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Dossier : 2003-322(IT)I

ENTRE :

GRANT NIXON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 28 avril 2004 à Kitchener (Ontario)

Par le juge E.A. Bowie

COMPARUTIONS

Avocat de l'appelant :

Me Stephen R. Cameron

Avocat de l'intimée :

Me Ronald MacPhee

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des avis de nouvelle cotisation établis en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000 sont accueillis, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation compte tenu du fait que, dans le calcul de son revenu, l'appelant peut déduire les pertes locatives suivantes :

1998             1 807 $

1999             1 650 $

2000             1 399 $


Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de juillet 2004.

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI522

Date : 20040726

Dossier : 2003-322(IT)I

ENTRE :

GRANT NIXON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Juge Bowie

[1]      M. Nixon interjette appel à l'encontre des avis de nouvelle cotisation relatifs à l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000, suivant lesquels le ministre du Revenu national a refusé la déduction de pertes locatives dont il s'était prévalu. Le litige porte sur la déductibilité des pertes subies par M. Nixon relativement à la location du sous-sol de sa résidence principale. M. et Mme Nixon sont conjointement propriétaires de cette résidence.

[2]      Avant mai 2002, ces appels auraient eu peu de chance de succès. Chaque année, entre 1990 et 2000, M. Nixon a déclaré des pertes relatives à la location d'un appartement situé au sous-sol de la résidence familiale que lui-même, son épouse et leurs quatre enfants partageaient avec des étudiants universitaires. La plus petite perte déclarée se chiffrait à 803 $ en 1994 et la plus importante, subie en 1997, a atteint 3 972 $; la médiane s'élevait à 3 114 $. La perte pour les trois années faisant l'objet de l'appel totalise 10 104 $. En règle générale, les intérêts hypothécaires ainsi que les taxes et impôts attribués à l'appartement loué dépassaient le revenu de location brut annuel, de sorte que les pertes se poursuivraient certainement dans un avenir prévisible.

[3]      La maison est un bungalow situé à égale distance des deux universités de la région de Kitchener-Waterloo. D'une superficie de 1 193 pieds carrés, le rez-de-chaussée possède trois chambres à coucher, une cuisine, un salon et une salle de bain. M. Nixon a divisé le sous-sol afin d'y aménager deux chambres à coucher, un salon, une cuisine et une salle de bain pour les locataires. Le sous-sol est d'une superficie de 1 132 pieds carrés.

[4]      M. Nixon loue des chambres à des étudiants depuis 1978, alors qu'il vivait à Sarnia. Lorsqu'il a déménagé à Waterloo, il a acheté une maison qui pouvait être divisée à cette fin particulière. Il a procédé aux rénovations nécessaires en vue de fournir un logement confortable à deux étudiants. À l'exception de la buanderie, les étudiants avaient l'usage exclusif du sous-sol de la maison.

[5]      De nombreux éléments de preuve ont souligné les efforts déployés par l'appelant pour se trouver des locataires. M. Nixon ne faisait aucune publicité dans les médias commerciaux, mais il posait des affiches publicitaires sur des babillards et se faisait connaître par les bureaux de logement des deux universités de même que par l'entremise d'un réseau informel de propriétaires qui exerce ses activités dans la région. Il fixait son loyer mensuel après avoir consulté les bureaux de logement étudiant. Parce que l'Université de Waterloo fonctionne d'après un système d'alternance travail-études, il y avait un roulement constant d'étudiants dans la ville, de sorte qu'il était difficile pour les propriétaires d'obtenir un taux d'occupation de 100 % entout temps.

[6]      Durant chacune des trois années qui font l'objet du présent appel, le taux d'occupation du sous-sol de l'appelant s'est situé à 67 %. Même un taux de 100 % aurait engendré une perte nette chaque année. Je suis convaincu que M. Nixon a fait tout son possible pour atteindre un taux d'occupation de 100 % et que les loyers qu'il demandait correspondaient exactement au marché.

[7]      En m'appuyant sur l'ensemble du témoignage de M. Nixon, je conclus qu'il a choisi son lieu de résidence dans le but précis d'en louer la moitié à des étudiants. Il a effectué des rénovations et des modifications afin de louer le sous-sol à des étudiants. Il a eu le comportement d'un homme d'affaires sérieux, il n'avait aucun lien de dépendance avec ses locataires et ces derniers lui versaient un loyer conforme au marché. Le revenu maximal possible que l'appelant pouvait tirer du sous-sol était de 2 x 12 x 285 $, c'est-à-dire 6 840 $. Les coûts[1] annuels s'établissaient comme suit :

1998

1999

2000

Assurances

      229 $

         226 $

           234 $

Intérêts

   3 623

      3 387

         3 163

Entretien et réparations

   1 094

      1 122

            954

Impôts fonciers

   1 209

      1 158

         1 176

Services publics

   1 873

      1 758

         1 831

Honoraires professionnels

        65

           75

             80

Véhicules

            391

Autres

           75

[8]      Il est évident que, tant que les intérêts hypothécaires ne seront pas réduits, au moyen du renouvellement du prêt à un taux moindre ou du remboursement du principal ou des deux façons, les dépenses continueront de dépasser les revenus, comme c'est le cas depuis au moins 11 ans.

[9]      Avant l'arrêt Stewart c. R.[2], je n'aurais eu d'autre choix que de rejeter le présent appel, car M. Nixon n'a aucune expectative raisonnable de profit dans un avenir prévisible concernant ses logements[3]. Toutefois, la Cour suprême du Canada a conclu que l'expectative raisonnable de profit ne constituait plus le seul critère acceptable justifiant le refus de déduire des pertes d'entreprise.

[10]     Dans l'affaire Stewart, la Cour suprême a formulé un critère à deux volets servant à déterminer si des activités semblables peuvent être considérées comme une source de revenu aux sens de l'article 3 de la Loi, même si elles produisent des pertes récurrentes. Selon le premier volet, il faut se demander si l'activité du contribuable est exercée en vue de réaliser un profit ou s'il s'agit d'une démarche personnelle. Il ne fait aucun doute que M. Nixon exerçait ses activités de location dans le seul but d'en tirer un profit et qu'il a eu le comportement d'un homme d'affaires sérieux. L'intimée soutient que l'activité de location comporte un aspect personnel puisqu'elle visait simplement à payer une partie des frais de subsistance de l'appelant. Bien que la location du sous-sol par l'appelant ait effectivement permis à celui-ci de payer une partie de ses frais de subsistance, il a aussi renoncé à la possession de la moitié de son lieu de résidence et en a donc perdu la jouissance. La réduction de ses frais de subsistance n'est que proportionnelle à la réduction de son espace de vie, et l'activité de location ne comporte aucun aspect personnel. Les pertes locatives sont déductibles.

[11]     Une petite partie des dépenses que voulait déduire l'appelant avaient trait à l'utilisation de son automobile afin de transporter les étudiants à divers endroits ou d'acheter des fournitures. L'appelant n'a pas réussi à prouver la nature commerciale de ses frais d'automobile. Il n'a pas établi que ces frais étaient des dépenses découlant de l'activité de location. L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il transportait ses locataires à divers endroits, mais il n'avait aucune obligation contractuelle de le faire. Il a également omis de tenir un registre de son kilométrage et n'a donc pu prouver le nombre de kilomètres parcourus ni les coûts afférents. Les dépenses, qui se chiffraient à 391,03 $ en 2000, étaient de nature personnelle et ne sont donc pas déductibles à cause de l'alinéa 18(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[12]     Les appels sont accueillis, et les avis de nouvelle cotisation sont renvoyés au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation compte tenu du fait que l'appelant a le droit de déduire la moitié des pertes locatives déclarées[4] chaque année, à l'exclusion des frais liés à l'usage de son automobile qui ont été déclarés à l'égard de l'année 2000 et qui totalisent 391 $.


Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de juillet 2004.

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI522

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-322(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Grand Nixon et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Kitchener (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 28 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable E.A. Bowie

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 juillet 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Stephen R. Cameron

Avocat de l'intimée :

Me Ronald MacPhee

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Me Stephen R. Cameron

Cabinet :

Miller Thompson

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Il s'agit du total des coûts divisé par deux à cause de la partie de la résidence utilisée à des fins personnelles. L'intimée n'a pas contesté ce rapport, quoique l'espace attribué à temps plein aux étudiants ait été légèrement inférieur à 50 %.

[2]           [2002] 2 R.C.S. 645.

[3]           Voir Mohammad v. The Queen, 97 DTC 5503.

[4]           L'avocat de l'appelant a admis au procès que M. Nixon pouvait déduire seulement 50 % des pertes subies parce qu'il était propriétaire de la maison conjointement avec son épouse.

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