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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2004-199(GST)I

ENTRE :

ROCKWOOD MOTOR PRODUCTS, DIVISION DE

958000 ONTARIO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

___________________________________________________________________

Appel entendu le 9 mars 2005, à Kitchener (Ontario).

Devant : L'honorable juge en chef D. G. H. Bowman

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me W. Gerald Punnett

Avocate de l'intimée :

Me April Tate

___________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 5 février 2002 et porte le numéro 08EP0101610, est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les 24 automobiles exportées aux États-Unis sont détaxées.

          Les dépens sont adjugés à l'appelante sur la base procureur-client.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2005.

« D. G. H. Bowman »

Juge Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2005CCI204

Date : 20050324

Dossier : 2004-199(GST)I

ENTRE :

ROCKWOOD MOTOR PRODUCTS, DIVISION DE

958000 ONTARIO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Bowman

[1]      Le présent appel vise une cotisation établie en vertu des dispositions relatives à la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) de la Loi sur la taxe d'accise ( « LTA » ) pour la période du 1er octobre 1998 au 31 décembre 2000.

[2]      Il s'agit de savoir si l'appelante était tenue de percevoir et de verser la TPS relativement à 24 voitures d'occasion qu'elle a vendues à des non-résidents du Canada. Le ministre du Revenu national a établi une cotisation de TPS fondée sur le prix de vente des automobiles; l'appelante affirme que ces voitures sont détaxées suivant le paragraphe 165(3) de la LTA.

[3]      L'appelante exploite, à Rockwood (Ontario), une entreprise qui vend des voitures d'occasion. Pendant la période en cause, elle a vendu 24 voitures d'occasion à des acheteurs aux États-Unis. Toutes les voitures, sauf une, ont été vendues à KMM Marketing Inc., de Daytona Beach (Floride) ou de Quincy (Illinois). L'autre voiture a été vendue à Thomas Breck Stratton, de Jefferson City (Missouri).

[4]      La façon de procéder était toujours la même : M. Mead, gérant de Rockwood Motor Products, passait la frontière avec une automobile à Detroit et M. Brian Rice, lequel travaillait à cette époque pour KMM Motors, en prenait livraison. Dans le cas de la vente à Thomas Stratton, la voiture a passé la frontière à Port Huron (Michigan). Monsieur Rice avait conduit M. Stratton à Port Huron.

[5]      Selon le témoignage de M. Mead et de M. Rice, les actes de vente étaient tous signés aux États-Unis, la livraison des automobiles avait lieu aux États-Unis et les plaques d'immatriculation de concessionnaire de l'Ontario étaient enlevées et remplacées par les plaques d'immatriculation de l'acheteur.

[6]      L'appelante a déposé en preuve les actes de vente ainsi que les demandes d'immatriculation pour tous les véhicules aux États-Unis.

[7]      La preuve selon laquelle ces voitures ont été exportées aux États-Unis et livrées aux acheteurs dans ce pays et non au Canada n'est pas contredite.

[8]      Le répartiteur, M. Wilton, a rédigé une note (pièce A-1) dans laquelle il énonce les redressements qu'il proposait d'apporter. Il y énumère les 24 véhicules, leur numéro d'identification, leur prix de vente ainsi que le nom et l'adresse de leur acheteur.

[9]      Il était facile d'obtenir ces renseignements dans les livres et registres de l'appelante. Je donne cette précision parce que, selon la réponse à l'avis d'appel, le ministre a supposé ce qui suit lorsqu'il a établi la cotisation :

[TRADUCTION]

[...] l'appelante ne possédait pas des livres et registres appropriés pendant l'année d'imposition visée par l'appel [...]

La même allégation est répétée au paragraphe 9 de la réponse à l'avis d'appel. Monsieur Wilton nie vigoureusement avoir fait cette assertion, laquelle est manifestement erronée. J'ai à quelques reprises par le passé exprimé ma désapprobation à l'égard du ministre lorsqu'il allègue en tant qu'hypothèses des faits qui n'ont pas servi à ce titre. Il s'agit en l'espèce d'un exemple flagrant de ce genre d'abus. MaîtreTate n'est nullement en cause; ce n'est pas elle qui a rédigé la réponse et elle ne pouvait savoir que cette allégation était fausse. Je vais toutefois revenir sur ce point lorsque je traiterai des dépens.

[10]     Quoi qu'il en soit, l'appelante a acheté les automobiles en Ontario et a payé la TPS sur ses achats. Elle a vendu les voitures aux acheteurs aux États-Unis et, comme elle supposait que ces véhicules étaient détaxés, elle n'a pas perçu de TPS à leur égard. L'article 1 de la partie V de l'annexe VI de la LTA est ainsi rédigé :

1. La fourniture d'un bien meuble corporel, sauf un produit soumis à l'accise, effectuée par une personne au profit d'un acquéreur, autre qu'un consommateur, qui a l'intention d'exporter le bien, si à la fois :

a) le bien étant un produit transporté en continu que l'acquéreur a l'intention d'exporter au moyen d'un fil, d'un pipeline ou d'une autre canalisation, l'acquéreur n'est pas inscrit aux termes de la sous-section d de la section V de la partie IX de la loi;

b) l'acquéreur exporte le bien dans un délai raisonnable après en avoir pris livraison de cette personne, compte tenu des circonstances entourant l'exportation et, le cas échéant, de ses pratiques commerciales normales;

c) l'acquéreur n'acquiert pas le bien pour consommation, utilisation ou fourniture au Canada avant l'exportation;

d) entre le moment de la fourniture et celui de l'exportation, le bien n'est pas davantage traité, transformé ou modifié au Canada, sauf dans la mesure raisonnablement nécessaire ou accessoire à son transport;

e) la personne possède des preuves, que le ministre estime acceptables, de l'exportation du bien par l'acquéreur.

L'alinéa a) est inapplicable, et l'intimée convient que les alinéas b), c) et d) ne sont pas en cause.

[11]     L'unique fondement invoqué par l'intimée pour nier que les automobiles sont détaxées est l'alinéa e). Les paragraphes 2 et 6 de la réponse à l'avis d'appel sont ainsi formulés :

[TRADUCTION]

2.          En ce qui concerne l'avis d'appel, il admet ce qui suit :

● les fournitures en cause dans l'appel satisfont aux conditions prévues aux alinéas 1b), c) et d) de la partie V de l'annexe VI de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, telle que modifiée (la « Loi » );

● l'appelante n'a pas déclaré la perception de taxe sur les produits et services (la « TPS » ) relativement aux fournitures en cause dans l'appel;

● l'appelante n'avait pas de document d'entrée délivré par le gouvernement des États-Unis d'Amérique (les « États-Unis » ) relativement aux fournitures en cause dans l'appel;

[...]

6.                      Lorsqu'il a établi une nouvelle cotisation relative à la taxe nette et qu'il a ratifié cette nouvelle cotisation de taxe nette, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes en ce qui a trait à la question en litige dans l'appel :

a) à tous les moments pertinents, l'appelante était un inscrit pour l'application de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, telle que modifiée (la « Loi » );

b) l'appelante vendait des véhicules automobiles d'occasion;

c) l'appelante ne tenait pas de livres et registres adéquats;

d) l'appelante vendait des véhicules automobiles à des personnes non-résidentes aux États-Unis qui n'étaient pas inscrites pour l'application de la Loi(les « PNRNI » );

e) l'appelante a reçu des revenus s'élevant à 199 500 $ au titre des fournitures aux PNRNI;

f) l'appelante ne possédait pas de preuves acceptables en ce qui concerne l'exportation des véhicules aux États-Unis.

[12]     La pièce A-1 comporte l'assertion suivante :

[TRADUCTION]

Des discussions avec l'inscrit révèlent que l'acheteur transporte le véhicule aux États-Unis. Par conséquent, la fourniture a lieu au Canada selon l'alinéa 142(1)a).

[13]     Que cette assertion soit pertinente ou non, il n'en demeure pas moins qu'elle est erronée. La preuve établit que c'est l'appelante qui franchissait la frontière avec les véhicules.

[14]     La note rédigée par M. Wilton et qui est jointe à la pièce A-1 mentionne ce qui suit :

[TRADUCTION]

L'exonération est possible lorsque la fourniture est détaxée selon les dispositions de l'article 1 de la partie V de l'annexe VI de la Loi. L'article 1 prévoit que la fourniture d'un bien meuble corporel effectuée par un fournisseur au profit d'un acquéreur (autre qu'un consommateur) peut être détaxée si toutes les conditions suivantes sont respectées :

1.                L'acquéreur exporte le bien dans un délai raisonnable après en avoir pris livraison du fournisseur, compte tenu des circonstances entourant l'exportation et, le cas échéant, de ses pratiques commerciales normales. Les faits en l'espèce répondent à cette condition.

2.                L'acquéreur n'acquiert pas le bien pour consommation, utilisation ou fourniture au Canada avant l'exportation. Les faits en l'espèce répondent à cette condition.

3.                Entre le moment de la fourniture et celui de l'exportation, le bien n'est pas davantage traité, transformé ou modifié au Canada, sauf dans la mesure raisonnablement nécessaire ou accessoire à son transport. Les faits en l'espèce répondent à cette condition.

4.                Le fournisseur possède des preuves, que le ministre estime acceptables, de l'exportation du bien par l'acquéreur.

Dans la présente affaire, l'inscrit possède des preuves de l'immatriculation du véhicule aux États-Unis, mais ne dispose d'aucun autre renseignement. L'annexe A de la section 4.5.2 du chapitre 4 de la Série des mémorandums sur la TPS/TVH définit clairement les documents de base qui sont acceptables. Dans le cas d'exportations aux États-Unis, les éléments suivants seraient acceptables :

1.          La copie gaufrée du formulaire 7501, U.S. Entry Summary;

2.          U.S. Customs Entry;

3.          U.S. Certificate of Disposition of Imported Merchandise (formulaire 3227).

À la lumière de ce qui précède, l'inscrit ne tenait pas de registres suffisants pour détaxer l'exportation de véhicules automobiles aux États-Unis et il était donc tenu de percevoir et de verser la TPS sur la fourniture.

L'inscrit pourrait avoir droit à un remboursement au titre de la TPS payée.

Par conséquent, l'inscrit aurait dû percevoir la TPS sur les ventes aux États-Unis et la TPS percevable est la suivante :

199 150 $ au taux de 7/107 = 13 028,50 $ selon l'ERV

Conclusion :      Sauf indication contraire susmentionnée :

1) La TPS est appliquée correctement aux ventes détaxées et aux ventes taxables au taux de 7 %.

2) La TPS est calculée correctement et est déclarée correctement sur les déclarations de TPS.

FIN

[15]     La thèse du ministre est, pour l'essentiel, la suivante :

« Oui, nous savons que vous avez exporté les automobiles. Cela ressort sans équivoque de vos documents. Nous avons les actes de vente intervenus avec les acheteurs des États-Unis, les rapports Carfax ainsi que la demande d'immatriculation aux États-Unis. Nous avons toutefois une procédure administrative énoncée dans le mémorandum établi par les fonctionnaires de l'ARC. Il s'agit de l'annexe A de la section 4.5.2 de la Série des mémorandums sur la TPS/TVH qui figure à la pièce R-1 :

Annexe A

Preuve d'exportation

1.          La preuve d'exportation doit permettre de retracer l'envoi complet d'un bien meuble corporel de son origine au Canada à sa destination à l'étranger. Lorsque la destination ne peut pas être déterminée précisément en raison des pratiques de l'industrie ou de l'homogénéité des biens, le ministre du Revenu national (le ministre) doit être en mesure de s'assurer que les biens ont quitté le Canada.

2.          Les documents suivants fourniront au ministre une preuve satisfaisante que les biens meubles corporels ont été exportés du Canada, peu importe si les biens ont été détaxés ou si la taxe a été payée relativement à ceux-ci. La liste ci-dessous n'est pas complète. Les documents sur papier ainsi que les documents informatiques sont acceptables.

A. Documents de base

•            la facture commerciale;

•            les conventions d'achat ou les factures du fournisseur au client;

•            une copie du document de transport qui décrit le service de livraison. Ce document peut être un connaissement émis par un transporteur ou en son nom. Le connaissement peut aussi être remplacé par des documents non négociables, comme les feuilles d'expédition, les feuilles de route, les feuilles de décomposition, les connaissements, les lignes régulières, les reçus de marchandises, les documents de transport combinés ou multiples. Lorsque les connaissements ne sont pas utilisés dans le commerce en question, les parties doivent utiliser les termes « franco transporteur (nom du point) » ou « port payé jusqu'à (nom du point) » ou bien préciser en termes de F.A.B., C.F. et C.A.F. que le vendeur doit fournir à l'acheteur les documents habituels ou autre preuve de livraison des produits au transporteur;

•            les factures relatives à la fourniture émises par les courtiers en douane ou les expéditionnaires;

•            les documents d'importation requis par le pays vers lequel les biens sont exportés;

•            des copies des documents provenant de l'organisme de réglementation étranger, si les biens ont été enregistrés dans le cas de véhicules motorisés, y compris les bateaux, les navires et les aéronefs.

Pour les exportations vers les États-Unis d'Amérique :

•            la copie gaufrée du formulaire 7501, U.S. Entry Summary (ce document n'est valide que s'il est rempli au moment de l'exportation);

•            U.S. Customs Entry;

•            U.S. Certificate of Disposition of Imported Merchandise (formulaire 3227).

Nous sommes convaincus que vous avez exporté les automobiles comme vous affirmez l'avoir fait. Cependant, nous refusons la détaxation parce que, même si nous sommes objectivement convaincus que vous avez exporté ces véhicules, nous estimons que vos preuves ne sont pas acceptables puisqu'elles ne satisfont pas aux exigences prévues par notre mémorandum. »

[16]     Si le ministre accepte et reconnaît que les biens ont été exportés, cela suppose qu'il est convaincu du caractère suffisant des documents fournis. L'objet de l'alinéa e) est de faire en sorte que le contribuable présente des preuves suffisantes de l'exportation. Affirmer, comme le fait le ministre, qu'il accepte que l'appelante a exporté les biens (et donc que la preuve de l'exportation suffit à convaincre le ministre dans la mesure voulue), mais que la détaxation est refusée parce que l'appelante ne s'est pas conformée à un quelconque processus administratif établi par le ministre et qui n'a pas force de loi est illogique et contradictoire. Cela revient à appliquer l'alinéa e) de la section 1 de la partie V de l'annexe VI d'une façon mécanique qui passe complètement à côté de l'objectif de cette disposition.

[17]     L'appel est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les 24 automobiles exportées aux États-Unis sont détaxées.

[18]     J'accorde à l'appelante les dépens sur la base procureur-client. J'en ai décidé ainsi parce que, comme il est mentionné plus haut, la réponse avance une hypothèse qui était manifestement fausse. Loin de moi l'idée de critiquer l'avocate de l'intimée. Maître Tate a présenté la cause de la Couronne avec sa compétence et son professionnalisme habituels. Elle n'a pas rédigé la réponse et on ne pouvait s'attendre à ce qu'elle sache que cette assertion, selon laquelle le ministre a supposé que l'appelante ne possédait pas les livres et registres appropriés, était dénuée de fondement. Dans le cadre de la procédure informelle, les réponses sont rédigées par des « mandataires » qui sont des employés de l'Agence des douanes et du revenu. Il est totalement inacceptable pour l'intimée d'ajouter mécaniquement et automatiquement à la liste des hypothèses des paragraphes passe-partout non fondés qui n'ont aucun lien avec les faits.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2005.

« D. G. H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2005CCI204

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2004-199(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Rockwood Motor Products,

filiale de 958000 Ontario Inc., et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Kitchener (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 9 mars 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable D.G.H. Bowman, juge en chef

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 24 mars 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me W. Gerald Punnett

Avocate de l'intimée :

Me April Tate

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me W. Gerald Punnett

Cabinet :

Punnett & Rae

Pour l'intimée :

Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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