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Dossier : 2002-1379(EI)

ENTRE :

CAMBRIAN COLLEGE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LORI LYNN BARDELL,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel du

Cambrian College (2002-1380(CPP)) les 26 et 27 juin 2003 et le

22 mars 2004 à Sudbury (Ontario)

 

Devant : L’honorable Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

David Brady

Avocate de l’intimé :

Joanna Hill

Avocate de l’intervenante :

Nini Jones

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi est accueilli et la décision du ministre concernant l’appel dont il a été saisi conformément à l’article 91 de cette Loi est modifiée pour le motif que Lori Lynn Bardell n’occupait pas un emploi assurable lorsqu’elle a travaillé pour l’appelant pendant la période allant du 18 mars 1996 au 15 décembre 2000.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’août 2004.

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de juin 2005.

 

 

 

Lucie Roberge, traductrice  


 

 

 

Dossier : 2002-1380(CPP)

ENTRE :

CAMBRIAN COLLEGE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LORI LYNN BARDELL,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel du

Cambrian College (2002-1379(EI)) les 26 et 27 juin 2003 et le

22 mars 2004 à Sudbury (Ontario)

 

Devant : L’honorable Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

David Brady

Avocate de l’intimé :

Joanna Hill

Avocate de l’intervenante :

Nini Jones

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada est accueilli et la décision du ministre concernant l’appel dont il a été saisi conformément à l’article 27 du Régime est modifiée pour le motif que Lori Lynn Bardell n’occupait pas un emploi ouvrant droit à pension lorsqu’elle a travaillé pour l’appelant pendant la période allant du 18 mars 1996 au 15 décembre 2000.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’août 2004.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de juin 2005.

 

 

 

Lucie Roberge, traductrice


 

 

 

Référence : 2004TCC586

Date : 20040830

Dossiers : 2002-1379(EI) et 2002-1380(CPP)

ENTRE :

CAMBRIAN COLLEGE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LORI LYNN BARDELL,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip

 

[1]     Il s’agit d’un appel déposé par le Cambrian College à Sudbury (Ontario) à l’encontre de la décision du ministre du Revenu national selon laquelle l’emploi occupé par Lori Lynn Bardell à deux occasions (du 18 mars 1996 à novembre 1998 et d’août 1999 au 15 décembre 2000) au cours de la période allant du 18 mars 1996 au 15 décembre 2000 étaient tous les deux des emplois assurables au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et des emplois ouvrant droit à pension au sens du Régime de pensions du Canada RPC »). L’appelant a soutenu que, pendant toute la période pertinente, Mme Bardell, l’intervenante, était une entrepreneuse indépendante. Il faut donc déterminer dans ces appels si Mme Bardell était une employée ou une entrepreneuse indépendante.

 

[2]     L’appelant est un collège des arts appliqués et de technologie et il gère deux programmes autorisés de garde d’enfants. Le centre Play 'n' Learn (« Play 'n' Learn ») est une garderie agréée tenue sur les lieux de travail du Cambrian College par les employés de celui-ci et le Carrousel Family Child Care (« Carrousel ») est une agence de garde d’enfants en résidence privée. C’est Carrousel seulement qui nous intéresse ici.

 

[3]     Carrousel est un organisme sans but lucratif qui offre un programme de garde d’enfants en résidence privée en vertu de la Loi sur les garderies (« LG »). Son permis est « jumelé » à celui de Cambrian. Carrousel a un permis pour 40 endroits et a actuellement des ententes avec 29 responsables de garde appelés « fournisseurs ». Il recrute des fournisseurs individuels qui accueillent dans leur résidence un maximum de cinq enfants à la fois. Ces fournisseurs n’ont pas de permis, mais ils exercent leurs activités en vertu du permis de garde d’enfants en résidence privée de Carrousel.

 

[4]     Les appels ont été entendus sur preuve commune.

 

Les faits

 

[5]     L’appelant a présenté deux témoins, Mme Francine Fox, directrice des programmes de garde chez Cambrian et Mark Edward Oliver, le mari d’une ancienne fournisseuse.[1] L’intimé a présenté un seul témoin, l’intervenante.

 

Témoignage de Francine Fox

 

[6]     Mme Fox a été à l’emploi de l’appelant à compter de 1992. Elle a été embauchée comme coordonnatrice de Carrousel et elle a occupé ce poste jusqu’en mai 1997, lorsqu’elle est devenue directrice des services de garde. Depuis mai 1997, elle est responsable de l’administration du programme Carrousel et du programme Play'n' Learn.

 

[7]     En tant que titulaire d’un permis en vertu de la LG, Mme Fox a expliqué que Carrousel devait s’assurer que les fournisseurs se conformaient à la LG. Celle-ci exige notamment des inspections des résidences des fournisseurs par les services de santé et de prévention des incendies et une assurance pour la résidence et la voiture utilisées par le fournisseur. La LG impose aussi des limites en ce qui concerne le nombre d’enfants que peut recevoir un service de garde et leur âge. Pour s’assurer que ces dispositions sont respectées, les employés de Carrousel visitent régulièrement la résidence d’un fournisseur.

 

[8]     La résidence des fournisseurs éventuels fait l’objet d’une inspection des services de santé et de prévention des incendies avant que Carrousel y autorise la garde d’enfants. Mme Fox a déclaré que ce sont les personnes qui veulent devenir fournisseurs qui prennent les dispositions concernant ces inspections. Cependant, un agent de Carrousel peut faciliter cette démarche en aidant le requérant à remplir le formulaire exigé. Mme Fox a indiqué que, dans le cas de Mme Bardell, elle a envoyé certains renseignements de base par télécopieur au Service de prévention des incendies, mais que ce dernier a communiqué avec Mme Bardell, comme il le fait avec tous les fournisseurs éventuels, pour fixer l’heure de la visite. La même procédure a été appliquée pour le Service de santé de Sudbury et district.

 

[9]     Mme Fox a dit qu’elle facilitait les communications entre les assurés et les fournisseurs pour l’assurance responsabilité, mais que les fournisseurs prenaient et payaient eux-mêmes les assurances pour la maison et la voiture. Les fournisseurs ont une assurance responsabilité aux termes d’une police collective établie à leur nom.

 

[10]    Carrousel et les fournisseurs ont conclu une entente d’achat de services. Cette entente précise les responsabilités du fournisseur. Pendant la période visée par l’appel, Mme Bardell a conclu avec Carrousel des ententes de services concernant la prestation de services de garde dans sa résidence pour les enfants qui lui étaient envoyés par cet organisme. Voici les dispositions pertinentes de ce contrat[2] :

 

                  

                   [Traduction]

A. RESPONSABILITÉS DU FOURNISSEUR

 

1.         Le fournisseur s’engage à respecter toutes les dispositions de la Loi sur les garderies et les exigences de tout organisme de réglementation.

 

2.         Le fournisseur accepte d’accorder l’accès à sa résidence à l’Agence, à l’agent de délivrance des permis du ministère des Services sociaux et communautaires et aux représentants du Service de santé et du Service de prévention des incendies en tout temps pendant les heures d’ouverture du service de garde pour que ceux-ci vérifient si l’entente est respectée.

[...]

 

4.         Le fournisseur accepte de maintenir une « cote de l’échelle d’appréciation des garderies familiales » acceptable pour l’Agence.

 

5.         Le fournisseur accepte d’accueillir dans sa résidence à des fins de garde l’équivalent d’un maximum de 5 enfants à plein temps envoyés par l’Agence selon la capacité et la classification de la résidence aux termes de la Loi sur les garderies.

 

6.         Le fournisseur accepte de ne pas cesser d’accueillir un enfant sans avoir d’abord obtenu le consentement de la directrice des services de garde en milieu familial de Carrousel.

[...]

 

9.         Le fournisseur accepte de fournir des services de garde dans sa résidence aux clients de l’agence de garde en milieu familial de Carrousel pendant au moins 229 jours par année, ce qui exclut les jours suivants : [...]

 

10.       Le fournisseur donnera à l’agence la preuve que toutes les personnes qui l‘aident à offrir des services de garde respectent les exigences relatives à l’obtention d’un permis (c’est-à-dire certificat de secourisme et attestation de compétence en RCR valides, vérification du casier judiciaire et dossier médical et dossier d’immunisation à jour).

 

11.       Le fournisseur aura toujours un certificat de secourisme et une attestation de compétence en RCR valides.

 

12.       Le fournisseur et toute autre personne de 18 ans et plus qui demeurent normalement dans la résidence auront un certificat du médecin, une preuve d’immunisation à jour et les résultats d’un récent T.B. en deux étapes d’un médecin autorisé déclarant qu’il n’a pas de maladie transmissible. Le dossier médical sera revu tous les deux ans.

 

13.       Le fournisseur souscrira et maintiendra en vigueur une assurance responsabilité d’un montant acceptable pour l’Agence. Si le fournisseur décide de se déplacer avec les enfants dans son véhicule, il faudra une preuve qu’il a une assurance responsabilité civile indiquant qu’il a l’« autorisation de transporter des passagers contre rémunération ».

[...]

 

17.       ... Le fournisseur accepte d’obtenir du parent un formulaire signé d’autorisation de déplacement pour toute sortie spéciale ou sortie éducative. Ces formulaires seront retournés à l’Agence à la fin du mois ou à l’expiration du contrat de garde d’enfants.

[...]

 

19.       Le fournisseur accepte d’inscrire chaque jour si les enfants sont présents dans le « Registre des présences » fourni par l’Agence. Le dernier jour du mois où l’enfant est présent, le fournisseur vérifiera le dossier de présence auprès du parent. Le dernier jour ouvrable du mois, le fournisseur transmettra à l’Agence une copie du registre des présences signé par le parent.

 

20.       Le fournisseur accepte d’élaborer et de conserver dans les domaines de la GESTION DU COMPORTEMENT, de la SANTÉ ET SÉCURITÉ, de la PROGRAMMATION et des INCIDENTS GRAVES des politiques qui respectent les exigences minimales de la LOI SUR LES GARDERIES, avec l’aide et l’approbation de l’Agence (voir des exemples de politiques dans le Guide du fournisseur).

[...]

 

23.       Le fournisseur comprend qu’il est un travailleur autonome et qu’il sera responsable de l’impôt sur son revenu et des retenues applicables. ...

 

[11]    Mme Fox a déclaré qu’elle avait l’habitude de lire le contrat à voix haute et de répondre à toutes les questions au moment de la signature du contrat. Elle a reconnu qu’elle n’a lu aucune disposition de la LG à Mme Bardell. Mme Fox s’est rappelée que Mme Bardell avait travaillé comme assistante fournisseuse en 1995 pour une amie qui était fournisseuse et connaissait donc les règles de fonctionnement applicables aux fournisseurs. Elle a dit qu’elle avait expliqué à Mme Bardell les répercussions du fait qu’elle serait travailleuse autonome et les exigences applicables à l’exploitation d’une entreprise florissante. De plus, Mme Fox a déclaré dans son témoignage que Mme Bardell a été informée de la règle des 229 jours, du fait qu’on s’attendait à ce que son service de garde soit ouvert 229 jours par année, mais que ces 229 jours constituaient seulement une ligne directrice. Carrousel n’a jamais imposé de pénalité à des fournisseurs qui avaient offert des services de garde d’enfants pendant moins que 229 jours au cours d’une année.

 

[12]    Le contrat a été signé à l’appartement de Mme Bardell en présence de Mme Fox. Mme Bardell confirme que Mme Fox a lu le contrat à haute voix; elle n’a pas examiné le contrat à ce moment; cependant, elle l’a plus tard lu au complet elle-même. Selon Mme Bardell, le contrat n’était pas négociable, si elle ne l’avait pas signé, elle n’aurait pas pu travailler pour Carrousel. Mme Bardell n’a pas demandé d’avis indépendant et ne s’est pas informée pour savoir si elle pouvait profiter de la possibilité d’en demander un, mais elle s’est plainte que cette occasion ne lui avait pas été offerte.

 

[13]    Selon Mme Fox, Carrousel a des fournisseurs qui travaillent le jour, le soir et même la nuit. Le fournisseur choisit lui-même quant il veut offrir le service.

 

[14]    Mme Fox a expliqué le processus par lequel les parents et les enfants sont aiguillés vers des fournisseurs. Les parents communiquent habituellement avec Carrousel qui les dirigent ensuite vers des fournisseurs. Si ceux-ci sont intéressés, ils rencontrent les parents et déterminent si l’enfant et le fournisseur sont compatibles. Ce n’est qu’une fois que le fournisseur et le père ou la mère se sont entendus que l’enfant peut être placé dans le service de garde du fournisseur. Selon Mme Fox, les fournisseurs peuvent refuser un enfant à n’importe quelle étape du processus. Si un fournisseur accepte un enfant mais décide ensuite qu’il ne veut plus l’accueillir, il doit donner un avis de deux semaines aux parents de l’enfant et à Carrousel. Mme Fox a expliqué que cet avis de deux semaines donne à Carrousel plus de temps pour trouver un autre service de garde pour l’enfant. En contre-interrogatoire, Mme Fox a déclaré que bien que l’entente d’achat de services précise que le consentement de Carrousel est requis pour qu’un fournisseur décide de ne plus garder un enfant, un avis de deux semaines aux parents et une copie de cet avis écrit à Carrousel suffisent.

 

[15]    Mme Fox a déclaré que si Carrousel est dans l’impossibilité de placer cinq enfants dans le service de garde d’un fournisseur, celui-ci peut annoncer que des places dont disponibles et accueillir des « enfants de l’extérieur ». Elle a indiqué que les seuls cas où Carrousel enregistre la présence d’un « enfant de l’extérieur » est lorsque l’enfant se trouve au service de garde pendant une de ses inspections. Cependant, en contre-interrogatoire, elle a admis que les fournisseurs n’avaient pas l’autorisation d’accueillir des « enfants de l’extérieur »; les « enfants de l’extérieur » devaient être inscrits auprès de Carrousel. Je remarque que l’entente de service liant le fournisseur et Carrousel n’interdit pas à ceux-ci d’accueillir des « enfants de l’extérieur »; le paragraphe 5 indique que le fournisseur accepte d’offrir des services de garde à un maximum de cinq enfants à la fois envoyés par Carrousel. Il faut déterminer si le fournisseur peut accueillir un « enfant de l’extérieur » dans les cas où Carrousel lui a envoyé moins de cinq enfants.

 

[16]    Mme Fox a aussi déclaré que Carrousel distribue à ses différents fournisseurs des trousses de premiers soins, des extincteurs, et de l’équipement comme des lits de bébé, des poussettes, des barrières de sécurité etc. Ces articles sont distribués selon la formule premier arrivé premier servi parce qu’il n’y en a pas suffisamment pour tous les fournisseurs. Pour emprunter de l’équipement, le fournisseur doit verser des frais de 10 $ par année.

 

[17]    Mme Fox a affirmé que Carrousel offrait des ressources pour aider les fournisseurs à élaborer leurs programmes, mais que ceux-ci étaient les seuls responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des programmes. C’est le fournisseur qui prend les décisions sur les activités et les menus hebdomadaires pourvu qu’il respecte les dispositions de la LG. Carrousel donne des ateliers aux fournisseurs pour s’assurer que les enfants reçoivent des soins de qualité. Des ateliers sont aussi offerts par d’autres organismes communautaires et Carrousel en fait la promotion au moyen d’avis joints au chèque de paye du fournisseur. Cependant, ces ateliers ne sont pas obligatoires; il n’y a aucune formation obligatoire à part celle sur les premiers soins et la réanimation cardio-respiratoire (« RCR »). Selon Mme Fox, aucune sanction n’est imposée aux fournisseurs qui n’assistent pas à ces ateliers.

 

[18]    En 1996, Carrousel tenait aussi des réunions mensuelles avec les fournisseurs. Le but de ces réunions était la communication et l’échange de renseignements. La participation à ces réunions mensuelles était recommandée et encouragée, mais non obligatoire. On prenait les présences. Selon son budget, Carrousel pouvait payer une partie ou la totalité des frais des fournisseurs pour assister à des colloques à l’extérieur de la ville. Mme Bardell a assisté à un colloque à l’extérieur de la ville.

 

[19]    Lorsqu’un fournisseur commençait à exploiter son service de garde, on lui remettait un guide que Mme Fox a décrit comme le « principal document pour l’exploitation » de son service de garde. Mme Bardell a appelé ce guide la « bible ». Le guide décrit les pratiques en matière de santé et d’hygiène comme le lavage des mains, la propreté de la cuisine et la préparation des aliments, les couches, la nourriture et les boissons, l’hygiène médicale et dentaire, la maladie, l’administration de médicaments, les procédures de sécurité, notamment en cas d’incendie, la politique sur le comportement et la détermination de limites, des suggestions sur les programmes, les ressources disponibles et les documents qui doivent figurer dans le dossier du fournisseur, notamment les suivants : demande, vérification des références, rapports des services de pompier et des autorités médicales, rapports d’inspection, copie de l’entente d’achat de services et extraits de la LG.

 

[20]    Carrousel utilisait un guide d’appréciation des garderies familiales pour évaluer les fournisseurs. Mme Fox a dit que l’échelle d’appréciation était une norme dans ce secteur d’activités. Une fois par année, un visiteur des services de garde d’enfants en résidence privée de Carrousel faisait une visite surprise chez le fournisseur pour observer et évaluer son service de garde. Le fournisseur est évalué à l’égard d’environ 32 points sur l’échelle. L’évaluation tient compte de critères sur l’espace et l’ameublement nécessaires pour les soins et l’apprentissage, par exemple, disposition des meubles et des présentoirs destinés aux enfants; sur le langage et le raisonnement, qui comprend aider les enfants à comprendre et à utiliser le langage; sur les activités d’apprentissage, comme la coordination œil-main et la musique; sur les soins de base, qui comprennent les repas et les collations, le temps de repos, la toilette et les soins; sur le développement social comme la discipline; sur les besoins des adultes, qui comprennent la relation de l’enfant avec ses parents.

 

[21]    Le fournisseur a la responsabilité d’apporter des améliorations et s’il ne respecte pas les exigences minimales de la LG, son contrat avec Carrousel peut être résilier. Mme Fox a déclaré que, de fait, si un fournisseur n’est pas conforme, Carrousel lui-même n’est pas conforme et peut perdre son permis. Mme Fox a déclaré que Carrousel s’efforce de garantir que les fournisseurs respectent les normes au moyen de visites mensuelles, trimestrielles et annuelles. Elle a reconnu qu’aux termes de la LG, c’est Carrousel qui assume, directement ou indirectement, la responsabilité en ce qui concerne la prévention des incendies, la programmation, l’assurance responsabilité et les soins adéquats aux enfants.

 

[22]    Les tarifs sont fixés selon la liste publiée par Carrousel, mais même si c’est Carrousel qui fixe les tarifs, c’est le bailleur de fonds qui a le dernier mot en ce qui concerne le montant qui sera demandé aux parents. Carrousel prend 2,50 $ du montant demandé aux parents et le fournisseur conserve le reste. Ces 2,50 $ sont utilisés pour payer les frais d’administration. Lorsqu’un enfant est absent à cause d’un congé ou d’une maladie, le fournisseur reçoit 80 pour cent du montant qu’il recevrait normalement si l’enfant avait été présent. Mme Bardell a reconnu qu’elle recevait 80 pour cent du montant qu’elle aurait normalement demandé lorsqu’un enfant dont elle s’occupait était absent. Pour ce qui est des jours d’absence sans frais, les parents ont droit à un jour par mois. Une partie des 2,50 $ conservés par Carrousel sert au paiement de 80 pour cent du montant normalement reçu. Les fournisseurs doivent consulter Mme Fox s’ils veulent demander moins que les tarifs fixés. Le fournisseur est payé après avoir rempli une fiche de présence et l’avoir envoyée à Carrousel. Plus tard, les tarifs ont été augmentés par Carrousel sans l’avis des fournisseurs. Ceux-ci n’envoient pas de factures à Carrousel; Carrousel détermine le paiement dû d’après les fiches de présence des enfants; l’envoi des factures aux parents est aussi fondé sur les fiches de présence.

 

[23]    Pour pouvoir garder leur service de garde ouvert en tout temps, les fournisseurs peuvent retenir les services d’assistants fournisseurs pour les aider à prendre soin des enfants. L’assistant fournisseur est un employé du fournisseur. La seule restriction applicable à l’embauche d’un assistant fournisseur est que celui-ci doit avoir les qualités précisées dans la LG et respecter les exigences de cette loi. En conséquence de la LG, Carrousel peut refuser un assistant s’il n’est pas établi que toutes les exigences relatives au permis ont été respectées.

 

[24]    Mme Fox a été interrogée au sujet de l’assurance responsabilité civile que se procure le fournisseur. En vertu de leur contrat avec Carrousel, les fournisseurs étaient tenus de prendre une assurance responsabilité de 1 000 000 $; cependant, un autre 1 000 000 $ a été ajouté par les fournisseurs pour s’assurer contre la violence faite aux enfants. Mme Fox soutient qu’elle prenait seulement les « dispositions » pour les assurances; que chaque fournisseur achetait son assurance. Cambrian « n’était pas partie à l’assurance ». Mme Fox, à titre de directrice de Carrousel, facilitait l’achat, communiquait l’information à Reed Stenhouse, le courtier d’assurance. Un fournisseur assumait la responsabilité de l’achat d’une police collective par les fournisseurs.

 

Témoignage de Mark Oliver

 

[25]    Mark Oliver est le mari d’une fournisseuse de Carrousel. M. et Mme Oliver ont offert des services de garde en vertu d’un contrat avec Carrousel d’août 1998 à août 2002. M. Oliver se considérait comme un « cofournisseur ». M. Oliver travaillait « par quarts » et était à la maison trois jours par semaine. Il soutient qu’il faisait 40 pour cent du travail au service de garde de sa femme.

 

[26]    En 1998, M. Oliver et sa femme voulaient d’abord lancer un service de garde privé. Cependant, ils ont eu beaucoup de mal à attirer des clients. Ils ont trouvé difficile de recruter des clients sans avoir réellement de permis. Les parents ne peuvent obtenir de subventions du gouvernement pour les frais de garde que si l’établissement possède un permis. M. Oliver a déclaré que l’une des principales raisons pour laquelle il était devenu fournisseur chez Carrousel était que cet organisme avait un permis.

 

[27]    Comme dans le cas de Mme Bardell, M. Oliver a pris contact avec ses clients par l’entremise de Carrousel. Carrousel a activement recruté des parents et leur a donné le numéro de téléphone d’un fournisseur. Le fournisseur et les parents ont eu une entrevue au domicile du fournisseur pour déterminer si celui-ci, le père ou la mère, et l’enfant s’entendaient bien. M. Oliver a confirmé comme l’avait affirmé Mme Fox que la décision d’accepter un enfant leur incombait exclusivement à lui et à sa femme et que les entrevues avant d’accepter l’enfant étaient pour eux des moyens de sélectionner les enfants et les parents; Mme Bardell n’étaient pas d’accord. M. Oliver et sa femme ont décidé d’accepter les enfants qui se présentaient en se fondant sur l’âge et les besoins de socialisation de leurs propres enfants et sur les jouets et le matériel qu’ils avaient déjà à la maison.

 

[28]    M. Oliver a déclaré que sa femme et lui décidaient des heures quotidiennes d’ouverture du service de garde. Les heures d’ouverture n’ont pas toujours été les mêmes au fil des ans. Au début le service était ouvert du lundi au vendredi, mais lorsque les enfants du couple ont été plus vieux, le service était fermé le vendredi. Ils rajustaient les heures selon ce qui leur convenait, l’autorisation n’a pas été demandée et n’était pas exigée. Ils appelaient simplement Carrousel et lui donnaient un avis de deux semaines.

 

[29]    M. Oliver et sa femme partaient en vacances l’été. Leur service de garde était fermé de deux à trois semaines et le reste de l’été, les services étaient assurés par des assistants fournisseurs. M. Oliver et sa femme embauchaient et formaient ces assistants et leur versaient un salaire. M. Oliver a déclaré qu’à part le fait de vérifier que ces aides respectaient les exigences de la LG, Carrousel ne participait pas à leur embauche. M. Oliver et sa femme appelaient Carrousel, lui donnaient les noms de leurs assistants et lui envoyaient les certificats de secouriste, les rapports de la vérification policière et les dossiers médicaux des personnes en question. Lorsque M. Oliver et sa femme n’avaient plus besoin des services de ces aides, ils mettaient fin à la relation d’emploi sans que Carrousel s’en mêle.

 

[30]    M. Oliver a expliqué que selon lui, conformément à la LG, le fournisseur n’est pas autorisé à avoir plus de cinq enfants dans son service de garde et pas plus de deux de moins de deux ans. Il peut s’occuper d’un plus grand nombre d’enfants inscrits pourvu qu’il n’y ait jamais plus de cinq enfants en même temps au service de garde. En 1998, M. Oliver et sa femme ont choisi de n’offrir des services de garde qu’à quatre enfants et plus tard, ils n’ont gardé que trois enfants. Dans les deux cas, M. Oliver et sa femme ont décidé de garder moins d’enfants que le maximum permis. Bien que Carrousel les ait informés qu’il y avait des enfants sur la liste d’attente, M. Oliver et sa femme ont refusé d’accueillir ces enfants. Il n’était pas obligatoire que les enfants soient acceptés conformément à la liste d’attente de Carrousel. Le neveu de M. et Mme Oliver devait aller en garderie; ils ont appelé Carrousel et l’ont informé qu’ils allaient accepter la garde de leur neveu. M. Oliver croyait que sa femme et lui pouvaient accueillir d’autres enfants que ceux qui leur étaient envoyés par Carrousel pourvu que le nombre maximal d’enfants n’excède jamais cinq.

 

[31]    M. Oliver a déclaré dans son témoignage que, selon lui, il avait le droit de cesser d’accueillir un enfant, mais qu’il lui fallait le consentement de Carrousel. Avant d’annuler l’inscription d’un enfant, il donnait aux parents un avis de deux semaines et les informait qu’il ne voulait plus accueillir l’enfant chez lui. (L’entente de service nécessite un avis écrit avant l’interruption de la garde d’un enfant; le consentement de Carrousel n’est pas nécessaire.) Il croyait comprendre que le service de garde était son entreprise et celle de sa femme, il se trouvait dans sa résidence et tous les deux en étaient les propriétaires-exploitants, ce qui signifiait qu’ils pouvaient déterminer qui était accueilli, qui devait partir, combien de temps chaque enfant restait et quand il venait, et si sa femme et lui voulaient ou non cesser de l’accueillir. Il a déclaré que c’était clair dès le départ pour lui et sa femme.

 

[32]    L’assurance automobile a été prise par M. Oliver et sa femme personnellement. En ce qui concerne l’assurance responsabilité pour la maison, on leur a donné le nom d’un autre fournisseur de Carrousel qui avait réuni tous les fournisseurs afin qu’ils bénéficient d’une meilleure prime. M. Oliver a déclaré qu’il avait fixé personnellement la date et l’heure des visites de la Sudbury Board of Health et du service de prévention des incendies, mais il n’a pas pu préciser qui avait communiqué en son nom avec ces services. M. Oliver n’a jamais lu le contrat signé par sa femme et Carrousel. Il n’a jamais lu non plus le guide sur le rôle parental ni la LG. Il a seulement lu « quelques dispositions » du guide du fournisseur. Il a indiqué qu’en conséquence de son emploi auprès de jeunes contrevenants, il savait ce qui était nécessaire.

 

[33]    Avant 2001, M. Oliver et sa femme ont acheté les jouets et le matériel dont ils avaient besoin pour tenir leur service de garde. De plus, lorsque c’était l’anniversaire d’un enfant, M. Oliver et sa femme organisaient à leurs frais une fête pour les enfants.

 

[34]    M. Oliver a expliqué que les menus et les activités hebdomadaires étaient affichés à l’entrée de leur domicile parce que la LG l’exigeait. Bien que ce ne soit pas une exigence de Carrousel, lui et sa femme demandaient toujours le consentement des parents avant une sortie des enfants en voiture ou en autobus. Enfin, un employé de Carrousel inspectait leur résidence chaque mois et chaque trimestre pour s’assurer que la LG était respectée.

 

[35]    M. Oliver a dit qu’il n’aurait pas maintenu sa relation avec Carrousel si l’organisation avait exercé un contrôle sur les heures d’ouverture de son service de garde et avait exigé, par exemple, que celui-ci soit ouvert le soir ou le samedi. Il ne considérait ni lui-même ni sa femme comme des employés de Carrousel. Jamais M. Oliver n’a envoyé de facture à Carrousel. Il téléphonait à Carrousel au milieu du mois et à la fin du mois, il informait l’organisme des présences. Sa femme, a-t-il dit, recevait de Carrousel des chèques établis d’après les données fournies par téléphone. Les fiches de présence confirmaient l’information donnée plus tôt à Carrousel.

 

Témoignage de Lori Lynn Bardell

 

[36]    Mme Bardell a signé le 1er mars 1996 ou vers cette date sa première entente d’achat de service en vertu de laquelle elle devait fournir chez elle des services de garde pour des enfants qui lui étaient envoyés par Carrousel.

 

[37]    Mme Bardell a déclaré dans son témoignage qu’elle s’attendait à ce que Mme Fox et les dirigeants de Carrousel lui disent quelles étaient les exigences de la LG et de Carrousel et comment elle pouvait les respecter. Pour l’aider à se conformer à la LG, Carrousel lui a fourni un guide, la « bible ».

 

[38]    Avant de pouvoir accueillir des enfants, Mme Bardell a dû mettre à jour ses connaissances médicales et se soumettre à une vérification policière. Quand elle a commencé à offrir ses services à Carrousel, Mme Bardell vivait dans un appartement. En 1997, elle a emménagé dans sa maison. Carrousel, l’agent de prévention des incendies et un agent du service de santé publique ont inspecté son appartement et sa maison. Carrousel a fait les arrangements pour toutes ces visites.

 

[39]    Après avoir inspecté la maison de Mme Bardell, Mme Fox l’a informée qu’elle devait installer un détecteur d’incendie, poser une clôture autour de la piscine et installer des barreaux supplémentaires sur la terrasse. Mme Fox a aussi demandé à Mme Bardell de remplacer des panneaux de bois lâches dans la clôture et d’ajouter quelques clous sur la terrasse de l’entrée latérale. L’agent de prévention des incendies a exigé certaines modifications; une porte ignifugée a dû être installée, ainsi qu’une cloison sèche et un sprinkleur. L’agent du service de santé lui a demandé d’installer un thermomètre dans le réfrigérateur. Mme Bardell a payé toutes ces dépenses qui ne lui ont pas été remboursées par Carrousel.

 

[40]    Une fois les changements effectués, Carrousel a commencé à envoyer des parents à Mme Bardell. Au début, celle-ci et Mme Fox rencontraient ensemble les familles intéressées par son service de garde, mais plus tard Mme Bardell a rencontré seule les parents. Mme Bardell croyait que si les parents voulaient que leurs enfants soient gardés chez elle, c’était à eux en fin de compte qu’en revenait la décision. Le père ou la mère signait une entente avec Carrousel, et non avec Mme Bardell, et Carrousel plaçait l’enfant chez elle. Mme Bardell a dit qu’on ne lui avait jamais demandé si un enfant ou un père ou une mère était pour elle acceptable et elle croyait qu’elle n’avait pas le loisir de refuser ou de cesser d’accueillir un enfant. Cela contredit le témoignage de Mme Fox selon lequel les deux parties en cause devaient s’entendre. Mme Bardell a admis qu’au moment où elle a donné naissance à son premier enfant, elle a demandé qu’aucun autre enfant ne lui soit envoyé et cette demande a été acceptée.

 

[41]    Mme Bardell a déclaré dans son témoignage qu’elle ne pouvait pas décider de ne plus accueillir des enfants que Carroussel lui avait envoyés. Elle croyait que, selon son contrat, elle ne pouvait cesser d’accueillir un enfant sans l’autorisation de Carrousel.

 

[42]    Mme Bardell était payée deux fois par mois. Pour qu’elle reçoive un paiement, elle devait fournir à Carrousel un registre des présences. Les fiches de présence étaient remplies chaque mois, mais au milieu du mois la secrétaire de Carrousel lui téléphonait pour obtenir l’information sur les présences au cours des deux premières semaines. Elle était alors payée d’après l’information fournie par téléphone.

 

[43]    Si un père ou une mère était en retard pour venir chercher son enfant et, cela, de façon régulière, le fournisseur pouvait lui charger 5 $ pour chaque période additionnelle de 15 minutes. Mme Bardell a dit qu’elle n’avait pas besoin de l’autorisation de Carrousel pour exiger le paiement de ces frais. Elle n’avait qu’à dire aux parents qu’elle leur faisait payer les frais de retard, puis à informer Carrousel au moment de déclarer ses heures. Le père ou la mère payait les frais de retard à Carrousel qui les remettait ensuite à Mme Bardell.

 

[44]    Toutes les places disponibles, en raison de l’absence des enfants les jours fériés par exemple étaient comblées par des « remplaçants ». Ces enfants étaient normalement accueillis par d’autres fournisseurs qui étaient en vacances ou ils étaient les prochains sur la liste d’attente. Si les places vacantes étaient comblées, Mme Bardell recevait la totalité de son salaire régulier, mais elle ne recevait pas le 80 pour cent additionnel pour les enfants en vacances. En juillet 1996, Mme Bardell a reçu le prix de « fournisseur du mois » pour son bon travail et sa souplesse au moment d’accepter des remplaçants de n’importe quel âge n’importe quand au cours de l’été.

 

[45]    Les fournisseurs n’avaient pas droit à des congés payés. Lorsque l’été approchait, Carrousel demandait aux fournisseurs de remplir un formulaire pour l’informer des dates auxquelles ils pensaient prendre des vacances. Lorsqu’un fournisseur était en vacances, les enfants qu’il accueillait normalement étaient placés ailleurs.

 

[46]    Mme Bardell n’a jamais embauché d’assistant pour prendre soin des enfants pendant qu’elle était en vacances. Cependant, elle a déjà embauché une assistante pour offrir les services de garde d’enfants pendant qu’elle se rendait à des rendez-vous chez le médecin. Elle devait informer Carrousel de la présence de l’assistante et celle-ci devait se soumettre à un examen médical et à la vérification de son casier judiciaire et fournir la preuve que son dossier d’immunisation était à jour et qu’elle avait la formation nécessaire en premiers soins et en RCR. Mme Bardell a fixé les heures de travail de son assistante. Elle l’a formée et payée. Lorsqu’elle a décidé qu’elle n’avait plus besoin de ses services, elle a mis fin à la relation d’emploi. Elle n’a pas demandé l’autorisation de Carrousel pour le faire.

 

[47]    Mme Bardell a expliqué que chaque mois et chaque trimestre des employés de Carrousel, appelés des visiteurs des établissements de services en résidence privée, lui rendaient visite à l’improviste. Ceux-ci devaient s’assurer du respect de la LG. Ils évaluaient Mme Bardell conformément à l’échelle d’appréciation des garderies familiales appliquées par Carrousel sur des points comme les menus, les activités et l’ameublement. Pour obtenir une note élevée à la suite de cette évaluation – elle a obtenu 6.96 sur 7 à l’une d’entre elles - Mme Bardell appliquait les critères précisés dans l’échelle ainsi que dans le guide de Carrousel.

 

[48]    Mme Bardell consultait le guide du fournisseur pour avoir des idées sur la planification des menus et des activités. Le guide exigeait que deux collations et un déjeuner soit servis. Mme Bardell a reconnu qu’elle pouvait changer le menu ou l’activité ou utiliser exactement ce qui se trouvait dans le guide. Elle décidait elle-même des aliments à acheter et des activités à offrir.

 

[49]    Mme Bardell a déclaré qu’elle a acheté des jouets pour sa fille et aussi pour les enfants à qui elle offrait des services. Tous ces jouets étaient mis en commun et les enfants jouaient avec tous ces jouets. Mme Bardell a confirmé que Carrousel avait une joujouthèque de laquelle on pouvait emprunter des jouets. Carrousel fournissait aussi du matériel plus gros comme des sièges d’appoint, des barrières et des poussettes.

 

[50]    Le plan des activités et le menu pour la semaine devaient être affichés sur un tableau près de la porte de la maison de Mme Bardell. Elle devait aussi utiliser les fiches d’activité et de menu fournies par Carrousel. Lorsque Mme Bardell voulait emmener les enfants en excursion d’une journée, elle devait obtenir l’autorisation écrite des parents. Carrousel exigeait qu’elle fasse chaque mois un exercice d’incendie et qu’elle remplisse un formulaire à ce sujet. Les certificats de premiers soins et les attestations de compétence en RCR devaient être renouvelés régulièrement et Carrousel précisait les dates de renouvellement. De plus, les animaux qui se trouvaient chez elle devaient être vaccinés.

 

[51]    Dans l’ensemble, Mme Bardell a dit que ses heures étaient régulières pendant ses années avec Carrousel. Elle a eu une seule fois un enfant dont elle devait s’occuper après les heures régulières les mardis. Le reste du temps, elle travaillait plus ou moins du lundi au vendredi, entre 45 et 50 heures par semaine, soit chaque jour de 6 h 30 ou 7 h à 18 h ou 18 h 30.

 

[52]    En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, Mme Bardell a dit qu’elle gardait tous ses reçus et qu’elle les envoyait à son comptable. Celui-ci remplissait sa déclaration d’impôt personnelle comme si elle exploitait sa propre entreprise.

 

[53]    En novembre 1998, Mme Bardell s’est séparée de Carrousel. Il semble qu’un père ou une mère s’était introduit dans la résidence de Mme Bardell pendant que celle-ci était absente. Mme Bardell a informé Carrousel de l’incident et a demandé à ne plus s’occuper de l’enfant concerné. Selon Mme Bardell, Carrousel lui a indiqué qu’elle devait donner un avis, qu’elle ne pouvait cesser d’accueillir cet enfant sans avis. Mme Bardell croyait que cette intrusion d’un père ou d’une mère était abusive et elle a donc mis fin à sa relation avec Carrousel.

 

[54]    Après avoir quitté Carrousel, Mme Bardell a tenu un service de garde privée. Elle a continué à prendre soin de trois enfants qu’elle accueillait déjà lorsqu’elle offrait des services de garde par l’entremise de Carrousel. Mme Bardell a déclaré qu’elle dirigeait son service différemment du temps où elle était avec Carrousel. Elle avait des ententes verbales avec les parents, aucun formulaire et aucune inspection de la ville. Elle déterminait elle-même les menus et les programmes. Contrairement à ce qui était le cas avec Carrousel, elle décidait du moment où elle était payée, de la forme de rémunération et elle choisissait les enfants qu’elle accueillait.

 

[55]    Mme Bardell est retournée avec Carrousel en août 1999 parce qu’elle voulait un salaire régulier et qu’elle savait que Carrousel allait lui trouver des clients.

 

[56]    Lorsqu’elle était avec Carrousel, Mme Bardell ne faisait pas de publicité. Elle a dit qu’elle distribuait des brochures pour Carrousel, mais que son numéro de téléphone ne figurait pas dans cette brochure. Mme Bardell avait des appels directement de parents à cause du bouche à oreille, mais elle croyait qu’elle n’avait pas le droit de conclure des ententes privées avec les parents. Elle dirigeait ces ceux-ci vers Carrousel. Lorsqu’elle a quitté Carrousel en 1998, et de nouveau en 2000, elle a affiché des annonces sur son service de garde à elle.

 

[57]    Mme Bardell a mis fin à sa relation avec Carrousel le 15 décembre 2000. Elle a expliqué les événements qui ont entraîné la résiliation de son contrat. Un jour ou deux après son évaluation annuelle, Mme Bardell a commencé à avoir des problèmes avec un enfant en particulier. Après le premier incident, elle a seulement pris des notes; cependant, un incident semblable s’est produit un ou deux jours plus tard et à ce moment, elle a téléphoné à Carrousel et elle a demandé de cesser de recevoir cet enfant chez elle. Selon elle, Carrousel l’a informée qu’elle ne pouvait pas seulement retirer l’enfant de son service de garde; elle devait donner un avis et le temps à Carrousel de trouver un autre fournisseur. Mme Bardell a déclaré que Mme Fox lui a recommandé de traiter l’enfant de trois ans comme un bébé de six mois, ce qui signifiait qu’elle devait l’observer et le garder près d’elle. Quelques jours plus tard, il y a eu un troisième incident. Mme Bardell a expliqué qu’elle était alors malade et avait demandé un congé en raison de problèmes de santé. Pendant ce congé, Mme Bardell ne savait pas que l’enfant qui posait un problème avait été retiré de son service de garde. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle croyait qu’elle continuerait à s’occuper de l’enfant après son retour avec Carrousel. Elle a envoyé à Carrousel une lettre pour l’informer qu’elle recommencerait à offrir des services de garde d’enfants le 20 novembre 2000. Le 15 novembre 2000, elle a reçu un avis de résiliation de trente jours.

 

[58]    Mme Bardell exploite maintenant un service de garde privé chez elle. Elle admet qu’elle s’occupe actuellement de trois enfants et qu’en moyenne, elle n’en a pas plus de cinq. Elle sait aussi que le Ministère des services sociaux et communautaires pourrait mener une vérification chez elle si quelqu’un la dénonçait. Elle a déclaré que les enfants sont traités maintenant de la même façon qu’ils l’étaient lorsqu’elle était avec Carrousel. Il n’y a pas de changement en ce qui concerne l’utilisation de sa voiture et elle a une assurance responsabilité civile. Elle a toujours les détecteurs d’incendie et de gaz carbonique. Mme Bardell a déclaré qu’elle n’a pas d’extincteur et qu’elle ne reçoit pas la visite du service de prévention des incendies ou des services de santé.

 

Analyse

 

[59]    La question de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant a été examinée récemment par la Cour suprême du Canada dans l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[3] dans laquelle le juge Major, au nom de la Cour, a confirmé l’application des quatre critères décrits dans l’affaire Wiebe Door Services Ltd. c. Ministre du Revenu national[4]. Le juge Major a déclaré ce qui suit :

 

47.       Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée[[5]], est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

[60]    Dans l’arrêt Wiebe Door, le juge McGuigan a examiné les quatre critères qui sont le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte, et l’intégration et a adopté l’affirmation de Lord Wright selon laquelle c’est « l’ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations »[6] qu’il faut prendre en considération pour déterminer si une personne est un employé ou exploite sa propre entreprise. De toute évidence, les quatre critères sont importants pour essayer d’en arriver à une conclusion. L’ensemble des divers éléments qui constituent la relation entre les parties doit être examiné.

 

Contrôle

 

[61]    De l’avis de l’intimé, la preuve révèle que Carrousel contrôlait le travail de Mme Bardell. Le contrat présenté à Mme Bardell n’était pas négociable. Mme Bardell devait accepter les enfants qui lui étaient envoyés; elle ne pouvait pas refuser un enfant. Elle ne pouvait pas décider unilatéralement de ne plus prendre soin d’un enfant; elle devait donner un avis de deux semaines. Carrousel exerçait une surveillance et avait des visiteurs de services en résidence privée qui effectuaient des visites mensuelles, trimestrielles et annuelles tandis que la LG et son règlement d’application n’exigeaient que des visites trimestrielles. Ces visiteurs supervisaient Mme Bardell, examinaient son programme d’activités et ses menus. De plus, ils veillaient à ce que les activités et les menus soient affichés sur un tableau fourni par Carrousel.

 

[62]    L’avocate de l’intimé a affirmé que Mme Bardell n’était pas autorisée à offrir des services à l’extérieur du cadre de son entente avec Carrousel. Elle ne pouvait pas accepter d’enfants comme si elle était un service privé et chercher des clients de son propre chef. Elle a déclaré que des facteurs comme le fait que Mme Bardell était tenue d’afficher l’annonce de Carrousel dans sa fenêtre, de faire chaque mois des exercices d’incendie, de remplir un registre des présences, de faire des appels téléphoniques pour pouvoir recevoir un paiement et d’assister à des réunions mensuelles et à des séances de formation obligatoires témoignaient tous du contrôle que Carrousel exerçait sur Mme Bardell. L’intimé a en outre soutenu que Carrousel fixait les taux de rémunération, avait des calendriers d’inscription et signait des contrats directement avec les parents et que ces éléments étaient des facteurs de contrôle qui allaient bien au-delà de ce qu’exigeait la LG.

 

[63]    Bien qu’il soit évident que Carrousel exerçait un certain degré de contrôle sur Mme Bardell, je ne suis pas convaincu que ce contrôle était si écrasant qu’il supprimait la totalité du pouvoir discrétionnaire de Mme Bardell de décider comment exploiter son service de garde. De nombreuses dispositions du contrat liant Mme Bardell et Carrousel étaient des tentatives de cet organisme visant à s’assurer que les dispositions de la LG étaient respectées de façon continue, que Cambrian gardait son permis et qu’une norme était respectée par tous les fournisseurs qui exerçaient leurs activités sous le nom Carrousel. En bout de ligne, c’était Mme Bardell qui était responsable du succès ou de la réussite de son service de garde.

 

[64]    Mme Bardell était libre de fixer ses propres heures de travail. Elle décidait des heures d’ouverture et de fermeture de son service de garde. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle avait pris la décision réfléchie de ne pas travailler les fins de semaine parce qu’elle considérait les heures travaillées les fins de semaine comme du travail supplémentaire. Elle décidait quand elle allait assister aux réunions de Carrousel; celles-ci n’étaient pas obligatoires.

 

[65]    Elle décidait aussi du moment où elle prenait ses vacances et elle n’était pas payée pendant celles-ci. Elle pouvait fermer son service complètement ou trouver un assistant fournisseur pour la remplacer pendant ses vacances ou ses absences. C’est elle qui décidait si elle avait besoin d’un remplaçant. Elle a de fait embauché une assistante une fois. Elle a formé cette personne, a déterminé son taux de salaire, lui a versé son salaire et a mis fin à la relation lorsqu’elle n’a plus eu besoin d’elle.

 

[66]    Mme Bardell contrôlait ses tâches courantes. Elle décidait de la façon dont elle utilisait les lieux et le matériel. Elle choisissait les programmes, les menus et les sorties éducatives au sein du cadre fourni. Elle achetait la nourriture pour les enfants. Elle achetait le matériel de bricolage, elle a installé la clôture et les détecteurs d’incendie et de dioxyde de carbone, ainsi que la cloison sèche nécessaires pour que sa résidence soit conforme aux normes.

 

[67]    Mme Bardell a déclaré dans son témoignage qu’elle avait le sentiment qu’elle ne pouvait pas refuser les enfants qui lui étaient envoyés par Carrousel. Cependant, en contre-interrogatoire, elle a admis que l’acceptation des enfants était une bonne décision opérationnelle et un élément essentiel pour continuer à exploiter une entreprise prospère. Mme Bardell a reçu le prix du fournisseur du mois en raison de sa souplesse pour ce qui était d’accepter les enfants. Elle a toutefois déclaré qu’elle croyait qu’elle ne pouvait pas refuser d’enfants et que les autres fournisseurs ne le pouvaient pas non plus. Je me demande si elle a raison de le croire. Si elle était obligée d’accepter les enfants désignés par Carrousel, pourquoi cet organisme l’aurait-il récompensée pour sa souplesse au moment d’accepter les enfants? De fait, elle pouvait refuser des enfants, mais elle a décidé de ne pas exercer cette mesure de contrôle. Elle croyait qu’elle devait accepter tous les enfants qui lui étaient envoyés, mais cela ne signifie pas qu’elle était tenue de tous les accepter.

 

[68]    Bien que les visiteurs des services en résidence privée rendaient à l’improviste des visites aux fournisseurs, ces visites ne peuvent pas être considérées comme équivalant au genre de supervision qu’un employeur exerce sur un employé. Les visites mensuelles avaient lieu pour garantir que Mme Bardell se conformait à la LG et, en conséquence, que Carrousel s’y conformait aussi. Tant que Mme Bardell respectait les diverses dispositions de la LG, elle pouvait diriger son service de garde comme elle l’entendait.

 

[69]    Le contrôle peut être très subjectif. Toutes les personnes ne peuvent pas être contrôlées de la même façon. La personnalité est importante. Dans l’appel qui nous occupe, la personnalité des acteurs - Mme Bardell et Mme Fox, par exemple – influence le degré de contrôle. Un travailleur qui a une personnalité forte ou dynamique peut être capable de faire des choses qu’un travailleur ayant une personnalité passive hésiterait à faire, même s’il en avait le droit. Et lorsque le travailleur a une personnalité passive, l’« employeur » peut profiter de cette passivité. Il se peut que la différence dans la façon dont Mme Bardell et M. Oliver et sa femme exploitaient leur service de garde ait été due au fait que M. Oliver avait une personnalité plus active et plus dynamique que Mme Bardell. C’est mon observation. Il semble avoir obtenu plus de respect de Carrousel que Mme Bardell. Dans une certaine mesure, Mme Bardell a perçu une absence de contrôle ou de la capacité d’agir d’une certaine façon parce qu’elle craignait de prendre la décision ou qu’elle préférait que quelqu’un d’autre lui dise quoi faire. Mme Bardell « croyait » qu’elle ne pouvait pas faire certaines choses que M. Oliver n’a pas hésité à faire. Mme Bardell a attendu que la situation devienne intolérable avant d’exercer son droit de fonctionner chez elle de la façon qu’elle voulait. Cette passivité, toutefois, ne fait pas nécessairement un employé d’une personne qui exploite une entreprise.

 

Propriété des instruments de travail

 

[70]    L’intimé a soutenu que Carrousel fournissait les outils et l’équipement à Mme Bardell. Carrousel fournissait un extincteur à chaque fournisseur et veillait aussi à l’entretien annuel de ces extincteurs. Il avait une vaste joujouthèque et offrait du matériel.

 

[71]    Mme Bardell fournissait tous les outils et les instruments nécessaires au soin des enfants. L’instrument principal indispensable, l’établissement de garde, était la résidence de Mme Bardell. Elle empruntait des jouets de la joujouthèque de Carrousel ainsi que certaines pièces d’équipement; cependant, elle fournissait la maison, la voiture, les activités et la nourriture. Elle fournissait un assistant lorsqu’elle ne pouvait pas assurer le service de garde. Bien que l’assistante fournisseuse devait respecter certaines exigences, c’est Mme Bardell qui l’a embauchée. Elle l’a formée, lui a versé son salaire et a mis fin à la relation d’emploi.

 

Chances de bénéfice et risques de perte

 

[72]    La LG impose une restriction quant au nombre maximum d’enfants qui peuvent se trouver dans le service de garde à tout moment donné, que le responsable de garde soit un employé ou exploite sa propre entreprise. L’article premier de la LG définit ainsi l’expression « garde d’enfants en résidence privée » :

 

La garde temporaire, moyennant rémunération ou avantage quelconque, de cinq enfants au plus âgés de moins de dix ans, pendant une période continue qui ne dépasse pas vingt-quatre heures, dans une résidence privée qui n’est pas celle du père, de la mère ni du tuteur de l’un de ces enfants. («private-home day care»)

 

« Agence de garde d’enfants en résidence privée » est ainsi défini dans la LG :

 

Quiconque fournit des services de garde d’enfants en résidence privée à plus d’un endroit. («private-home day care agency»)

 

Voici la définition que donne la LG du terme « garderie » :

 

Local où l’on accueille plus de cinq enfants sans liens de famille dans le but principal de leur fournir des soins temporaires ou des services de guidance, ou les deux, pendant une période continue qui ne dépasse pas vingt-quatre heures, quand les enfants ont :

 

a)         moins de dix-huit ans, dans le cas d’une garderie pour enfants ayant une déficience intellectuelle;

 

b)         moins de dix ans, dans tous les autres cas.

 

La présente définition exclut :

 

c)         une partie d’une école publique, séparée ou privée au sens de la Loi sur l’éducation. («day nursery»)

 

Le paragraphe 11(1) de la LG prévoit ce qui suit :

 

Nul ne doit ouvrir ni exploiter une garderie ou une agence de garde d’enfants en résidence privée, selon le cas, sans un permis à cet effet délivré par le directeur en vertu de la présente loi. 

 

[73]     Selon ces dispositions, Mme Bardell est limitée en ce qui concerne ses chances de bénéfice même si elle exploite son entreprise indépendamment de Carrousel. Pour pouvoir accueillir plus de cinq enfants, il faudrait qu’elle obtienne un permis et qu’elle embauche un certain nombre de fournisseurs selon le nombre d’enfants qu’accueillerait la garderie. Bien qu’elle ait été limitée à un maximum de cinq enfants sur les lieux en tout temps, elle avait la liberté de choisir quels enfants elle acceptait et combien à l’intérieur de cette limite.

 

[74]     Les taux de rémunération que Carrousel accordait au fournisseur avec effet au 1er janvier sont précisés dans le tableau suivant intitulé « Rétribution des services »:

 

ENFANTS DE MOINS DE 2 ANS

TAUX DU FOURN.

TAUX À 80 %

Code

Atelier de jeu : Moins de 6 heures sans repas

11 50 $

9 20 $

1

Partie de la journée : Moins de 6 heures de garde

20 50 $

16 40 $

2

Journée complète : 6 à 9 heures de garde

23 50 $

18 80 $

3

Horaire prolongé : 9 à 13 heures de garde

35 50 $

28 40 $

4

 

ENFANTS DE PLUS DE DEUX ANS

 

 

 

 

Atelier de jeu : Moins de 6 heures sans repas

11 50 $

9 20 $

1

Partie de la journée : Moins de 6 heures de garde

19 00 $

15 20 $

5

Journée complète : 6 à 9 heures de garde

21 50 $

17 20 $

6

Horaire prolongé : 9 à 13 heures de garde

31 50 $

25 20 $

7

 

ENFANTS D’ÂGE SCOLAIRE

 

 

 

 

Avant l’école seulement

5 00 $

4 00 $

8

Après l’école seulement

8 00 $

6 40 $

9

Avant et après l’école

11 50 $

9 20 $

1

Partie de la journée : Moins de 6 heures de garde

19 00 $

15 20 $

5

Journée complète : 6 à 9 heures de garde

21 50 $

17 20 $

6

Horaire prolongé : 9 à 13 heures de garde

31 50 $

25 20 $

7

 

Les taux de rémunération varient en fonction de l’âge de l’enfant et du nombre d’heures de garde. Un fournisseur peut maximiser son revenu en tirant parti des variations de ces taux.

 

[75]    L’intimé a soutenu que Mme Bardell n’avait pas de chances de bénéfice ou de risques de perte. Carrousel fixe le taux de rémunération; il n’y avait pas de possibilité de négocier ou de demander un montant plus élevé. L’avocate a soutenu que le contrôle des dépenses d’une personne n’est pas une manière valable de calculer les profits. Elle a prétendu que Mme Bardell avait un salaire garanti même lorsque les enfants étaient absents. Elle a aussi soutenu que Mme Bardell était limitée à un nombre maximum d’enfants, même si elle embauchait une assistante, et que ses chances de bénéfice étaient donc fortement limitées.

 

[76]    L’avocate de l’intervenante a soutenu qu’une augmentation des heures de travail ne peut être perçue comme une chance de réaliser un profit. Elle s’est fondée à ce sujet sur le paragraphe ci-après de l’affaire While‑Away Security Services Inc. c. M.R.N., [2001] A.C.I. no. 252, dans laquelle la Cour déclare ce qui suit au paragraphe 47 :

 

[...] Les travailleurs n’avaient de chance de réaliser un profit que s’ils pouvaient augmenter le nombre d’installations exécutées; cela n’est pas le propre des entrepreneurs autonomes. Les employés peuvent augmenter leur salaire en travaillant plus longtemps, à condition qu’il y ait du travail.

 

[77]    Mme Bardell avait la chance de réaliser un profit parce qu’elle contrôlait ses heures de travail. Bien qu’il soit vrai que Mme Bardell était rémunérée selon un taux fixe par enfant, son profit était déterminé par son nombre d’heures de travail, le nombre d’enfants et leur âge. Elle pouvait aussi accroître son profit, par exemple, en acceptant des enfants pour lesquels le tarif applicable était supérieur. Elle pouvait choisir des enfants de manière à appliquer le barème des tarifs de la façon la plus avantageuse possible.

 

[78]    Une autre façon dont Mme Bardell aurait pu faire augmenter son profit était d’exiger des parents qu’ils fournissent de la nourriture et de l’équipement comme les couches et le matériel de bricolage. Mme Bardell n’était pas obligée d’acheter ces fournitures et outils. Le contrat conclu avec le père ou la mère prévoyait que celui-ci ou celle-ci fournissait les couches.

 

[79]    Un risque de perte majeur potentiel pour Mme Bardell découlait de l’entretien de sa résidence et de sa voiture. Elle était aussi responsable des dommages corporels subis par les enfants dans sa résidence ou sa voiture. Pour se protéger contre les pertes, Mme Bardell a souscrit une assurance responsabilité.

 

[80]    Dans l’arrêt Wolf c. Canada[7], le juge Desjardins a étendu le facteur de risques de perte à des facteurs allant au-delà du risque financier; il affirme ce qui suit au paragraphe 87 :

 

 

En contrepartie d'une hausse de salaire, l'appelant en l'espèce prenait tous les risques de l'activité à laquelle il se livrait. Il ne pouvait pas souscrire à un régime d'assurance-maladie ni à un régime de retraite de Canadair. Il n'avait pas de sécurité d'emploi, aucune protection syndicale, ne pouvait pas suivre de cours et n'avait pas de chance d'avancement. C'était à lui d'assumer les profits et les facteurs de risque.

 

 

 

[81]    Mme Bardell ne bénéficiait pas d’un régime d’assurance-maladie offert par Carrousel. Elle n’avait pas de sécurité d’emploi, pas de protection syndicale ni aucun espoir de promotion.

 

Intégration

 

[82]    La valeur du critère de l’intégration a été mise en doute par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Precision Gutters Ltd. c. Canada.[8] Néanmoins, les tribunaux ont tenu compte de ce critère au moment de déterminer l’existence d’une relation employeur-employé. Dans l’affaire Wolf, précitée, la Cour d’appel déclare ce qui suit au paragraphe 93 :

 

Tant le travail de Canadair que celui de l'appelant étaient intégrés au sens qu'ils visaient la même activité et le même objectif, à savoir la certification des aéronefs. Toutefois, compte tenu du fait que le facteur d'intégration doit être pris dans la perspective de l'employé, il est clair que cette intégration était incomplète. L'appelant était chez Canadair pour fournir une aide temporaire dans un champ limité d'expertise, à savoir le sien. Lorsque l'on répond à la question «à qui est l'entreprise?», de ce point de vue là, l'entreprise de l'appelant est indépendante. Une fois le projet de Canadair terminé, l'appelant était éjecté en quelque sorte de son travail. Il devait en chercher un autre sur le marché et ne pouvait pas demeurer à Canadair à moins qu'un autre projet n'ait commencé.[9]

 

[83]    Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Rouselle[10], le juge Hugessen a fait le commentaire suivant sur le critère de l’intégration :

 

Le juge n'a pas mentionné comme tel le facteur "intégration". Evidement à la lumière de la jurisprudence citée ci-dessus, il n'était pas indispensable qu'il en parle. Toutefois, s'il l'avait considéré, il est évident que, vu du point de vue des employés, ceux-ci n'étaient intégrés d'aucune façon dans l'entreprise de l'employeur.

 

Leurs allées et venues, leurs heures et même leurs semaines de travail n'étaient d'aucune manière intégrées ni coordonnées avec les opérations de la compagnie qui les payait. Leur travail bien que fait pour l'entreprise de la compagnie n'en faisait pas une partie intégrante mais y était pûrement [sic] accessoire.

 

[84] Mme Bardell n’était pas intégrée à l’entreprise de l’appelant. Elle lui offrait des services en tant que personne en affaire pour son propre compte. Le contrat qu’elle a signé la décrivait comme une travailleuse autonome. Il n’y a pas d’éléments de preuve qui, en bout de ligne, contredisent sa description de sa relation d’emploi.

 

Contrat

 

[85]    À la date de renouvellement du contrat, Mme Fox le lisait à Mme Bardell chaque année à la date du renouvellement. Avec le temps, Mme Bardell s’est mise à le lire elle-même. Mme Bardell a toujours su que le contrat la liant à Carrousel n’était pas un contrat d’emploi, mais un contrat de louage de services dans le cadre de son entreprise.

 

[86]    Le juge Nöel, dans l’affaire Wolf, a fait les commentaires suivants au paragraphe 122 sur l’intention contractuelle et sa signification dans le cadre d’une relation employeur-employé ou d’une relation d’entrepreneur indépendant :

 

[...] Je reconnais que la façon dont les parties décident de décrire leur relation n'est pas habituellement déterminante, en particulier lorsque les critères juridiques applicables pointent dans l'autre direction. Mais, dans une issue serrée comme en l'espèce, si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l'intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté.

 

[87]    Mme Bardell n’était pas une employée de Carrousel. Elle exploitait sa propre entreprise. « [L]’ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » mène à cette conclusion. La réussite du service de garde dépendrait seulement des efforts de Mme Bardell, non de Carrousel. Si elle n’avait pas le talent qu’elle a de toute évidence pour traiter avec des enfants, son service de garde aurait connu l’échec une fois qu’elle a quitté Carrousel. Or, lorsqu’elle a quitté cet organisme, elle a pu continuer à exploiter son service de garde avec une grande partie des mêmes enfants qu’elle accueillait en vertu de son contrat avec Carrousel. L’entreprise se trouvant au domicile de Mme Bardell était son entreprise.

 

Conclusion

 

[88]    Lorsque je tiens compte de « l’ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » du service de garde, je conclus que Mme Bardell exploitait sa propre entreprise pendant la période pertinente. Mme Bardell n’occupait pas un emploi assurable aux termes de la Loi ni un emploi ouvrant droit à pension en vertu du RPC. Les appels sont accueillis.


Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’août 2004.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de juin 2005.

 

 

Lucie Roberge, traductrice


RÉFÉRENCE :

2004TCC586

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-1379(EI) et 2002-1380(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Cambrian College c. Ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Sudbury (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

26 et 27 juin 2003 et 22 mars 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT :

30 août 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me David Brady

Avocate de l’intimé :

Me Joanna Hill

Avocate de l’intervenante :

Me Nini Jones

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

David Brady

 

Cabinet :

Hicks, Morley

 

Pour l’intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           Le témoignage d’une troisième personne, Mary Jane Tousignant, n’a pas été pris en considération parce qu’il aurait seulement réparti les arguments de l’appelant entre deux personnes. De plus, les documents que la poursuite avait l’intention de produire par l’entremise de Mme Tousignant ont été soumis tard au cours du procès et auraient pu l’être plus tôt par Mme Fox.

[2]           Les annexes du contrat ne sont pas présentées dans les présents motifs.

[3]           [2001] 2 R.C.S.983 et [2001] A.C.S. no 61 2001 CSC59.

[4]           [1986] 2 C.T.C. 200, 87 DTC 5025, le juge McGuigan.

[5]           [1968] 3 All E.R. 722, aux pages 738 et 739.

[6]           Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd. et al., [1947] 1 D.L.R 161, 169-70.

[7]           [2002] 4 C.F. 396 (C.A.F.).

[8]           2002 C.A.F. 207

[9]           Précité.

[10]          [1990] A.C.F. no 990, A-1243-88, A-1244-88 et A-1246-88. (C.A.F.) et (1990), 124 N.R. 339 (C.A.F.) à la page 347.

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