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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2002-4332(IT)I

ENTRE :

RAPHAEL BUHLER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 18 mars 2003, à London (Ontario).

Devant : L'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions :

Représentante de l'appelante :

Christina Buhler

Avocat de l'intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 sont admis, avec dépens s'il en est, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de déduire une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise dans le calcul de son revenu pour 1998 et peut reporter le solde de la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise en 1999.


Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'avril 2003.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d'avril 2005.

Sophie Debbané, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI234

Date: 20030410

Dossier: 2002-4332(IT)I

ENTRE :

RAPHAEL BUHLER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip

[1]      Mme Raphael Buhler a fait appel des cotisations d'impôt sur le revenu établies à son égard pour les années d'imposition 1998 et 1999, dans le cadre desquelles le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a rejeté sa demande de déduction de pertes au titre d'un placement d'entreprise, au sens de l'alinéa 39(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), subies en 1998.

[2]      Pendant plusieurs années, Mme Buhler était le pourvoyeur principal de son mari et de ses deux filles.

[3]      M. Buhler est un chef cuisinier et avant 1996, il avait été sans emploi pendant un certain nombre d'années. En 1996, M. Buhler a été invité par deux personnes, Hussein Zabian et Gabriele D'Annibale, à se joindre à elles pour ouvrir un restaurant luxueux dans un édifice du patrimoine de Woodstock (Ontario). L'édifice devait être pris en location en vertu d'un contrat conclu avec la Ville de Woodstock. Comme condition de sa participation, M. Buhler devait investir la somme de 105 000 $. M. et Mme Buhler avaient un compte bancaire conjoint; les fonds du compte provenaient du revenu d'emploi de Mme Buhler. À compter de 1996, Mme Buhler a commencé à avancer des fonds provenant du compte à Old Market Restaurant Inc. (la « société » ), la propriétaire du restaurant. Les actionnaires inscrits de la société semblent avoir été M. Buhler et MM. Zabian et D'Annibale, chacun détenant une part représentant le tiers de la société. Au 18 avril 1997, les avances que Mme Buhler a remises à la société s'élevaient au total à 105 000 $. Le montant était garanti par un billet sans intérêt remboursable sur demande que la société lui a émis. Le billet est daté du 18 avril 1997. MM. Zabian et D'Annibale ont également prêté 105 000 $ chacun à la société.

[4]      « Les choses se sont corsées très vite » , se rappelait Mme Buhler. En février 1998, la Ville de Woodstock a verrouillé les portes du restaurant. Nous avons tout perdu. » La société était insolvable.

[5]      En plus des 315 000 $ que la société a empruntés de Mme Buhler et de MM. Zabian et D'Annibale, elle avait également emprunté de l'argent de la Banque de Montréal; M. Buhler a censément garanti 25 pour cent du prêt. Mme Buhler a honoré la garantie et a payé 10 416 $ à la banque. On ne sait pas si Mme Buhler a payé la banque directement ou a avancé l'argent à son mari pour qu'il la paie lui-même. Quoi qu'il en soit, cet argent appartenait à Mme Buhler. En effet, c'est elle qui a payé les 10 416 $.

[6]      Le 12 juillet 2001, M. et Mme Buhler ont fait une déclaration sous serment dont les termes sont les suivants :

                   [TRADUCTION]

1.          Le 30 juillet 1996 ou vers cette date, la société a émis 100 actions ordinaires de The Old Market Restaurant Inc. à Walter Buhler en contrepartie d'un montant de 100 $ par action, soit 10 000 $ au total.

2.          Raphael Buhler a fourni tous les fonds servant à l'achat des actions alors que Walter Buhler n'en a fourni aucun.

3.          Il a toujours été entendu entre eux que Walter Buhler était nu-fiduciaire de Raphael Buhler qui était, en tout temps, la propriétaire bénéficiaire des actions.

4.          Cet accord de fiducie était motivé par le fait que les autres associés de The Old Market Restaurant Inc., Hussein Zabian et Gabriele D'Annibale, préféraient traiter avec Walter Buhler, qui est un chef cuisinier professionnel, et non avec Raphael Buhler qui n'a aucune connaissance dans le domaine de la restauration.

[7]      La déclaration, présentée par l'intimé, avait été préparée par le comptable des Buhler après que les autorités fiscales se sont demandées si Mme Buhler avait le droit de déduire une perte au titre d'un placement d'entreprise.

[8]      J'estime que Mme Buhler est un témoin crédible. Je n'ai aucune raison de ne pas accepter son témoignage ainsi que les faits au sujet desquels elle et          M. Buhler ont déposé dans la déclaration conjointe. À ce titre, Mme Buhler était le propriétaire bénéficiaire des actions de la société enregistrée au nom de               M. Buhler. Si des dividendes avaient été distribués aux actionnaires, ils seraient inclus dans le revenu de Mme Buhler. (Je dois également préciser que, même si j'avais déterminé que son mari était le propriétaire bénéficiaire des actions, étant donné qu'il les avait achetées avec les fonds que lui avait fournis l'appelante, le revenu d'actions aurait été attribué à l'appelante en vertu du paragraphe 74.1(1) de la Loi.) Ainsi, lorsqu'elle a avancé les sommes totales de 105 000 $ à la société, elle l'a fait dans le but d'aider celle-ci à devenir rentable et de recevoir, un jour, des dividendes provenant des actions. C'était mon point de vue dans la décision Business Art Inc. v. M.N.R.,[1] qui, plus tard, a été adopté par notre cour ainsi que par la Cour fédérale.[2] Les 105 000 $ avaient été prêtés à la société en vue de gagner ou de produire un revenu.

[9]      La société était une société exploitant une petite entreprise au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, au moment où Mme Buhler lui a avancé des fonds. La dette était imputable au capital. À la fin de février 1998, la société était insolvable et la dette qu'elle avait ainsi contractée devenait une mauvaise créance. Mme Buhler a subi, en 1998, une perte au titre d'un placement d'entreprise de l'ordre de 105 000 $.

[10]     La somme de 10 416 $ qui a été payée à la Banque de Montréal au titre de la garantie personnelle de M. Buhler constitue également une perte au titre d'un placement d'entreprise. Si je comprends bien, les faits indiquent que Mme Buhler a investi dans la société. M. Buhler était son mandataire et lorsqu'il a garanti le prêt bancaire, il l'a fait en tant que son mandataire. En fait, c'est elle qui, directement ou indirectement, a payé la banque. Le but de garantir le prêt bancaire, tout comme le but du prêt lui-même, était de gagner ou de produire un revenu des actions. La somme de 10 416 $ était une perte en capital qui constituait une perte au titre d'un placement d'entreprise.

[11]     Mme Buhler a donc le droit de déduire une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise dans le calcul de son revenu de 1998 et de reporter le solde de cette perte à 1999.

[12]     Je voudrais faire quelques observations sur la conduite de l'avocat de la Couronne, M. Nwachukwu, qui était exemplaire. Il nous a bien aidés, l'appelante et moi, en essayant de trouver un terrain d'entente entre les parties pour régler cette affaire. Il a porté à ma connaissance des décisions qui appuient la position des deux parties. Sa conduite sert de modèle positif à la représentante de l'appelante, sa fille, qui entreprendra des études en droit en septembre.

[13]     Les appels sont admis avec dépens, le cas échéant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'avril 2003.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d'avril 2005.

Sophie Debbané, réviseure



[1]            C.C.I., n ° 85-319(IT), 10 novembre 1986 (86 DTC 1842).

[2]            Voir, par exemple, Brown c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1996] A.C.F. no 46 (96 DTC 6091); Byram c. Canada (1reinst.), [1995] 1 C.F. 705 (95 DTC 5069) et National Developments Limited c. Canada, [1993] A.C.I. no 714 (94 DTC 1061).

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