Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2004-206(IT)I

2004-2803(IT)I

ENTRE :

JEAN-FRANÇOIS BLAIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Christiane Auray‑Blais (2004-208(IT)I et 2004‑2804(IT)I) et Innovations et intégrations brassicoles inc. (2004-42(IT)I et 2004-2805(IT)I)

du 28 février au 3 mars 2005, à Sherbrooke (Québec),

 et le 11 mai 2005, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même et Christiane Auray-Blais (représentante)

 

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Dupuis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1996, 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

 

          Un seul groupe de frais est adjugé aux appelants pour les frais encourus relativement à leur témoin expert.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'octobre 2005.

 

 

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

Référence : 2005CCI417

Date : 20051025

Dossiers : 2004-206(IT)I

2004-2803(IT)I

ENTRE :

 

JEAN-FRANÇOIS BLAIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

ET

 

Dossiers : 2004-208(IT)I

2004-2804(IT)I

CHRISTIANE AURAY-BLAIS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

ET

 

Dossiers : 2004-42(IT)I

2004-2805(IT)I

 

INNOVATIONS ET INTÉGRATIONS BRASSICOLES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]     Les appels de Jean-François Blais, de Christiane Auray-Blais et d'Innovations et intégrations brassicoles inc. (ci-après, « IIB inc. ») dans les dossiers 2004-206(IT)I, 2004-2803(IT)I, 2004-208(IT)I, 2004-2804(IT)I, 2004‑42(IT)I et 2004-2805(IT)I ont été entendus sur preuve commune, avec l'accord des parties, du 28 février au 3 mars 2005 à Sherbrooke, Québec, ainsi que le 11 mai 2005, à Montréal, Québec. Les appelants Jean-François Blais et Christiane Auray-Blais agissaient pour leur propre compte ainsi qu'à titre d'actionnaires majoritaires de IIB inc. (les deux autres actionnaires étant les enfants des appelants).

 

[2]     En résumé, il est question devant cette Cour des activités de deux sociétés, dont une société par actions, IIB inc., qui, selon les appelants, effectue de la recherche sur la bière, et une société de personnes, la Société Christiane Auray‑Blais et Jean-François Blais (ci-après la « société de personnes ») qui, encore selon les appelants, effectue de la recherche sur des plants.

 

[3]     Plus précisément, les appelants voudraient, par l'entremise de leur société de personnes, en arriver à développer une formule pour une bière nutraceutique par l'ajout de rutin qui permettrait de « rédui[re] la pression sanguine, en fortifiant les tissus des capillaires et des vaisseaux sanguins, en prévenant les hémorrhagies... aussi un rôle majeur comme antioxydant; »[1] en d’autres mots, une bière santé. Les appelants comparent ce futur produit à l'ajout de la vitamine D au lait, un des grands accomplissements du siècle étant donné que peu de gens consommaient suffisamment de cette vitamine. Parallèlement à cet objectif principal de la société de personnes, les appelants visent également, avec IIB inc., à développer une méthode permettant au houblon, soit un des ingrédients de la bière, de pousser dans le sol québécois sans pesticide et à éliminer le besoin de main-d'oeuvre pour l'enroulement de cette plante sur les poteaux.[2]

 

[4]     Le débat dans tous ces dossiers se résume aux cinq questions en litige suivantes (dans l'ordre qu'elles ont été présentées à la Cour) :

 

a)       Quel est le coût de la location des biens pour les fins du calcul du crédit d'impôt à l'investissement?

 

b)      Est-ce qu'un associé d'une société de personnes peut également être un employé de cette même société de personnes pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »)?

 

c)       Les appelants ont-ils omis de déclarer des pertes agricoles au sens de l'article 31 de la Loi?

 

d)      Les activités des appelants constituent-elles des activités de recherche et de développement expérimental au sens de la Loi?

 

e)       Autres points soulevés le 11 mai 2005.

 

[5]     Il est à noter que les parties se sont entendues quelques jours avant le début du procès à l'effet que les frais d'intérêts de 3 107 $, de 3 605 $ et de 3 665 $ devraient être admis à titre de dépenses en matière de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE ») en vertu du sous-alinéa 37(1)a)(i) de la Loi, plutôt qu'à titre de dépenses d'agriculture, pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000. L'application des paragraphes 127(8) et (9) de la Loi, ainsi que la division 2902 a)(i)(C) du Règlement de l'impôt sur le revenu s'ensuivrait selon l'avocat de l'intimée ayant rédigé l'entente dans une lettre en date du 24 février 2005 destinée aux appelants. Puisque les parties n'ont soulevé aucune objection à l'audience quant à cette entente, je tiens donc pour acquis que ni les faits sous‑jacents à cette entente, ni le droit, ne sont en litige.

 

[6]     Maintenant, avant d'aborder chacune des questions en litige dans l'ordre où elles ont été présentées au procès, il est important de noter que, bien que j'aie inversé l'ordre de présentation de la preuve durant l'audience en demandant à l'avocat de l'intimée s'il pouvait commencer, cela ne veut pas dire que le fardeau de la preuve appartient maintenant à l'intimée. J'ai simplement permis cette procédure afin d'offrir aux appelants, qui agissaient pour leur propre compte sous le régime de la procédure informelle, une meilleure opportunité de répondre aux allégations de l'intimée. Toutefois, il appartient toujours aux appelants de démolir les allégations de faits du ministre pour avoir gain de cause.

 

a)      Quel est le coût de la location des biens pour les fins du calcul du crédit d'impôt à l'investissement?

 

[7]     Selon les appelants, il existe deux séries de contrats de location visées par la présente question.

 

[8]     En vertu de la première série, IIB inc. loue à la société de personnes en vertu de contrats de location[3] de l'équipement de laboratoire énuméré à la pièce I‑2, onglet 6. Cet équipement proviendrait de différents organismes. Lors de son témoignage, monsieur Blais a avoué que tout cet équipement était hors bilan,[4] et que le montant de 404,88 $ qui se trouve comme seul montant d'immobilisation dans les actifs se rapportait en réalité au coût de constitution de la société en personne morale, et non à de l'équipement de laboratoire tel que le ministre l'a présumé.

 

[9]     En vertu de la seconde série, c'est au tour de la société de personnes de louer à IIB inc. en vertu d'un autre contrat de location[5] la majorité du matériel agricole énuméré à la pièce I-4, onglet 53 (ainsi que d'autre matériel selon les appelants).  Ce matériel était utilisé auparavant par les appelants dans des activités  d'élevage d'abeilles, aussi connu sous le nom d'apiculture, mais, en raison de maladies frappant leurs abeilles, les appelants auraient réorienter leurs efforts vers des activités brassicoles (et, plus précisément, pour les fins de ce matériel, dans l'étude de l'orge, du houblon et du rutin). Selon les appelants, la plus grande partie de ce matériel agricole aurait été acquise en 1981; or, aucun document ne permet de confirmer les dates d'acquisition et, encore moins, le coût de chacun des biens en question.

 

[10]    Quant au ministre, les appelants devaient se voir refuser les crédits d'impôt à l'investissement (les « CII ») prévus à l'article 127 de la Loi en raison du fait que le coût et la date d'acquisition de chacun de ces biens loués n'étaient pas disponibles, sauf pour ce qui est d'un tracteur acquis en 1996 pour 36 000 $. Ce tracteur avait été accepté dans une décision antérieure de cette Cour relativement aux mêmes appelants.[6] En permettant l'amortissement fiscal de ce même tracteur, le ministre a permis aux appelants de déduire une dépense admissible aux CII de 3 068 $ pour l'année d'imposition 2000 dans le dossier 2004-42(IT)I.

 

[11]    Plus particulièrement, selon l'intimée, l'élément A de la formule figurant à la définition du « coût de la prestation de service donné pour le fournisseur » au paragraphe 127(11.7) de la Loi étant d'au plus 3 068 $, le montant de la dépense admissible s'établit également à 3 068 $.

 

[12]    Pour en arriver là, le ministre s'est d'abord fondé sur le paragraphe 127(5) de la Loi qui prévoit le crédit d'impôt à l'investissement. Ce paragraphe réfère ensuite à la définition de « crédit d'impôt à l'investissement » au paragraphe 127(9) qui, à son tour, réfère à son alinéa a.1) à des « dépenses admissibles ». Ces dépenses sont assujetties aux présomptions du paragraphe 127(5.1), dont son alinéa a), qui réfère au paragraphe 127(11.6) et au concept de « coût de service rajusté ». L’expression « coût de service rajusté » est à son tour définie au paragraphe 127(11.7) et plus particulièrement son élément A qui représente « le coût de la prestation du service donné pour le fournisseur ». Cet élément A est applicable en l’espèce puisque nous sommes en présence de location de biens et que, selon l’alinéa 127(11.8)c), la « location d’un bien est réputée constituer une prestation de service ». Le paragraphe 127(8) fut également invoqué par le ministre pour ce qui est du calcul du crédit d’impôt à l’investissement de la société de personnes. Malheureusement pour le concept de simplicité des lois en tant que politique fiscale, ce genre de rafale de dispositions législatives est commune en droit fiscal. Il en existe même qui sont pires.[7] Du moins pour les fins des présents appels, nous n'avons nul le besoin de subir davantage d'étourdissements intellectuels étant donné que les parties ne remettent pas en question l'application de toutes ces dispositions.

 

[13]    Parmi les arguments soulevés par les appelants, deux méritent une attention particulière.

 

[14]    Le premier argument est à l'effet que les biens avaient un coût après avoir été acquis par les deux sociétés, contrairement à ce que prétend le ministre.

 

[15]    En ce qui a trait au matériel de laboratoire, les appelants ont d'abord témoigné qu'ils l'avaient reçu sous forme de dons de quelques organismes.  Ils ont ensuite ajouté qu'eux mêmes et leurs enfants auraient rendu certains services en échange de ce matériel. Les appelants ont déposé en Cour trois lettres signées par trois différentes personnes représentant trois différents organismes à l'effet que du matériel de laboratoire (sans toujours spécifier de quoi il s'agissait) fut effectivement « donn[é] » (ce mot est utilisé dans chacune des lettres sans aucune mention de services de la part des appelants ou de leurs enfants).[8] Pourtant, à l'audience, monsieur Blais a témoigné que lui et les autres membres de sa famille auraient effectué des recherches à l'aide de spectre de radiation et de l'entretien d'équipement et auraient démantelé et transporté de l'équipement de laboratoire. Au total, les appelants auraient reçu, selon eux, du matériel ayant une valeur de 100 000 $ (cependant, si l'on se fie à l'évaluation effectuée sur ces biens par Labequip Ltd pour l'Agence du revenu du Canada (« l'ARC ») datée du 19 août 2003, la valeur du matériel est de 85 764 $).[9]

 

[16]    Quant au matériel agricole, les appelants étaient d'avis que le coût correspondait à la juste valeur marchande (la « JVM ») en 1997, soit le moment du changement d'activités de la société de personnes. La JVM du matériel agricole à l'époque, selon les appelants, était d'un peu plus de 122 000 $. Or, en droit fiscal, la notion de JVM n'est pas la même que celle du coût.[10]

 

[17]    Le deuxième argument fut présenté par écrit et oralement. À la troisième page non numérotée du document fourni à l'audience pour l'argumentation, les appelants soulèvent ce qui suit :

 

L'interprétation des intervenants de l'ADRC qui appliquent l'article 127(11.7) de la Loi, s'en tiennent à ce que la valeur du coût de service rajusté soit presque identique au coût de vente rajusté. De plus, ils s'en tiennent à une forme comptable du coût de base du service sans prendre en considération le coût intrinsèque et extrinsèque (coût d'entretien, coût de remplacement, coût de désuétude économique, etc.). L'attitude du personnel de l'ADRC est d'offrir le moins d'avantages économiques et d'aller interpréter la LIR dans un sens le plus restrictif possible.

 

[18]    Malgré l'ardent plaidoyer des appelants, je partage l'avis de l'intimée sur le coût. D'abord, en ce qui a trait au matériel de laboratoire :

 

a)       peu de biens sont identifiés dans les trois lettres déposées en preuve;

 

b)      selon ces mêmes lettres, il s'agissait toujours de dons, et non d'un échange de quoi que ce soit;

 

c)       lors de son témoignage, monsieur Blais n'a pas pu offrir suffisamment de détails sur lesdits services, dont le nombre d'heures et la valeur de ces services. De plus, il est difficile de concevoir, dans les circonstances, que les appelants et leurs enfants aient fourni en effet des services ayant une valeur de 100 000 $. Si tel avait été le cas, monsieur Blais aurait sûrement fourni davantage d'information lors de son témoignage;

 

d)      même si on pouvait considérer le coût d'entretien, le coût de remplacement et le coût de désuétude dans le coût total des biens en l'espèce, les appelants n'ont apporté aucune preuve à cet égard; et

 

e)       puisque l'intimée a accepté une partie du crédit sur la base d'un coût de 405 $, je ne peux conclure à un coût nul car le ministre pourrait alors en appeler de sa propre cotisation. (Petro-Canada v. Canada[11])

 

[19]    Pour ce qui est du matériel « agricole », les appelants n'ont tout simplement pas réussi à faire la preuve du coût, sauf pour ce qui est du tracteur dont le coût a déjà été alloué par l'intimée.

 

b)      Est-ce qu'un associé d'une société de personnes peut également être un employé de cette même société de personnes pour les fins de  la Loi?

 

[20]    Les appelants voudraient déduire relativement à la société de personnes un traitement ou salaire au montant de 27 060 $ versé à monsieur Blais malgré le fait que ce dernier soit également un associé de cette même société de personnes.[12] En d’autres mots, selon eux, un associé d'une société de personnes peut également être un employé de cette même société.[13]

 

[21]    À l'appui de leur position, les appelants ont soulevé plusieurs arguments, dont les cinq suivants : (1) les motifs de cette Cour dans l'affaire Crestglen Inv. Ltd. c. Canada[14]; (2) les motifs de cette Cour dans l'affaire Archbold c. Canada[15]; (3) l'ancien bulletin d'interprétation IT-138R qui semblait permettre la déduction des dépenses en salaire d'un associé; (4) un extrait de l'ouvrage de Lord, et divers collaborateurs, Les principes de l'imposition au Canada[16] (les auteurs dans ce texte laisseraient sous‑entendre que la question ne semble pas être réglée, malgré le fait que le bulletin IT-138R a été annulé par l'ARC); et (5) les motifs de l'affaire Drolet c. Charron,[17] une décision de la Cour supérieure du Québec qui permettrait la dualité employé et associé.

 

[22]    Pour sa part, l'avocat de l'intimée se fonde plutôt sur le mécanisme de l'article 96 de la Loi et sur les fictions créées par cette disposition. Selon lui, le montant versé est plutôt une attribution de capital prévue au sous-alinéa 53(2)c)(v) de la Loi. À l'appui de sa position, l'avocat de l'intimée cite les affaires Lachance,[18] Metro-Can Construction Ltd.,[19] et Madsen.[20] Et même si le bulletin IT‑138R était toujours en vigueur (bulletin annulé le 31 décembre 2000),[21] il est évident qu'une telle politique administrative ne peut écarter l'application d'une disposition claire de la Loi.

 

[23]    À la lecture du droit sur la question, je ne peux malheureusement donner gain de cause aux appelants pour les raisons qui suivent.

 

[24]    Bien que les appelants se soient entendus que monsieur Blais reçoive un « salaire », il demeure que de telles « ententes prises entre les deux associés, même si elles lient les associés, ne lient pas nécessairement le minist[re] du Revenu national si lesdites ententes vont à l'encontre de la Loi ».[22]

 

[25]    Dans la décision Archbold, précitée, la juge Lamarre Proulx s'est bel et bien référée à une loi, soit la Loi sur les sociétés en nom collectif de l'Ontario, pour conclure qu'un associé peut également être un employé de sa société de personnes étant donné que rien dans cette Loi ne l'interdit. Je ne peux souscrire à cette conclusion. Tout d'abord, comme le rappelait le juge Noël dans l'arrêt Canada (Procureure générale) c. Banque nationale du Canada, [23] on ne peut avoir recours au droit provincial que lorsque la loi fédérale en question est silencieuse. Voici comment il a résumé la règle après avoir cité les articles 8.1 et 8.2 de la Loi d'interprétation :

 

[33]      Ainsi, pour que l'on puisse recourir au droit d'une province en matière de propriété et droit civil en vue d'assurer l'application d'un texte de loi fédéral dans cette province, à titre supplétif, il faut d'une part qu'il soit nécessaire de recourir à ce droit et d'autre part qu'aucune règle de droit fédéral ne s'y oppose. [24]

 

[26]    En l'espèce, j'en arrive à la conclusion qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours au droit du Québec pour répondre à la présente question en litige étant donné que la Loi y répond. De toute manière, même si ce n'était pas le cas, je considère que le droit provincial abonde dans le même sens.

 

[27]    Dans le cas qui nous préoccupe, la Loi prévoit plusieurs règles pour les sociétés de personnes à son article 96. Au sein même de cette disposition, le législateur a codifié le principe selon lequel une société de personnes n'est pas une personne distincte de ses associés (alinéas 96(1)a) et c)).[25] Ce principe n'a rien de nouveau et existe en common law depuis bien longtemps,[26] et est maintenant accepté au Québec depuis la décision de la Cour d'appel du Québec dans (Québec) Ville c. Cie d'immeubles Allard Ltée.[27] En effet, plusieurs juges et auteurs semblent maintenant accepter l'absence de personnalité juridique des sociétés de personnes québécoises,[28] sauf quelques uns,[29] dont la juge Lamarre Proulx dans un jugement subséquent, soit l'affaire Latourelle c. Canada (M.R.N.).[30]

 

[28]    Voici comment elle a contourné la décision de la Cour d'appel du Québec :

 

 31      Le représentant de l'intimé, pour appuyer les énoncés de l'alinéa 4 (f) de la Réponse no 1, et de l'alinéa 6(g) de la Réponse no 2 [...] s'est référé à la décision de la Cour d'appel du Québec, dans Ville de Québec c. La Cie d'immeubles Allard Ltée et le Régistrateur de la division d'enregistrement de Québec [1996], R.J.Q. 1566, qui a décidé que quoiqu'une société puisse paraître posséder certains attributs de la personnalité juridique elle ne la possède pas et ne peut donc pas jouir de la propriété d'un patrimoine distinct. En se fondant sur cette décision, le représentant de l'appelant soutient qu'une société n'étant pas une personne n'a pas de pouvoir contractuel.

 32      Comme cette décision ne dit pas qu'une société en droit québécois n'a aucun pouvoir contractuel, je m'abstiendrai de me fonder sur cet aspect pour rendre ma décision, surtout qu'il me semble que telle affirmation vient à l'encontre du texte même de l'article 2221 du Code civil du Québec, qui se lit comme suit :

À l'égard des tiers, les associés sont tenus conjointement des obligations de la société; mais ils en sont tenus solidairement si les obligations ont été contractées pour le service ou l'exploitation d'une entreprise de la société.

Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement contre un associé qu'après avoir, au préalable, discuté les biens de la société; même alors, les biens de l'associé ne sont affectés au paiement des créanciers de la société qu'après paiement de ses propres créanciers.

 33      Le représentant de l'intimé s'est aussi référé à deux décisions de cette Cour dont l'une, Alain Carpentier c. M.R.N., du 14 mai 1996, qui va dans le sens  qu'il ne peut y avoir un contrat d'emploi entre une société et un membre de cette société, et l'autre, Louise Brady-Charette c. M.R.N., du 6 décembre 1990, qui va dans le sens opposé.

 34      En ce qui concerne l'impossibilité d'un contrat d'emploi entre un associé et une société dont il est membre, le représentant de l'intimé ne m'a cité ni jurisprudence ni doctrine québécoise appuyant sa prétention. Je m'abstiens donc également de fonder ma décision sur cet argument juridique.

[Les caractères gras sont de moi.]

 

[29]    Premièrement, un associé n'est pas un tiers aux yeux de la société de personnes. Deuxièmement, il existe maintenant un précédent québécois appuyant la position du ministre. En effet, la décision québécoise sur laquelle se fiait les appelants a été renversée très récemment (28 avril 2005) par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Charron c. Drolet[31] pour les motifs suivants aux paragraphes 14‑21 :

 

[14]  Les appelants prétendent que la juge de la Cour supérieure a erré en faits et en droit en concluant que l'intimée était à la fois associée et salariée et en lui accordant un délai de congé. Selon eux, une même personne ne peut cumuler les statuts d'associé et de salarié. De plus, il n'y a jamais eu de lien de subordination entre l'intimée et les appelants;

[15]  L'intimée prétend au contraire que les statuts d'associé et de salarié peuvent être cumulés. Elle soutient qu'elle est devenue une salariée en 1999 lorsque Charron a pris plusieurs décisions unilatérales dont celle de payer, sous forme de salaire avec déductions à la source, les retraits effectués par les deux associés;

[16]  À l'appui de ses prétentions, elle cite l'extrait suivant des auteurs Aust et Charrette :

Très souvent, une relation est déterminée par une variété de relations légales. Un même employé peut être à la fois actionnaire, employé, directeur et administrateur, chacune de ces fonctions impliquant diverses obligations légales devant être remplies simultanément.

                                                                           (Soulignement ajouté.)

ainsi que ce passage de l'ouvrage de Robert P. Gagnon :

On notera enfin, de façon incidente, que le statut de salarié peut coexister, chez la même personne, avec d'autres, comme celui d'actionnaire ou d'administrateur de l'entreprise, ou même celui d'entrepreneur indépendant.

                                                                           (Soulignement ajouté.)

[17]  Or, ces deux extraits ne traitent que de la possible confusion des statuts de salarié et d'actionnaire et non de celui de salarié et d'associé. Il est vrai qu'il régnait une confusion lors de l'enquête. Dans sa déclaration du 9 août 2000, l'intimée se prétendait propriétaire de 40% des actions de l'appelante Conseillers Corporatifs Focus inc. Ce n'est qu'à la suite de plusieurs jours d'audition et de discussion que la déclaration fut amendée le 28 février 2002 pour distinguer la société par actions de la société en participation;

[18]  En réalité, l'intimée n'a jamais été actionnaire de l'appelante Conseillers Corporatifs Focus inc., une société par actions appartenant à l'appelant Charron. Elle s'est associée à ce dernier pour exploiter une société en participation sous le nom de « Conseillers Corporatifs Focus ». La similarité des noms explique l'erreur commise par la juge de la Cour supérieure qui a considéré l'intimée comme une actionnaire;

[19]  L'une des innovations principales du Code civil du Québec en matière de société est la distinction entre la société en nom collectif, en commandite ou en participation et la société par actions. Seule cette dernière est une personne morale (2188 C.c.Q.). On retrouve néanmoins, dans toutes les formes de société, les mêmes éléments constitutifs du contrat de société, à savoir: la mise en commun d'apports, le partage de bénéfices pécuniaires et l'esprit de collaboration (2186 C.c.Q.);

[20]  L'intimée et l'appelant ont fait le choix d'adopter une structure juridique qui est incompatible avec le contrat de travail défini à l'article 2085 C.c.Q. comme étant « celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur » . Le contrat de société, quant à lui, est décrit à l'article 2186 C.c.Q. comme étant « celui par lequel les parties conviennent, dans un esprit de collaboration, d'exercer une activité, incluant celle d'exploiter une entreprise, d'y contribuer par la mise en commun de biens, de connaissances ou d'activités et de partager entre elles les bénéfices pécuniaires qui en résultent. » ;

[21]  Il ne s'agit pas, ici, de déterminer quels rôles peuvent jouer les associés au sein d'une société par actions, mais de reconnaître que l'intention des parties était d'exercer une entreprise commune dans un esprit de collaboration et de partager les pertes et les bénéfices de la société;

[Notes infrapaginales omises]

 

[30]    Ainsi, n'ayant pas une personnalité juridique distincte de ses associés, une société de personnes ne peut pas embaucher à titre d'employé un de ses associés étant donné qu'une personne ne peut pas s'employer soi-même.[32] Ceci est encore plus vrai lorsque la société de personnes n’est formée que de deux associés comme dans le présent cas. Je n'accorderais donc pas aux appelants la déduction demandée, et ce malgré l'ancien bulletin IT-138R. Les appelants ont avoué, durant l'argumentation, avoir été mis au courant, dès le 8 juillet 2003,[33] si ce n'est avant cette date, du fait que ce bulletin n'était plus en vigueur. De toute manière, cette Cour n'est pas liée par la position de l'ARC, qu'elle soit exprimée oralement ou par écrit, mais par la Loi.[34]

 

c)       Les appelants ont-ils omis de déclarer des pertes agricoles au sens de l'article 31 la Loi?

 

[31]    Pour les années d'imposition 1998 à 2001, le ministre est de l'avis que les appelants n'ont « pas déclaré de montant à titre de revenu brut et revenu net (perte nette) d'agriculture relativement à la société de personnes. »[35] Selon le ministre, ces montants sont tous liés à l'« agriculture » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, et plus particulièrement à la « culture du sol », soit l'une des activités énumérées dans la Loi pour le terme « agriculture ». Dans la version anglaise du paragraphe 248(1), le législateur utilise le terme « farming » pour « agriculture », et l'expression « tillage of the soil » pour « culture du sol ».

 

[32]    Les appelants ont prétendu que les activités liées à ces montants étaient plutôt d'ordre scientifique qu'agricole. À la lumière de la preuve sur cette question, je suis du même avis que les appelants cette fois-ci pour les raisons qui suivent.

 

[33]    Tout d'abord, le contrat même par lequel la société de personnes fut créée prévoit ce qui suit en ce qui concerne le but de cette société :

 

Cette société comprend désormais une seule entreprise distincte faisant de la recherche scientifique et du développement dans le but de développer et de commercialiser une bière santé ou nutraceptique...[36]

 

[34]    Nous en découvrons davantage à la lecture d'un autre document déposé par les appelants, intitulé « Historique de l'entreprise – Société Christiane et Jean‑François Blais (la Société) ». Je crois qu'il est utile, à ce stage-ci, de reproduire une bonne partie de ce document, compte tenu du fait qu'il correspond de manière considérable à ce que je comprends du témoignage des appelants sur la question :

 

But de la Société

 

Ladite Société vise la caractérisation et le développement technologique d'une entreprise brassicole à valeur ajoutée qui serait implantée en sol québécois. Nous visons la production d'une bière nutraceutique et écologique, donc sans l'utilisation de pesticides. Ce but visé implique différentes phases d'étude, de recherche et de production d'ingrédients stratégiques pour permettre l'arrimage des différents composés recherchés pour une bière nutraceutique. Ils feront l'objet de projets comportant plusieurs activités de recherche visant à résoudre plusieurs incertitudes technologiques et scientifiques soulevées, en vue d'atteindre le progrès technologique visé au départ pour la commercialisation de bières nutraceutiques.

 

Phases stratégiques de la Société

 

Nous avons élaboré 4 phases stratégiques d'implantation d'une entreprise brassicole que nous présenterons à tour de rôle.

 

La première phase vise à répondre aux incertitudes soulevées par la méthode culturale pour implanter de l'orge brassicole dans notre région, tout en respectant les critères de production sans pesticides et sans engrais, et visant l'association avec des mycorhizes. Aussi, cette expérimentation nous permettra de déterminer s'il est possible d'utiliser les petits grains d'orge comme semence et ceci, afin de spécifier à nos fournisseurs la technique culturale de l'orge pour en arriver aux composantes exigées pour réaliser une bière neutraceutique. Les recherches entreprises sur le houblon comprennent tout d'abord, l'évaluation de la résistance au froid de différentes variétés de plants de houblon. De fait, la résistance au froid fait partie d'une incertitude technologique importante à résoudre considérant nos hivers québécois, et qui est possiblement intimement liée à la génétique individuelle de chacune des variétés. Nous devons nous poser la question suivante : la sélection éventuelle des variétés devra-t-elle rigoureusement tenir compte de ce facteur qu'est la résistance au froid? La réponse à ceci, permettra d'offrir aux producteurs locaux éventuels, une orientation, voire une certitude de produire certaines variétés résistantes plutôt que d'autres qui n'ont pas résisté au froid. Voilà l'importance d'étudier ce facteur pour ensuite pouvoir déterminer les variétés résistantes au froid. Aussi, nous étudierons l'évaluation du traitement de contrôle des ravageurs du houblon en sol québécois et finalement, l'évaluation de méthodes culturales sur différents types de sol en utilisant des mycorhizes. Cette première phase concerne aussi l'étude et la mise au point d'une méthode de production, d'extraction et de dosage du rutin provenant du tartarie.

 

La deuxième phase vise, à partir du rutin obtenu, à maximiser les composantes d'une bière neutraceutique, c'est-à-dire, savoir à quels stages de croissance le tartarie développe le plus de rutin dans la plante et dans quelles conditions doit-il être ajouté à la bière pour qu'il conserve ses propriétés.

 

[35]    Je considère que les documents suivants, déposés par un représentant de l'intimée, monsieur Éric Beauséjour, appuient également la position des appelants : les sommaires du projet accompagnant les formulaires T661 pour les années d'imposition 1998 et 1999, ainsi qu'un document intitulé « Caractérisation et développement technologique et scientifique d'une ferme brassicole de 1995 à 2005 ».[37] Le seul reproche significatif par l'avocat de l'intimée à l'égard d'un de ces documents est l'usage du mot « ferme » à une occasion. Or, non seulement ce terme est-il pris hors contexte du paragraphe dans lequel il se trouve, mais il ne reflète pas la réalité telle que je la perçois face à la preuve dans son ensemble.[38] La partie pertinente en question se trouve à la première page du formulaire T661 pour l'année 1998, et se lit comme suit :

 

Ce projet de caractérisation et de développement technologique d'une ferme brassicole à valeur ajoutée a pour objectifs principaux :

 

1.  De rendre disponible une méthode culturale et une variété productive (2tonnes/acre) d'orge qui a des qualités écologiques et brassicoles (d'entreposage, de maltage et de brassage) pour le sud du Québec et de permettre la revalorisation des petits grains rejetés au calibrage comme grains de semence.

2.  De rendre disponible des variétés de houblon productives et une technologie écologique culturale permettant l'extraction de la lupuline et la formulation de différentes composantes au Québec.

3.  De rendre disponible, comme ajout à la bière, des flavines extractibles de provenance agricole, en expérimentant des cultivars de tartarie et/ou sarrasin.

 

[Je souligne]

 

[36]    Une fois ces techniques développées, les appelants ont à leur tour témoigné à l'effet qu'ils allaient probablement faire faire la vraie production des ingrédients voulus pour leur entreprise brassicole. Voici ce que disait d'abord madame Auray‑Blais :

 

R.  Mais une des choses pour nous autres, c'est qu'un coup que la technique va être mise, on n'investira pas pour la production de ce produit-là. On va le donner à contrat ou on va le faire faire ou on [sic] s'approvisionner avec notre technique qui va avoir lieu, de la même façon que pour l'orge...

 

Puis ensuite monsieur Blais :

 

R.  C'est qu'on aurait demandé à d'autres producteurs de nous la produire, qui eux autres produisent à meilleur coût qu'on peut le produire nous autres mêmes parce qu'on n'est pas des cultivateurs, on n'est pas des fermiers.[39]

 

[37]    Peut-on dire, face à cette preuve, que les appelants exerçaient des activités agricoles? Je crois que non.

 

[38]    Puisque le ministre n'a pas fait valoir d'autres sens possibles du terme « agriculture », je me limiterai donc à déterminer si les appelants faisaient la « culture du sol ». De toute manière, comme plusieurs juges l'ont déjà soulevé dans le passé, la plupart des définitions figurant au paragraphe 248(1) ne sont que des élargissements du sens courant du terme « agriculture ».[40]

 

[39]    De plus, parmi tous les termes repérés dans la Loi, la jurisprudence et les dictionnaires, l'expression « culture du sol » est celle qui se rapproche le plus des activités des appelants, mais sans toutefois les définir. Étant donné que cette expression n'est pas définie dans la Loi, voici ce qu'en disent les dictionnaires :

 

Le Petit Robert 1 (1991) de Paul Robert

 

Cultiver           Travailler (la terre) pour lui faire produire des végétaux utiles aux besoins de l'homme. [...] Soumettre (une plante) à divers soins en vue de favoriser sa venue; faire pousser, venir.

 

Culture            Action de cultiver la terre; ensemble des opérations propres à tirer du sol les végétaux utiles à l'homme et aux animaux domestiques. V. Agriculture. [...] Culture hâtée, forcée : usage de méthodes artificielles pour obtenir des récoltes en dehors des saisons normales.

 

Oxford English Dictionary Online (2005) publié par Oxford University Press

 

Tillage             The act, operation, or art of tilling or cultivating land so as to fit it for raising crops; cultivating, agriculture, husbandry.

 

Tilling              ... work done upon land for raising crops; cultivation, tillage.

 

Cultivation      The bestowing of labour and care upon a plant, so as to develop and improve its qualities: the raising of (a crop) by tillage.

 

Crop                The annual produce of plants cultivated or preserved for food, esp. that of the cereals; the produce of the land, either while growing or when gathered; harvest... The annual or season's yield of any natural product.

 

[40]    Les activités de recherche des appelants ne cadrent pas très bien avec ces définitions. Premièrement, la production n'est utile à l'homme ou aux animaux domestiques qu'indirectement, et non pour les nourrir dans un avenir pas trop éloigné. Deuxièmement, les appelants font bien plus que soumettre leurs plantes à divers soins pour améliorer leur croissance comme le feraient la plupart des fermiers; ils développent ces méthodes à la suite de recherches beaucoup plus poussées que celle effectuées par un non scientifique. Troisièmement, les appelants n'ont pas l'intention de récolter à chaque année ou saison comme le ferait un véritable agriculteur (quoique ce dernier indicateur soit loin d'être déterminant en soi), et bien que les appelants aient vendu des plants à une serre à Abbotsford en Colombie-Britannique, il s'agit d'activités trop accessoires pour changer la nature du travail des appelants. Ceci est encore plus vrai lorsque nous analysons la question sous l'angle de l'intention du législateur. À cet égard, je suis d'accord avec le juge Bowie, de cette Cour, dans le passage suivant de la décision Corker v. Canada :

 

[8]      The Appellant does no breeding of horses, and her attendance at equestrian events is not a source of revenue for her. No doubt there is some promotional value in her attendance at these events, because people who see her compete there may later become paying students, but it cannot be said to be her business. Nor is it principally the horse that is being exhibited on these occasions, but herself and her riding skill. It is noteworthy that Parliament, in enacting this extended definition, chose to include "maintaining of horses for racing", which is, of course, a popular pastime of well-to-do city people which would not necessarily fall within the ordinary meaning of the word farming, although it has long been an avocation of many farmers, particularly in England. Instruction in riding is, I think, farther removed than racing from the normal activities of a farmer. Had Parliament intended that it should be included in the activities which are the subject of section 31 of the Act, it would no doubt have said so.[41]

 

[41]    Enfin, il est intéressant de noter que, dans son rapport sur les activités de la société de personnes, l'expert de l'intimée lui-même qualifie ces activités de scientifiques à la page 1 de son rapport. En effet, lorsque questionné au sujet du numéro 060399 inscrit sur cette page comme « DOMAINE(S) SCIENTIFIQUES – (# CA) », l'expert répondit qu'il s'agissait d'un code australien, sans préciser lequel. En réponse à ce trou de mémoire de l'expert, monsieur Blais suggéra qu'il aurait été intéressant de connaître ce détail. Pour ne pas laisser les appelants sur leur faim plus longtemps, je me permets de noter qu'une recherche sur le site web du Australian Research Council (www.arc.gov.au) a révélé le domaine suivant : Industrial Biotechnology and Food Sciences. Pour ma part, le simple fait que l'expert a placé un numéro suivant la mention du domaine « scientifique » ne fait qu'ajouter un indice supplémentaire au caractère scientifique de ces activités.

 

[42]    Je donnerais ainsi gain de cause aux appelants sur cette question. Aucune des causes soulevées par l'intimée ne permet d'en arriver à une conclusion différente.

 

d)      Les activités des appelants constituent-elles des activités de recherche et de développement expérimental au sens de la Loi?

 

[43]    Pour les raisons qui suivent, je suis d'avis, contrairement à l'intimée, que les appelants ont tenu, pour tous les projets en question, « un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et des résultats... au fur et à mesure de l'avancement des travaux » au sens du cinquième critère adopté par le juge Bowman (tel était son titre) dans la décision Northwest Hydrolic Consultants Ltd. c. Canada.[42] Ces critères ont par la suite été approuvés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt C.W. Agencies Inc. c. Canada.[43]

 

[44]    Je considère également que les activités des appelants cadrent bien avec le passage suivant de la décision R I S – Christie Ltd. c. Canada :

 

[14]      Outre la création de nouveaux produits et procédés, la recherche scientifique implique l'existence d'expériences contrôlées avec mise à l'essai de modèles ou de prototypes. Le contribuable doit donc administrer la preuve des recherches scientifiques pour démontrer qu'elles ont été effectuées (avec les essais) et qu'il est de ce fait admissible aux encouragements fiscaux; voir par exemple Progressive Solutions Inc. c. R., 96 DTC 1232 (C.C.I.). Il doit faire la preuve non seulement que des essais ont été effectués, mais encore qu'ils ont été effectués de façon systématique. À mon avis, la condition que les recherches soient « systématiques » représente une norme plus rigoureuse que la simple condition que des recherches, essais y compris, soient entreprises. Bien que les preuves testimoniales soient admissibles au même titre que les preuves documentaires à cet égard, le seul moyen infaillible d'établir que la recherche scientifique a été effectuée de façon systématique consiste à produire des preuves documentaires qui font ressortir la progression logique entre chaque essai et les essais précédents ou subséquents.

[15]       Il est donc raisonnable d'attendre du contribuable qu'il administre la preuve documentaire des recherches systématiques, essais y compris. Si cependant il y a une explication plausible du défaut de produire cette preuve, le juge peut toujours conclure, compte tenu de la probabilité la plus forte, qu'il y a eu des recherches systématiques. Par exemple, quand les notes de recherches ont été détruites par accident, il faut qu'il soit permis au juge de première instance de conclure, à la lumière de l'ensemble des preuves produites, qu'il y a eu recherches systématiques. Durant les débats, l'avocate représentant le ministre a reconnu ce principe, ne serait-ce que parce que cette hypothèse d'école ne s'applique pas en l'espèce. J'estime cependant qu'il doit être également permis de conclure que le contribuable a entrepris des recherches systématiques s'il est prouvé que ces recherches se sont soldées par une avancée technologique. Il doit en être ainsi parce que les dispositions de la Loi et du Règlement relatives aux recherches scientifiques ne peuvent pas reposer sur la seule condition de la possibilité de répéter l'expérience. Autrement dit, cette condition réduirait à néant la validité de toutes les autres preuves de recherche scientifique.[44]

 

[45]    Examinons maintenant la preuve sur cette question en litige.

 

[46]    Les parties ont chacune appelé à témoigner leur expert respectif qui a été questionné quant à son rapport sur les activités de la société de personnes et de IIB inc. La formation et l'expérience de ces personnes dans leur domaine respectif n'ont pas été remises en question devant moi. Les deux experts ont terminé des études doctorales dans des domaines pointus de la science (l'expert des appelants a également effectué des études post-doctorales), et ont tous les deux l'habitude d'évaluer des projets ou des études (l'expert de l'intimée, pour l'ARC, l'expert des appelants pour des revues scientifiques).

 

[47]    En général, si l'on compare les deux séries de rapports, celui de l'expert de l'intimée est plus complet et très dommageable à la cause des appelants, alors que celui de l'expert des appelants est plutôt général, offrant très peu de détails. En résumé, les appelants avaient, avant le début du procès, une pente à remonter s'ils voulaient se décharger du fardeau de la preuve.

 

[48]    Après avoir entendu le témoignage de chacun par contre, je suis d'avis que les appelants se sont déchargés de leur fardeau en démolissant l'ensemble des conclusions du rapport de l'intimée lors du brillant contre-interrogatoire qu'ils ont mené (le contre-interrogatoire de madame Auray-Blais étant de loin celui qui était le mieux structuré). Ils ont obtenu de solides aveux de l'expert de l'intimée pour chacun des projets en question, ils l'ont amené à se contredire et ils ont même obtenu des excuses relativement à un passage dans son rapport qui insinuait que les appelants étaient des menteurs. Les réponses complètes et convaincantes de l'expert des appelants qui ont réussi, selon moi, à remettre les activités des appelants en perspective étaient également déterminantes. Il a su répondre de manière convaincante et satisfaisante aux questions de l'avocat de l'intimée.

 

[49]    Il est fort probable que, si l'expert de l'intimée avait suivi sa propre politique administrative exigeant l'envoi des questions aux contribuables avant d'effectuer une visite à titre de représentant de l'ARC (cette politique est datée du 14 janvier 2000),[45] les appelants auraient eu l'occasion de se préparer davantage pour la visite et je n'aurais peut-être pas été saisi de cette question dans les présents appels. Il aurait également été préférable que madame Auray-Blais assiste à cette visite de l'expert puisque, de son propre aveu, monsieur Blais n'est pas le meilleur communicateur dans une situation stressante.

 

[50]    Avant de passer en revue les projets dans l'ordre suivi par l'expert de l'intimée, je crois utile de reproduire le passage suivant qui se trouve inscrit dans le rapport de ce dernier pour chacun des projets :

 

Aucun cahier de laboratoire, ou tout autre type d'évidence, daté et relatant le suivi des essais de différents modèles comportementaux ainsi qu'aucune analyse et interprétation de la portée des résultats ont été soumis pour consultation par le CRT [le conseiller en recherche et technologique].

 

[51]    Examinons d'abord la preuve relativement aux deux projets de la IIB inc.

 

1)  Mise au point d'une technique de production de plants de houblon in vitro avec symbiose rhizobium et/ou mycorhizes par manipulation physiologique

 

[52]    Le problème pour l'intimée dans ce projet se limite principalement au passage suivant aux pages 4 et 5 du rapport :

 

... Comment peut-on prétendre faire une introduction de microorganismes dite « contrôlée » ou prétendre favoriser le « développement » microbien sur des racines si les concentrations et l'évolution des populations en question ne sont pas mesurées? Comment peut-on prétendre réaliser une activité systématique de résolution d'incertitude quand les principaux sujets de l'étude ne sont pas monitorés?

[Je souligne]

 

[53]    Comme le dénotent les tournures de ce passage (soulignées), l'expert est assez catégorique quant à sa conclusion sur le premier projet de la société de personnes.

 

[54]    Pourtant, ce décompte microbien ne semble pas si important si l'on se fie au témoignage de monsieur Blais et de son expert : le coût à encourir pour cette méthode étant très élevé et le bénéfice étant relativement mineur. Dans le camp des appelants, la présence même de champignons est un indicateur suffisamment fiable pour en arriver à la conclusion que telle ou telle méthode ne fonctionne pas. Les appelants ne pouvaient pas se permettre, financièrement, de déterminer les causes précises des échecs, mais pouvaient simplement continuer de progresser par tâtonnements, ce qui est tout à fait acceptable selon l'expert des appelants. Je partage l'avis de ce dernier pour conclure, dans l'ensemble, que les appelants se sont déchargés du fardeau de la preuve quant au premier projet de la société de personnes.

 

2)  Étude de différents modèles comportementaux de variétés de houblon sur le géotropisme[46] des plantes

 

[55]    Le but principal de ce projet consiste à développer, dans les conditions climatiques du Québec, une méthode de croissance du houblon plus performante. Dans son rapport, l'expert de l'intimée s'en est pris à ce projet de trois différentes manières.

 

[56]    D'abord, l'expert s'en prend à l'utilisation de mesures subjectives aux dépens des mesures objectives :

 

Le CRT constate l'absence de validité scientifique, et par le fait même d'activité expérimentale systématique au sujet des données prélevées lors de présumés essais de modèles comportementaux. En effet, mis à part la longueur des tiges qui est exprimée en cm (observation objective), toutes les autres mesures sont subjectives (exprimées par -, ± ou +). De plus, il n'y a aucune donnée relative à l'historique du site (enregistrée sur place ou extrapolée d'une station météo locale) au sujet de la vitesse et la direction du vent, la quantité de la pluie tombée, l'humidité relative ambiante, l'humidité du sol, le taux d'évaporation, la période d'ensoleillement et la température. Ces observations objectives sont à la base même de l'interprétation de tout essai de croissance in situ de plants. Comment peut-on prétendre mesurer les impacts du vent, de la pluie ou de la sécheresse sur le géotropisme des plants de houblon quand il n'existe aucune donnée historique de ces phénomènes? Comment peut-on interpréter, discuter et conclure au sujet des résultats d'assèchement des plants s'il n'existe aucune donnée sur les variations de l'humidité du sol, des précipitations et de la température?

[Je souligne]

 

[57]    L'expert de l'intimée était encore une fois très catégorique et, encore une fois, les appelants ont réussi à renverser le fardeau de la preuve sur ce point, mais cette fois-ci, non seulement grâce aux témoignages crédibles et vraisemblables de monsieur Blais et de son expert, mais également grâce à un aveu de l'expert de l'intimée. Pour le camp des appelants, il n'était pas nécessaire d'obtenir plus de données quantitatives pour les raisons suivantes :

 

a)       Des données subjectives permettent de formuler davantage d'hypothèses et permettent de vérifier, en limitant le temps et les coûts, si une hypothèse déjà formulée est valable ou non. Le but dans le présent cas était simplement de vérifier s'il y avait des changements climatiques considérables durant le mois de juillet 2001, et non de tracer et d'étudier une certaine courbe de la résistance de la tige en fonction de la température, par exemple;

 

b)      Par ce fait même, ces données ont une validité scientifique bien plus considérable que le notait l'expert de l'intimée dans son rapport;

 

c)       Comme l'a si bien noté l'expert des appelants lors de son contre‑interrogatoire, pourquoi les appelants auraient-ils fabriqué des données sur les conditions météorologiques du mois de juillet 2001 si ces données auraient pu être vérifiées objectivement par n'importe qui? Pourquoi risquer leur crédibilité scientifique sur ce genre de données encore plus vérifiables? Si les appelants avaient réellement inventé ces données, il aurait été possible pour l'expert ou l'avocat de l'intimée de s'inspirer de la démarche de l'ancien président américain, Abraham Lincoln, lorsqu'il était avocat :

 

... His most celebrated circuit case was his defense of Duff Armstrong, the son of his New Salem friend Jack Armstrong, on a murder charge. When a witness testified that bright moonlight had enabled him to see Duff commit the murder, Lincoln produced an almanac and proved that the moon had not been shining brightly at the time. In summing up the case, Lincoln described with great emotion his friendship with the boy's father. The jury voted for acquittal.[47]

 

[L'emphase est la mienne]

 

[58]    Face à ces évidences et à certaines explications des appelants, il faut noter que l'expert de l'intimée a au moins avoué ce qui suit :

 

Q.  À l'intérieur du protocole, quand on voulait... quand on a fait le protocole, est‑ce que ça vous est venu à l'idée comme quoi l'observation pouvait être quelque chose simplement de très secondaire? Le but au niveau du géotropisme était l'enroulement. Par ailleurs, l'observation des conditions climatiques, ça ne vous est probablement pas venu à l'idée que c'était secondaire pour nous? Noté mais pas étudié en détail parce que ce n'était pas le but du projet. Est-ce que pour vous, cette idée-là vous a effleuré l'esprit?

 

R.  Elle m'effleure l'esprit en ce moment, oui.

 

...

 

Q.  Donc, tout simplement ça vient de vous effleurer l'esprit que ce n'était pas la base de notre protocole. Par ailleurs, si on a un mois de temps de la pluie, est-ce que vous êtes d'accord avec moi que ça, ça peut peut-être jouer sur le géotropisme de la plante et l'enroulement?

 

R.  Oui.

 

...

 

Q.  Est-ce que, Monsieur Shooner, ça vous explique un petit peu le pourquoi du fait qu'on n'a pas utilisé, développé en utilisant un pluviomètre et puis la vitesse des vents, et les directions de vents et tout ça, est-ce que ça vous aide à mieux comprendre?

 

R.  Ça m'aide à mieux comprendre, oui.

 

Q.  Je vous remercie. Moi j'aurais terminé.[48]

 

[59]    Ensuite, il est question de l'importance des travaux de dérochage du terrain dans le rapport :

 

Pour ce qui est de l'installation de la houblonnière, le CRT a vu 132 poteaux couvrant une superficie approximative de 16 500 m2. Il y a eu défrichage mais il n'y a pas eu dérochage significatif. En effet, le champ en question est couvert de roches de toutes tailles et le CRT n'a vu qu'un petit amoncellement de roches d'une dizaine de m3. Le CRT estime que, de par la superficie de la houblonnière, et tenant compte de la largeur des dents de la dérocheuse (approximativement 5 cm), un seul passage de cette machine aurait produit un amoncellement minimal de roches de plusieurs centaines de m3. Pourtant, selon les dires de monsieur Blais, le dérochage se poursuit à chaque été depuis 2001.

 

[60]    Le premier problème avec cette affirmation est que l'expert de l'intimée n'a pas été reconnu par la Cour comme expert en dérochage de terrains. Il est un scientifique spécialisé dans des domaines s'éloignant un peu trop des roches. Il revient à cette Cour de juger s'il y a eu dérochage significatif ou non, et de soupeser les questions de crédibilité.

 

[61]    Le deuxième problème est le lien qu'essaie de faire l'expert entre le dérochage annuel et la quantité totale de dérochage. Il est par contre possible que monsieur Blais n'a pas su répondre de manière complète à cette question de l'expert pour la raison mentionnée précédemment. Or, j'accepte les explications de madame Auray-Blais fournies en Cour, soit que le dérochage était bel et bien effectué à chaque année, mais que les roches étaient plutôt lancées un peu partout en dehors de la zone en question. Il est très probable que les appelants, avec leurs moyens limités, aient procédé de la sorte au lieu de regrouper une série de piles de roches devant par la suite être ramassées par un camion.

 

[62]    De toute manière, même si j'acceptais la conclusion de l'expert de l'intimée selon laquelle il n'y a pas eu de dérochage significatif, je ne vois pas en quoi cela aurait affecté de manière significative la crédibilité des appelants vu la preuve qu'ils ont donnée sur l'ensemble des projets.

 

[63]    Enfin, comme dernier point de son rapport, l'expert critique le fait que les travaux des appelants sur ce projet progressent trop lentement :

 

Dans le cadre d'un projet de développement expérimental, le montage d'une telle installation pourrait être considéré comme une activité de soutien, quoique la nécessité de toute la superficie ferait l'objet d'un examen scientifique. Or, selon la documentation consultée, il n'y a pas eu utilisation de la houblonnière pour réaliser des activités de RS&DE au cours de l'année 2001. De plus, en date du 17 juin 2003 la houblonnière n'était toujours pas utilisée pour aucune activité et était en jachère. Également, toujours en date du 17 juin 2003, la houblonnière n'était toujours pas terminée (aucun câble d'acier d'installé, dérochage non terminé) même deux ans après le début de son installation. Selon l'état du site et selon la documentation, le CRT constate que la houblonnière, ou du moins ce qui pourrait en être une, n'a jamais été utilisée pour réaliser des activités de RS&DE.

 

[64]    La réponse des appelants à cette conclusion : les appelants attendent d'avoir les ressources financières voulues pour poursuivre le développement et l'utilisation éventuelle de la houblonnière, ce qui est raisonnable à mon esprit. De plus, après avoir vu la photographie de la houblonnière (pièce A-9, page 1) et si l'on accepte que 132 poteaux ont effectivement été plantés sur une surface aussi grande que quelques terrains de football, il est très concevable que les appelants, après avoir déployé tous ces efforts, avaient l'intention de continuer dans cette direction.

 

[65]    Poursuivons avec les six projets de IIB inc., dont certains ont été regroupés par les parties.

 

1)  Mise au point d'une technique qualitative et quantitative du quercetin-3-rutinoside;

 

2)  Mettre au point d'une méthode d'extraction commerciale du rutin à valeur élevée d'extrait;

 

3)  Évaluer le stade optimal de production du quercetin-3-rutinoside dans la culture du tartarie et de sa conservation à long terme.

 

[66]    Après avoir examiné ces trois projets, l'expert de l'intimée en est arrivé à trois conclusions défavorables pour les appelants.

 

[67]    La première concerne l'absence d'une courbe standard :

 

... Le CRT a demandé un exemple d'une courbe standard qui avait été utilisée lors des dosages avec la méthode spectrophotométrique. Monsieur Blais a répondu que cette information n'était pas disponible. Pourtant dans la documentation initialement soumise avec le T661, il est affirmé qu'une courbe standard de rutin a été établie. Le CRT tient à préciser que les courbes standards sont à la base même du principe de dosage en spectrophotométrique. Aucun résultat ne peut être obtenu ou justifié sans elles.

[Je souligne]

 

[68]    Je souligne encore les mots de l'expert étant donné que celui‑ci en est encore une fois arrivé à une conclusion catégorique qui, maintenant, ne peut tenir après un examen de la preuve dans son ensemble, et un autre aveu de cet expert.

 

[69]    Je peux comprendre la confusion de l'expert de l'intimée, ayant moi-même été déboussolé au début par le contre-interrogatoire de monsieur Blais sur cette question. Cependant, la différence entre moi et un expert est que, avant de se prononcer catégoriquement dans un rapport ou durant son témoignage sur une question scientifique, cet expert doit démontrer une compétence dans le domaine spécifique en question. Sinon, cet expert doit s'abstenir de se prononcer sur la question ou de répondre, comme l'a fait l'expert des appelants la journée avant à l'audience, à la question de savoir si la spectrophotométrie est possible avec des images numériques. Il en sera question dans les projets 5 et 6 qui suivront.

 

[70]    De plus, comment peut-on rejeter du revers de la main une hypothèse scientifique provenant d'une personne qui en connaît davantage dans le domaine que soi-même (monsieur Blais a plus de 20 années d'expérience dans l'utilisation de la spectrophotométrie)? Dans des cas comme ceux-là, un appelant scientifique est pris dans une situation où il doit défendre sa compétence dans son domaine :

 

M. JEAN-FRANÇOIS BLAIS :          En fin de compte, c'est parce que le rapport mine ma crédibilité comme personne puis met le doute pour la recherche scientifique. Ce que je trouve pas mal fort. Parce que j'ai vingt (20) ans d'expérience en spectrophotométrie puis c'est la première fois que j'entends un raisonnement de cette manière-là au point de vue scientifique.

 

...

 

MONSIEUR LE JUGE :          Là, vous voulez me démontrer à cette étape-ci que ce monsieur-là n'est pas compétent? C'est ça?

 

M. JEAN-FRANÇOIS BLAIS :          À peu près parce que de la manière qu'il s'est exprimé au niveau de la spectrophotométrie, vous allez très bien comprendre qu'est-ce qui se passe.[49]

 

[71]    Ce n'est que le lendemain, toutefois, avec un spectrophotomètre en main, que monsieur Blais a réussi à obtenir l'aveu suivant de l'expert :

 

MONSIEUR LE JUGE :                      Ça c'est calibré à quatre cent seize (416)?

 

M. JEAN-FRANÇOIS BLAIS :          Oui.

 

R.  Peut importe la machine, la densité optique que vous allez obtenir, évidemment avec la même machine, parce que ça peut varier, vous allez être capable de dire, bien, j'avais obtenu, admettons, une densité optique de point cinq (,5), donc à point cinq (,5) correspond deux point cinq (2,5) parce que c'est la moitié (inaudible) toutes les proportions.

 

Q.  On me le dit directement [...], je n'ai pas besoin d'avoir ça pour supposer.

 

R.  Est-ce que j'ai bien compris?

 

Q.  Oui, c'est ça, mais c'est la supposition de ça. Autrement dit, à moins...

 

R.  Moi, ce que j'ai compris, ce que je comprends là ça fait du sens, avec ce que monsieur Blais m'a expliqué...

 

...

 

R.  Mais ce que je comprends c'est qu'à partir d'une densité, à partir d'un, étant donné que la loi Beer-Lambert est proportionnelle, connaissant, bien c'est proportionnel, il y a une proportion, c'est ça que ça veut dire Monsieur Blais.

 

Q.  Oui, oui, oui.

 

R.  Étant donné que c'est proportionnel, parce que ça peut être linéaire comme ça, si c'est linéaire, mais ce n'est pas proportionnel. Alors, c'est linéaire, proportionnel, donc étant donné, il s'agit d'avoir une concentration connue et à partir de ça on peut connaître la densité optique, à partir de là on peut déterminer les autres concentrations.

 

Q.  Oui.

 

R.  Moi, je trouve, ça fait du sens, ça correspond, je pense à...

 

Q.  Puis si tu arrives à je ne sais pas, tu aurais une concentration comme tout à l'heure que je disais.

 

R.  Ça fait du sens, Monsieur.

 

...

 

R.  Je suis d'accord avec ça, avec ce qu'on vient de m'expliquer, la démonstration, c'est éloquent.[50]

 

[72]    Je suis d'accord avec l'expert de l'intimée à l'effet que la démonstration et le contre-interrogatoire sont éloquents. Nous avions même l'impression que l'expert était l'étudiant de monsieur Blais, ce qui est déplorable, considérant le fait que le ministre s'appuyait en grande partie sur le rapport de l'expert et que c'est à cause du rapport que les appelants ont dû se présenter en Cour.

 

[73]    La réaction à la deuxième conclusion dans le rapport sur ce projet est également éloquente à mon avis.  Je reproduis d'abord le passage du rapport en question :

 

Par ailleurs, le CRT a vu un spectre d'adsorption du rutin. L'ordonnée n'étant pas dénommée et n'ayant aucune unité, le CRT a demandé à monsieur Blais d'expliquer ce qui avait été mesuré en fonction des longueurs d'ondes (abscisse). Il en a été incapable mentionnant que cette information n'était pas importante. Comment peut-on réaliser une courbe standard par spectrophotométrie (voir paragraphe précédent) et à la fois ne pas être en mesure d'interpréter un spectre d'adsorption?

 

[Je souligne]

 

[74]    À cet égard, la réponse suivante de l'expert des appelants en contre‑interrogatoire m'a convaincu :

 

Q.  Mais un scientifique rigoureux aurait marqué ces unités?

 

R.  Un scientifique rigoureux qui n'oublie pas, qui n'oublie jamais rien, aucun détail, aurait mis les...

 

Q.  O.K.

 

R.  ... aurait mis, effectivement. Un scientifique, il y en a plein de... Il y a des fautes d'écritures dans les documents et dans les rapports. Et c'est inévitable. Pour moi ça ne démontre pas que c'est faux ce qui est écrit. J'accepte ce qui est écrit.[51]

 

[75]    La troisième conclusion concerne des tableaux difficiles à interpréter selon l'expert de l'intimée :

 

Pour supporter les activités de découverte et d'étude de la production de rutin selon les stades de croissances (objectif b), monsieur Blais a soumis trois tableaux donnant respectivement les pourcentages d'humidité, les résultats d'extraction du rutin ainsi que les résultats de dosage du rutin avec la méthode spectrophotométrique. Chacun des tableaux présente les résultats d'analyse de 40 échantillons pris sur différentes parties de la plante (feuille, tige, graine et bourgeon), en fonction du temps (de la mi-juin à la mi-septembre). L'interprétation des tableaux n'étant pas possible sans explication, le CRT a demandé à monsieur Blais de lui expliquer la signification de ceux-ci. Monsieur Blais n'a pas pu interpréter lesdits tableaux.

 

[76]    Ces trois tableaux se trouvent entre les pages 28 à 40 de la pièce A-8 et le contre‑interrogatoire de l'expert de l'intimée sur ces pages se trouve principalement aux pages 121 à 164.

 

[77]    À la lumière de ces nombreuses pages, il ressort que l'expert de l'intimée s'en prenait au manque de données brutes. Il a avoué à quelques reprises que la plupart des protocoles avaient du sens et que ceux-ci auraient pu produire les résultats se trouvant aux tableaux à la pièce A-8. Le passage suivant illustre très bien l'essentiel du problème pour l'expert de l'intimée :

 

Q.  Vous êtes venu le dix-sept (17) juin 2003, soit trois ans après cela. Est-ce que, vous comprenez aussi que c'était difficile probablement de garder tous les échantillons broyés trois ans plus tard? Est-ce que ça met en doute le fait de dire que ça a été fait ou ça n'a pas été fait? Qu'est-ce qui peut vous poser la question de vous dire que ça n'a pas été fait? Le balancier entre les deux.

 

R.  C'est l'absence de la documentation, l'absence du cahier de laboratoire, l'absence des données de brut. Évidement ça serait pas raisonnable de notre part de vous demander trois ans après : avez-vous encore les échantillons dans un sac ou dans des cuvettes. Mais le travail documentaire qui va avec, c'est ça qu'on veut voir et c'et ça que je n'ai pas vu.

 

Q.  Si par ailleurs ces données avaient été rentrées automatiquement dans l'ordinateur, vous savez comme parfois ça arrive certains scientifiques, on écrit des choses, on les garde, on fait une feuille, on écrit plus mois, plus moins après ça on le prend, on l'installe. On l'installe sur l'ordinateur pour sortir... Est-ce qu'on peut, hors de tout doute raisonnable, se poser la question et dire que ça n'a jamais été fait ou si c'est peut-être un laxisme de la part des gens de ne pas l'avoir écrit, mais peut-être que ça a été écrit mais que ça n'a pas été conservé pour donner des documents comme ça?

 

R.  Compte tenu des avertissements qui avaient été faits à monsieur Blais dans les rapports antérieurs, on lui demandait de tenir une documentation et on listait un exemple. On donnait des exemples assez éloquents de qu'est-ce que la documentation. Compte tenu de ça, je suis très étonné d'arriver sur place et de constater qu'on ne tient pas de documentation. Alors, je peux pas inventer quelque chose que je n'ai pas vu.

 

[...]

 

Q.  Mais par ailleurs, vous ne pouvez pas non plus contredire que ça n'a pas été fait?

 

R.  C'est vrai.

 

[78]    Voici un des avertissements en question reproduit en partie dans l'avant‑propos du rapport de l'expert de l'intimée pour la société de personnes :

 

Il a aussi été informé qu'il est nécessaire de tenir à jour des documents indiquant les activités effectuées et les progrès réalisés en RS&DE pour chaque projet qu'il soumet à l'ADRC. Une emphase a été apportée sur la nécessité d'avoir des informations et des évidences (manuels de laboratoire, comptes-rendus d'étapes, etc.) appuyant les travaux. Ces derniers sont indispensables à l'étude de chaque dossier et à l'octroi du crédit d'impôt. Il s'agit des registres techniques créés au moment où les travaux ont été effectués, et non la documentation créée pour présenter la demande. Ainsi, les registres ou les documents doivent être établis à mesure que le projet se déroule afin de montrer qu'il comporte une investigation systématique par voie d'expérimentation (RS&DE). À titre indicatif, voici quelques exemples des genres de documents justificatifs que la Société devrait avoir disponible dans ses locaux:

·        Documentation relative au plan d'un projet;

·        Copie du plan initial de recherche et développement;

·        Protocoles expérimentaux;

·        Relevés des essaies en champ;

·        Recueils de notes;

·        Remarques concernant les procédures d'expérimentation;

·        Fichiers de projet ou données quantitatives mesurées, ou les deux;

·        Résultats d'analyses statistiques et les conclusions;

·        Tout autre document pertinent (photos, etc.) qui corrobore le travail de RS&DE;

·        Les rapports d'emploi du temps et les rapports d'activités du personnel;

·        Évidences physiques, etc.

 

[79]    Contrairement à l'expert de l'intimée, je ne vois pas ou peu de références à des documents brouillons devant être conservés par le contribuable dans ces avertissements. Et parmi la liste d'exemples, les appelants en ont, dans les faits, présenté plusieurs à l'ARC et encore plus à la Cour. Ces documents sont conservés notamment pour permettre à d'autres scientifiques de répéter les expériences afin de vérifier la validité des conclusions initiales. En autant qu'il existe suffisamment de données fiables pour refaire toutes les expériences en question, cela devrait suffire, tant pour l'ARC que pour cette Cour. Je ne vois pas en quoi le fait de conserver des documents écrits à la main, par exemple, permettrait nécessairement de conclure à une fiabilité accrue. Ce n'est pas parce qu'on utilise un crayon à mine de plomb au lieu des touches d'un clavier que la véracité devient garantie.

 

4)  Amélioration de plants de houblon pour la résistance au froid par modification génétique

 

[80]    Le premier point majeur relativement à ce projet, et non le moindre, est l'insinuation à l'effet que monsieur Blais aurait menti à l'expert de l'intimée et à un autre employé de l'intimée au sujet du fait qu'un certain document était contemporain. Voici la conclusion de l'expert de l'intimée à ce sujet :

 

... Le CRT a demandé à monsieur Blais s'il y avait des résultats associés à ces deux protocoles. Monsieur Blais a répondu que la documentation n'était pas disponible puisque les résultats étaient sous forme brouillon et n'avaient pas encore été compilés. Le CRT a donc demandé à voir la documentation brouillon. Parce que l'heure du dîner approchait, il a convenu avec monsieur Blais que ce dernier lui montre ladite documentation après la pause.

 

Au retour, monsieur Blais s'était souvenu que la documentation brouillon avait été compilée par son épouse plusieurs mois auparavant. Monsieur Blais a donc montré un document Excel constitué de trois onglets, lesquels contenaient des données pour les années 1999, 2000 et 2001 respectivement.

 

L'onglet 2001 contenait les résultats de résistance au froid de 14 variétés de houblon (incluant les quatre variétés à l'étude) sur une période de décembre 2000 à février 2001. Le CRT a demandé à monsieur Blais de lui expliquer la signification du tableau en question. Monsieur Blais n'a pu fournir une explication précise. Lorsque le CRT a vérifié la date de création du document Excel (à l'aide de la fonction « Propriétés »), il a constaté que ledit document avait été créé le 17 juin à 12 :27[sic], soit durant la pause du dîner de la journée même de l'examen. Lorsque le CRT a fait remarquer ce fait à monsieur Blais, ce dernier a affirmé ne pas en connaître la cause. En présence de l'examinateur financier de l'ADRC, monsieur Bertrand Nadeau, le CRT a informé monsieur Blais que la documentation doit être contemporaine aux présumés essais.

 

[81]    D'après l'ensemble de la preuve sur cette question, je suis convaincu que le document en question n'a pas été créé durant l'heure du dîner, mais bel et bien copié d'un autre document plus volumineux pour le transposer dans un autre document moins encombrant. Je reproduis une partie du contre-interrogatoire de l'intimée qui, en soi, est déterminante :

 

Q.  Oui. Est-ce que c'est possible que ça ait été extirpé d'un autre site, et donc que cette documentation-là n'a pas été créée en tant que telle sur l'heure du midi?

 

R.  C'est possible qu'elle puisse...

 

Q.  Bon. Alors, c'est bien important de répondre à ça.

 

[...]

 

R.  Oui, c'est possible que cette information-là ait été extirpée d'un document antérieur et copiée/collée pour créer un nouveau document; la réponse c'est oui, c'est possible.

 

Mme CHRISTIANE AURAY-BLAIS :

 

Q.  Le but visé était de vous donner des résultats 2001. Si pour une raison comme... vous êtes un scientifique, j'ai vu, vous avez fait plusieurs publications; ça arrive parfois qu'on cherche nos papiers, qu'on a oups! on a oublié de le faire imprimer. Dieu sait que c'est pas nécessairement volontaire, mais ça peut arriver. Ça vous est sûrement déjà arrivé, je veux dire, ça arrive à tout le monde, qu'importe la profession. En bout de ligne, c'était des tableaux qui étaient assez élaborés, avec des données qui à mon avis en l'espace de peut-être une heure, ce n'est pas possible d'arriver avec quelque chose de scientifiquement acceptable. Impossible. En tout cas... Donc, d'aller chercher de l'information dans un nouveau dossier pour vous la donner parce que vous lui demandiez, est-ce que vous trouvez que le paragraphe que vous avez écrit est révélateur face à l'intégrité de mon mari, de monsieur Blais.

 

R.  Ce paragraphe peut être interprété comme disant que monsieur Blais a créé une documentation sur l'heure du dîner. Et est-ce que ça peut porter atteinte à son intégrité, la réponse est oui. Et si c'était le cas, je m'en excuse. Ce n'était pas le but de mes propos...[52]

 

[82]    Le second point majeur est le suivant :

 

Également, dans la description de projet, il est mentionné qu'il y a eu étude d'un nouveau génotype de houblon. Aucune documentation, ou tout autre type d'évidence, à ce sujet  n'a été déposée pour consultation par le CRT. Pourtant, ce type d'étude génère toujours une quantité importante de documentation. Le CRT tient à préciser qu'une étude génotypique exige nécessairement des produits consommables très spécifiques (enzymes de restriction, nucléotides, amorces, etc.). La liste de matériaux consommés ne contient pas de tels produits.

 

[83]    Voilà un autre point qui fut démoli par les appelants. Après avoir accepté la prémisse scientifiquement reconnue selon laquelle la présence de deux phénotypes différents signifie deux génotypes différents,[53] l'expert a fini par admettre ce qui suit :

 

LE TÉMOIN :  Ce qui va déterminer la couleur d'une feuille, il y a son génotype, c'est vrai. Et le climat aussi. Est-ce que c'est sec, est-ce que ce n'est pas sec, est‑ce qu'il a plu la veille?

 

Mme CHRISTIANE AURAY-BLAIS :          

 

Q.  Si on vous répond qu'il y a des plants témoins qui, eux, ont été placés dans les mêmes conditions, dans les mêmes conditions, et que les plants qui ont été traités à la colchicine on [sic] donné ce résultat?

 

R.  S'il y a des plants témoins, ça fait du sens.[54]

 

5)  Étude et essais de culture contrôlée du polyporus melanopus squamosus sur milieu synthétique; et

 

6)  Mise au point d'une méthode d'évaluation spectrophotométrique d'images digitalisées de la croissance du polyporus melanopus squamosus.

 

[84]    Le seul véritable point en litige concernant ces deux projets émane des commentaires suivants de l'expert de l'intimée :

 

Pour ce qui est de la mise au point d'une méthode spectrophotométrique d'images digitalisées (projet 6), le CRT a demandé à monsieur Blais de lui expliquer le principe sur lequel reposait cette méthode. L'explication de monsieur Blais a été confuse, mentionnant, entre autres, la nécessité d'utiliser une caméra numérique, un logiciel de traitement d'image (Photoshop) et du papier pour photographie noir et blanc (papier argent). Pour supporter le développement de la méthode, des photographies de polypores en milieu forestier et colonisant des arbres ainsi que des photos de mesure de champignons ont été déposées. Le CRT constate que cette méthode n'a aucun fondement scientifique. Pour réaliser une analyse spectrophotométrique, la source lumineuse doit passer à travers une solution contenant la matière (molécules, bactéries, etc.) à caractériser ou à doser. Il n'y a aucun lien avec l'utilisation d'un logiciel de traitement d'images, d'une caméra numérique, ou de papier photo. Les photos déposées en appuie n'ont aucun lien avec le domaine de la spectrophotométrie.

 

[85]    Premièrement, on se rappellera que monsieur Blais a plus de 20 ans d'expérience en spectrophotométrie et que l'expert de l'intimée en a beaucoup moins.

 

[86]    Deuxièmement, même l'expert de l'intimée était ouvert à l'hypothèse des appelants sur cette question et a fait preuve d'honnêteté lors de son interrogatoire quant à sa compétence limitée sur le sujet :

 

Q.  Et, à votre connaissance, est-ce qu'il y a de la littérature ou des textes qui ont été écrits sur la possibilité de faire de la spectrophotométrie avec des images digitalisées? C'est une technique que vous connaissez, que vous voyez régulièrement, ou même que vous avez déjà vue?

 

R.  Je pourrais, sans vous promettre, je peux, je pourrais vous sortir des exemples de quelque chose où on regarde la croissance d'une plante par analyse des images digitales.

 

Q.  Est-ce que vous savez si c'est possible ou pas? Est-ce que vous êtes capable de porter un jugement là-dessus?

 

R.  Je peux dire que c'est une bonne idée, que l'hypothèse est bonne. Basé sur le fait que ça serait utile de savoir précisément le niveau de croissance d'un champignon en question. Est-ce que je savais, est-ce que je sais si ça va marcher ou pas marcher? Non, je ne peux pas, non, je ne sais pas. Dans ce contexte-là, non, je ne peux pas me prononcer.[55]

 

[87]    Troisièmement, je considère que la partie suivante du contre-interrogatoire de l'expert de l'intimée par madame Auray-Blais est très pertinente :

 

R.  Étant donné que j'ai répondu à plusieurs questions en disant « Je ne le sais pas », je ne suis pas en mesure de faire le lien avec ce que monsieur Blais vient de nous expliquer. Excusez-moi, mais je... c'est mon champ d'incompétence, la caméra numérique. Je n'y connais rien aux caméras numériques. Je suis désolé.

 

Q.  À ce moment-là, si vous n'y connaissez rien, comment avez-vous pu en arriver à la conclusion très très claire, conclusion spécifique [que l'ensemble des appareils en question ne peuvent pas être considéré comme un spectrophotomètre].[56]

[88]    La conclusion de l'expert de l'intimée dans le rapport a donc été mise en doute par les appelants.

 

[89]    Enfin, quant aux matériaux dits consommés, j'en arrive à la conclusion que les appelants les ont tous consommés pour leurs projets en question. Entre la crédibilité des appelants et celle de l'expert de l'intimée, je penche davantage vers celle des appelants. Non seulement l'expert de l'intimée a-t-il été davantage flexible sur cette question à l'audience, mais je crois également que sa crédibilité sur l'ensemble des projets est grandement diminuée. En passant, je note également que cette question de matériaux consommés n'a pas été soulevée par le ministre dans ses hypothèses. Cependant, elle faisait partie des nombreux fondements du rapport de l'intimée, rapport que je rejette presque en totalité.

 

e)  Autres points soulevés le 11 mai 2005

 

[90]    Parmi tous les points soulevés durant cette journée, seuls ceux relatifs aux dépens méritent quelques commentaires, la question des intérêts ayant été abandonnée par les appelants, alors que les points soulevés sur le régime de pension et le REÉR, respectivement, n'ont aucune base factuelle sur laquelle peuvent s'appuyer les appelants. L'article 96 de la Loi invoqué relativement à ces deux derniers points n'aide aucunement les appelants en l'espèce.

 

[91]    Somme toute, étant donné le succès partagé dans les présents appels, les parties devront prendre à leur charge leurs propres frais, sauf pour les frais encourus par les appelants à l'égard de leur expert, qui devront être pris à charge par l'intimée en raison des lacunes importantes dans le rapport de l'expert de l'intimée. Malgré le fait que l'intimée a offert aux appelants la possibilité de faire appel à l'opinion d'un autre expert, je ne considère pas que cette offre soit suffisante. Ce que l'intimée offrait, selon les appelants, était un expert du même bureau régional ou un expert ayant un lien possible avec ce bureau. Or, le ministre aurait dû offrir de faire appel aux services d'un expert d'un autre bureau régional afin d'éviter de créer une apparence de partialité. Je partage la crainte des appelants sur cette question.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'octobre 2005.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                  2005CCI417

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-206(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Jean-François Blais et Sa Majesté la Reine et Christiane Auray-Blais et Sa Majesté la Reine et Innovations et intégrations brassicoles inc. et Sa Majesté la Reine

 

LIEUX DE L’AUDIENCE :                Sherbrooke et Montréal (Québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Les 28 février au 3 mars, et le 11 mai 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 25 octobre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants

Jean-François Blais

Christiane Auray-Blais

Innovation et intégrations brassicoles inc.

 

L'appelant lui-même et Christiane Auray-Blais

L'appelante elle-même et Jean-François Blais

Jean-François Blais et Christiane Auray‑Blais, représentants

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Dupuis

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                            

 

                   Étude :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario



[1] Pièce A-8 à la p. 3, soit la T661 de la société de personnes pour l'année 2001.

[2] Voir les pièces A-6 et A-9 pour la description détaillée des projets entrepris par la IIB inc.

[3] Le contrat signé le 30 juin 1998 a été déposé sous la cote I-3, onglet 21, alors que celui signé le 1er janvier 2000 se trouve à la pièce I-3, onglet 22.

[4] Le bilan de IIB inc. au 30 décembre 1998 est à la pièce I-4, onglet 44.

[5] Ce deuxième contrat a été déposé sous la cote I-4, onglet 52.

[6]Témoignage d'Éric Beauséjour, agent d'appel pour Revenu Canada à l'époque, notes sténographiques (les « notes ») du 28 février 2005 aux p. 133 et 136. Quant à la décision en question, il s'agit de Auray-Blais c. Canada, [2002] A.C.I. no 7 (QL)(C.C.I.).

[7] Voici comment le juge Sedley résuma une loi fiscale dans Royal and Sun Alliance Insurance Group plc v. Commissioners of Customs & Excise, [2001] STC 1476:

 

Beyond the everyday world, both counsel have explained to us, lies the world of value added tax (VAT), a kind of fiscal theme park in which factual and legal realities are suspended or inverted.

 

Ce passage fut retenu comme le « Quote of the Week » [la citation de la semaine] par David M. Sherman dans « GST Times », Carswell, 18 janvier 2002.

 

[8] Les trois lettres ont été déposées sous la cote A-1. Bien que les auteurs de ces lettres n'étaient pas présents en Cour pour témoigner, l'avocat de l'intimée ne s'est pas opposé à ce que les lettres soient déposées en preuve et il n'a pas attaqué la véracité de leur contenu respectif. Je note en passant qu'il est évident que les auteurs de ces lettres ont tous suivi le même modèle de lettre. Par exemple, dans la première, on peut lire « Nous croyons important de favoriser la recherche scientifique par des chercheurs estriens, ce don en est un bel exemple »; dans la deuxième, « Nous croyons important de favoriser la recherche scientifique par des chercheurs de la région, ces dons le prouvent bien »; et la troisième, « Nous sommes heureux d'aider, par ce don, à la recherche scientifique faite par des chercheurs de la région. » Il demeure que, surtout depuis l'affaire Selmeci c. Canada, [2002] A.C.F. no 1086 (QL)(C.A.F.), les exceptions au ouï-dire ont encore plus de sens dans le contexte de la procédure informelle.

[9] L'évaluation de Labequip Ltd. fut déposée sous la cote A-3.

[10] Par exemple, dans le contexte du gain en capital, et plus particulièrement de l'art. 54 de la Loi, la Cour d'appel fédérale, dans La Reine c. Stirling, 85 DTC 5199,  définit le « coût » comme « le prix que le contribuable a accepté de payer pour obtenir le bien en question; il ne comprend pas les dépenses que le contribuable a pu engager pour être en mesure de payer ce prix ou de conserver le bien par la suite. » À ce coût peuvent s'ajouter certains montants énumérés au par. 53(1) de la Loi, mais seulement dans le calcul du prix de base rajusté. Le « coût » est également défini dans le contexte de l'al. 20(1)a), soit la déduction du coût en capital, comme suit par Vern Krishna dans The fundamentals of Canadian Income Tax, 8e éd., Toronto (Ont), Carswell, 2004, à la p. 367 : « 'Cost' refers to the actual cost of the property to the taxpayer, whether paid in money or some other property. » Dans ce contexte, il existe des rajustements au coût au  par. 13(7) et suivants. Or, ces rajustements ne s'appliquent pas en l'espèce.

[11] 2004 FCA 158, aux par. 65-69.

[12] Dans leur  « Sommaire de la société pour 1998 » pour la société de personnes, la dépense de 27 060 $ est intitulée « Traitement d'un sociétaire recherche ».  La réponse à l'avis d'appel dans le dossier 2004-206(IT)I n'ajoute rien quant aux faits, et ne fait que refuser la dépense. Voir les par. 13(mm) à (oo), ainsi que le par. 19.

[13] Il est à noter que les appelants n'ont pas soulevé la possibilité que monsieur Blais ait reçu ce traitement de sa « charge » ou à titre de travailleur indépendant de la société de personnes. Je ne me prononcerai donc pas sur cette question. J'ai quand même des doutes, à première vue, sur le fait que monsieur Blais ait occupé une « charge » au sens du par. 248(1) de la Loi et de la jurisprudence sur cette question. Quant à la possibilité que monsieur Blais ait été un travailleur indépendant de la société de personnes, elle est bien plus mince face aux motifs récents du juge Dussault exprimés dans la décision Lévesque c. Canada (M.R.N.), 2005 CCI 248. Selon cette décision, l'intention des parties et le lien de subordination (contrôle) sont des éléments très importants dans la détermination de cette question au Québec. En l'espèce, les appelants ont affirmé que, dans leur esprit, monsieur Blais était un employé. De plus, il serait difficile pour les appelants de prétendre à l'absence du contrôle (si l'un d'eux doit se contrôler lui-même, si l'on accepte cette ligne de pensée).

[14] [1993] A.C.I. no. 121 (C.C.I.)(QL).

[15] [1995] A.C.I. no 111 (C.C.I.)(QL).

[16] 13e éd., Montréal (Qc), Wilson & Lafleur ltée, 2002, aux p. 382-384.

[17] [2003] J.Q. no 13510 (C.S.Qué.). Or, comme il en sera question un peu plus loin, cette affaire vient tout juste d'être renversée par la Cour d'appel du Québec : 2005 QCCA 430.

[18] [1994] A.C.F. no 263 (C.A.F.)(QL).

[19] [1998] A.C.I. no 888 (C.C.I.)(QL), conf. par [2000] A.C.F. no 994 (C.A.F.)(QL), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2000] S.C.C.A. no 445 (QL).

[20] [2000] A.C.F. no 2139 (C.A.F.)(QL), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2001] S.C.C.A. no 96 (QL).

[21] Cette date se trouve dans le « Index to Interpretation Bulletins and Technical News » en date du 31 décembre 2000.

[22] Lamarre c. M.R.N., 90 DTC 1180, à la p. 1183.

[23] 2004 CAF 92 aux par. 32 et 33.

[24] L.R. C. (1985), ch. I-21; 2001, ch. 4, art. 8.

[25] Lachance, précitée, au par. 5; Metro-Can Construction Ltd., précitée, aux par. 4-6; Madsen, précitée, aux par. 16‑17; Fredette c. Canada, [2001] A.C.I. no 170, au par. 50, note 16 (C.C.I.)(QL); et Norman C. Tobias, Taxation of Corporations, Partnerships and Trusts, 2ième éd., Toronto (Ont), Carswell, 2001 aux p. 28-39. Il est à noter que l'usage plus nombreux de sources est davantage pour le bénéfice des appelants qui agissent pour leur compte et qui, eux‑mêmes, se sont référés à plusieurs autres sources utiles et intéressantes.

[26]  The Queen v. Pinot Holdings Limited, 99 DTC 5772, à la p. 5778 (C.A.F.); Lachance, précitée, au par. 5; Metro‑Can Construction Ltd., précitée, aux par. 4-6; et Molson Brewery B.C. Ltd. v. Canada, [2001] F.C.J. No. 87 au par. 9 (C.F.)(QL).

[27] [1996] R.J.Q. 1566 (C.A.Qué.).

[28] Holding action sociale Engelmajer Inc. c. Coopérants, société mutuelle d'assurance-vie (liquidateur de), [2002] J.Q. no 194 aux par. 35-37 (C.A.Qué.)(QL); R. c. Paul, [1997] A.Q. no 1643 aux par. 5-11 (C.S.Qué.)(QL); Marion c. Canada (M.R.N.), 2003 CCI 456 aux par. 20-24 (C.C.I.); Fredette c. Canada, précitée, au par. 50, note 16; Parent c. Canada, [1999] A.C.I. no 83 (C.C.I.)(QL); Molson Brewery B.C. Ltd. v. Canada, précitée, au par. 10; René Roy,  « Les sociétés de personnes : Enjeux civils et répercussions fiscales », dans Congrès 2004, Association de planification fiscale et financière, 23:1-34; École du Barreau, Droit des affaires, faillite et insolvabilité, Collection de droit, 2003-2004, Volume 9, Cowansville (Qc), Éditions Yvon Blais, aux p. 50-52; Générosa Bras Miranda, « La propriété collective. Est-ce grave docteur? – Réflexion à partir d'une relecture de l'arrêt Allard », Revue du Barreau, 2003, EYB2003RDB67; Charles P. Marquette, « Les sociétés de personnes, aspects civils  (1998), vol. 20, no. 2, Revue de planification fiscale et successorale 247-303; et Nicole Prieur, « Règles fiscales affectant les sociétés de personnes » (1998), vol. 20, no. 2, Revue de planification fiscale et successorale,, 305-409 aux p. 314, 329 et 330.

[29] Voir, entre autres, Société en nom collectif Vausko c. Ameublement et décoration Côté-Sud (St-Denis) inc., [1999] R.J.Q. no 3037 (C.S.Qué.).

[30] [1998] A.C.I. no 5 (C.C.I.)(QL).

[31] 2005 QCCA 430.

[32] Pour des décisions de cette Cour appliquant ce principe au Québec, voir Marion c. Canada, précitée; Parent c. Canada, précitée au par. 27. Des exemples provenant des provinces de common law : Crestglen Inv. Ltd., précitée au par. 21, citant à l'appui l'affaire Re Thorne and N.B. Workmen's Comp. Bd. (1962), 48 M.P.R. 756 (C.A.N.-B.), conf. oralement par la C.S.C.; Janicek v. M.N.R., 92 DTC 1265, à la p. 1270 (C.C.I.). Voir, également, Paul K. Tamaki et Alisa Ruvinsky, « 'Salaried Partners' and Old Interpretation Bulletin IT-138R », VIII(4) Business Vehicules (Federated Press : 2002) 416-18. Il est également à noter que le juge en chef Bowman s'est récemment demandé, dans Zupet v. M.N.R., 2005 TCC 89 au par. 13 (C.C.I.), pourquoi l'on acceptait même le fait qu'une personne puisse être un employé de sa propre société par actions. Or, face à la jurisprudence des cent dernières années acceptant cette possibilité sur la base de la personnalité juridique distincte des sociétés par actions, le juge en chef a été contraint d'accepter cette proposition.

[33] Durant l'argumentation des appelants, le passage suivant d'une lettre d'Éric Beauséjour (en date du 8 juillet 2003) leur étant adressée a été lue :

 

Les commentaires et les calculs présentés aux paragraphes 10 et 11 du IT-138R ne sont pas exacts. Une interprétation technique vous a déjà été transmise à ce sujet. Les calculs effectués par le vérificateur sont conformes à la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR).

 

Les appelants nous ont ensuite référé à l'interprétation technique 2001-0066067, en date du 10 mai 2001.

[34] London Life Insurance Co. c. Canada, 2000 IIJCan 16657 aux par. 29-32 (C.A.F.); et Goldstein c. Canada, [1995] A.C.I. no 170 (C.C.I.)(QL).

[35] Voir les réponses aux avis d'appel dans les dossiers 2004-208(IT)I, 2004-206(IT)I, 2004-2803(IT)I et  2004-2804(IT)I, aux par. 13 z) à bb), 13 aa) à cc), 8 w) à y), et 8 v) à x, respectivement.

[36] Ce contrat, en date du 25 décembre 1997, figure parmi une série de documents déposés sous la cote A‑6.

[37] Voir les onglets 7, 12 et 26 de la pièce I-3, respectivement.

[38] Il en est de même pour l'usage des termes similaires par les appelants dans quelques autres documents, dont le contrat de location de « machineries agricoles » à la pièce I-4, onglet 52, mentionné ci-dessus.

[39] Témoignage de monsieur Blais, notes du 28 février 2005 aux p. 218 et 291, et le témoignage de madame Auray‑Blais, ibid. à la p. 237.

[40] C.B.A. Engineering Ltd. v. M.N.R., 71 DTC 5282, à la p. 5287 (C.F.1ière inst.), inf. pour d'autres motifs par [1974] C.T.C. 888 (C.A.F.); Maber v. M.N.R., 71 DTC 5506, à la p. 5510 (C.F.1ière inst.); Chan v. R., 1998 CarswellNat 18, au par. 13 (C.C.I.); Corker v. Canada, [1998] T.C.J. No. 146, au par. 8 (C.C.I.)(QL); Clifford W. Ross v. M.N.R., 63 DTC 262, à la p. 263 (C.A.I.).

[41] [1998] T.C.J. No. 146 (C.C.I.). Pour d'autres commentaires au sujet de l'intention du législateur et de l'historique sur cette disposition, voir aussi Juster v. Canada, 74 DTC 6540 (C.A.F.); Bourque v. Canada, 96 DTC 6412 (C.A.F.); Canada v. Donnelly, A-604-93 (C.A.F.); Fermes Miron Farms Inc. v. M.N.R., 70 DTC 1145 (C.A.I.); Marie-Andrée Legault, « Les hauts et les bas de la vie d'un gentleman-farmer », dans Colloque technique – Récents développements en fiscalité agricole, Drummondville, 3 décembre 2004, Association de planification fiscale et financière, sixième onglet, aux pages 8 et 9; Brian Felesky, « 'Hobby' Farm Losses », Twenty-Sixth Tax Conference, 1974, Association canadienne d'études fiscales, p. 625-634.

[42] [1998] A.C.I. no 340, au paragraphe 16 (QL)(C.C.I.).

[43] [2001] A.C.F. no 1886, au paragraphe 17 (QL)(C.A.F.).

[44] [1998] A.C.F. no 1890 (QL)(C.A.F.).

[45] Cette politique se trouve dans le « Guide destiné aux examens de recherche scientifique et de développement scientifique et de développement expérimental », partie 1 : L'examen technique, préparé par la direction générale de la RS&DE, Agence des douanes et du revenu du Canada en collaboration avec les partenaires et les intervenants de l'industrie. Voici ce que l'étape 3 de cette politique prévoie à la p. 7 de ce document :

 

Une demande de renseignements [des conseillers scientifiques] doit être claire et succincte. Il doit s'agir de questions précises au sujet de projets particulier afin de déterminer l'admissibilité; il faut éviter les généralités. Ainsi, le demandeur peut rapidement fournir des précisions et le processus d'examen est plus efficient...

 

[46] Selon l'expert de l'intimée, le géotropisme se définit simplement par le fait que les plantes plongent leur racine dans le sol sous l'effet de la gravité. Voir la p. 67 des notes du 2 mars 2005.

[47] Cet extrait provient du Microsoft Encarta Online Encyclopedia 2005 à l'adresse suivante : http://encarta.msn.com/text_761577113___17/Abraham_Lincoln.html

[48] Notes du 2 mars 2005 aux p. 246, 248 et 256.

[49] Notes du 2 mars 2005 aux p. 97 et 99. Il est à noter, en passant, que la pratique et la norme en procédure générale est de remettre en question la compétence de l'expert avant que celui-ci commence son témoignage, et non durant son contre-interrogatoire. Or, puisqu'il s'agit de la procédure informelle, et que divers domaines spécialisés sont soulevés dans les présents appels, il était opportun, à mon avis, de laisser monsieur Blais poursuivre son questionnement, surtout en l'absence d'objections de la part de l'avocat de l'intimée.

[50] Notes du 3 mars 2005 aux p. 16, 19 et 20. Pour tout le contexte, voir les p. 5-20 des mêmes notes.

[51] Notes du 1er mars 2005, aux p. 152 et 153.

[52] Notes du 2 mars 2005, aux p. 203 à 205.

[53] L'expert de l'intimée résume ce qu'est le génotype et le phénotype à la p. 169 des notes du 2 mars 2005 en ces mots : « Le génotype, le génotypage c'est la caractéristique génétique d'un organisme par opposition au phénotype qui est l'expression qu'on voit la plante. Le génotype c'est qu'on va s'intéresser à caractériser ses gènes au niveau moléculaire. Tout simplement. », et à la p. 172 des mêmes notes : « Le phénotype c'est l'expression des gènes. C'est ce qu'on voit. C'est une fois que le gène s'est exprimé, que le plant a été utilisé, on trouve à voir un phénotype. C'est ce qu'on peut observer, c'est le phénotype. [l'expert accepte à la page suivante que la couleur des plants est un phénotype] »

[54] Notes du 2 mars 2005, aux p. 176 et 177.

[55] Notes du 1er mars 2005, aux p. 206 et 207.

[56] Notes du 2 mars 2005, aux p. 186 et 187. Pour le contexte de cette réponse, voir les p. 177 et suivantes.

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