Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 95-2684(IT)G

ENTRE :

MAC J. SHAHSAVAR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appels entendus les 17 et 18 novembre 2004, à Winnipeg (Manitoba)

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Paul Walsh

Avocats de l'intimée :

MesJeff Pniowsky, Marley Dash

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1991 et 1992 sont accueillis, avec dépens, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci-joints.

          En ce qui concerne l'année d'imposition 1991, tous les points en litige ont été réglés comme suit :

          a)        L'ARC supprimera toutes les pénalités imposées;

b)       L'ARC supprimera 50 % du montant de 12 832,00 $ qu'elle avait ajouté au revenu en raison de la surévaluation du mobilier et de l'équipement transférés par Shahsavar à Excelco;

c)        L'appelant acceptera tous les ajouts à son revenu découlant de l'avantage réputé au titre des intérêts (2 179,00 $) et du remboursement de dépenses personnelles par Canex (541,00 $).

          En ce qui concerne l'année d'imposition 1992, tous les points en litige ont été réglés comme suit :

          a)        L'ARC supprimera toutes les pénalités imposées;

b)       L'ARC supprimera 50 % du montant de 4 901,50 $ qu'elle avait ajouté au revenu en raison de la surévaluation du mobilier et de l'équipement transférés de Shahsavar à Excelco;

c)        L'appelant acceptera l'ajout à son revenu de l'avantage réputé au titre des intérêts (2 710,00 $);

d)       L'appelant acceptera l'ajout à son revenu d'un montant de 14 790,00 $ découlant du remboursement, par les entreprises Canex et Excelco, de ses dépenses personnelles et de subsistance;

e)        Aucun avantage au sens du paragraphe 246(1) de la Loi n'est accordé à l'appelant au titre des montants de 80 591,20 $ et de 36 851,09 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2005.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


Référence : 2005CCI184

Date : 20050324

Dossier : 95-2684(IT)G

ENTRE :

MAC J. SHAHSAVAR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

Introduction :

[1]      Les présents appels concernent les années d'imposition 1991 et 1992 de l'appelant. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a effectué une vérification d'Excelco Systems Inc. ( « Excelco » ) et de Canex International Consultants Inc. ( « Canex » ). À la suite de cette vérification, l'appelant a fait l'objet d'une nouvelle cotisation à l'égard de ces années.

[2]      Lorsqu'il a établi la nouvelle cotisation relative à l'année d'imposition 1992, le ministre a ajouté au revenu imposable de l'appelant des montants reçus d'Excelco en affirmant qu'un avantage au sens du paragraphe 246(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) avait été conféré à l'appelant. Le ministre faisait valoir que cet avantage a été accordé quand des montants ont été portés au crédit du compte de prêt de l'appelant sans contrepartie suffisante.

[3]      L'avantage présumé comprenait deux montants, soit 80 591,20 $ et 36 851,09 $. Le premier faisait partie d'une indemnisation pécuniaire ordonnée par un tribunal par suite d'un litige auquel ont participé trois des entreprises de l'appelant, Creative Touch Mills Inc. ( « CTMI » ), Anesco Management Ltd. ( « Anesco » ) et Ansco Enterprises Ltd. ( « Ansco » ). Ce montant a été porté au crédit du compte de prêt de l'appelant chez Excelco.

[4]      Le deuxième montant, 36 851,09 $, a été porté au crédit du compte de prêt de l'appelant chez Excelco relativement à une opération consignée par la mention suivante au grand livre : [TRADUCTION] « TRANSF. CANEX À L'ACT. » .

[5]      Ces deux montants, qui totalisent 117 442,29 $, ont été ajoutés au revenu imposable de l'appelant à l'égard de l'année d'imposition 1992 parce que le ministre prétend qu'un avantage au sens du paragraphe 246(1) de la Loi a été accordé à l'appelant.

La preuve :

[6]      En plus de l'appelant, un témoin a été convoqué, Frank Metanchuk, agent des appels à l'ARC. L'intimée n'a assigné aucun témoin.

[7]      L'appelant a obtenu son diplôme en génie de l'Université de la Saskatchewan en 1983. Sa famille possède une longue tradition d'inventions brevetées dans le domaine médical. L'appelant a suivi cette tradition et compte à son actif plusieurs inventions médicales brevetées, dont le seul bras robotisé capable d'exécuter plusieurs tâches à la fois.

[8]      L'appelant a participé à quelques entreprises au fil des ans. À la fin des années 80, il a formé plusieurs compagnies exerçant des activités dans le domaine de la menuiserie et de la charpenterie. En particulier, CTMI a été constituée afin d'exercer une partie de ces activités. CTMI appartenait à 100 % à une deuxième entreprise, Ansco, mais l'appelant en était le président-directeur général. Une troisième entreprise, Anesco, a été mise sur pied pour détenir les bâtiments et les entrepôts d'où CTMI exerçait ses activités. L'appelant était l'unique actionnaire d'Ansco et détenait 90% des actions d'Anesco. Johanna Cummings était propriétaire des 10 % restants des actions d'Anesco.

[9]      CTMI possédait deux établissements distincts à Saskatoon. Les bâtiments et une partie de l'équipement à un de ces établissements ont été endommagés par le feu le 9 juin 1987. Les assureurs ont remis en question l'origine de l'incendie, prétendant que les dommages avaient été causés par l'usure normale et n'étaient donc pas couverts par l'assurance. Même si les installations de fabrication avaient été détruites, CTMI s'est retrouvée dans l'obligation de mener ses contrats à bien en même temps qu'elle intentait des poursuites contre ses assureurs. L'appelant a déclaré dans son témoignage que le comportement des assureurs a forcé CTMI à fermer ses portes. En plus de CTMI, la poursuite désignait trois autres demanderesses, Ansco, Anesco et la Banque Nationale, créancier garanti de CTMI. Elle a été déposée au tribunal en deux étapes, parce qu'on avait décidé que, si les sociétés demanderesses n'avaient pas gain de cause à la première étape, la deuxième étape ne serait pas engagée. La première étape a été tranchée en faveur des sociétés demanderesses en avril 1991. La deuxième est toujours en instance devant les tribunaux de la Saskatchewan.

[10]     Avant que la première étape de la poursuite n'arrive à l'instruction, CTMI a été mise sous séquestre. Étant donné qu'elle avait signé un certain nombre de contrats avec garantie d'exécution qui ne pouvaient désormais être respectés, elle a aussi été poursuivie en justice à l'égard de ces contrats. Par conséquent, plusieurs jugements ont été enregistrés personnellement contre l'appelant et aussi contre CTMI. L'appelant a expliqué que les assureurs tentaient ainsi d'empêcher le déroulement des poursuites. À cause du jugement prononcé contre lui, l'appelant ne pouvait plus garder de compte bancaire personnel. Comme CTMI était à toutes fins pratiques en faillite, elle avait aussi perdu la possibilité de gérer ou d'avoir un compte bancaire. L'appelant a dit que, pendant cette période, il s'est démené pour emprunter de l'argent auprès de sa famille et de ses amis afin de payer les avocats directement pour garder les poursuites actives.

[11]     En 1991, Excelco a été constituée comme société de portefeuille. L'épouse de l'appelant était l'unique actionnaire et l'appelant lui-même était administrateur, gestionnaire et président. Son épouse a peut-être été administratrice pour une courte période suivant la création d'Excelco, mais après la naissance de leur enfant, en 1991, elle ne participait plus d'aucune façon dans l'entreprise, et l'appelant en était la seule âme dirigeante.

[12]     Un accord de cession daté du 15 octobre 1991 intervenu entre Excelco, CTMI et Anesco a été déposé sous la cote A-5. L'appelant a expliqué que ce document transférait à Excelco tous les droits et intérêts légaux appartenant à CTMI et à Anesco, y compris l'action en justice. En échange de ces droits, Excelco convenait de régler les dépenses engagées afin de recouvrer les montants découlant des actions en justice (transcription, pages 55 et 56) et de payer les créanciers garantis et judiciaires de CTMI et d'Anesco puis de conserver le solde comme revenu net.

[13]     En avril 1991, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a rendu jugement sur la première étape de la poursuite. Un montant de 710 000,00 $ a alors été recouvré auprès des assureurs et environ 80 000,00 $ ont été tirés de la vente de biens d'entreprise détenus par le séquestre et versés aux demanderesses. L'argent a été reçu par le cabinet d'avocats Hnatyshyn Singer, qui s'est occupé de la défense des diverses personnes morales qui étaient poursuivies. Un deuxième cabinet d'avocats, Jamieson Baits, était responsable de la demande présentée contre les assureurs devant les tribunaux. L'appelant a convenu que la pièce R-7 de l'intimée était un compte rendu exact du montant retenu par Hnatyshyn Singer au titre de ses honoraires impayés. En tout, 60 591,20 $ ont été prélevés par le cabinet sur les sommes versées par suite du jugement en 1991 et 1992. En contre-interrogatoire, on a montré à l'appelant la pièce R-6, qui est un relevé des montants facturés et des fonds détenus en fidéicommis par le cabinet d'avocats accompagné d'une page écrite de la main de David Hnatyshyn en 1992 (pièce R-7). Cette pièce R-7 énumère les divers montants consignés à la cour et ceux qui ont été versés par le cabinet d'avocats aux différentes parties. Sur les deux pièces, deux sommes distinctes sont désignées comme étant des soldes détenus en fidéicommis par le cabinet après versement aux diverses parties, soit 51 322,19 $ et 16 304,96 $. La pièce R-6 montre que le cabinet d'avocats a reçu un montant supplémentaire de 12 964,05 $ du cabinet d'avocats McKercher & Co., qui avait représenté un des défendeurs. Cela signifie que le cabinet Hnatyshyn Singer avait un total de 80 591,20 $ à débourser. L'appelant a consenti à ce que le cabinet prélève ses honoraires et a donné pour instruction que le solde, c'est-à-dire 20 000,00 $, soit versé à Excelco conformément à la cession. Après la déduction des honoraires des avocats, un chèque de 20 000,00 $ a été émis à l'ordre d'Excelco en mars ou en avril 1992. L'appelant a déclaré que, si CTMI n'avait pas été mise sous séquestre et n'avait pas cédé ses droits à l'égard de cette poursuite en justice à Excelco, l'argent aurait été versé à CTMI. Il aurait alors donné pour instruction à CTMI de rembourser Anesco pour le prêt consenti par l'actionnaire à CTMI et enjoint à Anesco de rembourser l'appelant pour les prêts consentis par l'actionnaire à Anesco. Finalement, il a expliqué qu'il aurait investi ces sommes dans Excelco pour régler les honoraires et frais juridiques relatifs à la deuxième étape de la poursuite. En autorisant Hnatyshyn Singer à prélever ses honoraires de 60 591,20 $ et en lui donnant pour instruction de transférer le solde de 20 000,00 $ à Excelco, tout en modifiant son compte de prêt au titre du montant total de 80 591,20 $, l'appelant est parvenu au même résultat, mais en effectuant moins d'opérations.

[14]     Selon l'appelant, la cession de l'action de CTMI à Excelco avait simplement pour but de permettre à Excelco de continuer la poursuite. Il a déclaré qu'il n'avait pas l'intention de transférer les pertes entre les deux entreprises, car il n'y avait pas de pertes. Il a expliqué à l'audience que la Cour avait déjà rendu une décision de 93 pages en faveur des sociétés demanderesses, ce qui leur garantissait au moins 600 000,00 $ à titre d'indemnisation pour leurs pertes d'exploitation.

[15]     Le deuxième montant en litige est le transfert de 36 851,09 $ d'Excelco à Klemmer Seed. Klemmer Seed était une entreprise installée à Rosetown, en Saskatchewan. Elle exportait des semences vers l'Amérique du Sud mais souhaitait élargir son marché dans d'autres régions où les compagnies de l'appelant avaient des contacts. Canex était une société nouvellement constituée afin d'exporter des produits vers le Moyen-Orient. Klemmer Seed a avancé environ 60 000,00 $ à Canex dans l'espoir d'étendre ses marchés et ses activités. Dans sa première année, Klemmer Seed a éprouvé des difficultés financières qui l'ont obligée à retirer son investissement dans Canex. Puisque celle-ci était une nouvelle société et qu'elle avait déjà dépensé l'argent de Klemmer Seed, l'appelant a dû trouver un autre moyen de rembourser Klemmer Seed. Bien qu'il ne se souvienne pas des détails exacts de l'opération, qui s'est déroulée près de 12 années auparavant, il était certain qu'il avait remboursé Klemmer Seed par l'entremise d'Excelco. Il aurait soit remis l'argent directement à Klemmer Seed, soit fait un chèque à Excelco, qui avait à son tour versé les fonds à Klemmer Seed au nom de Canex. Selon lui, il était probable qu'il avait déjà mis de l'argent personnellement dans Excelco, de sorte que, lorsqu'il a eu besoin de cet argent, il a enjoint à Excelco de faire simplement un chèque. En bout de ligne, la somme de 36 851,09 $ reste impayée dans les livres d'Excelco à ce jour, ce qui représente la dette d'Excelco envers l'appelant pour sa part du remboursement du prêt à Klemmer. Il a admis que, pour plus de clarté, il aurait dû effectuer le paiement par l'entremise de Canex à Klemmer Seed. En fin de compte, toutefois, il a indiqué que le résultat était le même grâce au prêt interentreprises de Canex à Excelco. Ce prêt a donné lieu à un débit dans le compte interentreprises d'Excelco et à un crédit dans le compte de prêt de l'appelant chez Excelco. L'appelant a souligné que l'opération, portant la mention [TRADUCTION] « TRANSF. CANEX À L'ACT. » et ayant entraîné un crédit de 36 851,09 $ au compte de prêt de l'appelant chez l'entreprise, était rattachée directement à ce paiement fait par l'appelant personnellement par l'entremise d'Excelco à Klemmer Seed, mais au nom de Canex. En contre-interrogatoire, on a demandé à l'appelant d'expliquer pourquoi un crédit a été inscrit dans son compte de prêt au grand livre, mais qu'il n'y avait aucune écriture de débit correspondant au paiement véritable. En réponse, l'appelant a précisé que l'intimée n'avait déposé en preuve et ne lui avait montré que les pages 24 à 26 du grand livre et que, si la totalité du dossier avait été produite au lieu d'une seule partie, toute l'opération aurait été clairement mise en lumière.

Le témoignage de Frank Metanchuk :

[16]     M. Metanchuk a précisé qu'il n'était pas l'agent des appels responsable de ce dossier depuis le début, mais qu'il était au courant de la vérification effectuée par son prédécesseur. Il savait qu'un incendie avait endommagé un bâtiment et de l'équipement en 1987, puis qu'une poursuite en justice avait été intentée contre les assureurs en conséquence. Il a confirmé que l'accord de cession daté du 15 octobre 1991 avait été découvert dans le cadre d'une vérification d'Excelco et de Canex. Il a déclaré également qu'il n'avait aucune preuve permettant de réfuter la date de cette cession ou le fait que, sur le solde restant après le règlement des créanciers garantis, le cabinet d'avocats Hnatyshyn Singer se soit versé 60 591,20 $ au titre des honoraires. Par suite du litige, seulement 20 000,00 $ ont été versés à Excelco, mais M. Metanchuk a indiqué qu'il ne pouvait expliquer pourquoi le cabinet d'avocats a versé ce montant à Excelco. Il a convenu que les avocats avaient fait état de cet argent dans leur correspondance du 7 août 1992 avec l'appelant. M. Metanchuk a précisé que l'appelant avait reçu un crédit dans son compte de prêt qu'il pouvait retirer libre d'impôts, puisqu'il avait réduit son compte de prêt à 35 992,34 $ à la fin de l'exercice, compte tenu des montants de 80 591,20 $ et de 36 851,00 $ (pièce R-3).

Les points en litige :

(1)      Est-ce que CTMI et Anesco ont cédé leur droit de poursuite relativement au litige avec les assureurs et Excelco?

(2)      Est-ce que l'appelant a reçu un avantage au titre du crédit de 80 591,20 $ porté à son compte de prêt par suite de la résolution de la première étape de la poursuite engagée contre les assureurs?

(3)      Est-ce que l'appelant a réglé la dette de Canex envers Klemmer Seed?

Les autres points en litige énoncés dans les plaidoiries ont fait l'objet d'une entente entre les parties avant l'audience et seront intégrés au présent jugement avec mes motifs touchant les points susmentionnés.

La position de l'appelant :

[17]     L'appelant fait valoir que les deux montants ont été dûment portés au crédit de son compte de prêt dans le grand livre d'Excelco. Selon lui, le droit de poursuite d'où découle le premier montant a été dûment cédé à Excelco et les montants versés par cette dernière à l'appelant et au nom de l'appelant ont été dûment portés au crédit de son compte de prêt. Sur le solde relatif à la première étape de la poursuite, une fois que les créanciers garantis ont été payés, le cabinet d'avocats Hnatyshyn Singer a déduit ses honoraires de 60 591,20 $. Les 20 000,00 $ restants ont été transférés à Excelco conformément à la cession. L'intégralité du solde, soit 80 591,20 $, a été comptabilisée dans le grand livre d'Excelco à titre d'investissement de l'appelant en reconnaissance de son droit aux fonds en tant qu'actionnaire et investisseur dans les entreprises qui ont engagé la poursuite.

[18]     Pour ce qui est du deuxième montant en litige, soit 36 851,09 $, l'appelant est d'avis que ce montant a été porté au crédit de son compte de prêt en reconnaissance d'une dette réglée par l'appelant par l'entremise d'Excelco à Klemmer Seed au nom de Canex. Les grands livres d'Excelco et de Canex renferment des écritures de redressement qui viennent étayer cette opération, qui a fait en sorte qu'Excelco devait à l'appelant un montant 36 851,09 $, soit le remboursement de l'argent versé à Klemmer Seed. Par conséquent, aucun avantage n'a été accordé à l'appelant en raison de ce crédit porté à son compte de prêt.

[19]     L'appelant a aussi fait valoir que l'imposition de ces montants entraînerait une double imposition puisque les montants en cause représentaient des fonds après impôts appartenant à l'appelant qui ont été transférés par l'entremise d'Excelco.

La position de l'intimée :

[20]     Lorsqu'il a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes, figurant au paragraphe 8 de la réponse à l'avis d'appel, qui sont pertinentes pour trancher les questions dont je suis saisie :

          [TRADUCTION]

8.          Lorsqu'il a établi les nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

[ ... ]

b)          Creative Touch Millwork Inc. ( « CTMI » ) était à toutes les dates importantes aux fins des présentes le titulaire de tout droit d'action à l'encontre des assureurs de CTMI;

c)          aucune cession de ce droit d'action n'a été faite par CTMI en faveur d'Excelco et, par conséquent, l'appelant n'a pas engagé de dépenses juridiques au nom d'Excelco mais en son nom propre par le truchement de sa participation directe dans CTMI par l'entremise d'Ansco Enterprises Ltd.;

d)          Excelco a crédité le compte de prêt de l'appelant d'un montant de 80 591,20 $ au titre des honoraires professionnels;

e)          l'appelant n'a fait aucun paiement à Excelco et n'a pas réglé les honoraires en question;

f)           Excelco a accordé à l'appelant un avantage de 80 591,20 $, soit le montant qu'elle a crédité au compte de prêt de l'appelant;

[ ... ]

m)         à la fin de l'exercice 1992 d'Excelco, une écriture de journal a été faite dans le compte interentreprises de Canex, et le compte de prêt de l'appelant a été crédité de ce même montant;

n)          l'appelant n'a avancé aucun argent à Excelco ni à Canex au titre du crédit mentionné à l'alinéa précédent;

o)          Excelco a accordé à l'appelant un avantage de 36 851,09 $ (sic), soit le crédit en question; ...

[21]     D'après ces hypothèses, l'intimée a fait valoir que Canex et Excelco ont toutes deux accordé un avantage à l'appelant au sens du paragraphe 246(1) de la Loi. L'intimée a également indiqué qu'aucune preuve n'a été déposée pour réfuter ces hypothèses. Puisque l'appelant ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombe, l'appel devrait être tranché sur la base des hypothèses énoncées dans la réponse.

[22]     Subsidiairement, l'intimée soutient qu'aucun montant versé au cabinet d'avocats Hnatyshyn Singer ne visait à maintenir la poursuite contre les assureurs, car c'est le cabinet Jamieson Bains qui s'occupait de cette étape du litige. Selon l'intimée, l'appelant n'a pas été en mesure de montrer que le paiement des honoraires du cabinet Hnatyshyn Singer constituait un avantage pour Excelco.

Analyse :

Premier point en litige :     La validité de la cession

[23]     Étant donné que cette cession joue un rôle central dans les deux premières questions à trancher, je la reproduis ici intégralement :

          [TRADUCTION]

CESSION

En contrepartie de la somme d'un dollar (1,00 $) et de toute autre contrepartie de valeur, je soussigné, Mac. J. Shahsavar, principal actionnaire et administrateur de Creative Touch Millworks Inc. et d'Anesco Management Limited, transfère tous mes droits et intérêts légaux à Excelco Systems Inc. de Saskatoon, dans la province de la Saskatchewan.

Pour la même contrepartie, Excelco Systems Inc. convient de régler toutes les dépenses engagées aux fins du recouvrement des montants, présents et futurs, découlant des actions en justice qui sont actives ou en instance.

Excelco Systems Inc. convient de payer tous les créanciers garantis et judiciaires des deux entreprises susmentionnées et de conserver tout solde à titre de revenu net.

La présente cession lie mes héritiers, exécuteurs, successeurs et ayants droit autorisés.

Fait en la ville de Saskatoon, dans la province de la Saskatchewan, ce 15e jour d'octobre 1991.

SIGNÉ, SCELLÉ ET DÉLIVRÉ           )

par MAC J. SHAHSAVAR                  )                        (signé)

devant :                                                 )            ________________________

                                                            )            Mac. J. Shahsavar

                        (signé)                           )

______________________________)

Témoin

(Commissaire à l'assermentation de la

province de la Saskatchewan.

Ma commission expire le 31 décembre 1996.)

[24]     Le tribunal de la Saskatchewan a rendu son jugement le 4 avril 1991. La cession était datée du 15 octobre 1991, quelque six mois après le jugement prononcé en faveur des demanderesses. La preuve confirme que ce document a été rédigé et signé avant la vérification de l'appelant. C'est ce dernier qui a fourni la cession à l'agent des appels durant la vérification. Il a témoigné de manière directe. Ses réponses étaient à la fois directes et logiques. C'est un homme d'affaires débrouillard qui s'est senti floué par les assureurs et qui a pris toutes les mesures nécessaires afin de trouver l'argent auprès de sa famille et de ses amis en vue de poursuivre son action en justice au nom des entreprises. De fait, M. Metanchuk, lorsqu'il a été interrogé à propos de cette cession, a déclaré qu'il n'avait aucun élément de preuve contredisant les dires de l'appelant lorsqu'il affirme que la cession a été signée le 15 octobre 1991. Il ne fait aucun doute que ce document a été signé à cette date. Il reste alors à savoir s'il vise l'objectif mentionné par l'appelant. Il n'est certainement pas rédigé ni signé avec la même clarté et la même précision qu'un document préparé par un spécialiste. Cependant, je crois qu'il contient suffisamment de détails pour me permettre de conclure qu'il s'agit d'une cession valide. Je suis encore plus convaincue de la justesse de cette conclusion après avoir entendu le témoignage de l'appelant à ce sujet. M. Shahsavar était un témoin crédible. Son témoignage n'a pas été contredit et je n'ai aucune raison de ne pas croire ce qu'il m'a dit. En outre, sa conduite personnelle et son comportement au nom des entreprises étaient tout à fait compatibles avec l'existence de cette cession qu'il jugeait valide et contraignante pour ces parties. L'appelant était le président, l'administrateur et l'âme dirigeante de ces compagnies. À mon avis, il ne croyait tout simplement pas qu'il était nécessaire de signer le document à trois reprises, pour le compte de chaque partie. J'accepte son témoignage lorsqu'il dit qu'il avait l'intention de lier toutes les parties en signant son nom une seule fois sur la cession au lieu de trois fois, comme un cabinet d'avocats lui aurait demandé de le faire. On n'a pas affaire ici à un appelant qui s'est précipité pour générer un document témoignant d'une conduite antérieure entre ces personnes morales. L'appelant, qui était l'âme dirigeante de chacune de ces entités, a conçu et mis en oeuvre un arrangement qui permettrait à l'action en justice de suivre son cours malgré la faillite de CTMI. Il a consigné cet arrangement, et tout ce qu'il a fait par la suite s'appuyait sur cette cession.

[25]     Je conclus donc que la cession datée du 15 octobre 1991 est un véritable document qui transférait dûment les droits légaux de CTMI et d'Anesco à Excelco.

Deuxième point en litige :           Le crédit de 80 591,20 $ résultant de la résolution de la première étape du litige

[26]     Dans l'arrêt Smith v. R., [2000] 1 C.T.C. 33, la Cour d'appel fédérale a déclaré que la question de déterminer s'il y a eu une erreur comptable ou un avantage est une question de fait. C'est également vrai lorsque le tribunal tente de savoir quelle est la nature d'une écriture contestée au grand livre. Dans la décision Nesis v. R., [1998] 2 C.T.C. 2931, la Cour a statué que, si des crédits ont été portés au compte de prêt d'un appelant sans contrepartie suffisante, il y aura alors un crédit imposable.

[27]     Selon l'accord de cession, Excelco devait financer les poursuites judiciaires et s'assurer que tous les créanciers garantis et judiciaires soient payés. La pièce R-7 fournit un résumé de toutes les sommes consignées au tribunal ou versées par suite d'un jugement relativement à la première étape de la poursuite. Au total, environ 788 000,00 $ ont été consignés au tribunal, dont deux montants reçus du tribunal par le cabinet d'avocats Hnatyshyn Singer et le troisième montant reçu du cabinet d'avocats McKercher & Co. Le relevé des fonds détenus en fidéicommis par Hnatyshyn Singer (pièce R-6) montre que le cabinet a reçu un total de 80 591,20 $. Une fois que les avocats ont prélevé leurs honoraires de 60 591,20 $, le solde de 20 000,00 $ a été transféré à Excelco. Je suis convaincue à la lumière de la preuve que ces montants appartenaient à l'appelant. L'intimée a souligné que les clients de Hnatyshyn Singer sont énumérés dans la pièce R-6, mais que cette liste ne mentionne pas Excelco. Par conséquent, d'après l'intimée, les services juridiques n'ont pas été exécutés pour Excelco. Sans la cession, Excelco n'avait droit à aucun des montants reçus par Hnatyshyn Singer. Elle ne pouvait pas accorder d'avantage parce qu'Excelco n'avait aucun avantage à accorder et, sans la cession, l'argent aurait appartenu à CTMI qui, en 1990, devait 206 000,00 $ à l'appelant. Ce montant, bien évidemment, figure encore aux livres parce que CTMI est insolvable. J'ai déjà conclu que cette cession est un véritable document et non pas un instrument artificiel. L'appelant croyait qu'il possédait une cession valide et a agi en conséquence. Je suis d'accord avec l'avocat de l'appelant, qui a expliqué qu'il aurait été plus facile pour l'appelant de déchirer la cession et de simplement considérer que le montant de 80 591,20 $ moins les honoraires versés à Hnatyshyn Singer faisait partie du remboursement des 206 000,00 $ encore impayés dans les livres de CTMI. Le cabinet d'avocats n'aurait jamais fait parvenir le solde de 20 000,00 $ à Excelco sans y avoir été enjoint par les clients qu'il représentait dans cette affaire. Le cabinet a reçu l'instruction d'envoyer le solde à Excelco conformément à la cession. Voilà pourquoi il n'existe aucune écriture ni aucun chèque à cet égard. Si l'argent n'appartient pas à juste titre à Excelco conformément à la cession, alors il appartient à CTMI. Excelco n'a droit à aucune partie de cet argent sauf avec l'intervention de la cession. Mais tous les intéressés croyaient qu'ils disposaient d'une cession valide et contraignante. CTMI n'avait pas l'argent nécessaire pour continuer de financer la poursuite en justice. L'appelant a conclu des ententes au nom des entreprises pour faire en sorte que la poursuite en laquelle il croyait puisse continuer. Il n'y a donc eu aucun crédit porté au compte de prêt de l'appelant sans contrepartie et, par conséquent, aucun avantage n'a été accordé.

Troisième point en litige : Le prêt à Klemmer Seed

[28]     Dans mon analyse des deux premiers points, j'ai conclu que l'appelant était crédible et honnête. J'accepte son témoignage suivant lequel Klemmer Seed a prêté de l'argent à Canex avant d'éprouver des difficultés financières puis d'exiger que Canex lui remette son argent. Canex n'avait pas d'argent pour rembourser Klemmer Seed, de sorte que c'est Excelco qui l'a fait, et l'appelant a ensuite remboursé Excelco. Le montant a été inscrit au grand livre et reste à payer encore aujourd'hui. J'accepte son témoignage où il dit que Canex, société nouvellement constituée, avait déjà dépensé l'argent de Klemmer Seed et ne disposait pas des fonds nécessaires pour rembourser Klemmer Seed. L'appelant a dû trouver des fonds pour remettre l'argent à Klemmer Seed. Il a déclaré qu'il aurait probablement dû faire passer l'argent par Canex au lieu d'Excelco. Même s'il ne pouvait se rappeler précisément s'il avait fait un chèque à Excelco ou si les fonds s'y trouvaient peut-être déjà, je ne crois pas que cette absence de détails ici suffise à m'amener à rejeter son témoignage au sujet de ce prêt. Je conclus que le montant inscrit comme crédit au grand livre ne représente pas un montant pour lequel aucune contrepartie n'a été versée et qu'il n'y avait par conséquent aucun avantage.

[29]     L'appel est accueilli et l'appelant a droit aux dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2005.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


RÉFÉRENCE :

2005CCI184

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

95-2684(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Mac J. Shahsavar et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 17 et 18 novembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable Diane Campbell

DATE DU JUGEMENT :                    Le 24 mars 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Paul Walsh

Avocats de l'intimée :

Mes Jeff Pniowsky et Marley Dash

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Paul Walsh

Cabinet :

Walsh and Company

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.