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Dossier : 2001-640(EI)

ENTRE :

LOUIS-PAUL BÉLANGER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu les 1er et 3 juin 2004 à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Marc-André Gravel

Avocate de l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto, Ontario, ce 11e jour de janvier 2005.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Référence : 2005CCI36

Date : 20050111

Dossier : 2001-640(EI)

ENTRE :

LOUIS-PAUL BÉLANGER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Archambault

[1]      Monsieur Louis-Paul Bélanger interjette appel d'une décision du ministre du Revenu national (ministre) rendue en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi). Le ministre a décidé que monsieur Bélanger n'occupait pas un emploi assurable chez Plancher Idéal L.P.B. Inc. (payeur) durant les périodes du 20 avril 1998 au 9 octobre 1998 et du 26 avril 1999 au 9 octobre 1999 (périodes pertinentes). En effet, le ministre a conclu qu'il s'agissait d'un emploi exclu parce qu'un contrat de travail semblable n'aurait pas été conclu s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre monsieur Bélanger et le payeur.

[2]      Il s'agit pour les parties d'une deuxième audition de l'appel, puisque la décision rendue par cette Cour a été annulée par la Cour d'appel fédérale[1].

Les faits

[3]      Au début de l'audience, le procureur de monsieur Bélanger a admis, à quelques exceptions près, les faits suivants, énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel :

a)          le payeur a été constitué en société le 26 juillet 1983; (admis)

b)          l'appelant était actionnaire du payeur jusqu'au 20 décembre 1994; (admis)

c)          depuis décembre 1994, les actionnaires du payeur, détenteurs des actions votantes, étaient :

Carl Bélanger

50% des actions

Lucille Labbé

50% des actions

(admis)

d)          l'appelant était le père de Carl Bélanger et le conjoint de Lucille Labbé[2]; (admis)

e)          le payeur exploitait une entreprise d'installation et de sablage de planchers[3]; (admis)

f)           l'appelant était embauché comme sableur de planchers; (admis)

g)          le payeur embauchait trois employés soit l'appelant et les deux actionnaires[4]; (admis)

h)          le 10 octobre 2000, le payeur avait un solde dû à l'appelant de 7 287 $ sur prêt de 25 000 $ datant de 1994; (admis)

i)           l'appelant recevait une rémunération de 500 $ en 1998[5] et de 520 $ en 1999, pour 40 heures par semaine, soit un taux horaire de 12,50 $ pour la première année et de 13,00 $ pour la deuxième année; (admis)

j)           le salaire d'un sableur de plancher selon le décret de la construction était de 23,00 $ l'heure environ; (nié)

k)          l'appelant avait accepté une rémunération moindre que le décret pour ne pas compromettre la situation financière du payeur; (nié)

l)           l'appelant recevait une rémunération fixe peu importe le nombre d'heures réellement travaillées; (admis)

m)         l'appelant pouvait travailler 65 heures par semaine mais il acceptait une rémunération de 40 heures seulement; (admis)

n)          le 23 octobre 1998, le payeur émettait un relevé d'emploi à l'appelant pour la période commençant le 20 avril 1998 au 9 octobre 1998 indiquant 1000 heures assurables et une rémunération assurable totale de 13 000,00 $; (admis)

o)          le 12 octobre 1999, le payeur émettait un relevé d'emploi à l'appelant pour la période commençant le 26 avril 1999 au 9 octobre 1999 indiquant 960 heures assurables et une rémunération assurable de 520 $ par semaine; (admis)

p)          l'appelant rendait des services au payeur, sans rémunération déclarée, en dehors des périodes indiquées par les relevés d'emploi; (admis)

q)          selon la déclaration du payeur, du 26 septembre 2000, l'appelant rendait des services au payeur avant et après les périodes indiquées à ses relevés d'emploi et ce sans rémunération; (admis)

r)           les périodes prétendument travaillées par l'appelant ne correspondent pas avec les périodes réellement travaillées; (nié)

s)          le payeur et l'appelant ont conclu un arrangement dans le but de permettre à l'appelant de se qualifier à obtenir des prestations d'assurance-emploi tout en continuant à fournir des services au payeur; (nié)

[4]      De plus, la preuve présentée par les parties durant l'audience a aussi révélé que les énoncés aux alinéas 5j) et r) sont des faits avérés. Elle a également permis de faire ressortir les faits additionnels suivants.

[5]      Tout d'abord, selon monsieur Jean-Yves Légaré, la période de grande activité (haute saison) pour les entreprises de sablage débute normalement vers le mois de mars ou avril et se termine vers le mois d'octobre[6]. Monsieur Légaré, un neveu de monsieur Bélanger, est depuis 1976 entrepreneur en sablage et vernissage de bois franc; il a acquis en 2003 certains actifs de l'entreprise du payeur, soit les véhicules et la machinerie. Selon lui, la clientèle avait suivi d'elle-même. Monsieur Légaré a engagé par la suite monsieur Bélanger, lui payant un salaire horaire de 16 $[7] lorsqu'il travaillait hors décret de la construction, c'est-à-dire lorsque son travail n'était pas assujetti aux normes dudit décret. Ce salaire horaire correspond à celui que versait monsieur Légaré, durant les périodes pertinentes et en 2003, à monsieur Roger Trépanier, un sableur possédant une vingtaine d'années d'expérience. Monsieur Trépanier est aussi le beau-frère de monsieur Légaré. Plus précisément, il s'agit, dans le cas de monsieur Trépanier, du salaire versé pour du travail fait hors décret de la construction. Lorsque son travail était assujetti au décret, son salaire horaire s'élevait à 23 $ ou 24 $.

[6]      Monsieur Benoît Carbonneau, agent d'information à la Commission de la construction du Québec, a témoigné pour confirmer qu'aux termes du paragraphe 19(9) de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (Loi de la construction), les travaux effectués sur une maison unifamiliale déjà habitée sont exclus des dispositions du décret de la construction. Ainsi, les travaux exécutés à l'égard d'une maison unifamiliale neuve et dans toute maison multifamiliale sont assujettis aux dispositions du décret.

[7]      Monsieur Légaré a affirmé qu'il était relativement facile de trouver de bons employés à 13 $ de l'heure. Toutefois, lorsque je l'ai interrogé sur la raison pour laquelle il n'engageait pas d'autres employés pour répondre à la demande durant la haute saison, il a dit qu'il n'était pas possible d'en trouver pendant la haute saison parce que tout le monde était occupé. J'en conclus que c'est durant la basse saison qu'il pouvait trouver facilement des gens à 13 $ de l'heure. En fait, monsieur Légaré a reconnu qu'il pouvait alors trouver des gens à un taux horaire encore plus bas, sauf qu'il n'y avait pas de travail pour qu'il les engage!

[8]      Monsieur Légaré a également reconnu qu'il ne rémunérait pas ses employés à la semaine; ils étaient tous rémunérés selon un taux horaire. Tant monsieur Légaré que monsieur Bélanger ont reconnu ne pas connaître d'entreprises qui rémunéraient à la semaine ses travailleurs manuels qui n'avaient pas de lien de dépendance avec l'entreprise.

[9]      Monsieur Légaré a indiqué qu'aucun de ses employés ne travaillait sans aucune rémunération pour son entreprise, y compris monsieur Bélanger à compter de juin 2003. Il a aussi déclaré qu'il ne payait pas ses employés pour leurs heures supplémentaires. Lorsque des heures supplémentaires étaient effectuées, celles-ci étaient échangées contre une période de congé durant la semaine suivante. Soixante-quinze pour cent du travail effectué par monsieur Légaré était du travail hors décret, alors que le reste était assujetti au décret.

[10]     Durant les périodes pertinentes, les seules tâches de monsieur Bélanger pour le payeur étaient du travail manuel. En fait, cette situation existait depuis 1994, l'année durant laquelle il a cédé ses actions à son fils Carl et à son ancienne conjointe, madame Lucille Labbé[8]. Cette dernière a déclaré qu'environ 90 % à 95 % des travaux exécutés par le payeur n'étaient pas assujettis au décret de la construction. Madame Labbé a affirmé avoir, durant les mêmes périodes, fait du travail de finition pour le payeur. Elle aurait travaillé généralement 40 heures par semaine et recevait une rémunération de 500 $ par semaine. Elle a dit avoir cessé de travailler pour le payeur en 2002. Selon la pièce I-2, elle a reçu un salaire pendant 28 semaines en 1998. En 1999, elle n'aurait reçu qu'un seul versement de salaire, soit une somme de 5 656,53 $, et ce versement a été fait durant la semaine du 12 décembre 1999. Aucun salaire n'apparaît pour 2000.

[11]     C'est Carl Bélanger qui s'occupait principalement de l'administration du payeur, y compris le travail consistant à faire de la sollicitation et des soumissions pour des contrats. Selon la pièce I-2, Carl recevait généralement une rémunération de 500 $ par semaine pour la période du 29 mars 1998 jusqu'au 10 octobre 1998[9]. Son salaire s'est élevé à 924 $ pour la semaine du 1er novembre 1998. Il n'y a que deux autres paies, de 528 $, pour le reste de l'année, soit pour la période du 6 décembre au 19 décembre 1998. Il s'agit en tout d'une trentaine de semaines. En 1999, Carl a reçu par intermittence un salaire qui a varié entre 211 $ et 1077 $. En 2000, sa rémunération a varié entre 403 $ (pour sept semaines entre le 2 janvier et le 11 mars) et 1 098 $ (pour deux semaines du 30 juillet au 12 août 2000), et il a travaillé un total de 26 semaines cette année-là. Donc, le seul qui reçoit une rémunération stable durant la période de 1998 à 2000 est monsieur Louis-Paul Bélanger lui-même. En effet, sa rémunération hebdomadaire de 520 $ lui est versée régulièrement de 1998 à 2000, soit pendant 25 semaines consécutives en 1998, 24 en 1999 et 21 en 2000.

[12]     Tout en reconnaissant qu'il ne comptait pas ses heures, monsieur Bélanger affirme avoir travaillé environ 40 heures par semaine. En 2004, il avait 45 années d'expérience dans le domaine du sablage. Monsieur Bélanger a indiqué qu'il acceptait l'équivalent de 13 $ de l'heure parce que la société était incapable de payer davantage[10].

[13]     Relativement à la question des services rendus en dehors des périodes officielles d'emploi de Louis-Paul Bélanger (périodes non rémunérées), la preuve a révélé ce qui suit. Lorsque l'enquêteur de Développement des ressources humaines Canada (DRH) s'est informé auprès de lui, Louis-Paul Bélanger a affirmé ne pas avoir travaillé pour le payeur après le 9 octobre 1998. Le relevé d'emploi établi le 23 octobre 1998 indique d'ailleurs le « manque de travail » comme raison de la cessation de l'emploi. Lorsque l'enquêteur lui a montré des factures de fournisseurs adressées à lui, Louis-Paul Bélanger a admis avoir travaillé, mais sans être payé[11].

[14]     Dans une déclaration sous serment du 27 janvier 2000, Carl Bélanger indique que « depuis le 10 octobre 1999 mon père n'a pas travaillé pour la compagnie, parce qu'il n'y a pas assez de contrats pour l'instant. J'aide ma mère pour faire la finition » . Le 14 avril 2000, Carl a modifié cette déclaration (pièce I-9) ainsi [12] :

Si je n'ai pas déclaré qu'il participait aux travaux sur les contrats depuis le 10 octobre 1999, c'est parce que je voulais pas lui causer des problèmes avec l'assurance emploi, et m'éviter des problèmes avec l'assurance emploi et que je n'étais pas au courant des implications, et que je savais vaguement qu'il pouvait travailler un peu lorsqu'il est en chômage. Concernant la participation de mon père sur les contrats, il y en avait une partie qui ont été faits à 75% (aider sur le sablage et donner une première couche de vernis). Il y en avait une autre partie à 50% ce qui veut dire (un peu de sablage et, ou allez porter du matériel). Sur le total de contrats depuis le 10 octobre 1999 il y a huit contrats qu'il n'a pas participé. [...]Concernant sa demande de prestations du mois d'octobre 1998, c'est la même affaire concernant les contrats entre octobre 1998 et le 25 avril 1999 au sujet de sa participation. Il n'a pas été rémunéré du 10 octobre 1999 au 2 avril 2000 et du 10 octobre 1998 au 25 avril 1999.

[Je souligne.]

[15]     Dans sa déclaration du 17 février 2000 (pièce I-7), Louis-Paul Bélanger indique ce qui suit :

Depuis que j'ai cessé de travailler pour cette compagnie le 9 octobre 1999, j'aide mon fils Carl à l'occasion sur des contrats sans être rémunéré. J'apporte du matériel sur le lieu des contrats je vais chercher du matériel chez les fournisseurs, je l'aide à sabler et à faire de la finition, mais je ne fais pas le contrat au complet comme quand je travaille pendant la saison active de l'été. [...] À partir de maintenant, j'ai l'intention de cesser d'aller sur les contrats avec mon fils Carl, et je vais lui suggérer de prendre un apprenti à la place, car je ne veux pas avoir de troubles avec l'assurance-emploi. [...] Pour ce qui est de ma demande de prestations du 23 octobre 1998, je procédais de la même façon, soit d'apporter de l'aide à l'occasion à mon fils sur des contrats sans être rémunéré, et je ne l'avais pas déclaré parce que je n'étais pas payé pour ça et que c'était juste pour aider.

[16]     Lors de son témoignage, Louis-Paul Bélanger a minimisé sa contribution pour les périodes non rémunérées en indiquant que le temps que cela représentait ne dépassait pas deux ou trois heures par semaine. Il a expliqué qu'il travaillait ainsi parce qu'il s'agissait de la société de son fils et que celle-ci n'était pas riche.

[17]     Lorsque j'ai demandé à l'enquêteur de DRH, monsieur Pierre Nadeau[13], de m'indiquer le nombre de contrats qui avaient pu être exécutés durant la période non rémunérée d'octobre 1999 à janvier 2000, il a répondu qu'il avait dans son dossier 31 factures mais qu'il ne les avait pas toutes vérifiées. Ces factures s'échelonnaient sur une période allant du 11 octobre 1999 au 20 janvier 2000. Aucune facture pour les années 1998 et 1999 n'avait pu être obtenue. Sur les 31 qu'il avait, il s'est contenté d'en prendre quatre au hasard et il a appelé les clients à qui ces factures avaient été remises. Ces clients lui ont confirmé que Carl était accompagné, pour les travaux auxquels correspondaient les quatre factures, de sa mère et de son père. À l'occasion, il y avait une quatrième personne, soit la fille de Louis-Paul Bélanger. Comme les quatre premiers clients appelés ont confirmé que Louis-Paul Bélanger avait travaillé, monsieur Nadeau a arrêté là son enquête[14].

[18]     Monsieur Michel Gosselin, l'agent des appels qui a statué sur l'application de l'alinéa 5(2)i) et du paragraphe 5(3) de la Loi, a témoigné lors de l'audience. Son rapport a été produit sous la cote I-1. Après y avoir fait un exposé des faits, monsieur Gosselin a fourni cette analyse de l'application de l'alinéa 5(2)i) de la Loi :

(VI)      SOMMAIRE

Louis-Paul Bélanger a travaillé pour Plancher Idéal L P B inc. au cours des périodes du 20 avril 1998 au 9 octobre 1998 et du 26 avril 1999 au 9 octobre 1999.

Le payeur est incorporé depuis le 26 juillet 1983.

Il fait la pose et le sablage de planchers.

A l'origine, les actionnaires étaient l'appelant et sa conjointe, Lucille Labbé. Chacun possédait 50 % des actions votantes. En décembre 1994, l'appelant vend ses actions à son fils Carl, mais demeure employé du payeur.

A chaque année, l'appelant est engagé par le payeur comme sableur de planchers.

Il n'y a que ces 3 employés qui travaillent pour le payeur.

Toutes les décisions et les implications financières relèvent des actionnaires.

Selon le sous-alinéa 251(2)b)iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'appelant et le payeur sont des personnes liées. Des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance selon l'alinéa 251(1)a) de cette même loi.

Examinons les critères du lien de dépendance.

Rétribution

L'appelant est rémunéré sur une base de 40 heures par semaine, pour 500 $, soit un taux horaire de 12,50 $. Le payeur devait rétribuer l'appelant selon le taux du décret de la construction, soit 23,00 $ l'heure environ. La raison pour laquelle l'appelant a accepté cette rémunération est que le payeur lui devait encore de l'argent sur le prêt de 25 000 $ consenti en 1994 et qu'il ne « voulait pas étouffer la vache à lait » . Un étranger n'aurait pas accepté cette situation et aurait exigé d'être rémunéré selon le décret, surtout en tenant compte des années d'expérience de l'appelant. D'ailleurs, l'appelant compte exiger du payeur, pour la prochaine année (2001) une rémunération conforme à celle du décret de la construction.

Modalités d'emploi

C'est Carl Bélanger qui détermine l'horaire et les lieux de travail.

Tous les outils utilisés appartiennent au payeur.

L'appelant est rémunéré pour 40 heures de travail par semaine. Les deux parties interrogées confirment que le nombre d'heures travaillées peut facilement atteindre 60 durant la période estivale. Cependant, l'appelant reçoit toujours une rémunération basée sur 40 heures par semaine. Nous ne croyons pas qu'un étranger aurait accepté de telles conditions. Seul le lien de dépendance père-fils crée cette situation.

D'autre part, l'appelant nous a indiqué qu'il existait une entente écrite entre lui et son fils, par laquelle le payeur s'engageait à le réembaucher, plutôt qu'un étranger, chaque année, tant que l'appelant sera capable de travailler. Cette clause d'exclusivité a été faite uniquement en raison du lien de dépendance et nous croyons que le payeur n'aurait pas conclu un tel arrangement avec un pur étranger.

Durée du travail

Le payeur et l'appelant admettent la prestation de services par ce dernier en dehors des périodes inscrites sur les relevés d'emploi. L'appelant insiste pour minimiser ces tâches qu'il évalue à un maximum de 2 heures par semaine seulement. Quant au payeur, il a déjà admis que des services bénévoles ont été rendus dans environ 50% à 75% des contrats effectués hors des relevés d'emploi.

Selon l'analyse des chiffres d'affaires mensuelles du payeur, nous constatons que les revenus du payeur, pour les mois d'avril 1998, mars, avril et novembre 1999 (périodes non inscrites sur les relevés d'emploi) sont similaires à d'autres périodes où l'appelant était à l'emploi.

Donc, nous sommes en droit de nous demander comment le payeur pouvait se passer des services de l'appelant, alors qu'il l'engageait pour 40 heures par semaine, pour un chiffre d'affaires semblable. Ceci confirme que l'appelant effectuait plus que 2 heures par semaine, en dehors de ses périodes de relevés d'emploi.

Nature et importance du travail

L'appelant est sableur de planchers de profession. Il exécute son métier pour une entreprise spécialisée dans ce domaine. Les tâches de l'appelant sont reliées aux activités de l'entreprise et elles sont nécessaires.

Conclusion

Compte tenu de la rétribution versée, des modalités d'emploi ainsi que de la durée du travail accompli, nous sommes d'opinion que l'appelant et le payeur n'auraient pas conclu, entre eux, un contrat de travail à peu près semblable, s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. Ainsi, cet emploi est exclu selon l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-emploi.

(VII) PRÉCÉDENT, AVIS LÉGAL, ETC. :

Montréal contre Montréal Locomotive Works Ltd. (1947) 1 D.L.R. 161

Wiebe Door Services Ltd contre M.R.N. (1986) 3 C.F. 553 (C.A.F.)

Jencan Ltd CAF A-599-96

Bayside CAF A-626-96

René Beauchamps, NR-1182 : première déclaration est la plus probante

(VIII) RECOMMANDATION :

Nous recommandons que les notifications ministérielles soient émises à l'effet que monsieur Louis-Paul Bélanger lorsqu'au service de Plancher Idéal L P B inc. au cours des périodes du 20 avril 1998 au 9 octobre 1998 et du 26 avril 1999 au 9 octobre 1999, occupait un emploi exclu des emplois assurables en vertu de l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-emploi parce qu'il s'agissait d'un emploi avec lien de dépendance.

[19]     Il est aussi utile de reproduire le tableau apparaissant au paragraphe 65 de ce rapport et fournissant le montant des ventes mensuelles du payeur[15] :

mois

ventes ($)

mois

ventes ($)

mois

ventes ($)

1998

1999

2000

janvier

3 835

janvier

4 196

janvier

3 010

février

1 527

février

4 084

février

3 634

mars

6 204

mars

11 786

mars

6 186

avril

10 072

avril

9 150

avril

15 559

mai

13 896

mai

15 314

mai

13 776

juin

19 216

juin

17 557

n/d

juillet

20 807

juillet

20 206

août

8 516

août

12 947

septembre

10 377

septembre

8 970

octobre

7 559

octobre

9 325

novembre

4 252

novembre

13 595

décembre

5 563

décembre

5 857

[20]     En contre-preuve, monsieur Bélanger a témoigné sur les 31 factures auxquelles a fait référence monsieur Nadeau. Dans les faits, il n'y a que 30 factures[16], datées du 11 octobre 1999 au 20 janvier 2000, dont 25 ont trait à des travaux de sablage et de finition. Les autres documents représentent soit des soumissions, soit des factures relatives à la vente de produits ou de services que n'a pas fournis lui-même le payeur, notamment la pose de planchers par des sous-traitants. Louis-Paul Bélanger reconnaît avoir participé à l'exécution des travaux visés par six de ces 25 factures. Il affirme que, de façon générale, il ne faisait qu'aider son fils à transporter une lourde sableuse et qu'il pouvait à l'occasion l'aider à finir son travail. Il ne consacrait pas plus de deux à trois heures en moyenne par semaine à ces tâches. Quant à 10 des factures, il a nié avoir fourni du travail à l'égard de celles-ci.

[21]     Relativement aux quatre clients du payeur interrogés par l'enquêteur de DRH, monsieur Bélanger a affirmé n'avoir participé qu'à un seul de ces contrats avec ces clients. Il reconnaît avoir passé entre une demi-heure et une heure et demie à transporter du matériel et à aider à finir le travail visé par la facture 161, lequel fait état d'un montant de 1 750 $ facturé par le payeur. À l'égard des factures 179 et 159, il n'avait pas fourni de services. Il fondait cette assertion sur le fait que la valeur des travaux ne justifiait pas la présence de quatre personnes. Les travaux visés par ces factures sont d'une valeur de 478 $, soit 0,70 $ le pied carré (sablage seulement) et de 325 $. Selon monsieur Bélanger, « ça n'a vraiment pas de sens » que quatre personnes aient travaillé à l'exécution de ces contrats[17]. Il faut par contre reconnaître que cette réponse est en contradiction avec celle fournie par monsieur Bélanger lui-même lorsqu'il a commenté la facture 157. Il a reconnu dans ce cas-là avoir aidé son fils à faire du travail et avoir consacré une heure à l'exécution de ce contrat. Or, le montant facturé s'élève à 275 $.

[22]     À l'égard de la facture 173, la dernière du groupe des quatre factures, monsieur Bélanger a affirmé ne pas se souvenir s'il avait participé à l'exécution du travail. En fait, le nombre total de factures pour lesquelles il ne se rappelle pas s'il a participé aux de travaux s'élève à neuf.

[23]     Un autre fait curieux ressortant du témoignage de monsieur Bélanger est qu'il a affirmé ne pas être allé faire du travail dans les édifices dont il était indiqué que c'étaient des immeubles à logements multiples[18], puisqu'il s'agissait dans ces cas de contrats assujettis aux normes du décret. Or, le taux facturé par le payeur pour la plupart de ces travaux s'élève à 1,05 $ le pied carré, alors que presque tous les autres travaux ont été facturés à un taux plus élevé. Notons en particulier les travaux décrits par les factures 156 (2,25 $ le pied carré), 160 (2,75 $ le pied carré) et 166 (2,85 $ le pied carré). Il faut mentionner que d'autres travaux ont été exécutés pour des taux moins intéressants, par exemple les travaux pour lesquels il est probablement allé porter du matériel, soit ceux de la facture 151 (1,75 $ le pied carré). Il a aussi travaillé à l'exécution des contrats visés par les factures 161, 167 et 278 où les taux indiqués sont de 2,25 $ ou de 2,30 $ le pied carré. Pourtant, il n'y a aucune indication que ces travaux étaient assujettis au décret[19]. Comment se fait-il que les taux facturés pour des travaux assujettis au décret sur les factures 168, 169 et 170 sont les plus bas, alors que ceux pour presque tous les travaux hors décret sont plus élevés. On se serait attendu que le contraire soit vrai!

Analyse

[24]     Tel qu'il est mentionné plus haut, la Cour d'appel fédérale a annulé la décision du juge suppléant qui avait en premier lieu entendu l'appel de Louis-Paul Bélanger. Dans sa décision de cinq paragraphes, la Cour d'appel fournit les motifs suivants, aux paragraphes 2 à 4, [2003] A.C.F. no 1774 (QL) :

2           Le juge n'a pas exercé le rôle qui lui est confié par la Loi sur l'assurance-emploi et que la jurisprudence de notre Cour a redéfini dans les arrêts Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), (2002), 261 N.R. 150, demande d'autorisation d'appeler à la Cour suprême, [2000] C.S.C.R. no 158, rejetée, et Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), (1999), 246 N.R. 176. Ces arrêts furent subséquemment suivis dans Valente c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 418, 2003 CAF 132 et Massignani c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 542, 2003 CAF 172.

3           Comme le disait cette Cour dans Massignani précité, au para graphe 2, « ce rôle ne permet pas au juge de substituer sa discrétion à celle du ministre, mais il comporte l'obligation de vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus et, après cette vérification, (...) décider si la conclusion dont le ministre était convaincu paraît raisonnable » .

4           Au paragraphe 20 de sa décision, le juge a reconnu qu'il avait le droit d'examiner les faits qui se trouvaient devant le ministre pour « décider si ces faits sont prouvés réels » . Mais il n'a pas fait cet examen. Il s'est contenté de dire « compte tenu de toutes les circonstances, je suis convaincu que l'appelant n'a pas réussi à établi [sic], selon la prépondérance de la preuve, que le ministre a agi d'une façon capricieuse ou arbitraire » . De toute évidence, il s'en est remis à la jurisprudence antérieure à Pérusse et Légaré, jurisprudence antérieure qu'il a d'ailleurs citée : voir le paragraphe 17 de la décision.

[25]     Voici le paragraphe 17 de la décision du juge suppléant, dont il est question au paragraphe 4 de la décision de la Cour d'appel :

Le juge Décary, de la Cour d'appel fédérale, a clairement indiqué dans l'arrêt Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. M.R.N., C.A.F., no A-172-94, 1er décembre 1994 (178 N.R. 361), une affaire portant sur le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage (maintenant l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi), que la Cour doit se demander si la décision du Ministre « résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire » ; l'appelant doit faire « la preuve d'un comportement capricieux ou arbitraire du Ministre, preuve qui n'est généralement pas chose facile » .

[26]     Comme la lecture des motifs du juge suppléant ne révèle pas que ce dernier a substitué sa discrétion à celle du ministre, puisqu'il a conclu que le ministre n'avait pas agi de façon capricieuse ou arbitraire, j'en viens à la conclusion que le principal reproche que fait la Cour d'appel fédérale à la décision du juge suppléant, c'est que ce juge ne l'a pas suffisamment motivée pour démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de « vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement [. . .] et après cette vérification, [de] décider si la conclusion dont le ministre était 'convaincu' paraît toujours raisonnable » , pour utiliser les mots cités dans la décision Massignani.

[27]     Avant d'exposer les principes qui doivent me guider ici pour statuer sur l'appel de monsieur Bélanger, des observations préliminaires s'imposent. Il existe une certaine confusion dans les décisions de la Cour d'appel fédérale quant au rôle que doit jouer notre Cour dans les appels comme celui de monsieur Bélanger. Certains de mes collègues croient que les décisions rendues par la Cour d'appel fédérale dans les affaires Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.F. no 310 (QL), Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. no 878 (QL), (1999), 246 N.R. 176, Valente c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 418 (QL), (2003) CAF 132 (12 mars 2003) et Massignani c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 542 (QL), 2003 CAF 172 (1 avril 2003), ont pour effet d'annuler des décisions antérieures de la même cour, à savoir les décisions Tignish Auto Parts Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1994] A.C.F. 1130 (QL), Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. Canada (ministère du Revenu national), [1994] A.C.F. no 1859 (QL) et Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187, [1997] A.C.F. no 876 (QL). Voici ce que mon collègue le juge Bowie a écrit dans l'affaire Glacier Raft Co. v. Canada (Minister of National Revenue - M.N.R.), [2003] T.C.J. no 450 (QL). Au paragraphe 2 de sa décision, il se réfère aux propos de madame la juge Sharlow qui, dans l'affaire Valente, mentionnée plus haut, décrit la jurisprudence récente (à savoir les décisions Légaré etPérusse) comme :

[...] se démarqu[ant] de decisions plus anciennes en ce qui a trait à la définition du rôle de la Cour de l'impôt en matière d'appels de décisions ministérielles aux termes de l'alinéa 5(3)b) de la Loi [...]

[28]     Un peu plus loin au même paragraphe, le juge Bowie ajoute :

It is surprising that the Federal Court of Appeal would overrule its several earlier decisions [See Tignish Auto Parts Inc. v. Canada, (1994) 185 N.R. 73 (F.C.A.); Canada v. Jencan Ltd., [1998] 1 F.C. 187 (F.C.A.); Bayside Drive-In Ltd. v. Canada, [1997] F.C.J. 1019 (F.C.A.)] dealing with the nature of the review by this Court of the Minister's decision under paragraph 5(3)(b) without specific reference to them, but that appears to be the result.

[Je souligne.]

[29]     Un autre groupe de mes collègues, et j'en fais partie, croit plutôt que la Cour d'appel n'a pas annulé les décisions Tignish Auto Parts, Jencan et Bayside Drive-In Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] A.C.F. no 1019 (QL), mais a plutôt voulu préciser la portée de ces décisions. Tout d'abord, à l'appui de cette interprétation, il y a les propos qu'a tenus le juge Marceau lui-même en affirmant ce qui suit aux paragraphes 3 et 4 de l'arrêt Légaré, (précité) :

3           Les principes applicables pour la solution de ces problèmes ont été abondamment discutés, encore qu'apparemment, à en juger par le nombre de litiges soulevés et les opinions exprimées, leur exposé n'ait pas toujours été pleinement compris. Pour les fins des demandes qui sont devant nous, nous voulons reprendre, en des termes qui pourront peut-être rendre plus compréhensibles nos conclusions, les principales données que ces multiples décisions passées permettent de dégager.

4           La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.[20]

[Je souligne.]

[30]     En outre, il semble que la Cour d'appel considère toujours l'affaire Jencan comme énonçant de façon appropriée le rôle que doit adopter cette Cour dans l'application de l'alinéa 5(2)i) et du paragraphe 5(3) de la Loi, puisque, dans un arrêt subséquent à Légaré, Pérusse, Valente et Massignani, soit Quigley Electric Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2003] A.C.F. no 1789 (QL), 2003 CAF 461, rendu le 28 novembre 2003, le juge Malone indique ce qui suit aux paragraphes 7 et 8 de ses motifs :

7           Il est également allégué que le juge a commis une erreur de droit en n'appliquant pas le critère juridique énoncé dans les arrêts Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national) (1999) 246 N.R. 176 (C.A.F.) et Pérusse c. Canada (2000) 261 N.R. 150 (C.A.F.). Ce critère consiste à déterminer si, compte tenu de l'ensemble de la preuve, la décision du ministre était raisonnable.

8           Plus précisément, il est allégué que le juge a limité la portée de sa fonction de contrôle lorsque, après avoir conclu que le ministre ne disposait manifestement pas de tous les faits, il a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] Cela ne veut pas dire que, à la suite de l'examen de nouveaux renseignements, je ne peux conclure que le ministre n'avait pas, après tout, toute l'information nécessaire pour exercer son mandat, comme il l'a fait, sans mon intervention. Cela veut tout simplement dire que j'ai conclu que les nouveaux facteurs, qui n'ont pas été examinés, ne sont pas pertinents.

[Je souligne.]

[31]     Or, voici comment le juge Malone conclut dans cette affaire :

10         Selon mon analyse, le juge a correctement suivi l'approche retenue par la Cour dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd. [1998] 1 C.F. 187 (C.A.), notamment que la décision résultant de l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire prévu à l'alinéa 5(3)b) ne peut être modifiée que s'il a agi de mauvaise foi, a omis de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes ou a tenu compte d'un facteur non pertinent.

[Je souligne.]

[32]     Les questions qui méritent une réponse, à mon avis, sont les suivantes : est-ce que la Cour d'appel croit que les décisions rendues par elle dans les affaires Jencan, Ferme Émile Richard et Tignish Auto Parts ont été annulées et si oui, pour quels motifs l'ont-elles été? Quels sont les principes établis par ces décisions que la Cour d'appel n'accepte plus? Ou s'agit-il plutôt d'une intention de sa part de préciser la portée de ses décisions antérieures?

[33]     Selon moi, il n'existe pas d'incompatibilité entre la position adoptée dans l'affaire QuigleyElectric Ltd. et les affaires Légaré, Pérusse, Valente et Massignani. Tout d'abord, il faut revenir au texte même de la Loi qui dispose comme suit à l'alinéa 5(2)i) et au paragraphe 5(3) :

5(2)       N'est pas un emploi assurable :

i)           l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

5(3)       Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

a)          la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

b)          l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[Je souligne.]

[34]     Est exclu des emplois assurables l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance. Lorsqu'un employeur et un employé sont liés au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi de l'impôt), ils peuvent être réputés ne pas avoir de lien de dépendance aux fins de la Loi, nonobstant les dispositions de la Loi de l'impôt, si le ministre est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. C'est donc au ministre que revient la tâche de faire cette détermination.

[35]     Le rôle dévolu à cette Cour est de procéder à une analyse en deux étapes. Elle doit d'abord vérifier si le ministre a exercé son pouvoir de façon appropriée. Comme il a été dit dans l'affaire Jencan, à laquelle se réfère le juge Malone dans QuigleyElectric, la décision résultant de l'exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire ne peut être modifiée que si le ministre a agi de mauvaise foi, a omis de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes, ou a tenu compte d'un facteur non pertinent[21]. Si une telle situation existe, la Cour peut décider que « que la conclusion dont le ministre était 'convaincu' [ne] paraît [pas] toujours raisonnable » [22] et intervenir en statuant sur l'application du paragraphe 5(3) de la Loi. Voici comment la Cour d'appel fédérale s'est exprimée dans Jencan :

31         L'arrêt que notre Cour a prononcé dans l'affaire Tignish, précitée, exige que, lorsqu'elle est saisie d'un appel interjeté d'une décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii), la Cour de l'impôt procède à une analyse à deux étapes. À la première étape, la Cour de l'impôt doit limiter son analyse au contrôle de la légalité de la décision du ministre. Ce n'est que lorsqu'elle conclut que l'un des motifs d'intervention est établi que la Cour de l'impôt peut examiner le bien-fondé de la décision du ministre. Comme nous l'expliquerons plus en détail plus loin, c'est en limitant son analyse préliminaire que la Cour de l'impôt fait preuve de retenue judiciaire envers le ministre lorsqu'elle examine en appel les décisions discrétionnaires que celui-ci rend en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii). Dans l'arrêt Tignish, notre Cour a, sous la plume du juge Desjardins, J.C.A., expliqué dans les termes suivants la compétence limitée qui est conférée à la Cour de l'impôt à cette première étape de l'analyse :

Le paragraphe 7(1) de la Loi porte que la Cour de l'impôt a le pouvoir de décider toute question de fait et de droit. La requérante, qui en appelle du règlement du ministre, a le fardeau de prouver sa cause et a le droit de soumettre de nouveaux éléments de preuve pour réfuter les faits sur lesquels s'est appuyé le ministre. Toutefois, comme la décision du ministre est discrétionnaire, l'intimé fait valoir que la compétence de la Cour de l'impôt est strictement circonscrite. Le ministre est la seule personne qui puisse établir à sa satisfaction, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rémunération versée, les modalités d'emploi et l'importance du travail accompli, que la requérante et son employée sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance. Souscrivant à l'arrêt Minister of National Revenue v. Wrights' Canadian Ropes Ltd., qui fait autorité, l'intimé prétend que, à moins que l'on établisse que le ministre n'a pas tenu compte de toutes les circonstances (comme il y est tenu aux termes du sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi), a pris en compte des facteurs dépourvus d'intérêt ou a violé un principe de droit, la Cour ne peut intervenir. En outre, la Cour a le droit d'examiner les faits qui, selon la preuve, se trouvaient devant le ministre quand il est arrivé à sa conclusion, pour décider si ces faits sont prouvés. Mais s'il y a suffisamment d'éléments pour appuyer la conclusion du ministre, la Cour n'a pas toute latitude pour l'infirmer simplement parce qu'elle serait arrivée à une conclusion différente. Toutefois, si la Cour est d'avis que les faits sont insuffisants, en droit, pour appuyer la conclusion du ministre, la décision de ce dernier ne peut tenir et la Cour est justifiée d'intervenir.

À mon avis, la position de l'intimé est correctement exposée sur le plan du droit ... [Tignish, précité, note 10, aux p. 8 et 9.].

32         Dans l'arrêt Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. Ministre du Revenu national et al., notre Cour a confirmé sa position. Dans une remarque incidente, le juge Décary, J.C.A., a déclaré ce qui suit :

Ainsi que cette Cour l'a rappelé récemment dans Tignish Auto Parts Inc. c. Ministre du Revenu national ((25 juillet 1994), A-555-93, C.A.F. inédit), l'appel devant la Cour canadienne de l'impôt, lorsqu'il s'agit de l'application du sous-alinéa 3(2)c)(ii), n'est pas un appel au sens strict de ce mot et s'apparente plutôt à une demande de contrôle judiciaire. La cour, en d'autres termes, n'a pas à se demander si la décision du Ministre est la bonne; elle doit plutôt se demander si la décision du Ministre résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire. Ce n'est que lorsque la Cour en arrive à la conclusion que le Ministre a fait un usage inapproprié de sa discrétion, que le débat devant elle se transforme en un appel « de novo » et que la Cour est habilitée à décider si, compte tenu de toutes les circonstances, un contrat de travail à peu près semblable aurait été conclu entre l'employeur et l'employé s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance [(1994), 178 N.R. 361 (C.A.F.), aux p. 362 et 363].

33         L'article 70 confère le droit d'interjeter appel devant la Cour de l'impôt de toute décision rendue par le ministre en vertu de l'article 61, y compris de toute décision rendue en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii). La compétence que possède la Cour de l'impôt de contrôler la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) est circonscrite parce que le législateur fédéral, par le libellé de cette disposition, voulait de toute évidence conférer au ministre le pouvoir discrétionnaire de rendre de telles décisions. Les mots « si le ministre du Revenu national est convaincu » que l'on trouve au sous-alinéa 3(2)c)(ii) confèrent au ministre la compétence pour exercer le pouvoir discrétionnaire administratif de rendre le type de décision visé par ce sous-alinéa. Comme il s'agit d'une décision rendue en vertu d'un pouvoir discrétionnaire, par opposition à une décision quasi-judiciaire, il s'ensuit que la Cour de l'impôt doit faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de la décision du ministre lorsque celui-ci exerce ce pouvoir. Ainsi, lorsque le juge Décary, J.C.A., déclare dans l'arrêt Ferme Émile, précité, que ce type d'appel interjeté devant la Cour de l'impôt « s'apparente plutôt à une demande de contrôle judiciaire » , il voulait simplement souligner, à mon humble avis, qu'on doit faire preuve de retenue judiciaire envers les décisions que le ministre rend en vertu de cette disposition à moins que la Cour de l'impôt ne conclue que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui est contraire à la loi.

[...]

37         Compte tenu de ce qui précède, le juge suppléant de la Cour de l'impôt n'était justifié d'intervenir dans la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) que s'il était établi que le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui était contraire à la loi. Et, comme je l'ai déjà dit, l'obligation d'exercer un pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire implique l'existence de motifs d'intervention spécifiques. La Cour de l'impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii)-en examinant le bien-fondé de cette dernière-lorsqu'il est établi, selon le cas, que le ministre: (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d'un facteur non pertinent.

[...]

41         [...] Bien qu'il incombe au prestataire, qui est la partie qui interjette appel de la décision du ministre, de faire la preuve de ce qu'il avance [Voir les arrêts Aubut c. Ministre du Revenu national (1990), 126 N.R. 381 (C.A.F.) et Borsellino et Salvo c. Ministre du Revenu national (1990), 120 N.R. 77 (C.A.F.)], notre Cour a affirmé dans les termes les plus nets que le prestataire a le droit de présenter de nouveaux éléments de preuve lors de l'audience de la Cour de l'impôt pour contester les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé [Tignish, précité, note 10, à la p. 9].

42         Ainsi, bien que la Cour de l'impôt doive faire preuve de retenue judiciaire à l'égard des décisions que le ministre rend en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii)-en limitant son analyse préliminaire à un contrôle de la légalité de la décision du ministre- cette retenue judiciaire ne s'applique pas aux conclusions de fait tirées par le ministre. En affirmant que le juge suppléant de la Cour de l'impôt n'est pas limité aux faits sur lesquels le ministre se fonde pour rendre sa décision, on ne trahit pas l'intention qu'avait le législateur fédéral en conférant un pouvoir discrétionnaire au ministre. [Voir l'arrêt Canada (Procureur général) c. Dunham, [1997] 1 C.F. 462 (C.A.), aux p. 468 et 469, le juge Marceau, J.C.A. (dans le contexte du droit d'interjeter appel devant un conseil arbitral d'une décision de la Commission de l'assurance-chômage)]. Pour évaluer la façon dont le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire, la Cour de l'impôt peut tenir compte des faits qui ont été portés à son attention au cours de l'audition de l'appel. [...]

50         Le juge suppléant de la Cour de l'impôt a toutefois commis une erreur de droit en concluant que, parce que certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé avaient été réfutées au procès, il avait automatiquement le droit de contrôler le bien-fondé de la décision du ministre. Ayant conclu que certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé avaient été réfutées au procès, le juge suppléant de la Cour de l'impôt aurait dû se demander si les autres faits qui avaient été établis au procès étaient suffisants en droit pour justifier la conclusion du ministre suivant laquelle les parties n'auraient pas conclu un contrat de louage de services à peu près semblable si elles n'avaient pas eu un lien de dépendance. S'il existe suffisamment d'éléments pour justifier la décision du ministre, il n'est pas loisible au juge suppléant de la Cour de l'impôt d'infirmer la décision du ministre du simple fait qu'une ou plusieurs des hypothèses du ministre ont été réfutées au procès et que le juge serait arrivé à une conclusion différente selon la balance des probabilités. En d'autres termes, ce n'est que lorsque la décision du ministre n'est pas raisonnablement fondée sur la preuve que l'intervention de la Cour de l'impôt est justifiée [Voir l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, aux p. 776 et 777 (le juge Iacobucci)]. Une hypothèse de fait qui est réfutée au procès peut, mais pas nécessairement, constituer un vice qui fait que la décision du ministre est contraire à la loi. Tout dépend de la force ou de la faiblesse des autres éléments de preuve. La Cour de l'impôt doit donc aller plus loin et se demander si, sans les hypothèses de fait qui ont été réfutées, il reste suffisamment d'éléments de preuve pour justifier la décision du ministre. Si la réponse à cette question est affirmative, l'enquête est close. Mais, si la réponse est négative, la décision est alors contraire à la loi et ce n'est qu'alors que la Cour de l'impôt est justifiée de procéder à sa propre appréciation de la balance des probabilités. Le juge Hugessen, J.C.A., l'a expliqué tout récemment dans l'arrêt Hébert, précité[23]. Au paragraphe 5 de ses motifs du jugement, il déclare en effet :

Dans tout appel interjeté en vertu de l'article 70, les conclusions de fait du ministre, ou ses « présuppositions » , seront énoncées en détail dans la réponse à l'avis d'appel. Si le juge de la Cour de l'impôt qui, contrairement au ministre, se trouve dans une situation privilégiée pour apprécier la crédibilité des témoins qu'elle a vus et entendus, parvient à la conclusion que certaines ou la totalité de ces présuppositions de fait étaient erronées, elle devra déterminer si le ministre pouvait légalement tirer la conclusion qu'il a tirée en se fondant sur les faits établis en preuve. C'est manifestement ce qui s'est produit en l'espèce et nous ne sommes vraiment pas en mesure de déclarer que les conclusions de fait du juge ou sa conclusion portant que la décision du ministre pouvait se justifier étaient erronées.

[Je souligne.]

[36]     Il va de soi que, si le ministre n'a pas agi de bonne foi, a omis de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes ou a tenu compte d'un facteur non pertinent, sa décision pourrait ne pas être considérée comme paraissant toujours raisonnable.

[37]     Avant de passer à l'analyse des faits, il est important de rappeler la nature des dispositions qu'il faut appliquer ici. Dans l'affaire Chrétien c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1993] A.C.I. no 750 (QL), je les ai décrites comme une mesure anti-évitement :

29         Cette disposition m'apparaît de la nature d'une mesure anti-évitement pour contrer les abus de certains qui prennent avantage de façon indue de cette Loi de portée sociale. Le législateur semble avoir présumé que les relations entre personnes ayant un lien de dépendance ne sont pas propices à l'établissement de rapports économiques raisonnables pour les fins de l'application de cette Loi. Toutefois, il a ménagé à l'administration une porte de sortie pour les cas où les contribuables agissent clairement de bonne foi. Les tribunaux ont le devoir de superviser ce pouvoir administratif pour que le ministre du Revenu National respecte les principes de justice naturelle.

[Je souligne.]

[38]     La juge Desjardins, dans l'affaire Pérusse (précitée), au paragraphe 43, ainsi que le juge Marceau, dans la même affaire, au paragraphe 29, ont tenu des propos semblables :

43         La Loi présume que les personnes ainsi liées par le sang, le mariage ou l'adoption, sont davantage susceptibles de pouvoir et de vouloir abuser de la Loi sur l'assurance-chômage. Le Parlement autorise donc le Ministre à scruter les contrats d'emploi que signent ces personnes, chose qu'il ne fait pas pour les autres demandeurs, sauf évidement [sic] s'il y a des raisons de croire qu'il y a fraude à la loi. C'est de ce fardeau de preuve additionnel dont se plaint l'appelante.

29         Je ne pense pas que des personnes unies par des liens de famille, et donc assujetties à des obligations naturelles et légales les unes envers les autres, puissent raisonnablement s'étonner ou s'offusquer de ce que le législateur sente le besoin de vérifier, dans le cadre d'un contrat de louage de services, si ces liens n'ont pas, peut-être même à leur insu, influencé les conditions de travail qu'elles ont stipulées. [...]

[Je souligne.]

[39]     Dans l'affaire Légaré (précitée), le juge Marceau ajoute ce qui suit, au paragraphe 12 :

[...] L'exclusion des emplois entre personnes liées au niveau de la Loi sur l'assurance-chômage repose évidemment sur l'idée qu'on peut difficilement se fier aux affirmations des intéressés et que la possibilité d'emplois fictifs, aux conditions farfelues, est trop présente entre personnes pouvant si facilement agir de connivence. Et l'exception de 1990 a simplement voulu diminuer la portée de la présomption de fait en acceptant d'exclure de la sanction (ce qui n'était que justice) les cas où la crainte d'abus n'avait plus raison d'être. [...]

[Je souligne.]

[40]     C'est donc en tenant compte de tous ces enseignements de la Cour d'appel fédérale, tels qu'ils ressortent des arrêts Tignish, Ferme Émile Richard, Jencan, Légaré, Pérusse, Valente, Massignani et Quigley Electric, que je vais analyser les faits de cet appel.

[41]     La première étape est de déterminer la légalité de la décision rendue par le ministre. Est-ce que la décision du ministre, après vérification des faits mis en preuve devant moi, paraît toujours raisonnable? Tout d'abord, rien dans la preuve n'indique que le ministre a agi de mauvaise foi dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[42]     Toutefois, certains des faits dont il a tenu compte comme pertinents ne sont pas réels. Il est utile de rappeler les propos de l'agent des appels dans son analyse des faits considérés comme pertinents aux fins de l'application du paragraphe 5(3) de la Loi. Selon lui, le travail de monsieur Bélanger devait être rémunéré selon le taux du décret de la construction, soit environ 23 $ de l'heure. Or, la preuve établit clairement que les dispositions de la Loi de la construction n'étaient pas applicables à la totalité ou presque des travaux exécutés par le payeur. En fait, la preuve révèle que les entreprises exerçant leurs activités dans le domaine de la construction fonctionnent sous deux régimes contractuels fort différents. Tout d'abord, lorsque les travaux sont exécutés dans des maisons unifamiliales habitées, les dispositions du décret n'y sont pas applicables. (Voir le paragraphe 19(9) de la Loi de la construction.) Madame Labbé a indiqué dans son témoignage que 90 % ou 95 % des travaux exécutés par le payeur étaient « hors décret » . Par conséquent, dans la totalité des cas, ou presque, l'employeur n'était pas tenu de verser une rémunération de 23 $ de l'heure pour les services de monsieur Bélanger. L'analyse qu'a faite l'agent des appels relativement à la rétribution reçue par monsieur Bélanger est donc mal fondée. Par contre, cela ne signifie pas nécessairement que l'agent des appels a eu tort de conclure que cette rémunération était inférieure à celle qu'un étranger aurait acceptée. J'y reviendrai plus loin.

[43]     En ce qui a trait aux modalités d'emploi, l'agent des appels a conclu de la façon suivante :

L'appelant est rémunéré pour 40 heures de travail par semaine. Les deux parties interrogées confirment que le nombre d'heures travaillées peut facilement atteindre 60 durant la période estivale. Cependant, l'appelant reçoit toujours une rémunération basée sur 40 heures par semaine. Nous ne croyons pas qu'un étranger aurait accepté de telles conditions. Seul le lien de dépendance père-fils crée cette situation.

D'autre part, l'appelant nous a indiqué qu'il existait une entente écrite entre lui et son fils, par laquelle le payeur s'engageait à le réembaucher, plutôt qu'un étranger, chaque année, tant que l'appelant sera capable de travailler. Cette clause d'exclusivité a été faite uniquement en raison du lien de dépendance et nous croyons que le payeur n'aurait pas conclu un tel arrangement avec un pur étranger.

[44]     Je vais d'abord traiter du deuxième paragraphe. Contrairement à ce qui a été indiqué par l'agent des appels, il n'existait pas d'entente écrite entre monsieur Bélanger et son fils, vraisemblablement agissant au nom du payeur, par laquelle le payeur s'engageait à réembaucher monsieur Bélanger plutôt que d'embaucher un étranger. Madame Labbé a indiqué qu'elle ignorait l'existence d'une telle entente. Quant à monsieur Bélanger, il a dit qu'elle n'existait pas et que cette obligation de l'engager n'était qu'une obligation morale pour le payeur. Qu'un employeur veuille réengager un employé qui lui fournit un travail bien fait n'a rien d'inhabituel. Au contraire, je suis convaincu que tout employeur traitant avec des employés avec lesquels il n'a pas de lien de dépendance adopterait cette façon de faire. En outre, selon toute vraisemblance, l'obligation du payeur en l'espèce relèverait davantage de l'entente de décembre 1994 qui a vu Louis-Paul Bélanger céder le contrôle du payeur à son fils et à son ex-femme. Il serait normal que Louis-Paul Bélanger eût au moins exprimé ses attentes quant à son emploi auprès du payeur après un tel changement de contrôle.

[45]     Ce qui pourrait constituer une situation totalement différente, ce serait si un employeur continuait à engager un employé, alors que cet employé faisait du mauvais travail ou qu'il ne respectait pas les consignes de l'employeur, notamment en ne suivant pas l'horaire établi par l'employeur. Accepter de retenir les services d'un tel employé, alors que d'autres personnes sont disponibles pour effectuer le travail, pourrait certainement constituer un facteur pertinent aux fins de l'analyse à faire en vertu du paragraphe 5(3) de la Loi. Or, il n'a pas du tout été prouvé ici que monsieur Bélanger ne fournissait pas au payeur un travail adéquat. Par conséquent, il s'agit soit d'un fait non pertinent ou d'un fait qui n'est pas avéré.

[46]     Par contre, quant au premier paragraphe, celui traitant de la rémunération à la semaine de monsieur Bélanger, je crois qu'il s'agit là d'un fait réel qui constitue, à mon avis, un facteur pertinent dont pouvait, et devait, tenir compte le ministre dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[47]     Je crois que cette modalité constitue un élément tout à fait pertinent dans la détermination s'il s'agit d'un contrat de travail qui mérite d'être considéré comme créant un emploi assurable ou si, au contraire, ce contrat de travail crée un emploi qui entre dans la catégorie des emplois pouvant donner ouverture à des abus, abus que vise à contrer l'exclusion énoncée à l'alinéa 5(2)i) de la Loi. S'agit-il ici d'un cas où les parties au contrat auraient pu facilement agir de connivence, pour utiliser les mots du juge Marceau, ou, pour utiliser ceux de la juge Desjardins, s'agit-il d'un cas où les parties auraient pu vouloir abuser de la Loi? En adoptant une rémunération forfaitaire de 520 $ par semaine, sans tenir compte des heures réellement travaillées, il devient quasi impossible de s'assurer que la rémunération versée par l'employeur à son employé est raisonnable. Par exemple, verser 16 $ de l'heure pour 40 heures représente une rémunération hebdomadaire de 640 $. Par contre, si le même montant de 640 $ est versé à quelqu'un qui n'en travaille que 20 heures, le taux horaire devient 32 $.

[48]     Évidemment, le fait de rémunérer un employé à la semaine plutôt qu'à l'heure n'est pas en soi un motif pour conclure à l'exclusion d'un emploi des emplois assurables. Il faut tenir compte de la nature du travail qui est fourni et des pratiques existant sur le marché du travail pour ce type de travail. Par exemple, les employés exerçant certaines fonctions sont généralement rémunérés à la semaine. C'est notamment le cas de gestionnaires qui doivent travailler et se préoccuper de questions de gestion en dehors des heures normales de travail, soit le soir et souvent durant les fins de semaine. Dans le cas des travailleurs manuels, la pratique courante consiste le plus souvent à les rémunérer selon un taux horaire. Ainsi, un employeur n'aura à rémunérer que les heures réellement fournies et l'employé, quant à lui, aura droit à être rémunéré pour chacune des heures supplémentaires qu'il aura travaillées.

[49]     Ces considérations le ministre, lorsqu'il analyse les conditions d'emploi d'un employé, doit les prendre en compte en se demandant si une personne n'ayant aucun lien de dépendance avec l'employeur aurait conclu un contrat à peu près semblable. Si cet employé exerce des fonctions administratives, on pourra trouver comme point de comparaison des emplois de nature semblable.

[50]     En ce qui a trait au travail de sablage dont il s'agit ici, tant monsieur Bélanger que monsieur Légaré ont été incapables d'indiquer au tribunal qu'il existait des emplois semblables à celui de monsieur Bélanger qui étaient rémunérés à la semaine. Par contre, me fondant sur l'expérience acquise dans l'audition d'appels interjetés en vertu de la Loi, je peux constater qu'on retrouve souvent des travailleurs manuels qui sont rémunérés à la semaine lorsque ces travailleurs sont liés à l'entreprise familiale. Or, il s'agit bien évidemment là d'un arrangement qui ne peut être considéré comme un point de comparaison valable, puisqu'il ne s'agit pas de conditions « propices à l'établissement de rapports économiques raisonnables pour les fins de l'application de [la] Loi » et qu'il y a dans ces circonstances « crainte d'abus » justifiée. Je ne veux pas dire qu'il ne faut jamais utiliser une entreprise familiale comme point de comparaison. Toutefois, les employés d'une telle entreprise devront être des personnes qui n'ont pas de lien de dépendance avec cette entreprise.

[51]     Ici, je n'ai pas d'hésitation à conclure qu'un travailleur n'ayant aucun lien de dépendance avec l'employeur n'aurait pas été engagé à la semaine, c'est-à-dire selon un taux forfaitaire de rémunération hebdomadaire, peu importe le nombre d'heures qu'il fournissait. C'est généralement lorsqu'il s'agit d'une entreprise familiale qu'on trouvera ce genre d'arrangement, soit celui-là même qui est propice à des abus.

[52]     Rappelons les faits mis en preuve. Monsieur Bélanger était rémunéré à la semaine, recevant la somme de 520 $ peu importe le nombre d'heures qu'il travaillait durant la semaine. L'avocat de monsieur Bélanger a admis, au début du procès, que l'appelant pouvait travailler 65 heures par semaine mais qu'il acceptait une rémunération pour 40 heures seulement (alinéa 5m) de la Réponse à l'avis d'appel). Il est important de souligner ici que monsieur Bélanger ne comptait pas ses heures, que, selon madame Labbé, il était rare que ses heures dépassent 40 par semaine et qu'il n'a fourni que du travail manuel. Aucune de ses tâches n'était reliée à la gestion de l'entreprise du payeur. Toutes les tâches administratives étaient exécutées par son fils Carl Bélanger. J'ai demandé à monsieur Bélanger s'il connaissait des entreprises qui rémunéraient des sableurs à la semaine plutôt qu'à l'heure. Il a répondu qu'il n'en connaissait aucune. J'ai posé la même question à monsieur Légaré et il m'a donné la même réponse. Ce dernier a de plus mentionné que tous ses sableurs étaient rémunérés à l'heure, y compris monsieur Bélanger depuis que ce dernier travaillait pour lui.

[53]     L'agent des appels a aussi considéré la durée du travail. Voici ce qu'il disait à ce sujet dans son rapport :

Durée du travail

Le payeur et l'appelant admettent la prestation de services par ce dernier en dehors des périodes inscrites sur les relevés d'emploi. L'appelant insiste pour minimiser ces tâches qu'il évalue à un maximum de 2 heures par semaine seulement. Quant au payeur, il a déjà admis que des services bénévoles ont été rendus dans environ 50% à 75% des contrats effectués hors des relevés d'emploi.

Selon l'analyse des chiffres d'affaires mensuelles du payeur, nous constatons que les revenus du payeur, pour les mois d'avril 1998, mars, avril et novembre 1999 (périodes non inscrites sur les relevés d'emploi) sont similaires à d'autres périodes où l'appelant était à l'emploi.

Donc, nous sommes en droit de nous demander comment le payeur pouvait se passer des services de l'appelant, alors qu'il l'engageait pour 40 heures par semaine, pour un chiffre d'affaires semblable. Ceci confirme que l'appelant effectuait plus que 2 heures par semaine, en dehors de ses périodes de relevés d'emploi.

[54]     Sur la question de la durée du travail, la preuve faite au cours de l'audience est contradictoire. Tout d'abord, monsieur Bélanger soutient que les heures qu'il a travaillées bénévolement durant la période non rémunérée d'octobre 1999 à janvier 2000 ne dépassaient pas deux ou trois par semaine. Lorsque l'agent des appels a étudié son dossier, il s'est fondé sur la déclaration statutaire faite par Carl Bélanger, le président du payeur, qui a indiqué à la Commission que son père avait travaillé sans rémunération durant cette période et que : « c'est parce [qu'il] voulai[t] pas lui causer des problèmes avec l'assurance emploi » qu'il n'avait pas déclaré auparavant le travail effectué par monsieur Bélanger pour le payeur.

[55]     Par contre, je crois que l'agent des appels s'est mépris, dans son témoignage, sur la portée de la déclaration de monsieur Carl Bélanger. Je ne crois pas que le passage cité plus haut tiré de cette déclaration indique que monsieur Louis-Paul Bélanger travaillait dans environ 50 % à 75 % des contrats effectués durant les périodes non rémunérées. Je crois plutôt qu'il faut l'interpréter littéralement : tout ce que monsieur Carl Bélanger indique c'est le degré de participation de son père dans l'exécution d'un contrat donné. Pour certains des contrats, le travail fourni par Louis-Paul Bélanger représentait 75 %, puisqu'il faisait le sablage et appliquait une première couche de vernis, alors que pour d'autres contrats, la contribution de monsieur Bélanger ne s'élevait qu'à 50 %, c'est-à-dire qu'il faisait un peu de sablage ou apportait du matériel. Or, la déclaration de Carl est imprécise sur le nombre de contrats pour lesquels la participation de son père, durant sa période non rémunérée d'octobre 1999 à janvier 2000, était de 75 % et sur le nombre de ceux pour lesquels elle correspondait à 50 %. Il aurait certainement été très utile, à l'audience, de pouvoir compter sur le témoignage de Carl. Ce dernier n'était pas présent en raison d'un emploi en Alberta. Par contre, il indique dans sa déclaration statutaire à la Commission qu'il n'y avait que huit contrats auxquels monsieur Bélanger n'avait pas participé. Cela laisse entendre que monsieur Bélanger a effectué 75 % ou 50 % du travail pour les autres contrats. La preuve a révélé qu'au moins 25 contrats du payeur ont été facturés durant la période non rémunérée d'octobre 1999 à janvier 2000. Si 25 est le bon chiffre, Louis-Paul Bélanger aurait participé aux deux tiers de ces contrats, soit 17 ; sa participation à une partie de ces 17 contrats aurait été de 75 % et aux autres, de 50 %. Si cette version des faits de monsieur Carl Bélanger est la bonne, et je le crois, cela laisserait entendre que monsieur Bélanger a travaillé beaucoup plus que les deux ou trois heures qu'il est prêt à reconnaître.

[56]     Lors de sa contre-preuve, monsieur Bélanger a été questionné par son procureur sur chacune des 25 factures et il les a commentées. Monsieur Bélanger a nié avoir travaillé dans le cas de 10 des contrats correspondant à ces 25 factures, ce qui représente 40 %. Il dit avoir travaillé moins de deux heures dans le cas de six des contrats, ce qui représente 24 %. Si on ajoute à ces derniers contrats ceux, également visés par des factures, à l'égard desquels monsieur Bélanger n'a aucun souvenir, on arrive à un total de 60 %, ce qui n'est pas loin des deux tiers révélés par la déclaration sous serment de Carl.

[57]     Deux autres faits soulèvent de sérieux doutes quant à la véracité du nombre d'heures que Louis-Paul Bélanger prétend avoir travaillé durant la basse saison. Il y a tout d'abord le fait qu'il existe un chiffre d'affaires assez important durant les périodes non rémunérées. Même si on soustrait des chiffres de 9 325 $ pour le mois d'octobre 1999 et de 13 595 $ pour le mois de novembre 1999 les montants représentant les travaux exécutés par des sous-traitants, on arrive aux résultats suivants : 8 347 $ pour le mois d'octobre 1999 et 13 195 $ pour le mois de novembre, alors que le chiffre est de 277 $ pour le mois de décembre 1999. Ainsi ajustés, les chiffres d'octobre et de novembre se comparent avantageusement aux données relatives à la haute saison. Par exemple, le chiffre du mois de novembre 1999, soit 13 195 $, est plus élevé que le chiffre pour les mois d'août (12 947 $) et de septembre 1999 (8 970 $) et celui d'août (8 516 $) et de septembre (10 377 $) de l'année 1998 et presque aussi élevé que le chiffre du mois de mai 1998 (13 896 $). De plus, comment expliquer que monsieur Bélanger ne travaille pas pour le payeur en mars 1999, alors que le chiffre d'affaires est de 11 786 $, soit un chiffre supérieur à celui des mois d'avril et de septembre 1999? Ce chiffre est plus élevé aussi que celui des mois d'avril, d'août et de septembre 1998.

[58]     Rappelons que la deuxième période pertinente de Louis-Paul Bélanger s'est terminée le 9 octobre 1999. Le motif de « manque de travail » avancé pour justifier la cessation de l'emploi ne fait pas sérieux! Il y avait, comparativement aux autres mois, beaucoup de travail en novembre 1999 et il est plausible que Louis-Paul Bélanger a travaillé beaucoup plus qu'il n'est prêt à le reconnaître. Finalement, monsieur Bélanger aurait pu demander aux clients du payeur de venir témoigner pour confirmer qu'il n'avait consacré qu'une heure environ à l'exécution des contrats chez ces personnes.

[59]     En résumé, la preuve présentée lors de l'audience est contradictoire. D'un côté, Carl indique dans une déclaration statutaire que le nombre de contrats auxquels son père n'a pas participé durant la période non rémunérée d'octobre 1999 à janvier 2000 se limite à huit. Ceci signifie qu'il était impliqué dans au moins les deux tiers des contrats durant cette période. Compte tenu du chiffre d'affaires du payeur durant le mois d'octobre, et plus particulièrement novembre, il est difficile de croire que monsieur Bélanger n'aurait pas été engagé pour ces deux mois pour rendre des services à l'entreprise. En outre, étant donné qu'il n'y a pas de corroboration par témoins indépendants, notamment les clients eux-mêmes, je ne suis pas prêt à accepter le témoignage de monsieur Bélanger à cet égard. Selon la prépondérance des probabilités, je crois plutôt que monsieur Bélanger a travaillé beaucoup plus que les trois heures par semaine qu'il est prêt à reconnaître pour la période non rémunérée en question.

[60]     Dans ces circonstances, je crois que le ministre pouvait tenir compte de ce fait dans l'appréciation des conditions et des modalités du contrat de travail de monsieur Bélanger. Comme nous l'enseigne la décision rendue dans l'affaire Jencan par la Cour d'appel fédérale, même si certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé ont été réfutées au procès, cette Cour n'a pas automatiquement le droit de contrôler le bien-fondé de la décision du ministre. Il faut d'abord se demander si les autres faits qui ont été établis au procès sont suffisants en droit pour justifier la conclusion du ministre suivant laquelle les parties n'auraient pas conclu un contrat de louage de services à peu près semblable si elles n'avaient pas eu de lien de dépendance. S'il existe suffisamment d'éléments pour justifier la décision du ministre, il n'est pas loisible à un juge de cette Cour d'infirmer cette décision du simple fait « qu'une ou plusieurs des hypothèses [de fait] du ministre ont été réfutées au procès et que le juge serait arrivé à une conclusion différente selon la balance des probabilités » .

[61]     Non seulement je crois que les faits qui ont été établis en preuve devant moi sont suffisants pour me permettre de conclure que la décision du ministre paraît toujours raisonnable, mais, si j'avais eu moi-même à statuer sur l'application du paragraphe 5(3) de la Loi, j'aurais conclu que monsieur Bélanger n'aurait pas conclu un contrat de travail à peu près semblable avec le payeur s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre lui et le payeur. À mon avis, deux facteurs importants militent en faveur de cette conclusion. Tout d'abord, je ne crois pas qu'un employeur exploitant une entreprise dans le domaine du sablage de planchers aurait engagé un sableur à la semaine, sans tenir compte des heures de travail réellement fournies; je crois plutôt qu'il l'aurait engagé sur la base d'un salaire horaire. Un employeur n'ayant aucun lien de dépendance avec un tel travailleur aurait insisté pour que celui-ci soit rémunéré en fonction des heures réellement travaillées au bénéfice de l'entreprise et il aurait contrôlé le nombre des heures travaillées. De plus, un employé n'ayant aucun lien de dépendance avec un employeur aurait insisté pour être rémunéré pour chacune des heures supplémentaires qu'il travaillait au bénéfice de son employeur ou aurait insisté pour obtenir au moins des heures en échange.

[62]     Ensuite, je crois que la rémunération versée par le payeur était en deçà du salaire qu'un salarié n'ayant aucun lien de dépendance aurait accepté pour travailler au bénéfice du payeur. Il semble qu'un employé possédant l'expérience de monsieur Bélanger, qui n'avait aucun lien de dépendance avec le payeur, aurait obtenu un salaire de 16 $ ou 17 $ de l'heure. Les éléments à l'appui de cette conclusion sont les suivants. Tout d'abord, monsieur Bélanger lui-même indique dans sa demande de prestations de chômage qu'il est à la recherche d'un travail comme sableur de planchers et que le salaire de base minimum acceptable est de 17 $. Je ne crois pas que monsieur Bélanger aurait inscrit comme salaire horaire un montant déraisonnable, ce qui aurait indiqué que cela ne l'intéressait pas de se trouver un emploi pendant la période de chômage.

[63]     Un deuxième élément à l'appui de cette conclusion est le fait que monsieur Jean-Yves Légaré versait durant les périodes pertinentes un salaire horaire de 16 $ à monsieur Trépanier, qui était un sableur possédant une vingtaine d'années d'expérience. Il est vrai que, strictement parlant, monsieur Trépanier était une personne liée à monsieur Légaré puisque ce dernier était son beau-frère. Par contre, il faut bien reconnaître que le lien de parenté existant entre lui et monsieur Trépanier n'est pas le même que celui existant entre deux conjoints ou entre un père et une mère et ses enfants. De toute façon, il faut ajouter que monsieur Légaré a continué à verser le même salaire de 16 $ à monsieur Trépanier en 2003 lorsque monsieur Bélanger a commencé à travailler pour lui. De plus - faut-il le préciser? - monsieur Bélanger et monsieur Légaré n'étaient pas des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt, puisqu'ils n'étaient qu'oncle et neveu. Par conséquent, il est raisonnable de conclure que le salaire de 16 $ de l'heure versé par monsieur Légaré pour des travaux hors décret constitue un indice fiable et probant du salaire dont des personnes sans lien de dépendance auraient convenu.

[64]     Or, le salaire versé par le payeur à monsieur Bélanger s'élevait à 13 $ de l'heure. Comme l'a reconnu monsieur Bélanger, ce salaire horaire de 13 $ comprenait l'indemnité de congé. Par conséquent, le véritable salaire horaire était de 12,50 $.      Par contre, comme le salaire versé par monsieur Légaré à monsieur Trépanier était probablement un salaire qui comprenait l'indemnité de congé, il faut comparer le salaire de 13 $ à celui de 16 $. Quant au salaire de 17 $ indiqué par monsieur Bélanger dans sa demande de prestations de chômage, il n'est pas clair si ce montant comprenait le 4 % de l'indemnité de congé. Si l'on compare le chiffre de 13 $ à celui de 17 $, il y a un écart de 4 $ qui représente une différence de 23,5 %. Si l'on retient plutôt 3 $, soit la différence entre 16 $ et 13 $, l'écart est quand même de tout près de 19 %. Il s'agit là d'écarts suffisamment importants pour justifier la décision du ministre.

[65]     À mon avis, l'analyse ne devrait pas s'arrêter là. Il faudrait de plus considérer le fait que monsieur Bélanger a travaillé sans aucune rémunération durant les périodes non rémunérées. Louis-Paul Bélanger a décrit le travail qu'il a effectué au bénéfice du payeur comme du bénévolat, puisqu'il aurait travaillé sans rémunération. Évidemment, il s'agit là d'une interprétation possible. Toutefois, à mon avis, une interprétation plus juste et plus appropriée des faits ici est de considérer le travail fourni par monsieur Bélanger durant les périodes non rémunérées comme faisant partie du travail qui était rémunéré aux termes du contrat de travail. Un contrat de travail est décrit à l'article 2085 du Code civil du Québec comme suit :

2085     Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

[Je souligne.]

[66]     Bien des variantes sont possibles dans l'établissement des modalités d'un contrat de travail, notamment celles relatives à la rémunération. Par exemple, rien n'empêche un salarié de convenir avec son employeur que son salaire lui sera versé six mois plus tard. C'est d'ailleurs ce que madame Labbé prétend qu'il s'est passé dans son cas en 1999, lorsque son salaire lui aurait été versé en un seul paiement à la fin de l'année. Beaucoup de propriétaires d'entreprise ne se versent un salaire qu'à la fin de l'année. De même, rien n'empêche un salarié de convenir avec son employeur de recevoir une rémunération par anticipation. Cela se produit avec les vendeurs à commission. Ces derniers reçoivent souvent, comme avance, un salaire dont le montant sera déduit de la commission déterminée à la fin de l'année. Enfin, rien n'empêche un salarié de convenir de travailler pendant 12 mois et de demander à son employeur de lui verser 100 % de sa rémunération annuelle au cours des six premiers mois de l'année, comme cela peut être considéré comme s'étant passé ici[24].

[67]     À mon avis, il est plus raisonnable de conclure que le travail effectué par Louis-Paul Bélanger au cours des périodes non rémunérées ne constitue pas du bénévolat mais représente plutôt une prestation de services faite en vertu de son contrat de travail. Sa rémunération lui a été entièrement versée durant la haute saison. Par conséquent, il m'apparaît plus raisonnable de tenir compte de toutes les heures travaillées par monsieur Bélanger pour déterminer quel était son véritable salaire converti à un taux horaire. En 1999, monsieur Bélanger a travaillé pendant 24 semaines; cela veut dire qu'il aurait travaillé durant la haute saison pendant 960 heures. Si l'on présume qu'il a travaillé 15 heures par semaine (soit environ le tiers d'une semaine normale de 40 heures)[25] durant 23 semaines additionnelles[26], monsieur Bélanger aurait donc travaillé 345 heures de plus, soit un nombre total de 1 305 (960 + 345) heures pour l'année 1999. Comme il a reçu 12 480 $ (13 $ x 960 heures), cela représenterait un taux horaire effectif de 9,56 $, soit un écart de 40,25 % ((16 - 9,56)/16) par rapport au taux horaire de 16 $.

[68]     Même s'il fallait retenir le témoignage de monsieur Bélanger selon lequel il n'a pas travaillé plus de trois heures par semaine durant la période non rémunérée d'octobre 1999 à janvier 2000, cela représenterait 69 heures supplémentaires pour cette période non rémunérée, ce qui donnerait un total de 1 029 heures pour l'année. Donc la rémunération de 12 480 $ pour l'année pour 1 029 heures représenterait un taux horaire de 12,13 $, soit un écart de 24,2 % ((16 - 12,13)/16) par rapport au taux horaire de 16 $. Qu'il s'agisse de 9,56 $ ou de 12,13 $, le salaire horaire effectif représente un montant substantiellement inférieur au taux de 16 $ ou de 17 $ mentionné comme un salaire raisonnable pour des personnes sans lien de dépendance avec l'employeur qui négocieraient un contrat de travail.

[69]     Par conséquent, je crois qu'un employeur et un employé n'ayant aucun lien de dépendance n'auraient pas convenu d'un salaire horaire variant entre 9,56 $ et 12,13 $. Ils auraient plutôt convenu d'un salaire horaire d'au moins 16 $, soit celui versé par monsieur Légaré à monsieur Bélanger en 2003 et à monsieur Trépanier durant les périodes pertinentes.

[70]     Dans sa plaidoirie écrite, le procureur de monsieur Bélanger a cité les passages suivants tirés de la décision Théberge c. Canada, [2002] A.C.F. no 464 (QL), 2002 CAF 123, de la Cour d'appel fédérale et quelques décisions de notre Cour qui ont suivi l'approche adoptée dans Théberge. Voici les passages tirés de Théberge qu'il a cités :

19         [...] Aux fins, toutefois, de l'application de l'exclusion prévue à l'alinéa 3(2)c) de la Loi, ce que fait le prestataire en dehors de sa période d'emploi sera de peu de pertinence lorsqu'il n'est pas allégué, comme en l'espèce, que le salaire versé pendant la période d'emploi tenait compte du travail accompli en dehors de cette période, que le demandeur avait inclus dans les heures consacrées à son emploi assurable des heures de travail qu'il avait effectuées en dehors de la période ou encore que du travail accompli en dehors de sa période d'emploi avait été inclus dans le travail accompli pendant sa période d'emploi. Il me paraît aller de soi, ce que confirme la preuve, que dans le cas d'entreprises familiales consacrées à du travail saisonnier, le peu de travail qu'il reste à faire en dehors de la période active est généralement fait, sans rémunération, par les membres de la famille. Exclure un emploi saisonnier, dans une entreprise familiale agricole, au motif que la traite des vaches continue à l'année, c'est à toutes fins utiles priver d'assurance-chômage les membres de la famille qui se qualifient en travaillant pendant la période active et c'est ignorer les deux caractéristiques principales d'une telle entreprise, soit son caractère familial et son caractère saisonnier.

20         [...] Il est par ailleurs acquis que le travail véritablement bénévole n'affecte pas l'état de chômage d'un prestataire [...]

21         Revenant au cas sous étude, le fait que le demandeur ait travaillé sans rémunération de dix à quinze heures chaque semaine en dehors de la saison active et pendant qu'il recevait des prestations indique peut-être qu'il n'aurait point effectué ce travail non rémunéré s'il n'avait pas été le fils de son employeur.    Ce n'est toutefois pas là le travail qui nous intéresse et le juge a erré en en tenant compte en l'absence de toute indication que l'emploi assurable en litige était sujet à des modalités spéciales attribuables à la prestation de services en dehors de la période d'emploi.

[71]     À mon avis, l'affaire Théberge devrait être considérée comme un cas d'espèce. De plus, il faut mentionner que, dans cette affaire, on avait considéré que le travail fourni par l'appelant constituait du travail bénévole. Ici, le travail fourni par monsieur Bélanger n'était pas du travail bénévole. En outre, l'approche adoptée dans Théberge, qui date du 28 mars 2002, n'a pas été suivie dans l'arrêt plus récent Denis c. Canada, [2004] A.C.F. no 400 (QL), de la Cour d'appel fédérale. Dans ses motifs, rendus oralement, le juge en chef Richard mentionne les conclusions de fait que le juge de première instance avait tirées, dont la suivante :

12 [...]

[34]       Tel qu'en fait foi la preuve documentaire, l'appelante complétait manuellement, à l'année longue, la tenue de livres; elle a donc travaillé bénévolement pour le payeur hors des périodes en litige. L'appelante a également fait des courses pour le payeur, hors des périodes en litige, sans être rémunérée.

[72]     Or, la Cour d'appel fédérale a conclu que le juge, au terme de son enquête, n'avait pas erré en concluant que la détermination du ministre était raisonnable. Il n'est pas mentionné dans cette affaire que le juge de première instance avait erré en tenant compte du travail effectué bénévolement en confirmant la décision du ministre.

[73]     Je ne crois pas que cette approche soit inéquitable pour les travailleurs dans des entreprises familiales, qu'elles soient agricoles ou autres; je ne crois pas non plus qu'elle prive de tels travailleurs du régime de protection fourni par l'assurance-emploi. En effet, tel que l'a mentionné l'enquêteur de DRH, les prestataires d'assurance-emploi ont le droit de gagner jusqu'à 25 % du montant de leurs prestations d'assurance-emploi sans aucune diminution de ce montant[27]. Cela permet donc à des membres d'une famille de travailler dans une entreprise familiale qui, durant la basse saison, ne requiert pas autant de travail que durant la haute saison. Il n'est donc pas nécessaire de tricher, comme on l'a fait ici. Évidemment, si on gagne plus de 25 % du montant de ses prestations d'assurance-emploi, celles-ci seront réduites, mais pas nécessairement éliminées; c'est ce que la Loi édicte. Si ce résultat est inéquitable, c'est au législateur que revient la tâche de corriger la situation. Le rôle des tribunaux n'est pas de modifier la Loi mais de s'assurer qu'elle a été appliquée.

[74]     À mon avis, ne pas tenir compte du fait qu'un employé travaille sans rémunération pour le même employeur constitue une invitation flagrante à l'abus. Une belle illustration se trouve dans la décision que j'ai rendue dans l'affaire Massignani ([2004] A.C.I. no 127 (QL), 2004 CCI 75). Dans cette affaire, les membres de la famille n'avaient pas été les seuls à abuser de la Loi. Des employés n'ayant aucun lien de dépendance avec l'employeur avaient été incités à participer au stratagème mis en place. Ne pas tenir compte des heures travaillées sans rémunération permettrait essentiellement que des employés soient en quelque sorte rémunérés au moyen de l'assurance-emploi pendant qu'ils travaillent pour leur employeur. Tel n'est certainement pas le but poursuivi par le législateur dans le cas du régime d'assurance-emploi.

[75]     Il existe une façon simple pour des membres d'une famille de travailler dans une entreprise familiale tout en ayant droit à la protection qu'accorde le régime établi par la Loi. Tout ce qui doit être fait est d'adopter des modalités d'emploi qu'une personne étrangère aurait acceptées dans les circonstances. Ici, si monsieur Bélanger avait été rémunéré au taux de 16 $ de l'heure pour les heures réellement travaillées et non à la semaine sans contrôle des heures, il aurait occupé un emploi assurable. Il aurait pu travailler et être rémunéré durant ses périodes non rémunérées et gagner ainsi jusqu'à 25 % du montant des prestations d'assurance-emploi sans que cela ait d'incidence sur ce montant. Il aurait donc été possible pour lui de travailler pour le payeur en toute légalité alors qu'il recevait des prestations d'assurance-emploi. Lorsqu'on a interrogé monsieur Bélanger et son fils Carl au sujet du travail non rémunéré, tous les deux ont menti en indiquant que Louis-Paul Bélanger n'avait pas fourni de travail en dehors des périodes pertinentes. S'ils n'avaient pas voulu abuser du système, ils auraient répondu franchement à l'enquêteur. Par conséquent, je ne vois rien d'injuste à conclure que monsieur Bélanger n'occupait pas durant les périodes pertinentes un emploi assurable.

[76]     Pour tous ces motifs, la « conclusion dont le ministre était ' convaincu' paraît toujours raisonnable » (pour utiliser les mots de la Cour d'appel fédérale dans les décisions Légaré, Pérusse et Massignani); elle « résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire » (pour utiliser les mots de la même cour dans Ferme Émile Richard et Fils Inc.); et il y avait « suffisamment d'éléments pour appuyer la conclusion du ministre » (pour utiliser les mots employés, par la Cour d'appel fédérale encore une fois, dans Jencan et Tignish Auto Parts).

[77]     L'appel de monsieur Bélanger doit donc être rejeté et la décision du ministre confirmée.

Signé à Toronto, Ontario, ce 11e jour de janvier 2005.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :

2005CCI36

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-640(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Louis-Paul Bélanger et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

les 1er et 3 juin 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :

le 11 janvier 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Marc-André Gravel

Avocate de l'intimée :

Me Agathe Cavanagh

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Marc-André Gravel

Étude :

Gravel Bédard Vaillancourt

Ste-Foy (Québec)

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Dossier A-516-02, décision en date du 26 novembre 2003.

[2]           Les parties ont convenu qu'il fallait modifier le paragraphe 5d) en remplaçant « le » par « l'ancien » avant le mot « conjoint » .

[3]           Les parties conviennent que l'entreprise ne faisait pas d'installation de planchers. Par contre, la preuve révèle que le payeur a donné en sous-traitance des travaux d'installation de plancher.

[4]           La preuve a révélé que la fille de Louis-Paul Bélanger a également travaillé pour le payeur.

[5]           Les parties conviennent que la rémunération versée en 1998 s'élevait à 520 $ et que, par conséquent, le taux horaire était de 13 $ pour cette année-là.

[6]           La basse saison correspond au reste de l'année.

[7]           Ce salaire de 16 $ ne constituait pas une condition de vente exigée par le payeur.

[8]           Madame Labbé a vécu en couple avec monsieur Bélanger de 1960 à 1992. Ils ont divorcé en mai 1999.

[9]           Le salaire s'élève à environ 528 $ pour sept des semaines comprises dans cette période.

[10]          Le fait que le payeur versait un salaire à son ancienne épouse, la mère de Carl, pourrait aussi expliquer que la société n'ait pas eu les ressources nécessaires pour payer un salaire de 16 $ de l'heure comme l'a fait monsieur Légaré. Une analyse des états financiers du payeur pour l'exercice terminée le 31 mai 1999 indique un déficit de 28 981 $ au bilan. L'état des résultats et du déficit pour le même exercice financier révèle une perte de 4 484 $ (avant impôts) pour 1998, alors que, pour 1999, il y a un bénéfice (avant impôts) qui s'élève à 5 965 $. Le payeur a été financé au moyen de prêts consentis par les administrateurs et d'un prêt de monsieur Bélanger lui-même, à l'égard desquels restait à rembourser les sommes de 21 549 $ et de 7 287 $ respectivement au 31 mai 1999. Pour l'exercice précédent, le montant dû à monsieur Bélanger était de 12 539 $. De plus, ajoutons finalement que le chiffre d'affaires du payeur n'était pas très élevé; en 1998, il s'élève à 100 397 $, et en 1999, à 120 714 $. Selon le témoignage de monsieur Bélanger, certains des travaux exécutés par le payeur étaient sous-traités, à savoir notamment l'installation de planchers. Si une partie du chiffre d'affaires représente du travail sous-traité, il s'ensuit que la rémunération reçue par le payeur pour ses services de sablage représente un montant relativement modeste. Le payeur pouvait-il alors employer trois ou quatre personnes, soit le père, le fils, la fille et la mère?

[11]          Pour les factures de fournisseurs, voir la pièce I-3. De plus, pour la confirmation de la présence de monsieur Bélanger lors de travaux exécutés durant la période non rémunérée d'octobre 1999 à janvier 2000, voir la pièce I-6.

[12]        Le procureur de monsieur Bélanger a expliqué l'absence de Carl Bélanger de l'audience par son travail en Alberta.

[13]          Dans son témoignage, monsieur Nadeau a indiqué qu'un prestataire avait le droit de gagner 25 % du montant des prestations d'assurance-emploi qu'il recevait sans que cela compromette le droit au plein montant des prestations.

[14]          Monsieur Nadeau n'a pas confronté monsieur Bélanger au témoignage de ces quatre clients.

[15]          Ces données proviennent du payeur lui-même, à savoir du Grand Livre. Un extrait de ce Grand Livre a été produit sous la cote I-10.

[16]          Il s'agit des factures 149 à 179, produites sous les cotes A-5 et I-6. La facture 150 a été omise et la facture 173 a été produite en double.

[17]          À l'égard de la facture numéro 159, il a ajouté que le client peut avoir confondu le contrat du mois de novembre 1999 avec un autre qui aurait été exécuté durant les périodes pertinentes.

[18]          Cette affirmation a été faite à l'égard des travaux décrits aux factures 168 à 171 et 177. Il faut noter que d'autres travaux ont pu également, selon toute vraisemblance, être exécutés dans des immeubles à logements multiples Notamment, ceux visés par les factures 152 et 176 où on indique un taux de 1,10 $ le pied carré. Voir également la note suivante.

[19]          Il faut mentionner que pour les travaux visés par la facture 160 le taux est de 2,75 $ et monsieur Bélanger affirme qu'il s'agit d'un immeuble à logements multiples. Toutefois, rien sur la facture nous permet de le confirmer ; notamment, il n'y a aucun numéro d'appartement qui y est inscrit.

[20]          En fait, l'ambiguïté et la confusion trouvent leur source dans les propos suivants du juge Marceau dans l'affaire Pérusse, aux paragraphes 14 et 15 :

14         En fait, le juge agissait dans le sens que plusieurs décisions antérieures pouvaient paraître prescrire. Mais cette Cour, dans une décision récente, s'est employée à rejeter cette approche, et je me permets de citer ce que j'écrivais alors à cet égard dans les motifs soumis au nom de la Cour. [Voir Francine Légaré    c. M.R.N., cause no A-392-98, et Johanne Morin c. M.R.N., [1999] A.C.F. No. 878, cause no A-393-98, datées du 28 mai 1999, non rapportées, au paragraphe 4.]

La Loi confie au ministre le soin de faire [...]

15         Le rôle du juge d'appel n'est donc pas simplement de se demander si le ministre était fondé de conclure comme il l'a fait face aux données factuelles que les inspecteurs de la commission avaient pu recueillir et à l'interprétation que lui ou ses officiers pouvaient leur donner. Le rôle du juge est de s'enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s'expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre, sous l'éclairage nouveau, paraît toujours « raisonnable » (le mot du législateur).    La Loi prescrit au juge une certaine déférence à l'égard de l'appréciation initiale du ministre et lui prescrit, comme je disais, de ne pas purement et simplement substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu'il n'y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus.    Mais parler de discrétion du ministre sans plus porte à faux.

[Je souligne.]

[21]          Il est intéressant de noter les propos du juge en chef Isaac, au paragraphe 30, où il affirme que « le nombre d'appels interjetés de décisions qui ont été rendues par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) depuis le prononcé de l'arrêt Tignish donne à penser qu'il y a lieu de clarifier davantage les règles de droit applicables » . (Je souligne.) Ces propos ressemblent à ceux du juge Marceau dans l'affaire Légaré.

[22]          Pour utiliser les mots employés dans la décision Légaré, précitée, au par. 4.

[23]          Hébert c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] F.C.J. no 512 (QL).

[24]          Rappelons qu'il existe également des arrangements de rémunération différée, notamment dans le secteur public de l'enseignement, en vertu desquels les salariés reçoivent une rémunération inférieure à ce à quoi ils auraient autrement droit, pour ensuite toucher une rémunération lors de leur congé sabbatique.

[25]          Cette hypothèse m'apparaît très raisonnable étant donné qu'il pouvait travailler à raison de 75 % ou 50 % du temps nécessaire à réaliser les deux tiers des contrats.

[26]          Ce qui représenterait 47 semaines (24 + 23) de travail annuel, laissant ainsi cinq semaines de congé annuel.

[27]          Cela est vrai pour les périodes de chômage (sauf au cours du délai de carence) si le taux de prestations hebdomadaires est de 200 $ ou plus. Voici ce que le paragraphe 19(2) de la Loi édicte :

Rémunération au cours de périodes de chômage

19(2)     Sous réserve des paragraphes (3) et (4), si le prestataire reçoit une rémunération durant toute autre semaine de chômage, il est déduit des prestations qui lui sont payables un montant correspondant à la fraction de la rémunération reçue au cours de cette semaine qui dépasse 50 $, ou vingt-cinq pour cent de son taux de prestations hebdomadaires si celui-ci est de 200 $ ou plus.

[Je souligne.]

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