à la Cour de conclure que les appelants se trouvaient dans le cadre d'une entreprise personnelle lorsqu'ils quittaient cet endroit pour se rendre à un autre, ou bien lorsqu'ils y retournaient.

[13]     La preuve a établi, sous le moindre doute qu'en quittant leurs bureaux situés dans leurs maisons pour aller exercer ailleurs d'autres fonctions, et retourneront à leurs bureaux à domicile, ils se déplaçaient d'un lieu de travail à un autre. La Cour n'accorde pas d'importance au fait qu'ils aient pu, une fois de retour à la maison, aller se coucher, regarder la télévision, manger un sandwich ou faire une razzia sur le réfrigérateur, selon la situation. Ces activités ne contredisent pas la conclusion selon laquelle ils étaient engagés, sur le chemin du retour à leur domicile, dans des activités liées à leurs fonctions.

[14]     Lorsqu'ils se déplaçaient de leurs bureaux à domicile pour se rendre au conseil scolaire à Port Hastings, ils étaient engagés dans l'exercice de leurs fonctions de membres du conseil scolaire; et il en était de même lorsqu'ils retournaient à la maison. Ils sont clairement visés par les dispositions du sous-alinéa 6(1)(b)(vii.1) de la Loi.

[15]     Dans l'affaire R. v. Deimert, 75 DTC 262, à la page 10, le paragraphe 38 est ainsi rédigé :

[traduction]

Cette variante de la catégorie d'emplois exercés dans plusieurs établissements qui a introduit le concept de deux lieux de travail découle notamment des deux décisions de la Chambre des lords dans les affaires Owen v. Pook, [1969] 2 All E.R. 1, et Taylor v. Provan, [1974] 1 All E.R. 1201. Essentiellement, la personne qui doit se déplacer d'un lieu de travail à un autre peut déduire ses frais de déplacement parce qu'elle se déplace pour les fins de son emploi, mais elle ne peut pas déduire les frais de déplacement pour se rendre de son lieu de travail à son domicile, ou vice versa, à moins que son domicile soit un lieu de travail. L'application de ce concept exige la preuve que le travail ou l'emploi soit accompli dans deux endroits. Il ne suffit pas que la personne choisisse d'accomplir une partie du travail ailleurs que l'endroit où l'emploi est objectivement situé.

[16]     En l'espèce, la Cour est convaincue qu'il existait deux lieux de travail. Les voyages qui ont donné lieu à la demande de déduction de frais et à leur déduction ont toujours été des déplacements d'un lieu de travail (le bureau situé dans la maison) à un autre lieu de travail (le bureau du conseil scolaire) à Port Hastings. Tous les frais dont ils ont demandé l'exonération étaient liés à l'usage de leurs véhicules pour voyager dans l'accomplissement des fonctions de leur charge de membres du conseil scolaire.

[17]     L'avocat a également mentionné l'affaire Goldhar v. M.N.R., [1985] 1 C.T.C. 2187, 85 DTC 202, dans laquelle le juge Taylor a permis les déductions demandées par la contribuable parce qu'il avait été prouvé que celle-ci travaillait à partir de son domicile, qui constituait sa « base d'opérations » . On peut en dire autant de la présente affaire. L'affaire de la Cour d'appel fédérale Hoedel c. La Reine, C.A.F., no A-572-85, 22 octobre 1986 (86 DTC 6536) appuie également les demandes des appelants. L'avocat a également cité l'affaire Sword v. M.N.R., [1990] 2 C.T.C. 2298, 90 DTC 1798, que la Cour ne trouve pas particulièrement utile en l'espèce.

[18]     Dans l'affaire McDonald c. R., C.C.I., no 97-2209(IT)I, 27 juillet 1998 ([1998] 4 C.T.C. 2569, 98 DTC 2151), le juge Rip a indiqué ce qui suit :

[...] un employé peut aussi n'avoir qu'un seul lieu de travail fixe mais être obligé de se rendre à d'autres endroits où l'employeur fait des affaires ou de s'y rendre pour une fin professionnelle. S'il est plus efficace ou plus rentable pour l'employeur que l'employé parte de chez lui pour s'y rendre ou retourne chez lui après s'y être rendu, de tels déplacements ne doivent pas être considérés comme personnels.

Cette situation est identique à celle que la preuve a révélé en l'instance.

[19]     Dans chaque cas, la Cour admet l'appel et renvoie la question au ministre pour nouvelle cotisation et nouvel examen en fonction de la conclusion de la Cour selon laquelle ces frais sont exonérés d'impôt en vertu des dispositions du sous-alinéa 6(1)(b)(vii.1) de la Loi.

[20]     En ce qui concerne les dépens, l'avocat des appelants a demandé des mémoires de frais distincts et l'avocate de l'intimée a fait valoir qu'il ne devrait y en avoir qu'un seul.

[21]     Toutes les présentes affaires concernent les mêmes questions de fait et de droit. Le témoignage de chaque appelant était différent, mais le thème central était le même. Les recherches et les travaux effectués en vue de préparer chacune des présentes affaires étaient certes facilités par le fait que les appelants étaient tous membres du même conseil scolaire et avaient tous les même problème. Les dépens de comparution à titre de témoin de tous les appelants seront réglés dans le mémoire de frais sans préjudice pour les appelants.

[22]     La Cour conclut qu'il est, en l'instance, approprié qu'un seul mémoire de frais soit taxé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'avril 2003.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mai 2004.

Crystal Lefebvre, traductrice

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.