Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2003-45(IT)I

ENTRE :

STEPHEN C. LEONARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 12 février 2004 et les 27, 28 et 29 avril 2004

à St. Catharines (Ontario).

Par : L'honorable juge Diane Campbell

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Ifeanyichukwu Nwachukwu

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années de base 1997, 1998, 1999 et 2000 sont admis sans dépens et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juin 2004.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de septembre 2004.

Ingrid B. Miranda, traductrice


Référence : 2004CCI417

Date : 20040615

Dossier : 2003-45(IT)I

ENTRE :

STEPHEN C. LEONARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

[1]      Le présent appel a été interjeté à l'encontre d'une nouvelle détermination du ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle, au cours des années de base 1997, 1998, 1999 et 2000, l'appelant n'était pas le « particulier admissible » à l'égard de son fils Jesse et que, par conséquent, il n'avait pas droit à la prestation fiscale pour enfants (la « PFE » ) pendant ces périodes.

[2]      L'appelant et Kimberley Sweezey sont les parents de Jesse, qui est né le 15 décembre 1995. Le fait que Jesse était une personne à charge admissible aux termes de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) au cours de ces années n'a pas été contesté. L'appelant et Mme Sweezey ont vécu une relation tumultueuse et à éclipses, mais ils n'ont jamais résidé ensemble. Mme Sweezey a témoigné que l'appelant passait beaucoup de temps chez elle, mais l'essentiel de la preuve indique qu'au cours des années en question, il résidait chez ses parents au 6674 rue Sheldon, à Niagara Falls. Mme Sweezey a vécu à quatre ou cinq adresses différentes au cours de la période en question. Leur relation s'est terminée vers le début de l'année 1997.

[3]      Vers le début de l'année 1996, Mme Sweezey a réclamé la PFE en ce qui concerne Jesse. Elle a reçu la PFE jusqu'à l'année 2000. En mai 2000, l'appelant a demandé la PFE et, en novembre 2000, le ministre a décidé que l'appelant avait droit à la prestation pendant ces années-là. Conformément à cette décision, le ministre a formulé une nouvelle détermination selon laquelle Mme Sweezey n'avait pas droit à la PFE et que, pendant toutes ces années, elle avait reçu des versements excédentaires. Le 19 octobre 2001, le ministre a formulé une nouvelle détermination selon laquelle l'appelant n'avait pas droit à la PFE, en se fondant sur les hypothèses suivantes : au cours de toutes les périodes pertinentes, la résidence principale de Jesse était le domicile de Kimberley Sweezey et non pas celui de l'appelant, et que cette dernière était la principale pourvoyeuse de soins de Jesse. En conséquence, le ministre a décidé que l'appelant avait reçu des versements excédentaires de PFE et il lui a demandé de rembourser une somme de 5 119,54 $.

[4]      L'appelant a interjeté appel à l'encontre de cette nouvelle détermination. Il s'est principalement fondé sur les arguments selon lesquels Jesse résidait physiquement avec lui, chez ses parents sur la rue Sheldon, pendant toutes ces années; les ordonnances du tribunal ne reflètent pas avec exactitude les mesures d'hébergement de Jesse; le pourvoyeur principal de soins de Jesse était l'appelant, comme le prouvent des inscriptions à des activités sportives, des documents scolaires, des rendez-vous chez le dentiste et chez le médecin, des documents attestant l'hébergement, des reçus, des photos, des coupures de journaux et des horaires d'activités. Certaines pièces ont été rédigées par des personnes qui étaient absents et, par conséquent, l'intimée n'a pas eu la possibilité de les contre-interroger. D'autres pièces portaient sur des événements qui se sont produits en dehors des périodes pertinentes, les pièces portant sur la conduite de Mme Sweezey particulièrement. Pour ces raisons, l'intimée a fait valoir des objections à l'égard de nombreux documents.

[5]      L'intimée fait valoir que le ministre a formulé une nouvelle détermination selon laquelle Mme Sweezey et non pas l'appelant, est le particulier admissible et qu'en conséquence, c'est elle qui a droit à la PFE pour les années pertinentes.

La question en litige :

[6]      La seule question en litige dont je suis saisi consiste à juger si l'appelant est le particulier admissible à l'égard de Jesse au cours des années de base pertinentes, soit 1997 à 2000.

La preuve à l'appui de l'argument de l'appelant

[7]      L'appelant a témoigné en personne et il a cité son épouse, Allison Leonard, son père, John Leonard et Fiorina Stranges à témoigner en sa faveur.

[8]      L'appelant a témoigné qu'il résidait chez ses parents sur la rue Sheldon au cours de toute la période en question. Il a déclaré que Jesse a résidé avec lui sur la rue Sheldon la plus grande partie du temps et qu'il avait sa propre chambre à coucher. Il a fait référence à trois ordonnances du tribunal. La première ordonnance, une ordonnance sur consentement datée du 4 octobre 1996, prévoyait que Jesse serait placé sous la garde conjointe de ses deux parents, que sa résidence principale serait le domicile de sa mère et que le père jouirait d'un accès raisonnable à l'enfant. La deuxième ordonnance, datée du 28 septembre 1998, était une ordonnance provisoire établissant des droits de visite précis en faveur de l'appelant. La troisième ordonnance, datée du 11 septembre 2000 et rendue sur consentement, prescrivait une étude familiale et prolongeait la deuxième ordonnance provisoire. L'appelant a témoigné que ces ordonnances ne reflétaient pas avec exactitude les mesures d'hébergement concernant Jesse pendant les périodes en question. Il a déclaré que Jesse ne résidait pas chez lui sur la rue Sheldon les fins de semaine seulement, mais aussi de trois à quatre jours par semaine la plus grande partie du temps. Il a déclaré que la mère n'était intéressée à reprendre Jesse que lorsqu'elle savait que les services à la famille avaient l'intention de lui rendre visite et qu'ils s'attendraient à y voir Jesse.

[9]      L'appelant a produit de nombreuses pièces, y compris des reçus et des rapports de soins dentaires, des documents portant sur des rendez-vous chez le médecin, des horaires d'activités récréatives, un contrat de distribution de journaux, des documents de baptême, des bulletins scolaires, des devoirs scolaires ainsi que d'autres documents et registres variés. Toutes ces pièces ont été produites pour démontrer qu'il était le principal pourvoyeur de soins de Jesse et qu'il s'était occupé d'élever Jesse, de le nourrir, de le vêtir, de pourvoir à ses besoins médicaux et dentaires, ainsi que des ses devoirs scolaires, de ses activités sportives et de ses besoins en matière d'hygiène. Il a admis lors de son contre-interrogatoire que la mère avait choisi la maternelle et l'école de l'enfant, mais il a ajouté qu'il en avait été ainsi en raison du libellé des ordonnances du tribunal.

[10]     L'épouse de l'appelant, Allison Leonard, a indiqué qu'elle avait rencontré l'appelant en juin 1998 et qu'ils ont commencé à se fréquenter en janvier 1999. Elle n'a jamais résidé avec l'appelant sur la rue Sheldon. Ils se sont mariés en 2002. Elle a rencontré Jesse pour la première fois en avril 1999. Bien qu'elle n'eût pas connaissance de la situation de Jesse pendant les années 1997 et 1998, elle a déclaré qu'en 1999, alors qu'elle travaillait de nuit, elle rentrait chez l'appelant sur la rue Sheldon chaque jour après son travail. Elle a témoigné qu'au cours des années 1999 et 2000, Jesse habitait sur la rue Sheldon chez son père entre 75 p. 100 et 80 p. 100 du temps environ, et qu'il passait toutes les fins de semaine ainsi que trois ou quatre jours de la semaine chez l'appelant. Elle a déclaré qu'elle était au courant des ordonnances du tribunal qui n'accordaient à l'appelant accès que pendant les fins de semaine mais qu'en fait Jesse était avec son père la plus grande partie du temps. Lorsqu'on lui a demandé, en contre-interrogatoire, si Jesse résidait physiquement avec l'appelant, elle a répondu qu'effectivement Jesse passait la nuit sur la rue Sheldon avec son père. En outre, elle a témoigné que l'appelant était le principal pourvoyeur de soins de Jesse pendant les années 1999 et 2000. Elle a déclaré que 50 p. 100 du temps, l'appelant ou ses parents allaient chercher Jesse à l'école et l'y amenaient. Elle a déclaré que, généralement, l'appelant était celui qui accompagnait Jesse à l'école et aux activités sportives, et que souvent elle-même les accompagnait tous les deux à ces activités.

[11]     Le témoin suivant cité par l'appelant était Fiorina Stranges, qui était propriétaire d'un restaurant à Niagara Falls et qui l'a exploité jusqu'au mois d'août 2000. Elle a déclaré qu'elle connaissait l'appelant et la mère de Jesse, Kimberley Sweezey. Elle connaissait cette dernière depuis 1999; elle a déclaré que pendant les années 1999 et 2000, elle avait vu Mme Sweezey au restaurant avec une fillette (sa fille d'une autre relation), mais jamais avec un petit garçon. Quand finalement elle a appris que Mme Sweezey avait un fils, en juillet 2000, elle lui a demandé où il se trouvait et cette dernière lui a répondu qu'il était avec son père. Elle ne put rien confirmer au-delà de cette déclaration au sujet de la situation de Jesse.

[12]     Le dernier témoin cité par l'appelant était son propre père, John Leonard. Ce dernier a confirmé que son fils avait résidé chez lui sur la rue Sheldon pendant les périodes pertinentes. Il a déclaré que Jesse résidait entre 80 p. 100 et 90 p. 100 du temps chez l'appelant sur la rue Sheldon et qu'il avait sa propre chambre, ainsi qu'une salle de jeu contiguë. Il a déclaré que malgré les ordonnances du tribunal, Jesse demeurait normalement sur la rue Sheldon avec l'appelant pendant des semaines entières et qu'il s'écoulait des périodes de deux à trois semaines pendant lesquelles l'enfant ne voyait pas sa mère. Il a confirmé le témoignage de l'appelant selon lequel presque chaque fois où la mère demandait l'enfant, elle le faisait juste avant une audience au tribunal ou une visite des services à la famille.

[13]     M. Leonard a témoigné qu'il se considérait comme le « second pourvoyeur » de soins de Jesse, l'appelant en étant le pourvoyeur principal. Il a déclaré qu'il avait acheté notamment de la nourriture, des couches et des médicaments pour Jesse. Il allait aussi le chercher et l'emmenait à l'école, il assistait à ses activités, entraînait son équipe de soccer et l'emmenait au parc. Il a aussi déclaré, comme l'avait fait l'appelant, que la plupart des amis de Jesse habitaient sur la rue Sheldon. Il a déclaré qu'il savait qu'il y avait eu plusieurs rapports d'intervention de la police et qu'au moins une fois il avait refusé de rendre Jesse à sa mère après qu'on eût trouvé l'enfant seul dans la résidence de cette dernière. M. Leonard a fait jouer pendant l'audience des cassettes vidéo montrant les rapports d'affection qu'il y avait entre l'enfant, l'appelant et sa famille. Les dates des enregistrements commençaient le 26 janvier 1997 et se terminaient le 11 mars 1998. Le conseil de l'intimée a fait remarquer pendant le contre-interrogatoire que la plupart des dates des enregistrements correspondaient à un vendredi ou à un dimanche.

La preuve à l'appui de l'argumentation de l'intimée :

[14]     L'intimée s'est fondée sur deux témoignages, celui de la mère de Jesse, Kimberley Sweezey, et celui de la travailleuse sociale préposée à la protection de la jeunesse, Melanie Lepp.

[15]     Mme Sweezey a témoigné que Jesse avait toujours résidé chez elle, dans les nombreuses résidences qu'elle avait occupées pendant cette période et que l'appelant avait accès à l'enfant pendant les fins de semaine. Elle a déclaré que parfois elle avait accepté de prolonger l'accès quand l'appelant en avait fait la demande. Quant à la première ordonnance, rendue en 1996, les services à la famille avaient demandé qu'elle en fasse la demande. Elle a témoigné que le couple s'était réconcilié avant l'ordonnance et qu'ils s'étaient mis d'accord pour partager la garde. En raison de la nature tumultueuse de leur relation, la police est intervenue de nombreuses fois, avant et après leur séparation. En bref, elle a témoigné que Jesse avait passé un maximum de 10 jours par mois chez son père et cela, seulement pendant une période de deux ou trois mois au cours de l'été 2000, lorsqu'elle avait été hospitalisée et avait refusé à l'appelant tout accès à l'enfant. Elle a aussi déclaré que Fiorina Stranges s'est trompée au sujet de la date de la conversation qu'elle a mentionnée, puisqu'elle était hospitalisée pendant le mois de juillet 2000. Elle a aussi déclaré qu'elle n'était jamais allée au restaurant de Stranges avec son fils parce qu'elle n'y allait que les vendredis, quand Jesse était chez l'appelant.

[16]     Elle a aussi témoigné qu'elle était la principale pourvoyeuse de soins de Jesse tout au long de ces années de base. Elle a témoigné qu'elle s'occupait de nourrir et d'habiller Jesse, ainsi que des ses besoins dentaires et médicaux. Elle a déclaré aussi qu'elle était la responsable des besoins de Jesse en matière d'hygiène, de son apprentissage de la propreté et qu'elle s'était occupée de l'inscrire en maternelle. Elle a aussi indiqué qu'elle avait participé à des excursions scolaires et que Jesse avait invité des amis chez elle. Elle a reconnu que l'appelant avait emmené Jesse à certains rendez-vous médicaux et chez le dentiste.

[17]     Son deuxième témoin est Melanie Lepp, une travailleuse sociale préposée à la protection de la jeunesse. Mme Lepp a été engagée par le Family Services Niagara Department en mars 2001, et le dossier Sweezey lui a été assigné. Elle a dû intervenir en raison d'un présumé incident concernant une brûlure de cigarette sur le corps de Jesse, que l'appelant a dénoncé lorsqu'il a emmené l'enfant à l'hôpital. Le témoignage de la travailleuse sociale était fondé sur les registres consignés aux services à la famille par des travailleurs antérieurs : il y a eu de nombreuses interventions de courte durée concernant Jesse en 1997, 1998, 1999 et 2000. Les incidents avaient été signalés, soit peu après que l'appelant eut repris contact avec son enfant, soit par des voisins de Mme Sweezey qui étaient inquiets. Elle a passé en revue les obligations et les pratiques prescrits légalement dans le cadre de ce type d'intervention. Elle a admis qu'elle n'avait aucune connaissance personnelle du dossier avant mars 2001 et, plus particulièrement, qu'elle ne savait pas personnellement où Jesse résidait ou qui était son principal pourvoyeur de soins pendant la période pertinente. Elle a déclaré que les registres des autres travailleurs désignaient Mme Sweezey comme la principale pourvoyeuse de soins.

Dispositions législatives applicables :

[18]     La définition législative de l'expression « particulier admissible » se trouve à l'article 122.6 de la Loi. En voici un extrait :

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a)          elle réside avec la personne à charge;

b)          elle est la personne - père ou mère de la personne à charge - qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

[. . .]

h)          les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

La présomption en faveur de la mère mentionnée à l'alinéa f) de l'article 122.6 n'est pas applicable lorsque l'on a déposé auprès du ministre plus d'un avis réclamant la PFE en vertu de l'article 112.62. En d'autres mots, cette présomption n'est pas applicable parce que les deux parties ont réclamé la PFE.

[19]     À l'article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu figure une liste des « critères prévus » à l'alinéa 122.6h) devant être examinés afin de déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible. Les voici :

6302. Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a)          le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b)          le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c)          l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d)          l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e)          le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f)           le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g)          de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h)          l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[20]     À l'article 122.61 figure la formule nécessaire pour calculer le montant de prestations payables en établissant une présomption de paiement de trop de la part d'une personne admissible à la PFE, laquelle oblige le ministre à verser des paiements à cette personne.

[21]     S'il est jugé dans le présent appel que l'appelant n'est pas le particulier admissible, alors le ministre a le droit de recouvrer le paiement excédentaire.

[22]     Le fardeau de la preuve repose bien entendu sur l'appelant, qui doit réfuter les hypothèses formulées par le ministre, selon la prépondérance des probabilités.

Analyse :

[23]     Les deux parents de Jesse ont réclamé la PFE et les deux prétendent être le « particulier admissible » . Cependant, comme le fait remarquer le juge Bonner dans l'arrêt Lauder c. Canada [2002] A.C.I. no 278 au paragraphe 9 :

Il ne peut y avoir qu'un particulier admissible relativement à une personne à charge admissible pour une période donnée.

L'appelant réclame la PFE pour la période entière dans le cadre chacune des années de base mentionnées. On ne m'a pas demandé de déterminer s'il est admissible à la prestation pour certaines périodes au cours de ces années. Comme l'a indiqué l'avocat de l'intimée, je dois déterminer « tout ou rien » .

[24]     Pour être un particulier admissible à la PFE, un particulier doit notamment résider avec la personne à charge admissible et être le père ou la mère de la personne à charge admissible qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière. Je dois déterminer lequel de ces parents est le particulier admissible.

[25]     Selon la prévue dont j'ai été saisie, il semble qu'il s'agissait de l'appelant. Le témoignage de l'appelant et celui de Mme Sweezey étaient diamétralement opposé sous pratiquement tous les aspects. Si je n'avais entendu que leurs deux témoignages, j'aurais eu à décider de cette question presque exclusivement au niveau de la crédibilité, selon les facteurs énumérés à l'article 6302 du Règlement. Cependant, l'appelant a cité trois témoins pour appuyer sa preuve, l'intimée a cité un témoin en plus de Mme Sweezey et l'on m'a présenté trois ordonnances judiciaires ainsi que toute une série de pièces, certaines pertinentes et d'autres non.

[26]     Je n'accorde pas beaucoup de poids au témoignage de Melanie Lepp, non pas parce qu'elle n'est pas crédible, mais parce que tout son témoignage est fondé sur le ouï-dire. Elle n'a pris connaissance du dossier qu'en 2001, longtemps après la période en litige, et elle a admis qu'elle ne savait pas personnellement quelle était la résidence de Jesse pendant cette période, ni qui était le principal pourvoyeur de soins de l'enfant. Toutes ses connaissances étaient fondées sur la lecture des dossiers des services à la famille.

[27]     L'intimée a suggéré que même si j'admets la véracité des dates d'intervention par les services à la famille chez Mme Sweeney sans admettre la véracité des incidents eux-mêmes, cela corroborera fortement ses prétentions. Il y a eu trois interventions en 1997, deux en 1998, trois en 1999 et deux en 2000. La preuve démontre que l'enfant n'a pas passé 100 p. 100 de son temps avec un seul parent. Je ne considère pas ceci extraordinaire, puisqu'il semble que les services à la famille sont intervenus à dix occasions pendant une période de quatre ans. L'appelant a déclaré qu'il a signalé un certain nombre de ces incidents et que son père John Leonard a signalé au moins un incident alors que Jesse se trouvait chez sa mère. Je ne crois pas que ces interventions fassent pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Ces interventions ne suggèrent aucunement que Jesse résidait principalement avec sa mère ou que celle-ci était la principale pourvoyeuse de soins. Elles suggèrent simplement qu'il y avait des problèmes dans le ménage de Mme Sweezey pendant les périodes où Jesse se trouvait chez sa mère.

[28]     L'avocat de l'intimée a suggéré qu'il y avait de nombreux documents à l'appui du témoignage de Mme Sweezey. Ces documents consistaient principalement en trois ordonnances judiciaires; la pièce R-6, une lettre datée d'août 1998 écrite par l'avocat de Mme Sweezey; la pièce R-7, l'avis de requête de l'appelant daté de septembre 2000; les pièces R-3, R-5 et R-10, trois rapports de police; la pièce A-1, onglet 9, la transcription de l'audience datée de janvier 2002, et des enregistrements vidéo présentés par le père de l'appelant.

[29]     La première ordonnance judiciaire a été rendue en 1996, alors que les parents de Jesse entretenaient encore une relation. L'ordonnance leur accordait la garde conjointement et prévoyait, en 1996, que la résidence physique de Jesse serait la résidence de Mme Sweezey. L'ordonnance suivante est une ordonnance provisoire établissant, en 1998, des modalités précises d'accès en faveur de l'appelant. La troisième ordonnance, en 2000, était aussi une ordonnance provisoire qui prorogeait celle de 1998 et envisageait une entente sur une date d'audience. Les pièces R-6 et R-7 portent sur les tentatives de l'appelant de changer les modalités d'accès à Jesse. J'admets son témoignage, appuyé par celui de son père, selon lequel ces documents ne reflétaient pas avec exactitude les mesures d'hébergement de Jesse. L'appelant a déclaré qu'en 1996 son avocat lui avait conseillé que dans ces circonstances il était préférable d'avoir la garde partagée. Plus tard, on lui avait aussi conseillé qu'il n'était pas approprié de solliciter de changements en matière de garde au moment des requêtes pour ordonnances provisoires et qu'il ne s'agissait pas du tribunal approprié pour le faire.

[30]     Les ordonnances judiciaires sont l'un des nombreux facteurs que je dois étudier. Et même après avoir pris en considération les ordonnances et les autres preuves documentaires présentées par l'avocat de l'intimée, je ne peux écarter le témoignage crédible d'Allison Leonard et de John Leonard. Tous deux ont corroboré le témoignage de l'appelant, tant au sujet de la résidence de Jesse qu'en ce qui concerne celui des parents qui était le principal pourvoyeur de soins. Je n'écarte pas les preuves documentaires, cependant je préfère la substance des dépositions plutôt que la forme des divers documents. J'admets le fait que les mesures d'hébergement concrets de Jesse n'étaient pas reflétées dans la série de documents qui se trouvent devant moi. L'appelant était au courant de tous les aspects de l'éducation et des habitudes de Jesse, comme seul peut l'être un parent qui a accès à un enfant plus que les fins de semaine. Tant John Leonard qu'Allison Leonard ont corroboré presque chaque point de son témoignage. John Leonard a déclaré clairement et explicitement que Jesse vivait chez lui, sur la rue Sheldon, entre 80 p. 100 et 90 p. 100 du temps. Il a décrit sa propre participation aux soins de Jesse et se considère lui-même le « second pourvoyeur de soins » de Jesse. Il a déclaré qu'il était ordinaire que Jesse reste sur la rue Sheldon toute la fin de semaine et jusqu'au mercredi ou au jeudi. Allison Leonard a, à son tour, appuyé les témoignages de l'appelant et de John Leonard lorsqu'elle a déclaré que Jesse passait entre 75 p. 100 et 80 p. 100 du temps avec l'appelant entre 1999 et 2000. Ces deux témoins étaient francs et crédibles, et j'ai de bonnes raisons de croire ce qu'ils ont déclaré sous serment devant cette Cour. Alors que l'avocat de l'intimée a suggéré que les dates de certains enregistrements vidéo faits en 1997 et en 1998 correspondaient à des fins de semaine et que cela indiquait uniquement une présence durant les fins de semaine dans la résidence de John Leonard, je ne crois pas que ces preuves fassent pencher la balance en faveur de Mme Sweezey en l'instance.

[31]     Tout au long de l'audience, les parents de Jesse ont continuellement manifesté leur profonde amertume et l'aversion qu'ils ressentent l'un envers l'autre. Dans une certaine mesure, les deux parents s'acquittent des obligations mentionnées aux alinéas a) à g) de l'article 6302 du Règlement, selon l'endroit où Jesse se trouve. Cependant, je conclus que la preuve démontre que Jesse a résidé avec son père, dans la résidence de John Leonard sur la rue Sheldon, la plus grande partie du temps pendant chacune de ces années et que l'appelant était le principal pourvoyeur de soins de l'enfant. Cette conclusion est étayée par les témoignages de John Leonard et d'Allison Leonard. En fait, la preuve démontrait que John Leonard fournissait la plus grande partie des ressources, puisque l'appelant étudiait à l'université ou n'avait pas d'emploi stable pendant cette période. Selon la prépondérance des probabilités et en tenant compte de l'ensemble de la preuve dont je suis saisie, j'accepte que l'appelant a pris davantage de responsabilités à l'égard de Jesse que ne l'a fait Mme Sweezey.

[32]     Les appels sont admis, sans dépens, et les décisions sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvelle détermination au motif que l'appelant a droit aux PFE à 'égard des années de base 1997, 1998, 1999 et 2000.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juin 2004.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de septembre 2004.

Ingrid B. Miranda, traductrice

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.