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Dossier : 2004‑92(EI)

ENTRE :

951992 ONTARIO LTD. s/n THE STUDIO,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de 951992 Ontario Ltd. s/n The Studio (2004‑93(CPP)) à Toronto (Ontario), le 23 novembre 2004.

 

Devant : L’honorable juge W.E. MacLatchy

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me John David Buote

 

Avocat de l’intimé :

Me John Grant

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli et l’évaluation établie par le ministre est annulée selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de janvier 2005.

 

 

 

« W.E. MacLatchy »

Juge MacLatchy

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2006.

 

Sara Tasset


 

 

 

Dossier : 2004‑93(CPP)

ENTRE :

951992 ONTARIO LTD. s/n THE STUDIO,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de 951992 Ontario Ltd. s/n The Studio (2004‑92(EI)) à Toronto (Ontario), le 23 novembre 2004

 

Devant : L’honorable juge W.E. MacLatchy

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me John David Buote

 

Avocat de l’intimé :

Me John Grant

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli et l’évaluation établie par le ministre est annulée selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de janvier 2005.

 

 

 

« W.E. MacLatchy »

Juge MacLatchy

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2006.

 

Sara Tasset


 

 

 

Référence : 2005CCI69

Date : 20050127

Dossiers : 2004‑92(EI)

2004‑93(CPP)

ENTRE :

951992 ONTARIO LTD. s/n THE STUDIO,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge MacLatchy

 

[1]     Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Toronto (Ontario), le 23 novembre 2004.

 

[2]     Par des avis d’évaluation en date du 3 octobre 2002, l’appelante a fait l’objet d’une évaluation parce qu’elle avait omis de verser les cotisations au titre de l’assurance‑emploi concernant différents travailleurs, lesquelles s’élevaient à 3 202,14 $, 2 798,38 $ et 1 424,17 $ ainsi que les cotisations au Régime de pensions du Canada, lesquelles s’élevaient à 3 915,60 $, à 3 970,46 $ et à 2 288,60 $, des pénalités et intérêts étant par ailleurs imposés pour les années 2000, 2001 et 2002.

 

[3]     L’appelante a interjeté appel devant l’intimé pour qu’il reconsidère les évaluations concernant les années d’imposition 2000, 2001 et 2002; par une lettre datée du 15 septembre 2003, l’intimé a confirmé les évaluations uniquement pour les années d’imposition 2001 et 2002.

 

[4]     En outre, par une lettre datée du 15 septembre 2003, l’intimé a décidé de procéder à l’annulation administrative des évaluations concernant l’année d’imposition 2000 étant donné qu’elles allaient à l’encontre de sa politique.

 

[5]     Pour arriver à sa décision, l’intimé s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes, dont la plupart ont été admises par l’appelante, à quelques exceptions près, comme il en est fait mention :

 

[traduction]

(i)          les travailleurs en cause dans l’appel étaient Ann Bettolnvil, Gracinda Borges, Kristi Breen, Susie McColl, Gord Murray et Terri Turai‑Gill;

 

(ii)         l’appelante exploite un « studio de danse » et enseigne la danse à ses élèves. (La société de l’appelante (le « Studio ») a été constituée le 1er août 1991, principalement comme moyen de louer des locaux se prêtant à l’enseignement de la danse, de façon que les actionnaires‑instructeurs ainsi que d’autres instructeurs puissent avoir à leur disposition une installation commune pour enseigner la danse);

 

(iii)      les actionnaires de l’appelante étaient :

 

 

avant le 1er août 2000

au 1er août 2000

 

 

 

Ann Bettolnvil

24 %

26,97 %

Gracinda Borges

11 %

12,34 %

Kristi Breen

24 %

26,97 %

Mary Suzanne McColl

6 %

 6,74 %

Terri Turai‑Gill

24 %

26,97 %

Gordon Murray

11 %

0 %

 

(iv)       les travailleurs sont tous actionnaires de la société et ne sont pas des personnes liées entre elles;

 

(v)        les principales décisions, sur le plan des affaires et de la gestion, y compris les cours à offrir, le nombre d’élèves par classe, le prix exigé des élèves et les montants à verser aux instructeurs, sont prises par les actionnaires de l’appelante d’un commun accord;

 

(vi)       les travailleurs sont des professeurs de danse fort compétents et sont membres de la Canadian Dance Teachers Association;

 

(vii)      l’appelante offre différents cours tels que ballet, jazz, danse à claquettes, acrobatie, hip‑hop, danse de salon ainsi que des cours de préparation aux examens de ballet, de jazz, de danse à claquettes et des cours d’art dramatique et de chant;

 

(viii)      l’appelante organise également chaque année trois récitals;

 

(ix)       les élèves ont entre trois ans et l’âge adulte, du niveau débutant au niveau avancé;

 

(x)        les élèves concluent des contrats avec l’appelante afin d’apprendre la danse et l’appelante conclut ensuite des contrats avec divers instructeurs pour qu’ils enseignent la danse aux élèves;

 

(xi)       l’appelante offre un taux précis pour chaque heure de cours, en fonction des qualifications de l’instructeur et du type de danse;

 

(xii)      les travailleurs étaient rémunérés selon un taux fixe pour chaque cours, au moyen d’un chèque émis périodiquement;

 

(xiii)      les travailleurs devaient facturer l’appelante afin d’être rémunérés; la facture indiquait le nombre de cours et le nombre total d’heures travaillées chaque jour; (Les mots « chaque jour » n’ont pas été admis. La preuve révélait que certains instructeurs établissaient la facture, conformément aux exigences, chaque semaine ou aux deux semaines, comme ils le jugeaient bon. Il n’y avait pas d’exigence rigoureuse voulant que les documents ou factures soient établis sur une base quotidienne.)

 

(xiv)     les travailleurs décidaient des heures auxquelles ils étaient disponibles et l’appelante inscrivait ensuite les heures à l’horaire;

 

(xv)      les travailleurs sont responsables de leur propre formation et doivent se tenir à jour dans leur domaine d’expertise; (L’appelante a souligné que les instructeurs assuraient leur formation et ainsi de suite à leurs propres frais.)

 

(xvi)     les travailleurs fournissaient leurs propres chaussures et vêtements, les livres de musique, les disques compacts et les lecteurs de disques compacts;

 

(xvii)     l’appelante fournissait les studios de danse, sans exiger de frais des travailleurs;

 

(xviii)    l’appelante est responsable des publications distribuées au grand public;

 

Les autres hypothèses de fait n’ont pas été admises.

 

[6]     La Cour doit répondre à la question de savoir si, pendant la période pertinente, les travailleurs étaient employés en vertu d’un contrat de louage de services au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») ainsi qu’à la question de savoir si les travailleurs avaient entre eux un lien de dépendance au sens de la Loi.

 

Les dispositions législatives

 

[7]     La Cour suivra les directives données par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, quant aux critères à utiliser pour déterminer « quelle relation globale les parties entretiennent entre elles ». Le critère composé de quatre parties intégrantes comprend le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice ou les risques de perte ainsi que le critère de l’organisation ou de l’intégration. Les cours d’appel estiment maintenant que ce dernier critère est difficile à appliquer et par conséquent non concluant. Dans l’arrêt Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, le juge Major a dit ce qui suit :

 

[46]      À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan, ... ([1952] 1 The Times L.R. 101) qu’il peut être impossible d’établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d’apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l’opinion du juge MacGuigan lorsqu’il affirme ‑‑ en citant Atiyah, ...(Vicarious Liability in the Law of Torts. London: Butterworths, 1967) p. 38, dans l’arrêt Wiebe Door, p. 563 ‑‑ qu’il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[TRADUCTION] [N]ous doutons fortement qu’il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d’identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d’étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s’appliquent pas dans tous les cas et n’ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n’est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

[47]      Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations [[1968] 3 All E.R. 732], est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

[48]      Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[8]     Dans Lawrence Wolf v. Her Majesty the Queen, 2002 DTC 6853, où le jugement a été rendu par la juge Desjardins, la Cour d’appel fédérale a suivi les conclusions tirées par le juge Major dans l’arrêt Sagaz, précité :

 

[61]      Ces propos me dictent le type d’enquête à laquelle je dois me livrer. Les facteurs traditionnellement élaborés par la jurisprudence n’ont pas été mis de côté. Ils demeurent valides bien qu’ils aient été quelque peu reformulés.

 

[62]      J’ai donc l’intention d’examiner le degré de contrôle que Canadair a exercé sur les activités de l’appelant et la propriété du matériel nécessaire pour exécuter le travail; je veux aussi déterminer si l’appelant engageait ses propres assistants ou non, et quel est le degré de risque financier et de profit, dans la mesure où il concerne les circonstances de l’espèce, lorsqu’une personne dotée de compétences spécialisées est engagée par une agence de placement pour exécuter des travaux pour un tiers. J’examinerai ensuite la question de savoir si ces facteurs ont été correctement appliqués par la juge de la Cour de l’impôt à la lumière des circonstances de l’espèce.

 

Et plus loin, au paragraphe 93 :

 

Tant le travail de Canadair que celui de l’appelant étaient intégrés au sens qu’ils visaient la même activité et le même objectif, à savoir la certification des aéronefs. Toutefois, compte tenu du fait que le facteur d’intégration doit être pris dans la perspective de l’employé, il est clair que cette intégration était incomplète. L’appelant était chez Canadair pour fournir une aide temporaire dans un champ limité d’expertise, à savoir le sien. Lorsque l’on répond à la question « à qui est l’entreprise? », de ce point de vue là, l’entreprise de l’appelant est indépendante. Une fois le projet de Canadair terminé, l’appelant était éjecté en quelque sorte de son travail. Il devait en chercher un autre sur le marché et ne pouvait pas demeurer à Canadair à moins qu’un autre projet n’ait commencé.

 

Le juge Décary, qui souscrivait à la décision de la juge Desjardins, a dit ce qui suit :

 

[117]    Le critère consiste donc à se demander, en examinant l’ensemble de la relation entre les parties, s’il y a contrôle d’un côté et subordination de l’autre. Je dirai, avec le plus grand respect, que les tribunaux , dans leur propension à créer des catégories juridiques artificielles, ont parfois tendance à ne pas tenir compte du facteur même qui est l’essence d’une relation contractuelle, à savoir l’intention des parties. L’article 1425 du Code civil du Québec établit le principe selon lequel « on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés ». L’article 1426 du Code civil du Québec poursuit en disant : « [o]n tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages ».

 

[9]     La question du contrôle a été jugée moins importante qu’on ne l’avait initialement cru. S’il était établi que l’appelante exerçait un contrôle, il n’y avait pas grand‑chose d’autre qui était important. Cependant, les arrêts Sagaz et Wolfe ont montré jusqu’à quel point il est difficile de nos jours d’appliquer ce critère dans le cadre des relations d’affaires. La faculté d’aller et de venir dans une relation d’affaires, sans aucun lien réel entre les parties, si ce n’est la rémunération payée pour le recours aux compétences et capacités d’un travailleur n’indique pas qu’un contrôle est exercé.

 

[10]    L’intention des parties est devenue une question qu’il faut examiner et évaluer. Les parties ne peuvent pas simplement s’entendre pour s’exclure des exigences de la législation en indiquant comment leur relation devrait s’appeler, mais les circonstances pertinentes entourant la relation (telle qu’elle est établie par la preuve) peuvent aider à établir quelle était la nature véritable de cette relation au moment pertinent. Le juge Noël, qui souscrivait au jugement rendu dans l’affaire Wolfe, précitée, a dit ce qui suit :

 

[122]    J’accueillerais aussi l’appel. À mon avis, il s’agit d’un cas où la qualification que les parties ont donnée à leur relation devrait se voir accorder un grand poids. Je reconnais que la façon dont les parties décident de décrire leur relation n’est pas habituellement déterminante, en particulier lorsque les critères juridiques applicables pointent dans l’autre direction. Mais, dans une issue serrée comme en l’espèce, si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l’intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté.

 

[123]    Mon évaluation des critères juridiques applicables aux faits de l’espèce est essentiellement la même que celle de mes collègues. J’estime que leur évaluation du critère de contrôle, du critère d’intégration et de la propriété des outils n’est pas concluante, ni dans un sens ni dans l’autre. En ce qui concerne le risque financier, je conviens avec mes collègues que l’appelant, en contrepartie d’un salaire plus élevé, avait renoncé à bon nombre des prestations qui étaient habituellement dévolues à l’employé, y compris la sécurité d’emploi. Toutefois, je conviens avec la juge de la Cour de l’impôt que l’appelant était payé pour ses heures travaillées, quels que soient les résultats atteints, et qu’en ce sens, il ne supportait pas plus de risques qu’un employé ordinaire. Mon évaluation de l’ensemble de la relation entre les parties ne n’amène pas à une conclusion claire et c’est pourquoi, selon moi, il faut examiner la façon dont les parties voyaient leur relation.

 

[124]    Ce n’est pas un cas où les parties qualifiaient leur relation d’une façon telle que cela leur procure un avantage fiscal. Aucune manoeuvre frauduleuse ou aucun maquillage de quelque sorte n’est allégué. Il s’ensuit que la manière dont les parties ont pu voir leur entente doit l’emporter à moins qu’elles ne se soient trompées sur la véritable nature de leur relation. À cet égard, la preuve, lorsqu’elle est évaluée à la lumière des critères juridiques pertinents, est pour le moins neutre. Comme les parties ont estimé qu’elles se trouvaient dans une relation d’entrepreneur indépendant et qu’elles ont agi d’une façon conforme à cette relation, je n’estime pas que la juge de la Cour de l’impôt avait le loisir de ne pas tenir compte de cette entente (à comparer avec l’affaire Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161 (C.P.), à la page 170).

Le contrôle

 

[11]    En l’espèce, les travailleurs devaient fournir leurs compétences et leur expertise à titre de professeurs de danse à des moments sur lesquels ils s’étaient entendus avec le Studio, sans aucune direction ou supervision de la part de l’appelante. Le contrat (pièce R‑1) signé entre l’instructeur et le Studio comportait une liste de [traduction] « responsabilités », laquelle à première vue semble indiquer l’existence de certains éléments de contrôle de la part du Studio, mais comme la preuve qui a été présentée l’a clairement démontré, ces [traduction] « responsabilités » visaient uniquement à assurer une bonne gestion interne, et ni les travailleurs ni l’appelante n’y donnaient suite ou ne s’y conformaient. Ces questions visaient à assurer le bon fonctionnement de la procédure d’enseignement pour tous les intéressés. Il s’agissait d’une relation d’affaires qui était avantageuse tant pour le Studio que pour les travailleurs. L’exigence selon laquelle les travailleurs devaient facturer l’appelante pour les heures effectuées se rapportait à des procédures comptables et visait à assurer que les travailleurs reçoivent les montants exacts qui leur étaient dus; il ne s’agissait pas d’une méthode permettant d’exercer un contrôle sur les heures des travailleurs. Les travailleurs s’occupaient de leurs propres classes, ils utilisaient leur propre matériel, ils surveillaient les élèves en ce qui concerne les costumes et les progrès accomplis, et ce, jusqu’à la fin de l’année. Le Studio ne surveillait ou n’évaluait pas le rendement des travailleurs. Si les travailleurs ne pouvaient pas enseigner une classe à l’horaire, il leur incombait de se faire remplacer par un autre professeur ayant le talent et l’expérience voulus pour prendre la relève ou ils pouvaient à leur guise reporter la classe manquée. La preuve révélait que le travailleur qui devait s’absenter parce qu’il se présentait une possibilité plus rémunératrice pouvait embaucher un remplaçant qualifié pour les cours qu’il allait manquer; c’était le travailleur qui rémunérait ce remplaçant. En pareil cas, l’appelante voulait être mise au courant de la chose afin d’assurer de bonnes relations avec les élèves et les parents.

 

[12]    Les travailleurs pouvaient à leur gré travailler pour d’autres studios de danse sans ingérence de la part de l’appelante. Ils pouvaient s’absenter et ils s’absentaient pour exercer des emplois plus lucratifs et lorsque s’offraient des possibilités d’avancement dans leur profession.

 

[13]    Dans l’ensemble, la preuve appuyait le critère du contrôle indiquant que les travailleurs entretenaient avec l’appelante une relation d’entrepreneur indépendant plutôt qu’une relation commettant‑préposé.

 

 

Les instruments de travail

 

[14]    Les travailleurs étaient fort compétents et connaissaient bien leurs domaines respectifs d’expertise. Les divers travailleurs qui ont témoigné avaient habituellement de 15 à 20 années d’expérience; ils avaient commencé à suivre des cours dans des écoles de danse lorsqu’ils étaient enfants et avaient poursuivi leurs études en suivant des cours pendant trois ou quatre années dans des collèges et universités. Un grand nombre d’entre eux participaient régulièrement à divers spectacles partout au Canada et ils détenaient les certificats d’instructeur nécessaires de la Canadian Dance Instructors Association. L’instrument de travail le plus important qui était fourni par le travailleur était sa compétence ou sa capacité d’avoir un bon rendement et d’enseigner. Des années d’expérience ainsi qu’une aptitude physique acquise sont des qualités propres à la personne en cause. Il n’est pas donné à tous de posséder les compétences ou le talent voulus. Les travailleurs doivent se tenir en bonne forme physique en suivant des cours de gymnastique pour conserver leur souplesse, leur force et leur endurance.

 

[15]    Les travailleurs doivent se tenir à jour dans le style de danse choisi. Ce sont les travailleurs qui paient pour satisfaire à toutes ces exigences et, au fil des ans, les coûts sont élevés. Les travailleurs doivent fournir leurs propres chaussures pour la discipline choisie, et le coût de ces chaussures peut être passablement élevé. Les vêtements de danse coûtent cher; il en va de même pour le matériel de musique nécessaire aux fins de l’enseignement, ce matériel comprenant des disques compacts, des lecteurs de disques compacts, des bandes d’enregistrement et des livres. C’est le travailleur qui paie les partitions de musique et les livres pertinents nécessaires pour organiser les spectacles présentés par les élèves. Les articles susmentionnés coûtent cher et il faut continuellement les renouveler.

 

[16]    D’autre part, le Studio fournit la salle de classe et certaines installations de scène, sans qu’il en coûte quoi que ce soit aux travailleurs. Dans l’ensemble, le coût de cet élément peut être plus élevé que les frais payés par chaque travailleur, mais on ne saurait négliger de tenir compte des frais engagés par les travailleurs.

 

[17]    Quant à la question des instruments de travail, la situation semble neutre.

 

Les chances de bénéfice et les risques de perte

 

[18]    Le facteur « bénéfice » dépend de la compétence, de l’expérience et de la capacité du travailleur ainsi que du temps consacré par le travailleur. Les travailleurs ont la possibilité d’améliorer leurs compétences et d’occuper des postes mieux rémunérés. Le taux horaire accordé aux travailleurs dépend de leur compétence et de leur expérience et il est de temps en temps négocié avec le Studio.

 

[19]    Le risque de perte est le facteur le plus inquiétant pour les travailleurs. Le Studio n’accorde aucun avantage social. Les travailleurs assument les risques liés à la maladie et aux accidents. La preuve révélait la fréquence des fractures, des luxations et des autres blessures subies par les travailleurs qui devaient payer les frais y afférents. Ces dépenses se rapportent strictement à une perte subie par les travailleurs, pour laquelle aucune indemnité n’est accordée à part celle que les travailleurs peuvent avoir négociée.

 

[20]    Les travailleurs ont la faculté de négocier avec le Studio un tarif de rémunération plus élevé, mais ils peuvent également se lancer sur le marché libre afin d’accroître leur revenu, et c’est ce qu’ils font. Aucune disposition n’avait été prise au sujet des heures supplémentaires, de l’assurance‑maladie ou du régime de pension.

 

[21]    Tous les facteurs susmentionnés indiquent une relation d’indépendance entre l’appelante et les travailleurs.

 

[22]    La question de savoir à qui appartient l’entreprise peut aller dans les deux sens. Le « Studio » dirige une école de danse et exploite cette école de façon à poursuivre cette activité, alors que les travailleurs agissent indépendamment de l’appelante et exploitent leur propre entreprise en leur qualité de professionnels et d’instructeurs de danse. Chacun est indépendant, mais chacun se prévaut des possibilités qu’offre l’autre pour mener sa barque. Encore une fois, l’existence d’une relation d’indépendance est évidente.

 

[23]    L’appelante et les travailleurs se considéraient mutuellement comme des exploitants d’entreprise indépendants. Le Studio embauchait un travailleur afin d’agir comme instructeur uniquement lorsqu’il avait besoin de ce service. Le travailleur acceptait le poste uniquement si son horaire le permettait, à un taux horaire négocié à sa satisfaction. Le travailleur pouvait aller et venir à son gré, à condition de fournir le service pour lequel le contrat avait été négocié. L’appelante et les travailleurs croyaient qu’il existait un contrat d’entreprise, et ils agissaient d’une façon indépendante, comme le montrent les faits qui ont été établis.

 

[24]    La Cour a tenu compte des décisions suivantes mentionnées par l’intimé : Widdows (s.n. Golden Ears Entertainment c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1999] A.C.I. no 119, Gastown Actor’s Studio Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.I. no 126 et Stages Performing Arts School Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2001] A.C.I. no 369. Il est possible de faire une distinction à l’égard de chacune de ces décisions compte tenu des faits qui lui sont propres. Ces types d’affaires sont axées sur les faits et chacune doit être examinée à la lumière de la preuve présentée.

 

[25]    Il n’est pas nécessaire de traiter de l’autre motif d’appel invoqué par l’appelante, à savoir s’il existait un lien de dépendance entre les instructeurs‑actionnaires et l’appelante. La question n’a plus aucun intérêt pratique.

 

[26]    Dans l’ensemble, après avoir soupesé la preuve et après avoir appliqué les dispositions législatives pertinentes, telles qu’elles ont été interprétées, la Cour n’a pu arriver à aucune autre conclusion. Les travailleurs fournissaient des services personnels indépendants à l’appelante.

 

[27]    Ces appels sont accueillis et les évaluations sont annulées.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de janvier 2005.

 

 

 

 

« W.E. MacLatchy »

Juge MacLatchy

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2006.

 

Sara Tasset

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI69

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2004‑92(EI), 2004‑93(CPP)

 

INTITULÉ :

951992 Ontario Ltd. s/n The Studio

c. le M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 novembre 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge W.E. MacLatchy

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 janvier 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me John David Buote

 

Avocat de l’intimé :

Me John Grant

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

John David Buote

 

Cabinet :

Brampton (Ontario)

 

Pour l’intimé :

Morris Rosenberg

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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