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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2001-2008(GST)G

ENTRE :

ROBERT FREER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

__________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Robert Freer (2001-1718(IT)G) le 25 octobre 2002 et le 2 décembre 2002,

à Halifax (Nouvelle-Écosse).

Devant : l'honorable juge T. E. Margeson

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Wyman W. Webb

Avocat de l'intimée :

Me Marcel Prévost

_______________________________________________________________

JUGEMENT

         L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 29 novembre 1999 et porte le numéro 01CB0304724, est accueilli, avec dépens, et la nouvelle cotisation est annulée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de février 2003.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de janvier 2005.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2001-1718(IT)G

ENTRE :

ROBERT FREER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

_______________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Robert Freer (2001-2008(GST)G) le 25 octobre 2002 et le 2 décembre 2002,

à Halifax (Nouvelle-Écosse).

Devant : l'honorable juge T. E. Margeson

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Wyman W. Webb

Avocat de l'intimée :

Me Marcel Prévost

_______________________________________________________________

JUGEMENT

         Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont admis, avec dépens, et les cotisations sont annulées.

Les pénalités sont annulées.


Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de février 2003.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de janvier 2005.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI20

Date: 20030205

Dossiers: 2001-2008(GST)G

2001-1718(IT)G

ENTRE :

ROBERT FREER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      Il s'agit de l'appel d'une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre » ), dont l'avis est daté du 30 juin 1999, laquelle fixait les obligations fiscales de l'appelant pour les années d'imposition 1995 et 1996. Par cette nouvelle cotisation, le ministre a augmenté le montant de l'impôt sur le revenu payable en incluant dans le revenu de l'appelant des sommes de 17 098 $ et de 17 781 $ respectivement, relatives à la vente de maisons individuelles sur des terrains situés au 129, Teviot Place et au 17, Parkside Drive.

[2]      Le ministre est d'avis que la possibilité de revendre à profit constituait un facteur déterminant ayant poussé à l'acquisition et à la construction des maisons et que, partant, les bénéfices réalisés par l'appelant sur ces ventes représentaient un revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien.

[3]      En outre, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996; par l'avis de nouvelle cotisation no 01CB0304724, daté du 29 novembre 1999, le montant de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) a été fixé et des pénalités et de l'intérêt ont été imposés relativement aux deux mêmes maisons, pour la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996, par le biais des rajustements suivants :

            TPS/TVQ à percevoir                                                          18 200,00 $

            Crédits supplémentaires de taxe sur les intrants               (10 895,11 $)

            Pénalités                                                                               1 607,39 $

            Intérêt                                                                                   1 137,63 $

            TOTAL                                                                                 10 049,91 $

[4]      Toutefois, dans la réponse à l'avis d'appel (la « réponse » ) relative à la cotisation de TPS, le ministre a reconnu qu'il avait commis une erreur lorsqu'il avait fixé à nouveau le montant de la taxe nette payable par l'appelant relativement à un immeuble d'habitation à logement unique situé au 129, Teviot Place en 1995 et qu'il aurait dû établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant en 1994, année où ce dernier occupait l'immeuble d'habitation à logement unique en question.

[5]      L'avocat de l'intimée a convenu que l'appel portant sur cet immeuble devait être admis et que la cotisation du ministre à cet égard devait être annulée.

[6]      En substance, à la fin du procès, les deux parties ont convenu que les questions qui restaient à trancher étaient les suivantes :

1)      Le gain réalisé sur la vente de la maison au 129, Teviot Place, le cas échéant, avait-il le caractère d'un revenu ou a-t-il été réalisé sur la vente d'une résidence principale et est en conséquence exonéré?

2)      Le gain réalisé sur la vente de la maison au 17, Parkside Drive, le cas échéant, avait-il le caractère d'un revenu ou a-t-il été réalisé sur la vente d'une résidence principale et est en conséquence exonéré?

3)      L'appelant est-il tenu de payer la TPS fixée à 9 100 $ relativement à cette maison?

4)      L'appelant était-il un « constructeur » de ces maisons au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour la période faisant l'objet de l'appel?

5)      Les crédits d'impôt supplémentaires au montant de 10 895,11 $ ont-ils été correctement établis dans la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant?

6)      L'appelant était-il passible des pénalités et de l'intérêt tels qu'ils ont été imposés?

Preuve

[7]      Patricia O'Halloran était la conjointe de fait de l'appelant et connaissait la situation factuelle liée à l'achat des terrains, la construction des logements résidentiels et la vente des maisons situées aux adresses suivantes : 112, Coldstream Drive; 167, Teviot Place; 129, Teviot Place; 17, Parkside Drive; et 148, Teviot Place. Elle a témoigné qu'ils n'avaient jamais eu l'intention de revendre les maisons susmentionnées. Celles-ci avaient toutes été construites en vue d'en faire leur résidence et d'y vivre.

[8]      Dans chacun des cas, ils ont déballé leurs effets personnels, ils ont organisé des fêtes avec des amis et des proches, ils n'ont pas mis en vente leurs maisons, ils ont apporté des améliorations pour des motifs personnels et ont emporté quelques-unes d'entre elles une fois les maisons vendues. Les seuls motifs pour lesquels les maisons ont été vendues sont les suivants : les agents immobiliers les imploraient de mettre les maisons en vente; ils ont été informés que des gens étaient intéressés à les acheter; ils avaient des problèmes avec les enfants des voisins; certaines maisons ne leur convenaient plus après qu'elle soit devenue enceinte; la circulation automobile dans le voisinage est devenue un problème; l'emploi de l'appelant est devenu incertain et ils ont cru qu'ils seraient forcés de déménager; une forte odeur provenait d'une renardière de la région qui n'était plus en exploitation, ce qui les dérangeait énormément; la circulation a augmenté dans la zone et la rue est devenue une rue de transit. Ils ont décidé de rester dans le quartier, car ils s'y étaient fait des amis proches, qu'il s'agissait d'un voisinage agréable et qu'il y avait des écoles à proximité. L'autoroute se trouvait également tout près, ce qui représentait un avantage pour ce témoin. L'endroit leur convenait et ils se sentaient bien dans ces maisons, mais elles ont dû être vendues en raison de nouvelles circonstances.

[9]      Lors du contre-interrogatoire, ses arguments étaient les mêmes et son témoignage n'a pas été fortement remis en cause.

[10]     De manière générale, Robert Freer a témoigné dans le même sens que le témoin précédent. Au départ, ils voulaient une maison qui leur appartiendrait et ils ont donc acquis le terrain et construit la résidence du 112, Coldstream Drive. Comme le témoin précédent, il a déclaré qu'ils n'avaient pas la moindre intention de vendre cette maison ni les maisons subséquentes lorsqu'elles ont été construites. Il a confirmé qu'ils avaient reçu des amis et des membres de leur famille dans ces résidences et qu'ils aimaient faire la fête dans le quartier. Ils avaient défait toutes leurs boîtes. La seule raison pour laquelle ils ont décidé de vendre est qu'ils ont été contactés dans ce but par des agents immobiliers qui ont laissé des brochures à leur résidence. Ils n'en ont tout d'abord pas tenu compte, mais, finalement, ils ont décidé de vendre. Il a confirmé que, relativement à la maison au 167, Teviot Place, il y avait un problème avec le système de chauffage électrique, ce qui entraînait des coûts élevés. Les coûts augmentaient et il a conclu de l'immeuble n'était pas économique. Comme le témoin précédent, il a affirmé que les enfants des voisins leur posaient également problème. Cette maison a donc été vendue.

[11]     Une fois de plus, au 129, Teviot Place, ils se sont occupés de l'aménagement paysager, ils ont posé des cordes à linge, ils ont peint les façades extérieures, ils ont installé une lampe de porte spéciale, ils ont planté des arbustes, ils ont préparé un jardin potager et ils ont personnalisé leur porte d'entrée avant avec un heurtoir qu'ils ont remplacé à leur déménagement. Cela représentait un certain problème. Ils ont été incités à déménager de cette demeure, car sa conjointe de fait était enceinte et, comme la maison était composée d'aires ouvertes, elle n'était pas adéquate pour élever des enfants. Ils voulaient tout avoir sur un seul étage. Il a confirmé qu'ils n'avaient pas l'intention de vendre lorsqu'ils ont construit cette résidence, dans laquelle ils comptaient s'établir pour longtemps.

[12]     Ils ont souscrit un emprunt hypothécaire pour trois ou quatre ans et savaient qu'il y aurait une pénalité s'ils la remboursaient au complet. Il a confirmé le problème de circulation automobile lorsque certains des lots ont été décloisonnés, qu'un raccourci menant au lotissement a été aménagé et que la vitesse est devenue un problème. Encore une fois, un agent immobilier est venu le rencontrer lorsqu'il a entendu dire que sa conjointe était enceinte et il lui a demandé de mettre en vente la maison. Ils se sont consultés à ce sujet et la maison a par la suite été vendue.

[13]     Pour ce qui est du 17, Parkside Drive, il a installé des volets, il s'est occupé de l'aménagement paysager, il a personnalisé la chambre du bébé en posant un papier peint assorti au lit et au berceau. Ils n'avaient pas l'intention de vendre cette maison. Elle était située dans une aire privée et ils voulaient y rester. Ils ont cru que ça y était. Mais cette maison a été vendue parce qu'il était sur le point d'être mis à pied et qu'ils n'avaient plus les moyens de se la payer. Il a également mentionné que des odeurs malodorantes provenaient de la cour arrière, ce dont ils ne se sont rendu compte qu'une fois qu'il a commencé à faire chaud. La maison n'a été vendue qu'après que des agents immobiliers ont communiqué avec eux. La grève a par la suite été réglée et les circonstances ont changé.

[14]     Il a fait construire la maison au 148, Teviot Place par un entrepreneur et a lui-même embauché les sous-traitants. Il l'a vendue parce qu'il a été transféré à Halifax dans un service différent. Il n'était pas tout à fait certain des bénéfices qu'ils avaient réalisés sur la vente des maisons, mais il a affirmé qu'il n'avait pas fait d'argent avec la vente du 112, Coldstream Drive; il a réalisé entre 5 000 $ et 10 000 $ sur la vente du 167, Teviot Place. Relativement au 129, Teviot Place et au 17, Parkside Drive, il n'avait pas l'intention de réaliser des bénéfices : il voulait tout simplement récupérer son argent.

[15]     Il se souvenait avoir reçu un appel téléphonique d'une fonctionnaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) qui lui avait posé des questions au sujet des maisons. Il a cru qu'on lui jouait un tour. Il avait bu plusieurs verres et ne savait absolument pas de quoi on lui parlait. On lui a demandé s'il vendait des maisons en vue d'en tirer un bénéfice; cela l'a agacé et il est possible qu'il se soit montré quelque peu brusque avec son interlocutrice.

[16]     Relativement au 112, Coldstream Drive, il n'arrivait pas à se souvenir s'il en avait tiré un bénéfice, mais il a ensuite déclaré qu'il avait peut-être gagné 1 000 $ ou 2 000 $. Encore une fois, il l'a vendue parce que des agents immobiliers l'ont contacté et que la maison ne leur convenait pas. Le fait de vendre le rendait nerveux, mais il l'a tout de même fait. Non seulement il n'avait pas la moindre intention de vendre ces maisons au moment où elles ont été construites, mais il n'avait pas non plus l'intention d'en tirer un bénéfice.

[17]     La résidence du 167, Teviot Place a fait l'objet d'une vente privée, qui n'a pris qu'un mois. À cette époque, le lotissement des terres n'était pas encore achevé. Ils n'avaient pas vu de plans futurs pour le lotissement sauf pour la zone où les lots étaient en vente. Il n'a pas pensé à faire un profit dans l'avenir et il ne menait pas d'activités visant de telles fins. Cela ne lui est jamais passé par l'esprit.

[18]     Lorsqu'il a acheté le lot du 129, Teviot Place, il y avait une barrière d'arbres. Il savait qu'un jour la rue serait décloisonnée, mais il ne savait pas quand. Encore une fois, des agents immobiliers l'ont contacté à plusieurs reprises pour lui proposer de vendre. Il a réalisé un bénéfice lorsqu'il a vendu cette maison.

[19]     Il était disposé à reconnaître qu'il était toujours possible de faire un profit, mais il a affirmé que cette possibilité ne constituait pas un motif déterminant l'ayant poussé à vendre ses maisons. La situation au travail a changé assez soudainement et elle est devenue plutôt incertaine. Durant une certaine période, il courait le risque d'être mis à pied. Lorsque la barrière d'arbres a été enlevée à Teviot Place, la rue est devenue une rue de transit.

[20]     Il a été l'un des premiers à acheter une maison le long de Parkside Drive mais il n'a jamais eu l'intention de la vendre. Il y a vécu pendant environ sept mois et demi. Il a participé à la conception et a retenu les services de sous-traitants. Encore une fois, des agents immobiliers l'ont contacté pour lui proposer de vendre. Il a confirmé les propos du témoin précédent relativement aux changements qui s'étaient produits dans leur vie : ils attendaient la naissance de leur premier enfant et la maison ne leur convenait plus puisqu'ils allaient fonder une famille. Au début, ils ne prévoyaient pas avoir d'enfants et il a déclaré : [traduction] « nous n'y avions jamais pensé. Nous vivions au jour le jour à cette époque et n'avions pas prévu la naissance d'enfants. Nous étions tous les deux des professionnels. »

[21]     Toutes les maisons en cause ont été grevées d'une hypothèque de la Banque de Montréal. Les modalités étaient toutes semblables, mais le taux variait. Les hypothèques prévoyaient toutes des pénalités et ont elles toutes été remboursées avant qu'elles n'arrivent à échéance. Il n'avait pas les reçus relatifs à certaines des déductions qu'il demandait, et il avait payé en espèces lors de certaines opérations, mais il continuait à faire affaire avec les personnes concernées, car il s'agissait d'entrepreneurs compétents et qu'ils étaient disponibles. Dans certains cas, il n'a pas conservé les reçus parce qu'il s'agissait d'opérations au comptant. Les entrepreneurs en question effectuaient le travail à meilleur compte. Ils n'ont pas discuté de la question de la TPS au moment d'établir le prix final.

[22]     La vérificatrice a refusé certaines dépenses parce qu'il n'avait pas de reçus à l'appui. Il a discuté une ou deux fois avec Wenda Taylor. Il ne se souvenait pas avoir parlé des remboursements de TPS et des hypothèques. Il se rappelle seulement avoir eu une conversation téléphonique vers 20 h ou 21 h. Il avait bu quelques verres. Elle s'est présentée et elle a parlé des maisons. Il était en colère. Il ne savait pas s'il s'agissait d'une plaisanterie et il ne s'attendait pas à recevoir un appel de l'ADRC à cette heure avancée.

[23]     Il croit lui avoir téléphoné de son travail par la suite. Puis il a reçu une lettre. Il ne se souvenait pas de quoi il avait parlé, mais il croit qu'il était au travail à ce moment. Il n'y a jamais eu d'affiche « à vendre » sur le terrain du 112, Coldstream Drive, mais un agent immobilier l'a contacté à ce sujet. Aucun agent immobilier n'a conclu la vente du 167, Teviot Place, car il s'agissait d'une vente privée. Bien qu'il ait réalisé un bénéfice de 5 000 $ à 7 000 $, il ne pense pas qu'il aurait fait un profit s'il avait conclu la vente par l'intermédiaire d'un agent immobilier, puisque ce dernier aurait retenu une commission.

[24]     George Freer, le père de l'appelant, était mécanicien industriel. Il a confirmé qu'il avait préparé un panneau portant le numéro municipal spécialement pour le 129, Teviot Place, ainsi qu'un lampadaire. Ces objets étaient uniques et particuliers et il y a consacré plusieurs heures de travail. Ils ont été installés sur le terrain. Ils n'ont jamais pensé que l'appelant vendrait la maison. Ces objets étaient vraiment très particuliers.

[25]     Relativement au 17, Parkside Drive, il avait construit un panneau particulier portant le numéro municipal. Il l'a conçu lui-même et l'objet comportait une volute rétro. Il considérait ce panneau comme quelque chose de particulier. Il ne se serait pas donné tout ce mal s'il avait pensé qu'ils allaient déménager. Il a confirmé qu'il y avait des odeurs désagréables dans le secteur et que ça sentait [traduction] « assez mauvais à l'intérieur comme à l'extérieur » . Son fils et sa conjointe l'ont informé d'où provenaient ces odeurs.

[26]     L'intimée a cité comme témoin Wenda Taylor, qui était vérificatrice pour l'ADRC. Elle s'occupait de la vérification de dossiers relatifs à des entreprises et d'autres dossiers que lui assignaient son supérieur, dont faisait partie le dossier de l'espèce. Elle a téléphoné à l'appelant en décembre 1997. Elle lui a parlé à partir de sa chambre d'hôtel à Truro (Nouvelle-Écosse). Elle tentait de déterminer si les produits de la vente des maisons avaient le caractère d'un revenu. Elle a mentionné les notes qu'elle avait prises (pièce R-1, onglet 9). Elle a également envoyé une lettre à l'appelant (onglet 10). Elle a expliqué le motif pour lequel elle avait décidé de refuser certaines dépenses. Elle avait conclu que les maisons avaient été vendues en vue de tirer un revenu.

[27]     Il manquait des reçus pour étayer certaines dépenses dont la déduction était demandée, mais elle en a tout de même admis certaines qui semblaient raisonnables. Elle a accordé un délai supplémentaire de 30 jours à l'appelant afin qu'il fournisse des reçus supplémentaires avant qu'elle ne prenne une décision. Elle a également passé en revue les reçus supplémentaires se trouvant sous la cote R-3. On lui a posé des questions au sujet de ses notes et elle a déclaré qu'elle les avait prises après son retour de Truro. Elle a tenu compte des conversations téléphoniques qu'elle avait eues avec l'appelant. Lorsqu'elle a produit son rapport (pièce R-1, onglet 12), elle avait conclu que les produits des ventes avaient le caractère d'un revenu.

[28]     Lors du contre-interrogatoire, elle a reconnu qu'elle n'avait jamais rencontré l'appelant en personne et qu'elle ne lui avait parlé qu'au téléphone. Elle a visité la région où les terrains étaient situés à Truro ainsi que les maisons, sauf le 112, Coldstream Drive. Ses rapports se fondent sur deux appels téléphoniques qu'elle a effectués. L'appelant a répondu à ses questions et ils ont discuté. Elle n'avait pas l'impression qu'elle avait suggéré à l'appelant que son intention était de construire et de vendre des maisons jusqu'à ce qu'ils trouvent la maison parfaite, grevée de la plus petite hypothèque possible. Ces déclarations figurent dans son rapport et sont attribuées à l'appelant.

[29]     Ce témoin a été interrogé et contre-interrogé au sujet de cette affaire; elle ne croyait pas avoir suggéré cela à l'appelant, mais elle ne pouvait pas affirmer si elle l'avait effectivement fait ou non. Elle a reconnu que la formulation de son rapport ne correspondait pas à celle de ses notes. Les modalités hypothécaires auraient été l'un des critères qu'elle a considérés pour prendre sa décision.

[30]     Elle n'a pas pris en considération l'effet de la règle sur la fourniture à soi-même sur le droit au crédit de l'appelant. On lui a mentionné la somme de 220 $ qu'elle avait admise au titre des frais de plomberie; elle a reconnu que cette somme n'était pas raisonnable au titre des frais de plomberie, et qu'elle n'avait pas admis d'autres sommes, car elles n'étaient pas justifiées par des reçus. En vue de déterminer si les produits d'une vente ont le caractère d'un revenu, les points suivants doivent être examinés : le nombre de ventes, le mode d'occupation, l'intention du contribuable, la durée d'occupation de la maison et les motifs du déménagement. Elle a envoyé une lettre exposant les critères qui seraient examinés. Elle ne savait pas si la naissance d'un enfant constituait un motif suffisant pour pousser une personne à déménager. Toutefois, la perte d'un emploi était un facteur qui devait être étudié.

[31]     Au ré-interrogatoire, elle a reconnu qu'elle n'avait pas la pièce A-19 en sa possession à des fins de vérification, comme elle l'avait mentionné dans sa déclaration datée du 16 novembre 1994. Cette pièce n'a pas été fournie. Elle n'avait pas la pièce A-5, car cette pièce n'a pas été fournie. D'autres dépenses qu'elle a refusées (pièce R-2, onglet 1, annexe II) pourraient l'avoir été parce qu'elle ne savait pas à quelles fins elles avaient été engagées.

Arguments présentés pour le compte de l'appelant

[32]     L'avocat a soutenu que, pour toutes les maisons en cause, l'appelant avait acheté les lots et y avait construit des maisons à la seule fin de les utiliser comme sa résidence principale. De manière générale, il était d'avis que l'appelant avait déménagé d'un endroit à l'autre en raison de circonstances nouvelles qui se présentaient et qui faisaient en sorte que la maison existante, laquelle était occupée à titre de résidence principale, ne leur convenait plus. Un certain nombre d'imprévus ont fait en sorte qu'il était non seulement pratique, mais également raisonnable pour l'appelant et sa conjointe de chercher un nouveau logement. Il n'empêche qu'ils n'ont jamais eu l'intention de vendre leurs maisons, qu'il s'agisse d'une intention première ou secondaire, au moment où elles ont été construites.

[33]     Il a invoqué l'affaireHappy Valley Farms Ltd. c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-6632-82, 16 juillet 1986 (86 D.T.C. 6421), laquelle établit les critères qui doivent servir à une telle détermination, notamment : 1) la nature du bien qui est vendu; 2) la durée de la possession; 3) la fréquence ou le nombre d'opérations similaires effectuées par le contribuable; 4) les améliorations faites sur le bien converti en espèces ou se rapportant à pareil bien; 5) les circonstances qui ont entraîné la vente du bien; 6) le motif. Il a passé en revue les parties de la preuve qu'il jugeait pertinentes et a déclaré à la fin de l'examen que l'appelant avait fourni des explications raisonnables pour justifier la vente de ses maisons. Si on applique ces six critères à la preuve, on se doit de conclure que, à aucun moment, l'appelant n'a eu l'intention, première ou secondaire, de vendre ses maisons en vue d'en tirer un profit au moment de l'acquisition des lots et de la construction des maisons sur ces lots.

[34]     Il a fait référence entre autres à la décoration particulière aménagée dans la chambre du bébé au 17, Parkside Drive, au heurtoir de porte personnalisé, à la peinture qu'ils avaient faite et à la décoration qu'ils avaient agencée à leur goût. Ils ont vendu le 129, Teviot Place, parce qu'ils avaient eu un enfant, ce qui n'était pas planifié, et que cette maison ne convenait pas pour y élever un enfant, car ils ne la jugeaient pas sûre à de telles fins.

[35]     En outre, relativement au 17, Parkside Drive, l'appelant était préoccupé par son emploi et sa conjointe était en congé de maternité. Comme elle, il recevait des prestations d'assurance-emploi. Il ne pouvait pas à cette époque conserver son poste au détriment d'un autre employé. Il a reçu du travail temporaire durant cette période et ne pouvait connaître d'avance le dénouement de la grève à venir. De plus, relativement au motif de la vente du 129, Teviot Place, il importe d'examiner le document déclaratoire. Le terme de l'hypothèque était de quatre ans et sept mois. Pourquoi aurait-il choisi un terme aussi long s'il avait eu l'intention de vendre ?

[36]     La preuve montre que l'appelant aurait pu opter pour un privilège de remboursement par anticipation limité ou ouvert. Il a choisi l'option de privilège de remboursement par anticipation limité. Il a indiqué qu'il s'était vu imposer des pénalités par le passé. Pour quelle raison aurait-il choisi cette option s'il avait eu l'intention de vendre?

[37]     Dans un même ordre d'idées, relativement au 17, Parkside Drive, la durée du prêt hypothécaire était de trois ans et dix mois, et encore une fois, il a choisi le privilège de remboursement par anticipation limité. Pourquoi aurait-il fabriqué des rideaux pour son ménage et les aurait-il emportés avec lui s'ils avaient eu dès le début l'intention de vendre la maison? Pourquoi auraient-ils percé des trous dans la porte d'entrée et installé un heurtoir personnalisé ? Pourquoi auraient-ils décoré la chambre du bébé avec des draps et de la tapisserie ?

[38]     Il a soutenu que la preuve indiquait que, au moment où cette maison avait été vendue, l'hypothèque n'avait été réduite que d'un faible montant. Cela dit, il aurait été difficile pour eux de faire de l'argent. Par conséquent, il n'est pas possible qu'ils aient eu l'intention de vendre lorsqu'ils ont souscrit l'hypothèque. En outre, les deux maisons avaient la même valeur et une vente n'allait pas le moindrement augmenter leur patrimoine.

[39]     Pour ce qui est de la prétendue déclaration qui a été faite aux vérificateurs relativement à la question de l'intention, l'avocat a soutenu que cela n'avait que très peu de poids. Ce renseignement a été reçu lors d'un appel téléphonique effectué un lundi soir, à 21 h 30 selon les dires de l'appelant. Il avait bu. La déclaration qu'il a faite n'avait trait qu'à son intention d'obtenir une hypothèque aux modalités les plus avantageuses possible : pourquoi serait-il pénalisé pour cela?

[40]     Comme l'a fait remarquer le juge Bowman de la Cour canadienne de l'impôt dans la décision Dicecca c. La Reine, C.C.I., no 93-1100(IT)I, le 1er septembre 1993 (1993 CarswellNat 1225, [1994] 1 C.T.C. 2087), la Cour doit se pencher sur toutes les circonstances propres à l'affaire en vue de rendre une décision. En l'espèce, l'appelant et sa femme ont emporté tous leurs effets personnels dans leurs maisons, nombre d'objets étaient personnalisés, et ils ont accompli d'importants travaux à des fins personnelles. Les circonstances qui les ont poussés à vouloir déménager étaient indépendantes de leur volonté. La preuve montre clairement qu'il n'existait pas d'intention première ni secondaire de vendre au moment où les résidences ont été construites.

[41]     Subsidiairement, l'avocat a exprimé son désaccord avec les montants qui ont été présentés comme étant les montants par lesquels les produits dépassaient le coût de chaque maison. Il a soutenu que des dépenses supplémentaires avaient été engagées et avaient été refusées par l'ADRC, et notamment que la TPS payable par l'appelant (fixée en application des règles sur la fourniture à soi-même de la Loi sur la taxe d'accise) devrait également pouvoir être déduite dans le calcul du gain obtenu par la vente de chaque maison. Les pénalités imposées en vertu de la Loi sur la taxe d'accise seraient déductibles d'après la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804 ([2000] 1 C.T.C. 57, 248 N.R. 216).

[42]     Pour ce qui est de l'appel de la cotisation établie en vertu Loi sur la taxe d'accise, il a exprimé son désaccord avec les montants accordés à l'appelant au titre de crédits de taxe sur les intrants et a affirmé que la taxe nette payable relativement au 17, Parkside Drive, devrait être de 1 485 $.

[43]     En outre, il a soutenu que l'appelant n'était pas le « constructeur » de la maison du 17, Parkside Drive et que le paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d'accise ne s'appliquait pas à l'appelant relativement à cet immeuble; ce paragraphe n'aurait été applicable que si l'appelant était un constructeur, tel que défini à l'article 123 de la Loi sur la taxe d'accise.

[44]     L'appelant a construit la maison en vue de l'utiliser et de l'occuper à titre de résidence principale pour lui-même et sa famille, et non dans le but de la revendre. Partant, les maisons n'ont pas été construites dans le cadre d'une entreprise ou d'un projet de nature commerciale.

[45]     Si l'appelant était le constructeur, les dispositions du paragraphe 191(5) de la Loi sur la taxe d'accise s'appliqueraient; toutefois, étant donné que l'appelant a utilisé cette maison principalement dans le but d'en faire sa résidence et celle de sa famille, que ladite maison n'a pas été utilisée à d'autres fins et que l'appelant n'a pas demandé de crédits de taxe sur les intrants pour la construction d'autres maisons, les dispositions du paragraphe 191(1) ne s'appliquent pas.

[46]     Subsidiairement, si l'appelant était le constructeur de cette résidence et que les dispositions du paragraphe 191(5) de la Loi sur la taxe d'accise ne s'appliquent pas, la taxe nette payable doit correspondre au montant mentionné précédemment.

Arguments présentés pour le compte de l'intimée

[47]     L'avocat de l'intimée a également pris appui sur la décision Happy Valley Farms Ltd., précitée. Il a soutenu que la Cour devait se pencher sur la nature des biens vendus. Entre 1991 et 1997, cinq maisons différentes ont été vendues. L'appelant avait l'intention première de vendre. Il s'était lancé dans un projet de nature commerciale. Il convient de noter les périodes de temps durant lesquelles l'appelant a vécu dans les maisons en cause. Chacune d'elles était de très courte durée.

[48]     L'argument selon lequel la nature du travail que l'appelant a consacré aux diverses maisons montrait qu'il n'avait pas une intention première ou secondaire de vendre ne devrait pas être accepté. Ces éléments de preuve ne sont pas révélateurs. En réalité, un nouvel acheteur pourrait très bien n'avoir aucun problème avec le type de peinture ou de papier peint d'une résidence; de tels changements peuvent au contraire avoir augmenté les possibilités de revente. C'est le type de travaux qu'une personne effectue lorsqu'elle emménage dans une maison, qu'elle ait ou non l'intention de la vendre. Cela n'indique pas qu'elle n'avait pas une intention secondaire de vendre.

[49]     La preuve a indiqué que l'appelant avait affirmé n'avoir aucune intention de vendre sa première maison. Il comptait y rester pour la vie. Cette résidence ne présentait aucun inconvénient hormis le fait qu'il souhaitait avoir une nouvelle salle de bain. Pourquoi n'aurait-il pas pu aménager une salle de bain, ne serait-ce que dans le sous-sol? Il aurait pu le faire même si cela avait été plus compliqué.

[50]     En qui a trait à la résidence du 167, Teviot Place, il a réalisé un bénéfice d'environ 6 000 $ à 7 000 $. À ce moment-là, il connaissait l'état du lotissement et du marché. Le lotissement se développait à toute allure. Il savait que la barrière d'arbres avait été enlevée. Il avait un motif de vendre, comme dans l'affaire Happy Valley Farms Ltd., précitée. L'appelant n'a eu aucun problème à vendre ses maisons. Il savait que s'il y demeurait durant un certain temps, il réussirait à les vendre. Les maisons de la région se vendaient. Les agents immobiliers frappaient à sa porte. Il ne peut en aucun cas affirmer qu'il n'avait pas une intention secondaire de vendre si l'occasion se présentait.

[51]     La Cour doit tenir compte de tous les faits. Ce faisant, elle doit conclure qu'il existait une intention secondaire de vendre.

[52]     Lorsque l'appelant a été interrogé au sujet de la question du profit, il a eu l'air de vouloir éviter le sujet. Il a vendu l'une de ses maisons de sa propre initiative, et ce, alors qu'il ne la possédait que depuis peu de temps. Cela montre à quel point les maisons se vendaient facilement.

[53]     L'argument relatif au premier enfant n'est pas révélateur. S'ils comptaient rester à cet endroit pour le reste de leur vie, ils auraient dû envisager le fait qu'ils auraient peut-être des enfants. Il ne s'agissait pas de maisons qui avaient déjà été construites. Ils auraient pu apporter certaines modifications.

[54]     Pour ce qui est de l'effet de la grève ou des problèmes relatifs au travail de l'appelant, ce dernier était au courant de certains de ces problèmes depuis novembre 1995 et il savait qu'il était possible qu'il y ait des mises à pied ou qu'une grève soit déclenchée. Depuis le début des années 1990, cette possibilité de mises à pied et de grève existait. Qu'auraient-ils pu faire de mieux que de construire dans une région où ils savaient qu'il serait facile de vendre? L'appelant savait tout cela durant la période en cause.

[55]     Il n'y avait pas plus d'un kilomètre de distance entre toutes les maisons. L'appelant a continué à construire de nouvelles maisons. Il n'a acheté aucune maison existante. Pourquoi aurait-il assumé tout le processus de construction s'il n'avait pas pensé que, un jour, cela lui rapporterait? Cela constitue une preuve de l'existence d'une intention secondaire.

[56]     Relativement à la longue durée des prêts hypothécaires et à la question des pénalités qui sont prévues, l'appelant s'est vu imposer des pénalités pour toutes les maisons. Il savait qu'il serait passible de pénalités, mais cela ne l'a pas empêché de construire de nouvelles maisons et de souscrire d'autres hypothèques de longue durée. Le fait que l'option de remboursement de ces prêts était ouverte ou limitée n'indique rien de plus.

[57]     L'appelant ne savait pas à quel moment il pourrait perdre son emploi. Il faut en tenir compte. Après avoir vendu la première maison, il a eu envie d'en vendre d'autres, car il s'était rendu compte qu'il pouvait faire des profits. L'affaire Happy Valley Farms Ltd., précitée, nous montre le chemin à suivre, bien que la plupart des causes soient liées aux faits qui leur sont propres.

[58]     Il a rejeté l'argument subsidiaire de l'appelant fondé sur le paragraphe 191(5) de la Loi sur la taxe d'accise. Il a conclu qu'il était un constructeur et que l'exception ne s'appliquait donc pas. Il n'avait pas l'intention de faire de la maison sa résidence personnelle, mais plutôt de la vendre. En outre, les dépenses subsidiaires dont l'appelant a demandé la déduction ne devraient pas être admises. Si la somme de 9 100 $ n'a pas été dépensée dans le but de gagner ou de produire un revenu, elle ne pouvait pas être déduite. L'appelant est réputé avoir vendu la maison à lui-même et il est réputé avoir perçu les taxes en vertu de l'article 91 de la Loi sur la taxe d'accise.

[59]     L'argument concernant la déduction des pénalités est rejeté. L'affaire 65302 British Columbia Ltd., précitée, ne peut s'appliquer aux faits de l'espèce. Il a été énoncé dans cette affaire que les pénalités pouvaient être déduites; toutefois, cette cause diffère de celle qui nous occupe, car les pénalités avaient été imposées dans ce cas-là en raison d'une surproduction, les contribuables ayant pris la décision commerciale de produire au-delà des quotas afin de conserver leurs clients.

[60]     Finalement, l'appel devrait être admis relativement au 129, Teviot Place pour 1995, conformément au paragraphe 11 de la réponse. À tous autres égards, l'appel devrait être rejeté et la cotisation du ministre devrait être ratifiée de nouveau.

[61]     L'avocat était disposé à accepter que, si la Cour concluait que l'appelant n'avait pas de motif premier ou secondaire de vendre les maisons une fois construites, le dossier serait fermé, l'appel devrait être admis et la cotisation du ministre annulée. En revanche, si la Cour considérait que l'appelant avait une intention première ou secondaire de vendre les maisons, elle devrait alors examiner les deux arguments subsidiaires fournis par l'appelant. Ces arguments ne devraient pas être acceptés et l'appel devrait, à tous autres égards, être rejeté.

[62]     En contre-preuve, l'avocat de l'appelant a déclaré que, s'il avait voulu apporter des modifications au sous-sol en vue d'y aménager une salle de bains, comme le suggérait l'avocat de l'intimée, il aurait été nécessaire de démolir une partie du sous-sol. En outre, le profit réalisé par la vente du 167, Teviot Place n'était que de 7 000 $, et s'ils avaient fait affaire avec un agent d'immeubles, il n'y aurait pas eu de profit du tout.

[63]     L'appelant ne courait pas constamment le risque de perdre son emploi. La grossesse de sa conjointe a été un événement imprévu et de première importance. Pour quelle raison sont-ils demeurés dans la région ? Leurs amis y demeuraient. Pour ce qui est du paragraphe 191(5) de la Loi sur la taxe d'accise, celui-ci ne s'applique que dans le cas d'un constructeur, et l'appelant n'en était pas un.

[64]     Quant à la somme de 9 100 $ dont l'appelant a demandé la déduction, celle-ci n'a pas été reçue au titre d'un revenu en vertu des règles sur la fourniture à soi-même, car elle a été imposée à l'appelant. Il s'agissait pour lui de frais directs.

Analyse et décision

[65]     Comme l'ont soutenu les deux avocats, la Cour est convaincue que le litige en l'espèce comporte deux volets. D'un côté, l'appelant envisageait-il, au moment d'acquérir ces maisons, la possibilité de les revendre, et cette possibilité représentait-elle un motif déterminant l'ayant poussé à les acquérir? Deuxièmement, si ce motif déterminant existait au moment de l'acquisition, les maisons ont-elles été vendues à profit, et, le cas échéant, quelle est la manière adéquate de calculer ce profit? Ces questions sont pertinentes pour les deux maisons pour lesquelles une question d'impôt sur le revenu est en jeu, mais elles ne s'appliquent au 17, Parkside Drive que relativement à la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Dans ce cas, la Cour devra déterminer si la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, qui fixait le montant de la TPS/TVH supplémentaire, a été convenablement établie, uniquement en ce qui a trait au 17, Parkside Drive.

[66]     Les deux parties ont invoqué l'arrêt Happy Valley Farms Ltd., précité, qui est l'un des arrêts de principe portant sur la question fondamentale dont cette cour est saisie. À la page 5, le savant juge de première instance a établi six critères que la Cour devait appliquer en vue de répondre à la question appropriée. Ces six critères étaient : 1) la nature du bien qui est vendu; 2) la durée de la possession; 3) la fréquence ou le nombre d'opérations similaires effectuées par le contribuable; 4) les améliorations faites sur le bien converti en espèces ou se rapportant à pareil bien; 5) les circonstances qui ont entraîné la vente du bien; 6) le motif.

[67]     Dans cette affaire, on a considéré que le critère du motif ou de l'intention était celui qui avait été le plus étudié. Comme il est énoncé à la page 6, le sixième critère, « le motif » :

                   Dans tous les cas de ce genre, le motif du contribuable est toujours pertinent. L'intention au moment de l'acquisition d'un bien, déduite à partir de circonstances et de la preuve directe, constitue l'un des éléments les plus importants aux fins de la détermination de la question de savoir si un gain constitue un revenu ou s'il est imputable au capital.

Tous les facteurs précités ont été examinés par les tribunaux, mais c'est le dernier facteur, soit le motif ou l'intention, qui a été le plus étudié. Ce facteur, en plus de l'examen du comportement du contribuable dans son ensemble lorsqu'il avait le bien en sa possession, constitue ce qui, en fin de compte, influe sur la conclusion de la Cour.

Ce critère a été précisé par les tribunaux canadiens et est devenu ce qui est généralement appelé le critère de l' « intention secondaire » . Cela a voulu dire, dans certains cas, que même s'il pouvait être établi que le contribuable avait principalement l'intention d'effectuer un investissement, un gain retiré par suite de la vente du bien serait jugé imposable à titre de revenu si la cour croyait qu'au moment de l'acquisition, le contribuable envisageait la possibilité de vendre le bien si pour quelque raison que ce soit, son projet d'investissement ne se matérialisait pas.

[68]     L'énoncé suivant du juge Noël dans l'arrêt Demers et Nolin c. M.R.N., (C. de l'É.), 65 DTC 5106 [1965] CTC 150 est tout aussi significatif :

[...] le seul fait qu'une personne achetant une propriété dans le but de l'utiliser à titre de capital pourrait être induite à la revendre si un prix suffisamment élevé lui était offert n'est pas suffisant pour changer une acquisition de capital en une initiative d'une nature ou caractère commercial. Ce n'est pas en effet ce que l'on doit entendre par une « intention secondaire » si l'on veut utiliser cette phraséologie.

Pour donner à une transaction qui comporte l'acquisition d'un capital le double caractère d'être aussi en même temps une initiative d'une nature commerciale, l'acquéreur doit avoir, au moment de l'acquisition, dans son esprit, la possibilité de revendre comme motif qui le pousse à faire cette acquisition; c'est-à-dire qu'il doit avoir dans son esprit l'idée que si certaines circonstances surviennent il a des espoirs de pouvoir la revendre à profit au lieu d'utiliser la chose acquise pour des fins de capital. D'une façon générale, une décision qu'une telle motivation existe devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction plutôt que d'une preuve directe de ce que l'acquéreur avait en tête.

[69]     Ces citations ne pourraient mieux s'appliquer qu'à la présente cause. La difficulté réside toujours dans le fait de déterminer quelle était l'intention de l'acquéreur au moment d'acheter le bien. Cette cour a eu à se pencher sur une situation assez semblable à celle de la présente cause dans l'affaire Doody c. La Reine, 98-2406-IT-G et 98-2407-IT-G, 11 avril 2000 (2000 DTC 2086), dans laquelle l'arrêt Happy Valley Farms Ltd., précité, a également été étudié, ainsi que d'autres causes pertinentes au litige. L'affaire Doody présentait une situation factuelle quelque peu différente de celle de l'espèce puisque, dans cette affaire, le contribuable et sa femme étaient tous deux courtiers en immeubles en 1993, 1994 et 1995. L'appelant était devenu courtier en immeubles en 1992 et sa conjointe avait fait affaire dans le domaine de l'immobilier entre 1989 et 1999.

[70]     En outre, la Cour avait examiné la preuve offerte par l'appelant avec beaucoup de scepticisme et avait considéré que le témoignage de la conjointe ne lui avait pas été très utile, puisqu'elle avait simplement accepté la majeure partie de ce que son conjoint avait à dire en dépit du fait que le témoignage de ce dernier en cour était incompatible en grande partie avec le témoignage qu'il avait offert au moment de l'interrogatoire préalable. La Cour a également jugé qu'une partie du témoignage qu'elle avait présenté était incompatible avec le témoignage qu'elle avait offert à l'interrogatoire préalable.

[71]     Comme l'a conclu la Cour dans ladite affaire, à elle seule la déclaration des parties quant à leur intention avouée au moment de l'achat des maisons est au mieux ténue en l'absence de corroboration. Dans la présente affaire, la crédibilité des parties l'emporte largement. Cette cour ne classe pas l'appelant et sa conjointe dans la même catégorie que le couple de l'affaire Doody, car ces derniers avaient des antécédents de vente de maisons de cette nature, avaient procédé à de nombreuses opérations au cours d'une période relativement courte, avaient une connaissance spécialisée du marché immobilier et un intérêt dans ce marché et, selon toute vraisemblance, savaient où et quand un profit pourrait être réalisé.

[72]     La Cour est convaincue que ce n'est pas le cas de l'appelant et de sa conjointe en l'espèce et elle est d'accord avec l'avocat de l'intimée lorsqu'il déclare que, bien que Happy Valley Farms Ltd. nous montre le chemin à suivre, chaque cause doit être analysée selon les « faits qui lui sont propres » et la décision doit en fin de compte être prise sur le fondement de ces faits.

[73]     La Cour doit d'abord traiter de la question de la crédibilité de l'appelant et de sa conjointe de fait. La Cour considère que le témoignage de la conjointe était très crédible et qu'il peut être retenu. Au cours de son témoignage, elle a été en mesure de répondre à toutes les questions qui lui ont été posées. Elle était très franche dans ses propos. Elle semblait se souvenir assez bien de la plupart des évènements et elle a été capable de nommer avec précision les divers motifs pour lesquels les maisons avaient été acquises puis vendues. Les motifs qu'elle a donnés pour expliquer sa conduite et celle de son conjoint n'étaient pas déraisonnables et ne semblaient pas du tout avoir été concoctés. La Cour n'a relevé aucune divergence dans son témoignage qui aurait poussé à remettre sérieusement en doute sa véracité. Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées de manière complète, avec aisance et franchise.

[74]     De prime abord, l'appelant était franc, son témoignage apparemment complet, et ses réponses aux questions qui lui ont été posées satisfaisantes, bien qu'il était sensiblement plus nerveux que sa conjointe. La Cour attribue ses moments d'hésitation à la nervosité.

[75]     Ce témoin a en outre fourni des explications fortes, convaincantes et raisonnables quant aux motifs pour lesquels les diverses maisons avaient été acquises puis finalement vendues. Toutefois, avant que son témoignage ne prenne fin, certaines questions pertinentes lui ont été posées relativement aux ententes qu'il avait conclues avec certains entrepreneurs dont il avait retenu les services pour effectuer les travaux relatifs aux maisons qu'il construisait. Les réponses à ces questions n'étaient pas franches et complètes, et elles étaient en fin de compte quelque peu trompeuses et tendaient à remettre en question la crédibilité dont il avait fait preuve plus tôt.

[76]     Cependant, lorsque la Cour l'a informé de la nécessité de se montrer totalement sincère, ouvert et clair dans son témoignage, il a paru comprendre cet avertissement et a témoigné de la nature des opérations qu'il avait effectuées avec les entrepreneurs, alors qu'il avait éludé cet aspect un peu plus tôt; après cela, son témoignage paraissait sincère.

[77]     Si la Cour ne devait tenir compte que de la preuve offerte par ces deux témoins, il aurait été facile de déterminer l'intention de l'appelant au moment de l'acquisition des maisons en cause. Néanmoins, la preuve de Wenda Taylor tend à remettre en cause le témoignage de l'appelant sur certains points. Si la Cour avait accepté certaines déclarations de son rapport comme étant factuelles, l'appelant aurait eu énormément de difficulté à s'acquitter du fardeau de la preuve. En revanche, la Cour est convaincue que ce rapport contient, dans une large mesure, des conclusions qu'elle a elle-même tirées plutôt qu'une liste de déclarations que l'appelant lui aurait faites alors qu'elle l'interrogeait au téléphone. Certaines de ces conclusions, si elles avaient été étayées par la preuve, auraient causé énormément de tort à l'appelant et elles auraient été sans nul doute totalement contraires à son intention avouée lorsqu'il a acquis et vendu les maisons en cause.

[78]     La Cour n'est pas convaincue que ces conclusions se fondent sur des déclarations qui ont été faites par l'appelant, vu la manière dont ce témoin l'a interrogé. Il ne fait aucun doute que l'entrevue s'est déroulée au téléphone et qu'elle aurait pu avoir lieu à une heure qui paraissait bizarre à l'appelant; l'appelant peut très bien avoir été en train de boire à ce moment et pourrait ne pas avoir très bien compris la nature et l'importance de ce qu'on lui demandait.

[79]     En outre, Mme Taylor n'a pas consigné ce qui a été dit mot pour mot. Elle n'a pas pris de notes de ce qui a exactement été dit, elle n'avait pas un questionnaire en bonne et due forme pour mener son entrevue et elle ne l'a pas effectuée en personne. Encore une fois, toute déclaration qui a prétendument été faite n'a pas été consignée par écrit, et il ne fait aucun doute, d'après les propos de ce témoin, qu'elle ne pouvait pas affirmer avec certitude si certaines des déclarations qu'elle avait initialement attribuées à l'appelant avaient été effectivement faites par lui.

[80]     Tout bien considéré, la Cour n'accepte pas la déclaration dans ce rapport (attribuée à l'appelant) selon laquelle son intention était de construire et de vendre des maisons jusqu'à ce qu'ils aient la maison parfaite, grevée de la plus petite hypothèque possible. C'est là la conclusion à laquelle est arrivée Mme Taylor après avoir examiné tous les renseignements qu'elle avait à sa disposition; cependant, cette cour ne peut conclure que cette déclaration a été faite par l'appelant.

[81]     Qui plus est, certaines déclarations de son rapport corroborent la preuve donnée par l'appelant et sa conjointe. D'autres prétendues déclarations n'ont pas été mentionnées à l'appelant lorsqu'il était à la barre des témoins et il n'a pas eu la possibilité de les contester. Si l'on voulait utiliser ces déclarations afin de remettre en cause la crédibilité de l'appelant lorsqu'il affirme qu'il n'avait pas l'intention de vendre ces maisons lorsqu'il les a construites, elles auraient dû être soulevées lorsqu'il se trouvait à la barre des témoins.

[82]     La Cour est en définitive convaincue que la preuve de Wenda Taylor ne démolit pas la preuve de l'appelant relativement à son motif ou son intention.

[83]     Il est vrai que l'appelant a possédé certaines de ces maisons pour une durée très courte. La période la plus courte était de sept mois et demi et la plus longue de deux ans et deux mois. On parle ici de cinq maisons différentes. À la lumière des explications données par l'appelant et sa conjointe, la Cour est convaincue que la durée de la possession ne l'empêche pas de rendre une décision favorable à l'appelant.

[84]     Au sujet du critère de la nature des biens vendus, la Cour est convaincue que l'appelant a obtenu énormément de satisfaction personnelle de la possession des maisons en cause, et il y a plus de chances qu'elles aient été acquises en vue d'être utilisées à des fins personnelles et non afin d'être vendues. Les diverses maisons que l'appelant a acquises et vendues n'étaient pas du même type. Elles étaient toutes différentes, et la preuve a montré qu'il existait un grand nombre de motifs personnels ayant motivé la construction des maisons, lesquels auraient pu ne pas exister si l'appelant avait eu l'intention, dès le début, de les vendre. Par conséquent, le critère de la fréquence ou du nombre d'opérations similaires effectuées par le contribuable ne change en rien l'intention avouée de l'appelant mentionnée dans son témoignage.    

[85]     Dans la même veine, les améliorations faites par le contribuable visaient à adapter les maisons à leur utilisation plutôt que de les mettre dans un état qui lui aurait permis de les vendre plus facilement pendant qu'il en était propriétaire. Ce fait ne joue pas en faveur d'une conclusion selon laquelle il avait l'intention de les vendre.

[86]     La preuve qui a été acceptée par la Cour montre que les circonstances ont amené l'appelant à vendre les maisons et que ces circonstances n'ont pas été créées par lui. Ces circonstances sont survenues indépendamment de sa volonté et elles n'existaient pas au moment de l'acquisition des terrains et de la construction des maisons.

[87]     Ainsi, pour ce qui est du critère du motif, l'intention avouée du contribuable au moment de l'acquisition du bien, déduite à partir de circonstances et de la preuve directe, permet à la Cour de conclure que les gains en cause n'avaient pas le caractère d'un revenu. Toutes ces maisons ont été acquises dans l'intention d'en faire une résidence principale et non dans le but de les revendre. Par conséquent, tout gain réalisé sur les maisons n'est pas imposable.

[88]     Comme l'ont souligné les deux avocats à la fin de l'audience, si la Cour concluait comme elle l'a fait, les questions subséquentes ne seraient alors plus pertinentes et la Cour n'aurait pas besoin de traiter des questions subsidiaires soulevées par l'avocat de l'appelant. Ces arguments subsidiaires ont beau avoir été présentés avec force, ils n'ont certainement pas le poids du premier argument et, dans une certaine mesure, les calculs effectués par l'avocat de l'appelant dépendraient de la nature de la preuve documentaire qu'il a présentée relativement à la demande de déductions; il est de plus évident que les registres de l'appelant à cet égard étaient assez douteux.

[89]     Malgré cela, au vu de ce qui précède, les appels sont admis, et les cotisations et les pénalités sont annulées.

[90]     Pour ces appels, l'appelant se voit adjuger ses dépens, lesquels seront taxés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de février 2003.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de janvier 2005.

Mario Lagacé, réviseur

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