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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2000-3081(IT)G

ENTRE :

WONSCH CONSTRUCTION COMPANY LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu les 28 et 29 avril et le 1er mai 2003 à Windsor (Ontario)

Devant : L'honorable juge L. M. Little

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Roland Peter Schwalm

Avocat de l'intimée :

Me Ifeanyichukwu Nwachukwu

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est admis, sans frais, et la cotisation déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2003.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de mars 2005.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI341

Date: 20030521

Dossier: 2000-3081(IT)G

ENTRE :

WONSCH CONSTRUCTION COMPANY LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Little

A.       LES FAITS

[1]      L'appel a été entendu à Windsor, Ontario, les 28 et 29 avril 2003 et conclu le 1er mai 2003.

[2]      Au début de l'audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits partiel, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

L'appelante et l'intimée, par l'intermédiaire de leurs avocats, conviennent des faits suivants :

a)     ces faits ont été admis en vue de la présente instance et

b)    les parties peuvent présenter des éléments de preuve supplémentaires afin de compléter, mais non de contredire, les faits mentionnés aux présentes.

1)    L'appelante est une société constituée en personne morale en vertu des lois de l'Ontario. Son bureau principal est situé au 345 Taylor Drive, Tecumseh, Ontario et, après le 31 décembre 1990, elle a oeuvré principalement dans le domaine de l'aménagement immobilier et de la vente d'immobiliers.

2)    Le 23 octobre 1968, l'appelante a acheté une parcelle de terrain, décrite officiellement comme faisant partie des lots de ferme 88, 89 et 90, dans la troisième concession et s'étendant jusqu'à la quatrième concession de Windsor, Ontario (ci-après « le terrain en question » ). (Onglet 1 du recueil conjoint de documents)

3)    Le terrain en question occupait environ 60 acres de terrain et le zonage de Développement organisé 1 ( « PD.1 » ) lui avait été attribué par la ville de Windsor, ce qui signifie que la seule utilisation permise du terrain était la construction d'un logement uni-familial pour l'ensemble du terrain en question.

4)    À partir de la date d'achat jusqu'au 31 décembre 1990 ( « jour V » ), l'appelante détenait le terrain en question à titre d'immobilisation. Elle la cultivait elle-même et/ou la cédait à bail à des tiers pour des activités agricoles ( « activités agricoles » ).

5)    Après le jour V, l'appelante détenait le terrain en question à titre d'inventaire, avec l'intention première d'aménager le terrain pour le revendre. Cependant, les activités agricoles se sont poursuivies sur le terrain en question jusqu'à l'année d'imposition 1996.

6)    En avril 1992, le service des travaux publics de la ville de Windsor a invité l'appelante à aménager une partie du terrain en question donnant sur une route municipale, du nom de Cabana Road East, et a proposé d'installer sur la partie en bordure de la route des égouts séparatifs, dont le coût serait partagé avec la ville en vertu de la Loi sur les aménagements locaux. L'appelante a accepté. (Onglets 2 et 3 du recueil conjoint de documents)

7)    Plus tard au cours de la même année 1992, l'appelante a fait auprès de la ville de Windsor une demande de changement de zonage, pour la partie située en bordure de la route constituée d'une zone de 4 acres du terrain en question, de façon à ce qu'il passe de la catégorie PD.1 à R1.13, soit la catégorie des logements collectifs. L'appelante a également demandé l'approbation du comité des dérogations de la ville de Windsor pour une subdivision en 19 lots, permettant l'aménagement d'habitations à logement unique, de duplex et de maisons jumelées en bordure de Cabana Road East ( « Phase 1 » ). (Onglet 4 du recueil conjoint de documents)

8)    La demande a fait l'objet d'un appel auprès de la Commission des affaires municipales de l'Ontario, qui a approuvé en janvier 1994 le nouveau zonage et le projet de subdivision de la Phase 1, mais n'a approuvé l'aménagement que de 17 lots seulement, au lieu des 19 proposés par l'appelante pour la Phase 1.

9)    C'est en février 1996 qu'il est devenu possible pour l'appelante d'aménager la Phase 1 du terrain en question lorsque la ville de Windsor a donné son approbation définitive et que les permis de construire ont pu alors être délivrés.

10) En mars 1995, la ville a accepté l'offre de l'appelante, à savoir de retenir les services de Prince Silani and Associates, des consultants en aménagement rural et urbain, afin que ces consultants préparent un document de politique de développement détaillée pour l'aménagement du terrain en question et des environs, regroupés sous le nom Zone d'aménagement Howard-Cabana. (Onglet 5 du recueil conjoint de documents)

11) Le plan d'aménagement de la zone de développement Howard-Cabana a été complété en février 1996. Plus tard, au cours de cette même année, la ville de Windsor a approuvé le plan d'aménagement avec quelques modifications. Cela a permis de modifier le zonage et de commencer les démarches pour obtenir l'approbation nécessaire afin de subdiviser le reste du terrain en question. (Onglet 6 du recueil conjoint de documents)

12) En 1996, l'appelante a fait, auprès de la ville de Windsor, une demande de changement de zonage du reste du terrain en question, soit la Phase 2 et la Phase 3, de PD.1 à R1.13. (Onglet 7 du recueil conjoint de documents)

13) Au cours de la même année, l'appelante a également présenté une demande d'approbation d'un projet de subdivision de la Phase 2 et de la Phase 3, qui aurait permis la construction de maisons à logement unique, de maisons jumelées et d'un parc public. (Onglet 8 du recueil conjoint de documents)

14) En août 1996, le changement de zonage de la Phase 2 et de la Phase 3 du terrain en question de PD.1 à R1.13 a été approuvé par la ville de Windsor et, au même moment, le projet de plan de lotissement a été approuvé, à certaines conditions pour les deux projets. (Onglets 9 et 10 du recueil conjoint de documents)

15) En juin 1997 et en février 1998, la ville de Windsor a donné son approbation définitive au plan de lotissement de la Phase 2 et de la Phase 3, respectivement.

16) Au cours de l'année d'imposition 1996, 11 des 17 lots de la Phase 1 ont été vendus. Les lots restants de la Phase 1 ont été vendus au cours d'années d'imposition subséquentes.

17) Les états financiers de l'appelante pour l'exercice de 1996, indiquaient un gain total de 468 274,00 $ pour la vente des 11 lots. (Onglet 11 du recueil conjoint de documents)

18) En fonction du changement d'utilisation à partir du 31 décembre 1994 et d'une évaluation du terrain en question au montant de 4,2 millions de dollars, l'appelante, en calculant son revenu pour l'année d'imposition 1996, a déclaré un gain total de 468 274,00 $ pour la vente des 11 lots de la manière suivante :

a)     Le montant de 282 926,00 $ représentait le gain effectué sur la vente des 11 lots sous forme de revenu,

b)    le montant de 185 348,00 $ représentait le gain effectué sur la vente des 11 lots au titre d'immobilisation,

c)     le montant de 139 011,00 $ représentait la partie imposable de la vente des 11 lots et

d)    le montant de 46 337,00 $ représentait la partie non imposable de la vente des 11 lots. (Onglet 12 du recueil conjoint de documents)

19) Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi, pour l'appelante, une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1996, par un avis de nouvelle cotisation daté du 5 mai 1999, afin que soit inclus le montant de 46 337,00 $ dans le revenu, parce que le profit intégral de la vente des 11 lots était un profit sous forme de revenu. (Onglet 13 du recueil conjoint de documents)

20) Par des lettres datées du 8 avril 2002, les parties se sont accordées sur le fait que c'est à partir du 31 décembre 1990 que l'appelante a eu pour la première fois une intention commerciale relative au terrain en question et que toute augmentation de la valeur du terrain après la date effective jusqu'à la date de la vente des 11 lots du terrain en question, pendant l'année d'imposition 1996, était un montant sous forme de revenu.

21) Les parties étaient, de plus, d'accord pour faire effectuer une évaluation indépendante du terrain en question à partir de la date effective et que la seule question qui devait faire l'objet d'une décision de la part de cette cour, était la juste valeur marchande du terrain en question à partir du jour V.

22) Afin de déterminer le montant à inclure dans le revenu de l'appelante pour la vente des 11 lots, la valeur du terrain en question au jour V devrait être réduite à une valeur par lot.

23) Le rapport d'évaluation, rédigé par Ray Bower de la firme Ray Bower Appraisal Services Inc. au nom de l'appelante, établissait la valeur du terrain en question entre 3 millions et 3,3 millions de dollars au jour V. (Onglet 14 du recueil conjoint de documents)

24) Le rapport d'évaluation, rédigé par Wayne Pyke, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada au nom de l'intimée, établissait la valeur du terrain en question à 2 millions de dollars au jour V. (Onglet 15 du recueil conjoint de documents)

25) Les rapports d'évaluation, rédigés par M. Bower et M. Pyke employaient tous deux la technique de la parité pour évaluer le terrain en question au jour V. M. Bower, lui, a également employé la technique de l'aménagement pour l'évaluation.

26) Pour aider la Cour, une représentation graphique du site géographique des éléments de comparaison, utilisés par les deux évaluateurs pour l'évaluation du terrain en question, a été présentée dans le recueil conjoint de documents. (Onglets 16 et 17 du recueil conjoint de documents)

27) Les parties se sont entendues sur le fait que les montants des ventes comparatives, indiqués dans le rapport de M. Pyke sont exacts. Les montants des ventes comparatives indiqués dans le rapport de M. Bower sont exacts, lorsqu'il fait référence ou obtient une référence aux numéros d'instruments du bureau des enregistrements.

28) Des copies conformes des rapports d'évaluation préparés par les parties ont été signifiées et déposées par les parties selon la Règle 145 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale).

29) Les parties s'accordent pour dire que M. Bower et M. Pyke sont des évaluateurs immobiliers agréés, dont les témoignages doivent être considérés comme des opinions d'experts par la Cour dans sa détermination de la juste valeur marchande du terrain en question au jour V. (Onglets 18 et 19 du recueil conjoint de documents)

B.       LA QUESTION

[3]      La question à trancher est celle de la juste valeur marchande du terrain en question au 31 décembre 1990 (le 31 décembre 1990 est ci-après désigné comme étant le « jour V » ).

[4]      La valeur, au jour V, du terrain en question établira le prix de base des 11 lots vendus en 1996, de façon à ce que le ministre du Revenu national (le « ministre » ) puisse établir le revenu réalisé par l'appelante sur la vente des 11 lots au cours de l'année d'imposition 1996, ainsi que le revenu réalisé par l'appelante sur la vente des lots supplémentaires créés en subdivisant le terrain en question au cours des années d'imposition subséquentes.


C.       L'ANALYSE

[5]      Comme il est indiqué dans l'exposé conjoint des faits, le ministre a déterminé que la valeur du terrain en question, au jour V, était de 2 000 000,00 $ et que, pour sa part, l'appelante a établi que la valeur du terrain en question, au jour V, se situait entre 3 000 000,00 $ et 3 300 000,00 $.

[6]      Pour étayer sa position, selon laquelle la valeur du terrain en question au jour V était de 2 000 000,00 $, l'intimée a choisi M. Wayne Pyke comme témoin expert. M. Pyke a fourni à la Cour un rapport d'évaluation établissant la valeur du terrain en question au jour V (le « rapport Pyke » ).

[7]      En consultant le rapport Pyke, j'en ai conclu que M. Pyke avait sous-évalué le terrain en question. Je suis arrivé à la conclusion que M. Pyke avait sous-évalué le terrain en question pour les raisons suivantes :

1. M. Pyke vivait dans la région de Toronto en décembre 1990 et il a admis, lors de son contre-interrogatoire, qu'il n'était pas personnellement au fait des conditions économiques prévalant à Windsor en décembre 1990.

2. M. Pyke a affirmé que, au moment où il préparait le rapport Pyke en mai 2002, il ne s'était pas rendu compte que le taux de chômage de la région de Windsor avait changé de façon spectaculaire entre décembre 1990 et 1994, moment où il a déménagé à Windsor. M. Pyke a dit qu'il était employé par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (connue auparavant sous le nom de Revenu Canada) en 1994 et qu'il avait quitté la région de Toronto pour s'installer à Windsor en 1994.

[8]      Les taux de chômage pertinents pour la région de Windsor pendant la période allant de 1990 à 1994, sont les suivants :

1990

1991

1992

1993

1994

Taux de chômage

8,8 %

12,4 %

12,6 %

11,6 %

9 %

(Voir le rapport Marchand, p. 11 (Pièce R-2).)

[9]      En préparant son rapport rétrospectif le 24 mai 2002, afin de déterminer la valeur du terrain en question au 31 décembre 1990, M. Pyke s'est servi de la méthode de comparaison des ventes et il a fait référence à trois éléments de comparaison, soit trois ventes comparables. (Voir la page 11 du rapport Pyke.)

[10]     L'élément de comparaison n º 1 était la vente de 33,74 acres dans la municipalité de Lasalle en octobre 1992 pour la somme de 1 240 000,00 $, soit 36 752,00 $ l'acre.

[11]     Au cours de l'audience, M. Bower (le témoin expert de l'appelante) a produit des éléments de preuve, selon lesquels le prix de vente de ce terrain allait être réduit, car ce terrain était d'accès très difficile à partir de la route, c'est-à-dire, il était très difficile de faire un tournant à gauche pour s'y rendre. De plus, M. Bower a déterminé que la vente comparable n º 1 a eu lieu trois ans après le mois d'octobre 1992, c'est-à-dire en 1995, pour 410 000,00 $. Pour ces raisons, je rejette la vente comparable n º 1 comme vente comparable sur laquelle on peut se fier, afin de déterminer la valeur du terrain en question au jour V.

[12]     L'élément de comparaison n º 2 était un terrain de 8,4 acres situé sur l'avenue Lakeview à Windsor. L'élément de comparaison n º 2 a été vendu en mars 1993 pour la somme de 300 000,00 $, soit 35 714,00 $ l'acre.

[13]     M. Bower a déclaré dans sa déposition que les crues des années 1970 et 1980 se sont produites au printemps, dans la zone où était situé l'élément de comparaison n º 2. Pour éviter les inondations, une berme (de 3 à 4 milles de long) a été construite dans cette zone et des contraintes d'aménagement strictes ont été établies pour cette zone. M. Bower a déclaré, dans sa contre-preuve, que les contraintes d'aménagement dans cette zone ont permis la gestion des eaux pluviales et la construction de lagunes et de bassins de retenue. M. Bower a déclaré qu'en conséquence de ce risque d'inondation, le coût d'aménagement du terrain dans la zone de l'élément de comparaison n º 2 aurait été plus élevé et que ce facteur de coût aurait eu une influence sur le prix des terrains situés dans cette zone.

[14]     M. Pyke a déclaré qu'il n'était pas au courant des problèmes d'inondation dans la zone de l'élément de comparaison n º 2 lorsqu'il a rédigé le rapport Pyke.

[15]     Étant donné le risque d'inondation, j'en ai conclu que le prix payé pour la vente comparable n º 2 était probablement inférieur au prix payé pour d'autres terrains ne comportant aucun risque d'inondation.

[16]     L'élément de comparaison n º 3 était une parcelle de 31,78 acres qui a été vendue en juin 1995 pour la somme de 500 000,00 $, soit 15 733,00 $ l'acre.

[17]     Dans son commentaire des éléments de comparaison choisis par M. Pyke, M. Bower a déclaré que, pour préparer une évaluation, il est acceptable de prendre pour référence des ventes qui se sont produites après la date d'évaluation, à condition que l'évaluateur commente les conditions économiques au moment de ces ventes postérieures et les conditions économiques à la date de l'évaluation.

[18]     M. Bower a également déclaré dans sa déposition que les conditions économiques à Windsor étaient raisonnablement bonnes en 1989 et en 1990, mais qu'à cause de la conjecture économique, comme l'illustre ci-dessus le taux de chômage élevé dans la région de Windsor, les conditions économiques à Windsor étaient en déclin en 1991, en 1992 et en 1993.

[19]     Comme il a été indiqué ci-dessus, M. Pyke n'a déménagé à Windsor qu'en 1994 et M. Pyke a dit qu'il ne connaissait pas personnellement les conditions économiques prévalant dans la région de Windsor en décembre 1990.

[20]     En faisant référence, dans son rapport, à l'élément de comparaison n º 3, M. Pyke écrit à la page 13 :

[TRADUCTION]

Le prix à l'acre (15 733,00 $) peut refléter jusqu'à un certain point un marché quelque peu plus stable, comme celui du milieu des années 1990.

Remarque : Dans sa contre-preuve, M. Bower fait référence au rapport de M. Pyke et à sa déclaration citée ci-dessus et écrit à la page 6 :

[TRADUCTION]

M. Pyke, de nouveau, omet d'inclure les attributs économiques et la façon dont ils ont affecté la valeur du terrain en question. Il n'a fait que commenter les attributs économiques et la façon dont ils ont affecté le prix de vente d'un terrain comparable.

[21]     À mon avis, on ne peut se fier à une vente effectuée en juin 1995 (c'est-à-dire, 4 ans et demi après le jour V). De plus, en se servant d'une vente qui a été effectuée en 1995 comme élément de comparaison, M. Pyke aurait dû faire référence, de manière détaillée, aux conditions économiques prévalant à Windsor en décembre 1990 et aux conditions économiques prévalant à Windsor en juin 1995.

[22]     M. Ray Bower a fait sa déposition en tant que témoin de l'appelant.

[23]     M. Ray Bower a vécu dans la région de Windsor pendant toute sa vie professionnelle et il est personnellement au fait des conditions économiques prévalant à Windsor. M. Bower a exercé la fonction d'évaluateur immobilier pendant de nombreuses années. En réponse à la question de l'avocat de l'intimée, M. Bower a estimé que sa firme a préparé plus de 40 000 évaluations résidentielles et de 15 000 à 20 000 évaluations immobilières commerciales.

[24]     M. Bower a présenté à la Cour la copie d'un rapport d'évaluation de la valeur du terrain en question au jour V (le « rapport Bower » ).

[25]     Pour déterminer la juste valeur marchande du terrain en question au 31 décembre 1990, M. Bower fait référence à des ventes comparables. Dans le rapport Bower, M. Bower écrit à la page 24 :

[TRADUCTION]

La moyenne globale et le prix de vente médian des 12 ventes considérées sont de 60 506 $/acre et de 54 965 $/acre. La moyenne des 3 ventes des sites les plus importants considérés est de 46 314 $/acre. La moyenne des 3 ventes de sites situés dans la ville de Windsor est de 70 520 $/acre.


[26]     M. Bower écrit à la page 24 :

[TRADUCTION]

CONCLUSIONS

En fonction des observations précédentes, je suis d'avis que le 31 décembre 1990, la valeur unitaire du site en question se situait entre 50 000 $ et 60 000 $ l'acre. En appliquant cette plage de valeurs au site en question, nous obtenons une valeur estimée, avec la méthode des ventes comparatives, de la manière suivante :

LIMITE

INFÉRIEURE

LIMITE

SUPÉRIEURE

Site en question-58,5 acres

(à 50 000 $, à 60 000 $)

2 925 000 $      à

3 510 000 $

                       SOIT

2 900 000 $      à

3 500 000 $

[27]     La page 34 du rapport Bower contient l'énoncé suivant :

[TRADUCTION]

-            que l'estimation définitive de la plage de valeurs au 31 décembre 1990 est de : 3 000 000 $ à 3 300 000 $.

[28]     Dans son argument, l'avocat de l'intimée s'est beaucoup fié au fait que l'aménagement du terrain en question n'était pas imminent et que, par conséquent, l'analyse faite par M. Bower de la valeur, n'était pas acceptable. L'avocat de l'intimée a également souligné ce point, lorsqu'il s'est intéressé à la technique de l'aménagement dans le rapport Bower.

[29]     Dans mon analyse des faits qui m'ont été présentés, je ne me suis pas fié à la technique de l'aménagement utilisée dans le rapport Bower. Cependant, comme le faisait remarquer M. Pyke, l'utilisation de la technique de l'aménagement est acceptable comme élément de confirmation et, par conséquent, je conclus que l'utilisation de la technique de l'aménagement par M. Bower est acceptable en tant qu'élément de confirmation.

[30]     En ce qui concerne l'argument selon lequel le terrain en question n'était pas prêt pour un aménagement imminent au 31 décembre 1991, je crois qu'il est utile de se référer aux commentaires présentés par Cindy Prince, un témoin cité à comparaître par l'avocat de l'intimée.

[31]     Cindy Prince est une responsable de l'aménagement des terres qui a travaillé dans le comté d'Essex et dans la région de Windsor pendant environ 23 ans. Au cours de l'audience, les échanges suivants ont eu lieu :

          De Me Nwachukwu (avocat de l'intimée) :

[TRADUCTION]

Q.         OK. Donc, en termes d'occupation du sol, est-ce que le terrain pouvait être aménagé le 31 décembre 1990 ?

R.          Pas en termes de - la canalisation n'était pas devant le terrain. Il aurait fallu un accord avec la ville pour que Wonsch Construction prolonge cette canalisation.

(Transcription, p. 20)

En réponse à une question de la Cour au sujet de l'aménagement d'un système de tout-à-l'égout sur le terrain en question, Mme Prince a déclaré :

[TRADUCTION]

Ainsi, ce n'est pas un prolongement de canalisation inhabituellement long. Les coûts n'auraient pas été prohibitifs si quelqu'un avait voulu acheter le terrain et l'aménager.

(Transcription, p. 23-24)

De l'avocat de l'appelante :

[TRADUCTION]

Q.         -- Je vais vous suggérer qu'il n'y avait pas vraiment d'obstacles réglementaires ou d'obstacles de planification le 31 décembre 1990 à l'aménagement de ce terrain ?


Mme Prince a répondu :

[TRADUCTION]

R.          Avant de pouvoir réellement procéder à l'aménagement, vous devriez, pour commencer, avoir complété le plan d'aménagement et c'est le document que nous regardons en ce moment.

[...]

Mais toutes ces choses dépendent du promoteur. Ce sont - Ce sont des options du promoteur. Lorsque le promoteur est prêt et qu'il a l'argent, le promoteur peut commencer tant qu'il a un accord avec la ville.

(Transcription, p. 24-25)

L'avocat de l'intimée a fait ensuite référence au temps que cela prendrait pour commencer l'aménagement du terrain en question et a posé les questions suivantes à Mme Prince :

[TRADUCTION]

Q.         ... Combien de temps, généralement ?

R.          Eh bien, encore là, beaucoup de choses dépendent de la motivation de la ville et du promoteur. ... Je pense que, de manière réaliste, cela prendrait de dix mois à un an pour compléter tout cela, si vous - si vous alliez de l'avant et si vous étiez motivé pour que cela soit fait.

(Transcription, p. 27)

[32]     J'ai soigneusement étudié le témoignage de M. Bower et j'en ai conclu que M. Bower a surévalué le terrain en question parce qu'il a conclu que le terrain en question était prêt pour un aménagement imminent au 31 décembre 1990. (Remarque : comme indiqué ci-dessus, un plan d'aménagement de la Phase 1 du terrain en question n'a pas été approuvé avant 1996. En juin 1997 et en février 1998, la ville Windsor a donné son approbation définitive au plan de lotissement de la Phase 2 et de la Phase 3 respectivement). De plus, je remarque que plusieurs des éléments de comparaison de M. Bower étaient situés à une certaine distance du terrain en question (n º 2, n º 4, n º 5, n º 7 et n º 12). De plus, plusieurs éléments de comparaison avaient un potentiel de forte densité. Pour ces motifs, je suis d'avis que la plage supérieure de 3 300 000,00 $ suggérée par M. Bower n'est pas acceptable. Je suis également d'avis qu'il devrait y avoir une certaine réduction de la valeur déterminée dans le rapport Bower parce que le terrain en question n'était pas prêt pour un aménagement imminent le 31 décembre 1990.

[33]     À mon avis, la juste valeur marchande du terrain en question était de 2 900 000,00 $ au 31 décembre 1990.

[34]     L'appel est admis et la cotisation est déférée au ministre pour une nouvelle évaluation et une nouvelle cotisation sur la base des motifs ci-dessus.

[35]     À la fin de l'audience, les avocats des deux parties ont demandé la tenue d'une conférence pour discuter des dépens. Puisque le résultat est partagé, je ne suis pas enclin à accorder des dépens dans cette situation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2003.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de mars 2005.

Mario Lagacé, réviseur

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