Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2004CCI583

Date : 20040930

Dossiers : 2003-2576(EI)

2003-2577(CPP)

ENTRE :

OCEAN VENTURES INTERNATIONAL INC., EN FAILLITE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et,

ROBIN UPSHON,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Représentante de l'appelante : Mme Judi Charlton

Avocate de l'intimé : Me Maria Vujnovic

Pour l'intervenant : L'intervenant lui-même

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario)

le 7 juin 2004)

Le juge Sarchuk

[1]      Il s'agit ici d'un appel interjeté par Ocean Ventures International Inc., qui a fait faillite, à l'encontre de la décision du ministre du Revenu national selon laquelle l'intervenant, M. Upshon, exerçait un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi pendant qu'il travaillait pour l'appelante du 12 juin 2000 au 5 septembre 2002.

[2]      Je ne me propose pas de me lancer dans un examen détaillé des faits si ce n'est pour énoncer certains points saillants qui ne sont pas en litige ou qui ne sont pas contestés. L'appelante a été constituée en personne morale le 14 janvier 2000 en vue de fabriquer des yachts de luxe d'un type particulier; je crois qu'on les a appelés des bateaux à coque d'acier. Pendant la période pertinente, il y avait un certain nombre d'actionnaires, dont le principal était David Milgram qui, si mes calculs sont exacts, possédait beaucoup plus que 50 p. 100 des actions. M. Upshon et sa femme possédaient également des actions. Pendant la période pertinente, M. Milgram était président du conseil d'administration, M. Upshon était président et sa femme était secrétaire de l'appelante. Il est juste de dire que c'est M. Milgram qui a fourni presque tous les capitaux investis dans l'entreprise de l'appelante, à part les sommes fournies par certains actionnaires.

[3]      M. Upshon avait expressément été embauché comme gérant en vue de superviser la construction du premier yacht [TRADUCTION] « de démonstration » et la production ultérieure d'autres yachts à cause de son expertise dans ce domaine particulier. En cette qualité, il était chargé de superviser la mise au point et la construction; il s'occupait également d'embaucher et de renvoyer les employés ainsi que de toutes les autres tâches associées à ses fonctions de gérant général. M. Upshon touchait un salaire fixe et il était remboursé des dépenses qu'il engageait dans l'exercice de ses fonctions. Il n'était pas obligé de fournir du matériel, de l'équipement ou des instruments de travail de quelque nature que ce soit. Toutes les installations étaient fournies par l'appelante. Et, compte tenu de la preuve mise à la disposition de la Cour, M. Upshon devait soumettre régulièrement des rapports sur l'avancement des travaux à M. Milgram lui-même.

[4]      Je suis arrivé à la conclusion selon laquelle la preuve étaye clairement les positions prises par l'intervenant et par le ministre, à savoir que M. Upshon était un employé d'Ocean Ventures pendant la période pertinente. Étant donné le genre de participation de l'intervenant, je mentionnerai ce que l'on a déjà parfois appelé le critère d'organisation ou d'intégration. Dans la décision Stevenson Jordan and Harrison, Ltd. v. Macdonald[1], la cour a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

            Une particularité semble se répéter dans tous les cas : en vertu d'un contrat de louage de services, une personne est employée en tant que partie d'une entreprise et son travail fait partie intégrante de l'entreprise; alors qu'en vertu d'un contrat d'entreprise, son travail, bien qu'il soit fait pour l'entreprise, n'y est pas intégré mais seulement accessoire.

À mon avis, cet énoncé décrit bien le cas qui nous occupe, et c'est dans une large mesure la raison pour laquelle j'ai conclu, comme il en a ci-dessus été fait mention, que M. Upshon était employé dans le cadre de l'entreprise.

[5]      Je me vois obligé de faire remarquer que, dans des décisions plus récentes telles que Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[2], les tribunaux ont dit que le critère d'organisation a été « reçu avec moins d'enthousiasme dans d'autres juridictions de common law » et ont indiqué qu'il s'agit d'un critère difficile à appliquer. Comme le juge MacGuigan l'a fait remarquer dans l'arrêt Wiebe Door :

[...], si le critère principal consistait à démontrer que, sans le travail des soi-disant employés, l'employeur ne pourrait pas exploiter son entreprise, l'existence d'un lien factuel de dépendance mutuelle satisferait toujours au critère d'organisation d'un employé même s'il se peut que ce critère ne reflète pas exactement la relation intrinsèque des parties.

Dans le cas qui nous occupe, l'appelante n'aurait pas exploité d'entreprise si M. Upshon n'avait pas été embauché comme employé en vue d'accomplir ses tâches particulières, à savoir le travail de conception, de mise au point et de supervision de la construction du bateau.

[6]      Le juge MacGuigan a décrit le critère d'organisation comme suit :

[...] le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l' « employé » et non de celui de l' « employeur » . En effet, il est toujours très facile, en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lord Wright a posé la question « À qui appartient l'entreprise » .

Dans cet appel particulier, je suis convaincu que l'entreprise était celle d'Ocean Ventures plutôt que celle de M. Upshon. Je citerai une autre décision, rendue par le juge Cooke dans l'affaire Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security[3]. Voici ce que le juge a dit :

[TRADUCTION]

Les remarques de lord Wright, du lord juge Denning et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte? » Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel.

Somme toute, en l'espèce, M. Upshon était régi par un contrat de louage de services et la cause de l'appelante ne peut donc pas tenir. La décision du ministre était correcte, la position de l'intervenant est maintenue et l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de septembre 2004.

       « A.A. Sarchuk »       

Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d'avril 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI583

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2003-2576(EI) et 2003-2577(CPP)

INTITULÉ :

Ocean Ventures International Inc., en faillite, et le ministre du Revenu national et Robin Upshon

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 7 juin 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable A.A. Sarchuk

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 juin 2004

COMPARUTIONS :

Représentante de l'appelante :

Mme Judi Charlton

Avocate de l'intimé :

Pour l'intervenant :

Me Maria Vujnovic

L'intervenant lui-même

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

S/O

Cabinet :

S/O

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           [1952] 1 The Times L.R. 101.

[2]           [1986] 3 C.F. 553.

[3]           [1968] 3 All E.R. 732.

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