Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossiers : 2003-4549(EI)

2003-4550(EI)

ENTRE :

MURIELLE LATULIPPE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

_______________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune le 6 août 2004, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Pierre W. Morin

Avocate de l'intimé :

Me Antonia Paraherakis

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels interjetés en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi sont rejetés et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'août 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2004CCI567

Date : 20040819

Dossiers : 2003-4549(EI)

2003-4550(EI)

ENTRE :

MURIELLE LATULIPPE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit de deux appels distincts. Les parties ont cependant convenu de procéder au moyen d'une preuve commune pour les deux dossiers.

[2]      Le premier appel, soit le dossier 2003-4549(EI), porte sur la période du 7 août 2000 au 23 novembre 2001 où le payeur était la société 9073-6976 Québec Inc.

[3]      Le deuxième appel, soit le dossier 2003-4550(EI), porte sur la période du 18 novembre 2002 au 1er février 2003 et le payeur était, cette fois, la société 9116-8468 Québec Inc.

[4]      Pendant la première période en question, les actions de la société payeuse comportant des droits de vote étaient détenues par les personnes suivantes dans les pourcentages suivants :

Selon le registre des actionnaires du payeur, les actions comportant droit de vote du payeur étaient détenues, au cours des périodes suivantes par :

du 6 janvier 2000 au 2 avril 2001 :

- Nancy Latulippe, fille de l'appelante avec 33 1/3 % des actions;

- l'appelante avec 33 1/3 % des actions;

- Paul Gauthier avec 33 1/3 % des actions;

du 3 avril au 1er juin 2001 :

- Nancy Latulippe avec 100 % des actions.

depuis le 1er juin 2001 :

- Nancy Latulippe avec 25 % des actions;

- Nicolas Leblanc, conjoint de l'appelante, avec 75 % des actions;

[5]      Quant à la deuxième période en question, la totalité des actions comportant des droits de vote de la société payeuse était la propriété de Stéphane Turcotte, conjoint de la fille de l'appelante.

[6]      L'appelante, par le biais de son avocat, a fait certaines admissions quant aux faits tenus pour acquis pour justifier les déterminations dont il est fait appel.

·         Dossier 2003-4549(EI) :

Il a donc admis les alinéas 16 a), b), c), d) ainsi que les alinéas 17 a), b), c), d) et e) jusqu'à la phrase se terminant par les mots « la facturation » .

16) L'appelante et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu car :

       a)      Le payeur a été constitué en société le 5 février 1999;

b)     Selon le registre des actionnaires du payeur, les actions comportant droit de vote du payeur étaient détenues, au cours des périodes suivantes par :

du 6 janvier 2000 au 2 avril 2001 :

- Nancy Latulippe, fille de l'appelante avec 33 1/3 % des actions;

- l'appelante avec 33 1/3 % des actions;

- Paul Gauthier avec 33 1/3 % des actions;

du 3 avril au 1er juin 2001 :

- Nancy Latulippe avec 100 % des actions.

depuis le 1er juin 2001 :

- Nancy Latulippe avec 25 % des actions;

- Nicolas Leblanc, conjoint de l'appelante, avec 75 % des actions;

c)     du 6 janvier 2000 au 2 avril 2001, l'appelante était membre d'un groupe lié qui contrôlait le payeur;

d)    depuis le 3 avril 2001, l'appelante a toujours été liée à la personne qui contrôlait le payeur.

17) ...

a)      le payeur exploitait une entreprise de vente et d'entretien de portes de garage sous la raison sociale de Portes de Garages N. Leblanc et Fils;

b)     le payeur a embauché l'appelante comme commis de bureau dont les principales tâches consistaient à : s'occuper de la facturation, des paies et des soumissions, répondre au téléphone, préparer les dépôts et faire des commissions;

c)      l'appelante travaillait généralement dans les bureaux du payeur mais aussi à sa résidence;

d)     les heures de travail de l'appelante n'étaient pas consignées par le payeur;

e)      durant la période en litige, le payeur embauchait pour sa tenue de livres et sa comptabilité, en plus de l'appelante :

        - un employé de la firme Raymond Chabot, une fois par mois, pour fermer le mois;

        - à partir de juin 2000, Nancy Latulippe comme secrétaire qui s'occupait du marketing de la vente et de la facturation;

[...]

L'appelante a cependant nié ou ignoré les paragraphes 17 e) (dernière phrase), f), g), h), i), j), k) et l). Il y aurait lieu de les reproduire :

17)          Le ministre a déterminé que l'appelante et le payeur avaient un lien de dépendance entre eux dans le cadre de l'emploi. En effet, le ministre a été convaincu qu'il n'était pas raisonnable de conclure que l'appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance, compte tenu des circonstances suivantes :

[...]

e) à partir du 10 février 2001, M. Bertrand Lavoie comme commis comptable à temps plein;

f)    l'appelante prétend avoir débuté son travail le 7 août 2000 alors que son premier chèque de salaire est daté du 19 mai 2000;

g) pour l'année 2000, sur les 42 chèques émis par le payeur au nom de l'appelante, seulement 14 chèques sont identifiés comme étant des paiements de salaire, la plupart des autres chèques émis à l'appelante sont des remboursements de dépenses;

h) l'appelante prétend qu'elle travaillait toujours 40 heures par semaine pour une rémunération fixe de 380 $ brut alors qu'en 2000, ses chèques de paie variaient entre 260 $ et 100 $ net;

i)    suite à l'embauche de Bertrand Lavoie, l'appelante prétend qu'elle continuait à faire 40 heures par semaine alors qu'elle ne faisait que quelques heures par semaine, souvent chez elle;

j)    les faibles tâches de l'appelante ne pouvaient justifier 40 heures de travail par semaine;

k) le 11 décembre 2001, le payeur a émis un relevé d'emploi au nom de l'appelante indiquant le 7 août 2000 comme premier jour de travail, le 23 novembre 2001 comme dernier jour payé, 1 120 heures assurables et 4 942,35 $ comme rémunération des 27 dernières semaines de la période;

l)    le relevé d'emploi émis par le payeur au nom de l'appelante ne reflète pas la réalité quant au premier jour de travail, quant à la période réellement travaillée ni quant à la rémunération gagnée par l'appelante.

·         Dossier 2003-4550(EI) :

L'appelante a admis les alinéas 15 a), b), c) et d) ainsi que les alinéas 16 a), b), c), d), e), f), g), h) et i) qui se lisent comme suit :

15.       L'appelante et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu car :

a)    Le payeur a été constitué en société le 5 février 1999;

b) M. Stéphane Turcotte était l'unique actionnaire du payeur;

c)    M. Turcotte était le conjoint de Nancy Latulippe, fille de l'appelante;

d) l'appelante était liée à la personne qui contrôlait le payeur.

16.       a)     le payeur exploite une entreprise d'entretien et de réparation de portes de garages;

b)    9073-6976 Québec Inc. s'occupait de fabrication et de vente de portes de garages;

c)     M. Nicolas Leblanc, conjoint de l'appelante, gérait les 2 entreprises; il était le directeur général du payeur;

d)    le payeur embauchait environ 8 personnes; 3 personnes dans l'atelier et le reste dans le bureau et aux ventes;

e)     l'appelante prétend qu'elle a été embauchée afin de donner un coup de main à Nancy Latulippe, sa fille, qui travaillait pour le payeur comme secrétaire et commis comptable;

f)     l'appelante prétend que ses tâches consistaient à répondre au téléphone, envoyer des fax et faire du ménage dans le bureau alors que le payeur prétend qu'elle faisait du classement, allait au bureau de poste, préparait des soumissions et faisait du ménage dans le bureau;

g)     les heures de travail de l'appelante n'étaient pas consignées par le payeur;

h)     le payeur prétend qu'il requérait les services de l'appelante pour 20 heures par semaine pour le travail de bureau et que l'appelante complétait son 40 heures par semaine en faisant le ménage du bureau du payeur;

i)      à une date indéterminée, le payeur a émis un relevé d'emploi au nom de l'appelante indiquant le 18 novembre 2002 comme premier jour de travail, le 1er février 2003 comme dernier jour payé, 440 heures assurables et 4 840 $ comme rémunération assurable totale;

L'appelante a cependant nié ou ignoré le paragraphe 16 et l'alinéa 16 j) qui se lisent comme suit :

16.       Le ministre a déterminé que l'appelante et le payeur avaient un lien de dépendance entre eux dans le cadre de l'emploi. En effet, le ministre a été convaincu qu'il n'était pas raisonnable de conclure que l'appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance, compte tenu des circonstances suivantes.

j)           le faible niveau des tâches de l'appelante ne pouvaient justifier 40 heures de travail par semaine;

[7]      Les représentants des sociétés payeuses, messieurs Nicolas Leblanc et Stéphane Turcotte, l'appelante et sa fille Nancy Latulippe, ont témoigné pour la partie appelante. De son côté, l'intimé a fait témoigner l'un des enquêteurs au dossier, à savoir monsieur Alain D'Amour.

[8]      Le travail de l'appelante a été exclu des emplois assurables à cause du lien de dépendance qui existait entre elle et les deux sociétés payeuses; après avoir exercé son pouvoir discrétionnaire, l'intimé en est venu à la conclusion que l'appelante n'aurait pas exécuté le travail de la même façon et aux mêmes conditions et modalités si le lien de dépendance n'avait pas existé.

[9]      Pour avoir gain de cause en cette matière, il est essentiel que la personne qui fait appel établisse, selon une prépondérance de la preuve, que le ministre du Revenu national ( « le Ministre » ) a commis une ou des erreurs dans l'appréciation des faits. Elle doit démontrer que certains faits ont été écartés de l'analyse ou que le Ministre a donné une importance démesurée à certains faits et a marginalisé d'autres faits.

[10]     L'appelante et ses témoins n'ont aucunement attaqué la qualité et l'objectivité du travail d'enquête et d'analyse réalisé par les représentants de l'intimé. Ils ont essentiellement affirmé et répété que l'appelante avait bel et bien travaillé. Ils ont sommairement décrit son travail. Pour la première période, la preuve est à l'effet que l'appelante effectuait du travail de classement, de facturation, de compilation des données d'inscription dans les livres comptables et de la préparation des payes. En outre, elle répondait au téléphone, recevait les clients et faisait les commissions. Pour la deuxième période, le travail de l'appelante avait deux volets. Le premier avait trait à du travail de bureau et l'autre était lié au travail de ménage et d'entretien dans les bureaux et l'usine.

[11]     Dans un cas comme dans l'autre, la description de tâches de l'appelante, le temps consacré à chaque fonction, la fréquence, etc., ont été décrits d'une façon fort imprécise, voire même confuse par moment. Quant aux travaux liés à l'entretien et au ménage des lieux ayant occupé plus de la moitié du temps inscrit au deuxième relevé d'emploi, la preuve était très confuse, voire même contradictoire.

[12]     Tous les témoins pour la partie appelante ont témoigné comme s'il s'était agi de deux grosses entreprises. Ils se sont exprimés comme si les deux sociétés avaient bénéficié d'un achalandage considérable nécessitant une méga-organisation. Dans les deux cas, pour expliquer la fin des activités, il a été fait référence à une croissance trop rapide. Pour décrire l'ampleur des lieux nécessitant des travaux d'entretien et de ménage, les témoins ont parlé d'une cafétéria. Je leur ai posé quelques questions à ce sujet et il s'est avéré qu'il ne s'agissait que d'une salle utilisée par quelques employés.

[13]     Dans un cas comme dans l'autre, les dirigeants des deux sociétés ont insisté sur la très grande importance du travail de bureau et de comptabilité. Ils ont allégué que l'appelante, sa fille, un comptable à raison d'une fois par semaine à une certaine époque et, par la suite, une personne à temps plein pour remplacer celle qui venait une fois par semaine, un certain Bertrand Lavoie, s'acquittaient d'une charge de travail colossale.

[14]     Il eût été intéressant et surtout fort pertinent de pouvoir examiner les états financiers des deux sociétés afin de voir si les activités économiques justifiaient ou expliquaient leurs besoins en ressources humaines. L'appelante n'a pas jugé à propos de produire les documents en question et ce, bien que les deux principaux dirigeants des sociétés aient été présents.

[15]     Les explications pour justifier l'emploi du temps et surtout la pertinence du travail de l'appelante ont été vagues et confuses. Plusieurs réponses ont été formulées comme suit :

·         « C'est vague, ça fait un bon bout de temps de cela »

·         « Ça se pourrait qu'il y ait eu des erreurs, des erreurs, c'est possible »

·         « C'est très certainement une erreur »

·         « Ça se pourrait que je me sois trompé »

·         « Je me suis trompé dans les mots »

·         « Je ne me rappelle pas d'avoir dit cela »

·         « Pas vu l'importance de cela »

·         « Je ne me rappelle pas »

[16]     Dans le cadre de l'enquête, l'appelante et ses témoins ont signé des déclarations statutaires. Lorsqu'on leur a présenté ces déclarations suivies de leurs signatures, les témoins ont affirmé ne pas se souvenir, avoir signé pour se débarrasser, avoir dit des choses pour en finir, etc. Or, les déclarations statutaires furent signées. La déclaration de l'appelante Murielle Latulippe fut signée le 15 avril 2003 et celles de Stéphane Turcotte et Nancy Latulippe furent signées le 7 avril 2003

[17]     Ainsi, bien que les déclarations statutaires aient été recueillies à des dates beaucoup plus rapprochées des événements que celle de l'audition, il semble que la mémoire des témoins était beaucoup claire et précise à l'audition qu'elle ne l'avait été lors de la prise des déclarations statutaires. Je crois pertinent de reproduire certains extraits des dites déclarations statutaires :

Pièce I-1, onglet 6, pp 2 et 3 - déclaration de Murielle Latulippe du 15 avril 2003 :

... Pour l'entreprise je faisais les mêmes tâches qu'en 1999 soit faire du classement, répondre au téléphone, faire des fax, mais je faisais également des entrées au Système Dynacom. Il y avait Mme Andrée Bouchard de la firme Raymond Chabot qui venait à toutes les semaines. Nancy, elle, elle s'occupait de faire un peu de comptabilité mais le gros de son travail c'était de faire la publicité.

En ce qui concerne le relevé d'emploi A-72769364 émis en ma faveur pour l'entreprise 9073-6976 Québec Inc. le 11/12/2001 je reconnais que le premier jour de travail est faux puisque j'ai commencé avant le 07/08/2000. J'ai pris connaissance du chèque #000111 au montant de 260 $ émis à mon nom et où c'est indiqué que c'est du salaire pour la période du 12 au 19/05/00.

(Je souligne.)

[...]

Pour la période d'emploi qui figure sur le relevé d'emploi A-72769364 que m'a émis l'entreprise 9073-6976 Québec Inc. je faisais mes 40 heures de travail du lundi au vendredi mais je pouvais entrer faire du ménage en soirée et ou le samedi. Je n'avais pas d'horaire de travail comme tel. Je pouvais entrer faire du ménage par les soirs et au samedi même si l'entreprise payait une entreprise pour le faire...

(Je souligne.)

[18]     Le gendre de l'appelante, Stéphane Turcotte, de loin le plus éloquent, a également fait une déclaration statutaire; après avoir considérablement surévalué le temps de la rencontre à la suite de laquelle fut faite la déclaration statutaire et laissé entendre qu'il n'avait aucunement lu ladite déclaration, le même Stéphane Turcotte mentionnait lui-même les faits suivants :

Pièce I-2, onglet 4, - déclaration de Stéphane Turcotte, le 7 avril 2003 :

... 9116-8468 Québec... J'ai commencé à opérer mon entreprise au début août 2002 et j'y travaillais minimum 3 jours et plus par semaine et ce jusqu'à la fin décembre 2002 par la suite il n'y avait plus grand chose... Dans la période du mois d'août 2002 jusqu'au mois de février 2003, il y avait Nancy Latulippe ma conjointe qui s'occupait de faire ma comptabilité elle faisait du lundi au vendredi, soit 40 heures/semaine. Nancy était rémunérée à la semaine. Il y avait Mme Andrée Bouchard de la firme Chabot qui venait faire la fermeture du mois et pouvait venir à l'occasion si l'on avait besoin d'aide...

...9116-8468 Québec Inc... Murielle Latulippe, la mère de Nancy qui est venue pour aider Nancy et faire du ménage suite à la fin du contrat que l'on avait avec Atelier L.P. Murielle aurait fait une couple de mois de mémoire c'était vers la fin de l'entreprise...

À la lecture de la présente déclaration, Murielle aurait fait de mémoire deux à trois mois soit entre 10 à 12 semaines mais je ne peux vous certifier les dates Murielle pouvait faire du classement expédier des fax et il faut dire qu'à ce moment là on essayait de sauver l'entreprise et il y avait beaucoup de fax à faire parvenir...

(Je souligne.)

[19]     Après avoir fourni plusieurs explications ambiguës et confuses, l'appelante a refusé d'admettre, malgré les preuves documentaires volumineuses et déterminantes, qu'elle avait fait du travail de gardienne pour Stéphane Turcotte et sa fille, et ce, malgré qu'elle ait reconnu, dans un document portant sa signature, avoir reçu plus de trente montants de 100 $ chacun ainsi qu'un montant de 400 $ au 30/08/2002 confirmés par la photocopie d'autant de reçus différents où la signature de l'appelante apparaît très clairement.

[20]     Globalement, la preuve soumise par l'appelante a été vague, confuse et caractérisée par quelques contradictions. Plusieurs explications sont demeurées nébuleuses; je fais notamment référence au fait que l'appelante a reçu plusieurs chèques avec la mention « dépenses » , alors que, pour une période de quelques semaines, elle n'a pu produire aucun chèque de paye.

[21]     Étant donné que les deux sociétés payeuses étaient très étroitement liées (sensiblement la même vocation, l'une fabriquait, l'autre faisait la pose et l'entretien des portes de garage, ressemblance dans la raison sociale, même adresse, même lieu, la majorité des employés provenaient de la même famille, etc.), il eût été fort important de soumettre une preuve étoffée par des documents, (états financiers) appuyée par le témoignage de tiers ayant travaillé sur les lieux et ayant pu expliquer en long et en large la nature et la fréquence du travail de l'appelante.

[22]     D'une part, une telle preuve n'a pas été soumise et, d'autre part, la preuve offerte a été caractérisée par des explications vagues, souvent confuses et très incomplètes. De plus, l'appelante n'a, d'aucune façon, contesté ou critiqué le travail d'enquête et d'analyse des responsables du dossier.

[23]     La position de l'appelante est fort simple, elle affirme avoir travaillé et voudrait voir son travail reconnu comme étant assurable.

[24]     De son côté, l'intimé a fait témoigner monsieur Alain D'Amour, co-enquêteur dans le dossier de l'appelante. Dans le cadre de son bref témoignage, monsieur D'Amour a fait la lumière sur la preuve déficience de l'appelante et a affirmé que cette dernière n'avait pas été aussi assidue sur les lieux du travail qu'elle l'avait prétendu.

[25]     Monsieur D'Amour a fait ses affirmations en se fondant sur deux déclarations statutaires signées par deux ex-employés des sociétés payeuses. Il m'apparaît utile d'en reproduire certains extraits (pièces I-3 et I-4). Les déclarations de Robert Iza et de Bertrand Lavoie respectivement signées le 31 mars 2003 font état de ce qui suit :

(pièce I-3)

[...] vers la fin mai 2002 j'ai rencontré Nicolas Leblanc et Stéphane Turcotte des entreprises « Portes de Garage N. Leblanc & Fils » sous l'entreprise 9073-6976 Québec Inc. J'étais engagé à titre de vendeur.

[...]

   Pour toute la période où j'ai travaillé là, soit de la fin mai 02 à janvier 2003, je passais à l'occasion au bureau et à ce moment là Stéphane y travaillait ainsi que sa conjointe Nancy. Pour ce qui est de Marielle, l'épouse de Nicolas elle n'était pas là, je ne l'ai jamais vu là .

(Je souligne.)

   Vers la fin c'est-à-dire en janvier 2003 je pouvais passer du bureau 2 à 3 fois par jour...

   Lors d'une discussion que j'ai eue avec Stéphane vers la fin janvier 200[sic] l'entreprise Stéphane m'a alors dit qu'il comprenait pourquoi l'entreprise fermerait car Nicolas se prenait un gros salaire, qu'il en versait un également à Murielle en plus de lui donner quelques choses pour garder les enfants. À ce que j'en sais c'est cela que Stéphane m'expliquait. De plus, Nicolas dû [sic] payer la location du Ford Exploreur de l'année.

   Pour ce qui est de la comptabilité de l'entreprise, il y avait Nancy Latulippe, la conjointe de Stéphane qui faisait du classement de facture et un peu de comptabilité. Il y avait Robert Proulx de la firme Chabot qui passait assez souvent d'après moi il devait faire les bilans financiers. J'ai eu connaissance de la présence d'une dame qui je crois ... aussi chez la firme Chabot qui passait pour maintien à Nancy comment faire la comptabilité.

[...]

(pièce I-4)

[...] Je reconnais avoir travaillé pour l'entreprise, Les portes de garage Nicolas Leblanc du 10/02/2001 au 20/04/2002. J'avais postulé sur le poste de comptable...Je travaillais du lundi au vendredi de 8:00 heures à 17:00 heures et... lorsque j'ai débuté mon emploi c'est Mme Murielle Leblanc qui m'aidait, elle m'a expliquée [sic] le mode de fonctionnement et m'a aidé dans mes tâches par la suite.

   Concernant l'épouse de Nicolas Leblanc, Murielle, elle venait sporadiquement au bureau mais j'avais eu [sic] l'ordre de M. Nicolas Leblanc de l'inscrire au registre salaire et ce à la semaine. Les chèques émis au nom de Murielle étaient fait sous les ordres de Nicolas Leblanc. J'ai trouvé cela bizarre mais après que Murielle ait reçu de la C.S.S.T., Nicolas m'a dit de l'embarquer au registre salaire même si elle ne venait plus au commerce. Je reconnais que le relevé d'emploi A-72769364 que j'ai complété en faveur de Murielle Latulippe est faux en ce qui concerne son dernier jour de travail et des heures de travail. Je crois que cela c'est fait suite aux difficultés financières de l'entreprise.

(Je souligne.)

   À ma connaissance, il n'y aurait que le relevé d'emploi A-72769364 émis en faveur de Murielle Latulippe le 11/12/2001 qui serait faux.

   À la lecture de cette déclaration, j'apporte les corrections suivantes pour Nancy c'est la même entreprise mais changement d'actionnaire en juin 2001 (avant juin 2001, Nancy était l'actionnaire majoritaire)

   À compter du 26/08/01, les payes de Murielle sont des payes ajustées en fonction de son retour progressif de la C.S.S.T. C'est M. Nicolas Leblanc qui m'avait dit de l'inscrire au registre salaire même si elle ne travaillait plus pour l'entreprise 9073-6976 Québec Inc., les portes de Garage Nicolas Leblanc.

(Je souligne.)

   Je dirais que Mme Murielle Latulippe est venue plus souvent la période du début de mon emploi soit le 10/02/2001 jusqu'au moment où la migration a été terminée, soit vers la fin mars 2001, pour cette période elle pourrait venir entre vingt et trente heures/semaine du lundi au jeudi par après c'était de façon sporadique soit à raison de deux à trois heures par jour du lundi au jeudi et n'est pas revenue après son accident (Entorse lombaire en voulant soulever une boîte de papier pour le photocopieur). Mme Latulippe était inscrite à raison de 40 heures/semaine même si elle ne les travaillait pas toutes. Pour la migration c'était Mme Andrée Bouchard de la firme Raymond Chabot qui l'a fait avant que je ne débute mon emploi je sais que Mme Bouchard passait à l'entreprise.

(Je souligne.)

[...]

[26]     Monsieur D'Amour a également fait ressortir que le début de la deuxième période de travail de l'appelante pour la société dirigée par le conjoint de sa fille avait coïncidé avec la fin de la période où elle avait droit à des prestations d'assurance-emploi.

[27]     Bien que non déterminant à lui seul, ce fait permet toutefois de confirmer la perception dégagée par la preuve. La prépondérance de la preuve nous permet certainement de conclure que les deux déterminations faisant l'objet des appels sont fondées sur une analyse appropriée et très judicieusement effectuée.

[28]     Je ne doute aucunement que l'appelante a travaillé pour l'une ou l'autre des deux entreprises; cela n'est toutefois pas suffisant pour me permettre de conclure à l'assurabilité de ce travail.

[29]     Pour profiter de l'exception prévue par le législateur, il est essentiel de démontrer par une prépondérance de la preuve, que le travail en question a été exécuté selon des modalités telles qu'il est évident que la personne concernée n'a pas bénéficié d'avantages indus ou n'a pas été pénalisée ou désavantagée d'une quelconque façon en raison de son lien de dépendance.

[30]     En l'espèce, contrairement aux prétentions de l'appelante exprimées par son procureur, il ne suffisait pas de faire la preuve qu'elle avait travaillé. Il était impératif de démontrer qu'un tiers aurait également exécuté ce travail dans un contexte et à des conditions comparables ou similaires à ceux de l'appelante.

[31]     Une preuve dont la majorité des composantes ont été vagues, imprécises, confuses et incomplètes n'est évidemment pas la meilleure façon de s'acquitter du fardeau de la preuve et, d'une façon toute particulière, lorsque la partie adverse a en sa possession des faits crédibles, voire même irréfutables, qui établissent le contraire de ce qui devait être prouvé par l'appelante pour avoir gain de cause.

[32]     Pour toutes ces raisons, les deux appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'août 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2004CCI567

NosDES DOSSIERS DE LA COUR :

2003-4549(EI), 2003-4550(EI)

INTITULÉ DES CAUSES :

Murielle Latulippe

et le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

le 6 août 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 19 août 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Pierre W. Morin

Avocate de l'intimé:

Me Antonia Paraherakis

AVOCAT INSCRIT AUX DOSSIERS :

Pour l'appelante :

Nom :

Étude :

Ville :

Me Pierre W. Morin

Morin, Pépin & Morin, avocats

St- Georges de Beauce (Québec)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.