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Dossier : 2002-4406(IT)I

ENTRE :

ROGER KENNETH BLOUSE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Kitchener (Ontario), le 26 avril 2004.

Devant : L'honorable Gerald J. Rip

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Adolf Gubler

Avocate de l'intimée :

Me Tracey McCann

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté.


Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juin 2004.

                  « Gerald J. Rip »                

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2004.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI483

Date : 20040630

Dossier : 2002-4406(IT)I

ENTRE :

ROGER KENNETH BLOUSE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip

[1]      Roger Kenneth Blouse interjette appel contre la cotisation fiscale relative à l'année 1999 dont il a fait l'objet en se fondant sur le fait que le ministre du Revenu national n'aurait pas dû inclure un montant de 47 067 $ dans son revenu. Il affirme que ce montant représentait des [TRADUCTION] « remboursements légitimes » de dépenses qu'il avait engagées pour le compte d'I.C.I. Steel-Tech Inc. ( « ICI » ), société dont il était actionnaire et dirigeant.

[2]      ICI installe des panneaux industriels et commerciaux en acier sur des immeubles partout en Ontario. M. Blouse est titulaire de 47 p. 100 des actions émises d'ICI; M. John Jetter en possède 52 p. 100 et Mme Jetter en possède un pour cent. M. Blouse organise les travaux confiés à ICI et assure la liaison entre la société d'une part et les employés et entrepreneurs d'autre part. M. Jetter gère le bureau; il s'occupe des estimations, de la paie, de la tenue de livres, des opérations bancaires et des autres fonctions administratives. M. Jetter [TRADUCTION] « s'occupe des finances » .

[3]      M. Blouse a expliqué qu'il achetait souvent des fournitures au comptant chez des [TRADUCTION] « fournisseurs non réguliers » comme Canadian Tire et Home Depot et qu'ICI le remboursait. Il engageait également des dépenses lorsqu'il payait au comptant des repas et des [TRADUCTION] « consommations » pour les employés et les clients et qu'ICI le remboursait. Il a témoigné qu'il soumettait les reçus à M. Jetter et qu'ICI émettait un chèque. La position que M. Blouse a prise à l'instruction était que le montant de 47 067 $ représentait le montant des chèques émis en sa faveur en vue de le rembourser de ce type de dépenses. Il a déclaré ne pas savoir ce qui arrivait à la plupart des reçus qu'il soumettait à ICI, mais il a produit une chemise contenant des copies de reçus s'élevant en tout à 11 187,29 $.

[4]      La plupart des reçus produits par M. Blouse proviennent de restaurants. Il y a également des reçus de fournisseurs tels que Beaver Lumber, Canadian Tire, Home Depot et des stations-service, ainsi que de municipalités et de Postes Canada. Ces reçus s'élèvent en tout à environ 2 300 $; les autres reçus provenaient du Beer Store, de magasins se spécialisant dans la vente de vins et de divers restaurants. Malheureusement, M. Blouse ne pouvait pas [TRADUCTION] « se rappeler ce qui s'était passé en 1999 » et il ne pouvait identifier aucune dépense particulière. De plus, M. Blouse a reconnu ne jamais avoir vu les chèques oblitérés d'ICI se rapportant aux montants remboursés; il a affirmé que les chèques avaient peut-être été [TRADUCTION] « faits au porteur » , mais qu'ils étaient [TRADUCTION] « probablement » établis à son nom.

[5]      M. Blouse a un enfant qui avait 12 ans en 1999. Il a affirmé qu'il rencontrait parfois [TRADUCTION] « des gens avec des enfants » dans un restaurant et il a soutenu que c'était peut-être la raison pour laquelle certains reçus se rapportaient à des repas pour enfants chez McDonald et ailleurs. De plus, a-t-il dit, il se peut que quelqu'un comme lui-même n'ait pas très faim et commande un repas pour enfants. Certains reçus se rapportaient à des repas pour une seule personne. M. Blouse a concédé qu'environ 15 p. 100 des reçus pour repas se rapportaient à des repas qu'il avait lui-même pris. Quant à l'achat de boissons, M. Blouse a affirmé avoir peut-être acheté de la bière pour une réunion d'employés portant sur la sécurité au travail ainsi que pour des entrepreneurs et des sous-entrepreneurs.

[6]      Dans son avis d'appel, M. Blouse, par l'entremise de son représentant, Ray Imbeau, a soutenu que [TRADUCTION] « le montant de 47 067 $ imputé par le ministre à un revenu tiré d'une charge ou d'un emploi [...] devait être considéré comme représentant des dividendes reçus de 1136302 Ontario Inc. » (je ne sais pas quel est le rapport entre cette dernière société et ICI ou M. Blouse, mais je crois comprendre que 1136302 Ontario Inc. était autrefois la dénomination sociale d'ICI). Dans une lettre antérieure en date du 28 février 2002 adressée à Mme Linda Compton, qui était alors agente des appels à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ), M. Imbeau a demandé que, sur le montant en question[1], un montant de 37 114 $ [TRADUCTION] « fasse l'objet d'une nouvelle décision » et soit imputé à des dividendes versés à M. Blouse et que les [TRADUCTION] « 10 000 $ restants (moins le remboursement de 7 418,18 $ se rapportant réellement à des dépenses en espèces que Roger Blouse avait engagées pour le compte de la société en 1999 [...], soit un montant additionnel de 2 581,82 $) soient considérés comme se rapportant à des frais additionnels de sous-traitance imposables entre les mains de Roger Blouse » . Apparemment, M. Blouse a déclaré le revenu tiré d'ICI à titre de revenu d'entreprise en se fondant sur le fait qu'il était entrepreneur indépendant plutôt qu'un employé d'ICI. M. Blouse a déclaré un montant de 20 000 $ à titre de revenu brut d'entreprise pour 1999. Le revenu net déclaré, après provision pour un véhicule à moteur ainsi que pour des frais comptables et des frais d'intérêts, était de 8 450 $. La Couronne estimait que M. Blouse était un employé. M. Blouse n'a pas produit de preuve en vue de réfuter la position du fisc. Entre autres choses, M. Blouse était dirigeant d'ICI; il était autorisé à embaucher et à congédier les employés et il effectuait son travail dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise d'ICI.

[7]      Mme Compton a témoigné que, lorsqu'elle avait traité avec M. Imbeau, ce dernier n'avait pas soumis de documents en vue d'établir que M. Blouse recevait des remboursements d'ICI. Mme Compton a déclaré qu'étant donné que l'ADRC ne considérait pas M. Blouse comme un entrepreneur indépendant, l'Agence était d'avis que celui-ci n'avait pas le droit de déduire des dépenses de son revenu conformément à l'article 8 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[8]      Quoi qu'il en soit, ICI a par la suite produit un feuillet T4 modifié pour l'année 1999, montrant qu'aucune rémunération n'avait été versée à M. Blouse, un feuillet T5 pour l'année 1999, montrant qu'ICI avait versé des dividendes de 47 114 $, et un feuillet T5 selon lequel des dividendes s'élevant à 47 114 $ avaient été versés à M. Blouse. Toutefois, les états financiers qui ont été joints à la déclaration de revenus de la société pour son année d'imposition 1999 n'indiquent pas que des dividendes ont été versés aux actionnaires en 1999. L'état des résultats d'ICI pour les onze mois qui ont pris fin le 31 décembre 1999 indique des frais de publicité et de promotion de 2 384 $ ainsi que des frais de repas et de représentation de 2 559 $. La déclaration de revenus de la société a été produite le 30 janvier 2001, selon Mme Compton, et cette déclaration a été produite avant le dépôt des feuillets T4 et T5 modifiés.

[9]      En l'an 2000, l'ADRC a préparé un feuillet T4 modifié pour l'année 1999 concernant ICI en vue de refuser à M. Blouse la qualité d'entrepreneur indépendant. Un montant de 47 067 $ a été ajouté au revenu d'emploi de M. Blouse.

[10]     M. Jetter a témoigné [TRADUCTION] « avoir passé en revue les factures » que M. Blouse avait soumises pour remboursement. M. Blouse soumettait les reçus chaque semaine et M. Jetter émettait un chèque [TRADUCTION] « au porteur » . Il a expliqué qu'ICI n'avait pas de cartes de crédit en 1999 et qu'il ne croyait pas que le fait que M. Blouse avait engagé des dépenses de 47 000 $ pour ICI en 1999 sortait de l'ordinaire. M. Jetter a déclaré que M. Blouse achetait parfois de la bière pour un conducteur de grue en vue de [TRADUCTION] « le remercier de faveurs qu'il lui avaient accordées » .

[11]     Quant aux repas, le témoin a soutenu qu'il ne voyait rien de mal à ce que M. Blouse invite à manger un entrepreneur et sa famille.

[12]     La plupart des reçus présentés pour remboursement et des factures [TRADUCTION] « ont disparu » pendant les travaux de rénovation exécutés au bureau; M. Jetter a déclaré que les reçus étaient conservés dans un sac, dans le bureau. M. Jetter ne savait pas où étaient les autres reçus ou quels reçus avaient été pris en compte lorsque la déclaration de revenus d'ICI avait été établie. Il a uniquement réussi à trouver [TRADUCTION] « ici et là » des reçus qui ont été produits à l'instruction.

[13]     M. Jetter croyait qu'une inscription, [TRADUCTION] « remboursement d'une dépense en espèces » , était effectuée dans les livres de la société au fur et à mesure que des chèques étaient émis pour les reçus, mais il ne le savait pas trop. Quoi qu'il en soit, aucun livre n'a été produit à l'instruction.

[14]     M. Jetter ne se rappelait pas si ICI avait remboursé M. Blouse des dépenses engagées pour le compte de la société dans des années autres que l'année 1999. À son avis, [TRADUCTION] « les employés étaient remboursés » , comme il l'était, des dépenses engagées pour le compte d'ICI.

[15]     M. Jetter ne se rappelait pas non plus si, en 1999, M. Blouse était un employé ou un entrepreneur indépendant. M. Blouse était rémunéré par chèque pour les heures de travail effectuées. M. Jetter estimait qu'en 1999, la rémunération versée à M. Blouse pour les heures effectuées pour ICI s'élevait à environ 39 000 $.

[16]     Pendant le contre-interrogatoire, M. Jetter a été interrogé au sujet de renseignements fournis dans la déclaration de revenus d'ICI pour 1999. Il a déclaré que les frais de repas et de représentation de 2 500 $ se rapportaient peut-être à une réunion sociale particulière organisée par ICI et ne représentaient pas les frais de repas et de représentation pour la période de onze mois ayant pris fin le 31 décembre 1999.

[17]     Encore une fois, M. Jetter ne se rappelait pas si des dividendes d'un montant de 47 000 $ avaient été versés à M. Blouse en 1999.

[18]     Une fois la preuve présentée, l'avocat de l'appelant a été autorisé à déposer un avis d'appel modifié; l'avis initial avait été déposé par M. Imbeau. L'intimée avait bien sûr le droit de déposer une réponse modifiée à l'avis d'appel et c'est ce qu'elle a fait. Les avocats ont ensuite soumis leurs plaidoiries par écrit.

[19]     Il se peut que, de temps en temps, M. Blouse ait acheté des fournitures en espèces pour ICI ou ait payé comptant les repas des clients d'ICI, mais il n'existe à l'appui aucun élément de preuve clair désintéressé et je ne suis pas convaincu que ces achats au comptant, s'ils ont été effectués, se soient élevés à près de 47 000 $ en 1999. Les présumés achats et les frais de repas et de représentation ne figurent pas dans les états financiers d'ICI pour l'année 1999. De plus, les témoignages de M. Blouse et de M. Jetter laissent à désirer.

[20]     M. Imbeau, soit la personne qui a préparé les états financiers d'ICI et qui a soumis des observations à l'ADRC pour le compte de M. Blouse, était dans la salle pendant toute la durée de l'instruction. Toutefois, il n'a pas été cité pour témoigner. Je conclus que son témoignage n'aurait pas été favorable à l'appelant.

[21]     L'avocat de l'appelant a soutenu qu'en tranchant la question de la crédibilité et en me prononçant sur la façon de témoigner de M. Blouse, je devrais tenir compte du niveau d'instruction de M. Blouse et me demander s'il est un homme averti qui possède des compétences ou une expérience spéciales. M. Blouse a terminé sa neuvième année; il n'a pas appris de métier et il n'a pas fait d'études ou reçu une formation spéciale. Je conclus que cette prétention est insensée. L'expérience que j'ai acquise en ma qualité de juge a confirmé que la crédibilité d'une personne n'a rien à voir avec son niveau d'instruction ou sa formation. La crédibilité ou l'honnêteté d'un témoin ne dépend pas de son niveau d'instruction; il en est également de même dans le cas d'un témoin qui n'est pas digne de foi et qui n'est pas honnête.

[22]     En l'espèce, M. Blouse et M. Jetter n'ont pas répondu avec franchise aux questions; leurs réponses nuiraient à l'appel interjeté par l'appelant. Les témoins n'avaient pas bonne mémoire ou ils feignaient l'ignorance. M. Blouse ne se rappelait pas qui il avait invité à manger ou le rapport existant entre une réunion sociale qui avait été organisée et l'entreprise d'ICI. Les déclarations de revenus d'ICI ne disent rien au sujet du quantum des dépenses déclarées par M. Blouse au titre des frais de repas et de représentation dont il affirme avoir été remboursé. Je ne crois pas M. Blouse lorsqu'il dit qu'il consommait des repas pour enfants dans certains restaurants à service rapide lorsqu'il mangeait censément avec un client d'ICI.

[23]     Il existe également un différend entre M. Jetter et M. Blouse. En effet, l'appelant a déclaré un revenu brut d'entreprise de 20 000 $ provenant d'ICI, alors que M. Jetter croyait que M. Blouse avait reçu un montant de 39 000 $ d'ICI.

[24]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juin 2004.

                  « Gerald J. Rip »                

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2004.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI483

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-4406(IT)I

INTITULÉ :

Roger Kenneth Blouse c. la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE

Kitchener (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 26 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable Gerald J. Rip

DATE DU JUGEMENT :

Le 30 juin 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Adolf Gubler

Avocate de l'intimée :

Me Tracey McCann

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Adolf Gubler

Cabinet :

Walters, Gubler

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           À l'instruction, le montant en question était de 47 067 $. Dans sa lettre, M. Imbeau fait mention d'un montant de 47 114 $; ce dernier montant comprend un montant de 97 $ représentant les intérêts.

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