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Dossier : 2004-513(IT)I

ENTRE :

HONG XIAO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appels entendus le 18 juillet 2005 à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge G. Sheridan

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Kandia Aird

JUGEMENT

Les appels à l'égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000 et 2001 sont accueillis, sans dépens, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu'il effectue un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations au motif que le ministre aurait dû accorder des déductions pour dépenses d'emploi de 2 073,83 $ pour 2000 et de 803,86 $ pour 2001 comme indiqué au paragraphe 16 de la réponse à l'avis d'appel et conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'août 2005.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'août 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2005CCI489

Date : 20050805

Dossier : 2004-513(IT)I

ENTRE :

HONG XIAO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Sheridan

[1]      L'appelante, Hong Xiao, a interjeté appel des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) pour ses années d'imposition 2000 et 2001, dans lesquelles il a refusé des déductions pour dépenses d'emploi demandées par Mme Xiao à l'égard d' « indemnités » versées à des clients, de frais de bureau à domicile, de frais de location de matériel de bureau et de frais de transport.

[2]      À titre préliminaire, l'avocate de l'intimée a informé la Cour que, dans les avis de nouvelle cotisation pour chacune des années d'imposition, le montant des dépenses d'emploi déductibles aurait dû être de 2 073,83 $ de plus pour 2000, et de 803,86 $ de plus pour 2001. Pour ce seul motif, la Couronne a soutenu que les appels devraient être accueillis, et que l'affaire devrait être renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations dans le but d'accorder la déduction de ces montants additionnels. Cependant, en ce qui concerne les questions soulevées dans l'avis d'appel de Mme Xiao, la position du ministre est que les appels de l'appelante ne doivent pas être accueillis. L'avocate de l'intimée a soutenu que, même si Mme Xiao répondait aux critères préliminaires pour demander des déductions pour dépenses d'emploi en vertu de l'alinéa 8(1)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), elle ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de justifier les dépenses ou, subsidiairement, même si ces dépenses ont été engagées, elles ne l'ont pas été dans le but de gagner un revenu d'emploi et n'auraient pas été raisonnables au sens de l'article 67 de la Loi.

[3]      Les déductions demandées par Mme Xiao et les déductions accordées par le vérificateur et/ou l'agent des appels à la suite du dépôt de l'avis d'opposition de Mme Xiao sont indiquées dans l'annexe A de la réponse à l'avis d'appel. Les tableaux ci-dessous font l'historique des déductions demandées à l'égard des quatre catégories mentionnées précédemment :

Pour 2000 :

Catégorie

Déduction demandée

Montant déductible selon le vérificateur

Montant déductible selon l'agent des appels

Montant déductible total

Indemnités

10 772,50

0,00

Aucune modif.

0,00

Bureau à domicile

7 993,17

     715,50

Aucune modif.

715,50

Matériel de bureau

10 178,43

0,00

5 778,00

5 778,00

Transport

735,00

0,00

Aucune modif.

0,00

Pour 2001 :

Catégorie

Déduction demandée

Montant déductible selon le vérificateur

Montant déductible selon l'agent des appels

Montant déductible total

Indemnités

1 800,00

0,00

Aucune modif.

0,00

Bureau à domicile

1 659,12

445,54

Aucune modif.

445,54

Matériel de bureau

437,13

0,00

437,13

437,13

Transport

1 755,22

0,00

Aucune modif.

0,00

[4]      Comme on peut le voir dans les tableaux ci-dessus, Mme Xiao a eu gain de cause en partie à l'étape des appels interjetés devant le ministre pour justifier les déductions demandées. À l'audience, elle a soutenu que la totalité des montants aurait dû lui être accordée, même si ce qui lui importait le plus était le montant des « indemnités » versées en 2000 et 2001. Pour avoir gain de cause dans ces appels, Mme Xiao avait le fardeau de prouver que les hypothèses du ministre étaient erronées. Cette tâche a été rendue difficile par le fait que Mme Xiao ne s'est pas conformée à l'obligation prévue par la Loi selon laquelle elle devait tenir des registres et des livres de comptes adéquats pour appuyer les déductions demandées.

[5]      Mme Xiao a agi pour son propre compte et a été la seule personne à témoigner. Elle a quitté la Chine pour immigrer au Canada en 1991. Elle a fait des études de niveau universitaire en Chine et a étudié la comptabilité pendant un an au collège Seneca avant de commencer à travailler comme courtière en valeurs mobilières en 1998. En 2000 et 2001, Mme Xiao occupait toujours ce poste même si, à ce moment-là, son employeur était connu sous le nom de Westminster Securities Inc. ( « Westminster » ). Mme Xiao travaillait à partir d'un bureau à domicile qu'elle partageait avec son mari, Weizhen Tang, qui dirigeait une société, Weizhen Tang and Associates Inc., à partir du domicile. Même si Mme Xiao communiquait principalement avec ses clients lors de réunions ou de séances qui se déroulaient à son domicile, elle avait occasionnellement à rendre visite à des clients. À cette fin, elle utilisait un véhicule que Weizhen Tang and Associates Inc. lui louait. Mme Xiao n'a pas tenu ce que l'on considère comme des livres de comptes normaux pour consigner ses opérations commerciales. Sa tenue de registres se limitait à prendre des notes occasionnellement lorsqu'elle engageait des dépenses, notes qui se trouvaient dans des « livres » différents (non identifiés et non produits) et à conserver quelques factures (également non produites) dans des dossiers auxquels son comptable se référait au moment d'établir la déclaration de revenus. La majorité des opérations de l'appelante étaient effectuées en argent comptant, une manière de procéder qui n'était pas exceptionnelle en Chine, a-t-elle expliqué. C'est dans ce contexte que chacune des quatre catégories sera examinée ci-dessous.

1. « Indemnités » versées à des clients

[6]      En 2000, Mme Xiao a dû payer à son employeur, Westminster, une somme de 10 772,50 $ à titre de remboursement pour la part de la société par suite d'une décision arbitrale ayant donné gain de cause à un client insatisfait. J'accepte l'affirmation de l'appelante selon laquelle la société lui a demandé de payer et selon laquelle la société a été remboursée en temps opportun. La seule question en litige est de savoir si Mme Xiao a elle-même fait cette dépense. Pour appuyer l'affirmation selon laquelle elle a payé le montant, Mme Xiao a déposé en preuve une copie d'une lettre qui décrivait la décision arbitrale, une traite de banque pour ce montant payable à Westminster, et une copie d'une lettre qu'un ancien représentant de Westminster[1] avait adressée à l'avocate de l'intimée pour confirmer le paiement. Mme Xiao a témoigné avoir emprunté les 10 772,50 $ à un ami intime de la famille parce qu'elle n'avait pas l'argent à l'époque. Comme elle avait emprunté à un ami plutôt qu'à la banque, l'appelante n'avait pas de reçu ou d'autre document qui aurait normalement servi de preuve à l'appui de l'opération. En plus de ne pas avoir de preuves documentaires pour appuyer sa version des faits, Mme Xiao ne pouvait pas appeler à témoigner l'ami qui lui avait prêté la somme d'argent parce que ce dernier était à l'extérieur du pays. Elle a témoigné avoir remboursé la somme en deux paiements, plus les intérêts. Elle a ajouté avoir payé une partie en espèces après avoir encaissé ses chèques de commission, et une partie en nature, ce qu'elle a fait en achetant un ordinateur pour les parents immigrants de son ami et en aidant ceux-ci de diverses façons à s'adapter à leur nouveau pays de résidence. L'appelante a affirmé que ce qu'elle a fait est suffisant dans le cas d'un arrangement entre amis. Par contre, ce n'est pas suffisant pour appuyer la prétention selon laquelle elle avait supporté le coût du remboursement.

[7]      En 2001, Mme Xiao a dû de nouveau faire face à des clients insatisfaits. Grâce aux liens étroits qu'elle entretenait avec eux, et cette fois de sa propre initiative, elle a décidé de leur rembourser leur perte de placement de 1 800 $. Mme Xiao a décrit cette dépense comme étant une [TRADUCTION] « indemnité versée à des clients » et a produit des photocopies de deux reçus (le premier d'un montant de 500 $, et le second d'un montant de 1 300 $) pour montrer qu'elle avait payé ces montants. Le problème que posent ces reçus est qu'ils sont signés soit par Weizhen Tang ou par Weizhen Tang and Associates Inc. Je n'accepte pas l'explication de Mme Xiao à savoir qu'il s'agit d'une méprise et que son mari était, par hasard, celui qui a répondu aux clients le jour où ceux-ci sont passés chercher le paiement et s'est occupé de délivrer les reçus, surtout que ces reçus ne portent pas la même date. Selon son témoignage, il est clair que Mme Xiao et son mari ont tous deux suffisamment d'expérience des affaires pour comprendre qu'il est important de s'assurer qu'un reçu est délivré au nom du payeur réel pour que ce reçu puisse être utilisé pour appuyer une déduction que l'appelante avait elle-même décrite comme étant importante.

[8]      Mme Xiao prétend qu'il n'est pas nécessaire en ce qui concerne les opérations de tenir des registres en bonne et due forme dans le cas d'opérations entre amis. Lorsque le but est d'appuyer des déductions pour dépenses d'emploi demandées en vertu de la Loi, particulièrement en ce qui concerne les opérations entre le contribuable et des parents ou amis, des registres et des livres de comptes suffisamment adéquats pour appuyer de telles déductions sont essentiels pour que le contribuable puisse avoir gain de cause. À la lumière de la preuve produite, je ne suis pas convaincue que Mme Xiao a elle-même payé les « montants d'indemnités » qu'elle a voulu déduire en 2000 et en 2001.

2. Bureau à domicile

[9]      Mme Xiao, son mari et ses deux enfants vivent dans une maison isolée à deux étages et à quatre chambres à coucher. En 2000, Mme Xiao a demandé une déduction correspondant à 25 pour 100 du montant total qu'elle avait payé en intérêts hypothécaires et autres frais similaires à l'égard de la résidence Xiao-Tang. En 2001, elle a demandé une déduction correspondant à seulement 8 pour 100, même si la nature de ses activités était la même et même si elle utilisait les mêmes parties de la maison aux fins de son emploi[2]. Après avoir remarqué cette incohérence, le ministre a établi une nouvelle cotisation selon laquelle la déduction était calculée en fonction des 8 pour 100 pour les deux années. Mme Xiao a témoigné que le montant le moins élevé avait été demandé en 2001 parce qu'elle n'avait travaillé que quelques semaines pour Westminster cette année-là. Elle a contesté la réduction et a déclaré que l'agent des appels avait mal interprété les renseignements[3] qu'elle avait fournis indiquant la superficie en pieds carrés de la maison, et qu'il n'avait pas compris quelles parties de la maison étaient réservées pour le bureau à domicile de l'appelante. En contre-interrogatoire, Mme Xiao a expliqué que la salle de séjour et la salle à manger étaient utilisées exclusivement pour son bureau à domicile, et que la cuisine servait à préparer du café et des collations pendant les séances. Lorsqu'on a insisté pour que Mme Xiao explique quelle partie de ces mêmes espaces était utilisée pour le bureau à domicile de son mari, elle n'a pas fourni d'explications très précises et a dit que la partie en question était très petite parce que Weizhen Tang and Associates Inc. n'avait pas besoin de beaucoup d'espace. Il n'y avait aucun autre élément de preuve devant la Cour pour montrer le plan d'étage ou les dimensions des pièces. Les calculs de l'ARC ont été faits selon des informations faciles à obtenir fournies par l'appelante elle-même. Je ne suis pas convaincue que Mme Xiao s'est acquittée du fardeau de réfuter les hypothèses du ministre pour les années 2000 et 2001 de façon à me permettre de tirer une conclusion différente de celle du ministre.

3. Location de matériel de bureau

[10]     En 2000 et en 2001, Mme Xiao a loué des logiciels informatiques de la société de son mari, Weizhen Tang and Associates Inc., à l'égard desquels elle a demandé des déductions de 10 178,43 $ en 2000 et de 437,13 $ en 2001. Le ministre a accordé la totalité du montant pour 2001 et environ la moitié des déductions demandées pour 2000. Mme Xiao a soutenu qu'elle avait droit à la pleine déduction. Même si des factures[4] établies par Weizhen Tang and Associates Inc. à l'égard de Mme Xiao pour les frais de location ont été produites en preuve, Mme Xiao n'avait pas de livres comptables, de chèques payés ou de relevés bancaires, ni pour elle-même ni pour Weizhen Tang and Associates Inc., pour montrer que les montants qui figuraient sur les factures avaient été payés. Une copie d'une liste de paiements[5] rédigée à la main par Mme Xiao à l'intention de fonctionnaires de l'ARC et précisant les paiements effectués a été déposée en preuve. Il n'y a pas de corrélation directe entre les montants qui figurent sur les factures et ceux de la liste manuscrite. Mme Xiao a expliqué qu'elle s'était reportée à des « bordereaux de paiement » lorsqu'elle avait dressé la liste pour le fonctionnaire de l'ARC, mais ces documents n'ont pas été déposés en preuve. Comme c'était aussi le cas précédemment, la preuve produite devant moi est insuffisante pour appuyer les déductions demandées dépassant ce qui a été accordé par le ministre, surtout qu'il s'agit d'opérations conclues entre parties ayant un lien de dépendance.

4. Frais de transport

[11]     En 2000, Mme Xiao a demandé une déduction pour frais de transport de 735 $, qui incluait des frais divers comme de l'essence et des billets de stationnement. En 2001, elle a demandé une déduction de 1 755,22 $, qui incluait des frais de location payés à Weizhen Tang and Associates Inc. pour l'utilisation d'un véhicule appartenant à la société de son mari. Même si Mme Xiao avait affirmé précédemment que son travail était effectué à domicile avec les clients, l'appelante a affirmé dans son témoignage que l'utilisation d'un véhicule était devenue une nécessité en 2001 lorsqu'a eu lieu le déménagement du bureau de Westminster de Toronto à Oakville. Quoi qu'il en soit, le principal problème auquel Mme Xiao a eu à faire face pour prouver son droit aux déductions est encore le manque de preuves documentaires pour montrer que les montants en question ont été payés. Mme Xiao a témoigné avoir montré au fonctionnaire de l'ARC des chèques payés et avoir pensé que ces documents ne seraient pas nécessaires à l'audience. En conséquence, aucun des éléments qui m'ont été présentés n'appuyait l'assertion de l'appelante selon laquelle elle a payé la société de son mari pour l'utilisation du véhicule de la société en question.

[12]     Pour les motifs exposés précédemment, ces appels sont accueillis et renvoyés au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que le ministre aurait dû accorder des déductions pour dépenses d'emploi de 2 073,83 $ pour 2000 et de 803,86 $ pour 2001 comme il est indiqué au paragraphe 16 de la réponse à l'avis d'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'août 2005.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'août 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2005CCI489

N º DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-513(IT)I

INTITULÉ :

Xiao c. SMR

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 18 juillet 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge G. Sheridan

DATE DU JUGEMENT :

Le 5 août 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Kandia Aird

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Déposée sous la cote A-1

[2] Cette méthode de calcul n'a pas été clairement expliquée à l'audience.

[3] Déposés sous la cote R-5

[4] Déposées sous la cote R-2

[5] Déposée sous la cote R-3

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