Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2003-1154(EI)

ENTRE :

À PROPOS, SERVICES DE FORMATION LINGUISTIQUE INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MÉLANIE SAINTONGE,

intervenante.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel

de À Propos, Services de Formation Linguistique Inc. 2003-1153(EI)

le 25 mars 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Lysane Tougas

Avocate de l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

Pour l'intervenante :

l'intervenante elle-même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi concernant la décision du ministre du Revenu national en date du 9 janvier 2003 est accordé et l'avis d'intervention est rejeté, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Dossier : 2003-1153(EI)

ENTRE :

À PROPOS, SERVICES DE FORMATION LINGUISTIQUE INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel

de À Propos, Services de Formation Linguistique Inc. 2003-1154(EI)

le 25 mars 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Lysane Tougas

Avocate de l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi concernant la décision du ministre du Revenu national en date du 9 janvier 2003 est accordé, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence :2004CCI370

Date : 20040514

Dossier : 2003-1154(EI)

ENTRE :

À PROPOS, SERVICES DE FORMATION LINGUISTIQUE INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MÉLANIE SAINTONGE,

intervenante.

ET

Dossier : 2003-1153(EI)

ENTRE :

À PROPOS, SERVICES DE FORMATION LINGUISTIQUE INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Ces appels ont été entendus sur preuve commune.

[2]      Il s'agit de savoir dans le cas de l'appel portant le numéro 2003-1154(EI) si la travailleuse, Mélanie Saintonge, était dans un emploi assurable pendant la période du 29 janvier au 18 février, pour les neuf heures où elle a exercé une activité de formation linguistique auprès de clients de l'appelante. Pour cet appel, la travailleuse était intervenante et a témoigné.

[3]      L'appel portant le numéro 2003-1153(EI), concerne la travailleuse Jeannine Lachance. La période est du 1er octobre 2001 au 21 mai 2002. Le nombre d'heures est de 130,5 heures. La travailleuse n'a pas assisté à l'audience.

[4]      Dans les deux appels, la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) est en date du 9 janvier 2003.

[5]      Les faits que le Ministre a pris en compte pour rendre sa décision sont décrits dans chacun des appels au paragraphe 15 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ). Je reproduis celui de l'appel concernant madame Saintonge.

a)          l'appelante a été constituée en société en 1995;

b)          l'appelante exploitait une entreprise de formation linguistique auprès d'entreprises privées et de sociétés publiques;

c)          l'appelante concluait des ententes de formation avec ses différents clients;

d)          les ententes prévoyaient le coût de la formation, le contenu de la formation, le lieu de formation, l'horaire du cours et le nombre de participants;

e)          l'appelante embauchait un chargé de cours pour donner la session de formation;

f)           le chargé de cours était embauché par l'appelante à cause de ses compétences et de son expertise;

g)          l'appelante avait environ 40 chargés de cours à sa disposition;

h)          une fois une entente de formation conclue entre l'appelante et le client, l'appelante contactait l'un des chargés de cours qui était disponible à donner la formation;

i)           si le chargé de cours acceptait le travail, il y avait une entente concernant l'horaire du chargé de cours;

j)           le client était le client de l'appelante et non du chargé de cours;

k)          le chargé de cours n'avait rien à négocier avec le client;

l)           le chargé de cours se présentait chez le client comme représentant de l'appelante;

m)         si un chargé de cours était malade, c'est l'appelante qui voyait à son remplacement et à la rémunération du remplaçant;

n)          l'appelante facturait son client pour la formation;

o)          la travailleuse avait été embauchée comme chargée de cours;

p)          la travailleuse devait respecter l'horaire de travail établi par l'appelante avec son client;

q)          la rémunération de la travailleuse était de 20 $ de l'heure, déterminée par l'appelante;

r)           la travailleuse devait rendre les services personnellement;

s)          la travailleuse devait remettre à l'appelante, à la fin de chaque mois, une feuille de temps;

u)          la travailleuse n'assumait aucun frais dans le cadre de ses fonctions avec l'appelante;

v)          la travailleuse n'avait aucune possibilité de perte ou de gain lors de ses fonctions chez l'appelante;

w)         le local et tout le matériel didactique nécessaire pour donner la formation étaient fournis par le client de l'appelante ou par l'appelante;

x)          les fonctions de la travailleuse étaient parfaitement intégrées aux activités de l'appelante.

[6]      Pour la travailleuse, madame Lachance, la seule distinction est à l'alinéa 15q). Le salaire horaire est de 22 $.

[7]      Les faits énoncés à chacun des Avis d'appel sont identiques sauf pour le nom des travailleuses. Les voici pour madame Saintonge :

LES FAITS

5.          L'Appelant offre des services de formation linguistique (français, anglais, espagnol) exclusivement à des clients corporatifs.

6.          L'Appelant ne possède ni ne loue aucun local où les services de formation linguistique sont dispensés.

7.          L'Appelant n'est pas une « école » au sens traditionnel du terme.

8.          L'Appelant n'a jamais exigé que madame Saintonge accepte ou non de donner un cours pour l'Appelant.

9.          L'Appelant n'a jamais décidé pour madame Saintonge de la quantité de travail à effectuer. C'est madame Saintonge qui a fait connaître sa disponibilité lorsqu'elle a offert ses services.

10.        L'Appelant n'a jamais établi de règles, directives ou procédures ayant trait au contenu des cours de formation linguistique devant être donnés par madame Saintonge.

11.        Jamais l'Appelant ne s'est réservé le pouvoir de dire à madame Saintonge comment donner le cours de formation linguistique.

12.        Madame Mélanie Saintonge :

a)          a discrétion d'accepter ou de refuser le travail et, en contrepartie, l'Appelant peut décider de lui donner ou non du travail. C'est Mélanie Saintonge qui a toute discrétion pour déterminer son horaire de travail puisqu'elle fait connaître ses disponibilités à l'Appelant et sollicite des contrats de l'Appelant;

b)          a discrétion de se faire remplacer;

c)          ne reçoit aucun entraînement ni formation de l'Appelant;

d)          ne reçoit aucune rémunération pour préparer les leçons;

e)          n'est soumis à aucune exclusivité d'emploi;

f)           peut offrir ses services à toute autre personne;

g)          sous réserve du respect de ses engagements, peut prendre des vacances en tout temps de l'année et pour la période qui lui convient;

h)          n'a qu'une obligation, soit de se présenter pour donner un cours à l'endroit fixé par le client (sur les lieux du travail du client) et de respecter l'horaire déterminé par les élèves;

i)           a discrétion quant à la préparation du contenu du cours. L'Appelant ne fournit pas de méthode sous forme de cassettes ou de livres, dont Mélanie Saintonge fournit ses moyens de travail et décide comment donner le cours.

13.        L'Appelant et madame Saintonge ont signé un contrat dans lequel le statut de madame Saintonge est clairement établi comme « consultant à la pige » .

[8]      Madame Hélène Hill est présidente de l'appelante. Elle a expliqué que pour les fins de l'entreprise de formation linguistique, elle doit établir une banque d'enseignants ou de formateurs dans l'étude des langues. Ceci est une partie de son travail. L'autre partie consiste à obtenir des contrats de formation linguistique de la part des entreprises.

[9]      L'appelante ne forme pas les enseignants. Elle les recrute en vertu de leurs diplômes. Elle établit avec eux un contrat général. Quand il y a des contrats, madame Hill téléphone à un enseignant ou formateur. Si ce dernier est disponible, elle lui indique le lieu de l'enseignement et le nombre d'heures. Les conditions du contrat général s'appliquent.

[10]     C'est l'appelante qui négocie avec les clients et qui établit avec eux le budget. Il y a des cours de groupe et des cours particuliers. Les cours sont dispensés chez le client. Pour les cours de groupe, l'appelante détermine l'horaire avec le client.

[11]     Pour le cours particulier, lors de la première rencontre avec l'étudiant, l'enseignant évalue son niveau de connaissance et établit avec lui un plan de cours.

[12]     Madame Hill dit que le formateur peut se faire remplacer, mais dans les faits, cela ne s'est pas produit. C'est elle qui trouvera le remplaçant ou encore, le formateur et l'élève trouvent un accommodement pour modifier la date ou les heures de l'enseignement. Si un cours est annulé, le professeur n'est pas rémunéré.

[13]     Le formateur utilise habituellement son propre matériel. Il peut emprunter du matériel à madame Hill, car cette dernière a longtemps été dans l'enseignement et s'est bâti une bonne bibliothèque.

[14]     Madame Hill relate que madame Mélanie Saintonge a communiqué avec elle pour du travail d'enseignante. Madame Hill l'a acceptée. Madame Saintonge est bilingue et a une maîtrise en pédagogie. Elle a été recrutée pour enseigner l'anglais.

[15]     L'horaire était de deux midis par semaine, de 11 h 30 à 13 h. Le mandat était de dix semaines pour 30 heures mais madame Saintonge n'a fait que trois semaines. Madame Hill lui a prêté du matériel pédagogique.

[16]     Le contrat entre madame Saintonge et l'appelante a été produit comme pièce A-1. Il est intitulé : « Contrat de louage de services » et est en date du 21 janvier 2002. Il se lit comme suit :

...

À • PRO'POS Services de Formation Linguistique inc. vous embauche à titre d'enseignant(e) de français langue seconde ou langue maternelle. Vous aurez un statut de consultant à la pige et vous recevrez un honoraire de travail.

Le taux horaire sera de     20.xx .

La préparation pédagogique n'est pas rémunérée.

Il n'y aura aucune retenues effectuées à la source.

Vous vous engagez à respecter la confidentialité de ce contrat (taux horaire, conditions de travail, etc.)

Les deux parties peuvent convenir de gré à gré en tout temps de mettre fin à ce contrat en donnant un préavis d'au moins quatorze (14) jours ouvrables.

...

[17]     Lors de son témoignage, madame Saintonge a relaté qu'elle était maintenant une employée au titre d'adjointe administrative.

[18]     Elle répète en insistant que madame Hill lui a fourni du matériel pédagogique. Elle produit comme pièce I-1 un test diagnostique de grammaire anglaise, niveau I, préparé par l'appelante. Elle produit comme pièce I-2 un modèle de feuille de facturation, le rapport mensuel d'assiduité, le bilan d'apprentissage, le bilan du cours et comme pièce I-5 : « Course Outline English Second Language » .

[19]     Madame Jeannine Lachance a eu quelques mandats au cours de la période en question. Le contrat de madame Lachance a été produit comme pièce A-3. Il est intitulé : « Letter of agreement » . Il est en date du 15 janvier 2001 et se lit comme suit :

...

À • PRO'POS Language Instruction Services Inc. is hiring your services as a teacher of English as a Second Language.

Your status as a free-lance consultant will command an hourly salary of $    22.xx    per hour, paid to you on a monthly basis. Class preparation and/or personal expenses are not remunerated. No Income Tax is deducted from your wages.

You are committed to respect the confidentiality of this contract (hourly wages, working conditions, language programmes) and comply with the ethics of À • PRO'POS and its clients.

This contract may be terminated by mutual agreement or by À • PRO'POS, provided a 14-days notice is given.

[20]     Madame Hill relate que madame Lachance a travaillé, par exemple, pour un mandat de cinq jours par semaine pour 1 h 30 par jour. Elle travaillait pour trois écoles en même temps. Elle avait beaucoup d'expérience et avait son propre matériel.

[21]     Madame Hill affirme que chacun des formateurs pouvait offrir ses services à d'autres écoles ou à d'autres entreprises.

[22]     À la fin de chaque mois, le professeur produit une facture selon les heures de formation. À la fin de chaque session, il produit une feuille de présence ainsi qu'un bilan du progrès. L'étudiant produit un bilan du cours.

[23]     Chaque formateur paie ses propres dépenses, ordinateur et transport. Il arrive parfois à l'appelante de dédommager une partie des frais de transport.

[24]     Quelques formateurs ont témoigné. Chacun a affirmé qu'il souhaitait le statut de travailleur autonome. Ils avaient tous d'autres sources de revenus, comme la traduction, la recherche, la révision ou une autre tâche d'enseignant.

[25]     Madame Lucie Heppell s'est décrite comme contractuelle depuis 1999. Elle explique qu'elle rencontre l'étudiant, en fait l'évaluation, détermine avec lui du plan de cours et exécute le mandat. Elle n'était pas supervisée par madame Hill. Elle choisissait la méthode qui convenait le mieux à son élève. Elle a ses propres manuels. Quand elle est disponible, elle téléphone à madame Hill ou cette dernière lui téléphone pour lui proposer des mandats. Elle n'a jamais eu à se faire remplacer. Elle a d'autres écoles. Elle est traductrice, fait de la rédaction et de la révision et aide aux devoirs. Elle produit une facture à la fin du mois. Elle se considère comme une travailleuse autonome.

[26]     Madame Bozena Feltz a témoigné. Elle a été enseignante pendant 20 ans. Elle apprécie son statut de travailleuse autonome.

[27]     Mesdames Tanis Whitfield et France Ménard et monsieur Kurt Chaboyer ont également témoigné dans le même sens.

[28]     Monsieur Paul Hyland, agent des appels, a produit ses rapports comme pièces I-6 et I-7. Les faits décrits à la Réponse reprennent dans l'ensemble les énoncés des rapports.

Conclusion

[29]     Les récentes décisions de la Cour d'appel fédérale nous montrent la voie à suivre dans les cas où les critères habituels de la jurisprudence peuvent ne pas révéler clairement une situation d'emploi ou d'entreprise. L'intention des parties devient alors déterminante.

[30]     Je me réfère à la décision de la Cour d'appel fédérale dans Wolf c. Canada, [2002] A.C.F. no 375 (Q.L.), paragraphes 67, 120 et 124 :

67         L'appelant soutient que s'il n'y a pas de manoeuvre frauduleuse, de maquillage ou toute autre circonstance de vice, ce qui n'est pas le cas d'après les allégations, en l'espèce, son statut est régi par son contrat où il est décrit comme un consultant et un entrepreneur indépendant.

...

120       De nos jours, quand un travailleur décide de garder sa liberté pour pouvoir signer un contrat et en sortir pratiquement quand il le veut, lorsque la personne qui l'embauche ne veut pas avoir de responsabilités envers un travailleur si ce n'est le prix de son travail et lorsque les conditions du contrat et son exécution reflètent cette intention, le contrat devrait en général être qualifié de contrat de service. ...

...

124       Ce n'est pas un cas où les parties qualifiaient leur relation d'une façon telle que cela leur procure un avantage fiscal. Aucune manoeuvre frauduleuse ou aucun maquillage de quelque sorte n'est allégué. Il s'ensuit que la manière dont les parties ont pu voir leur entente doit l'emporter à moins qu'elles ne se soient trompées sur la véritable nature de leur relation. À cet égard, la preuve, lorsqu'elle est évaluée à la lumière des critères juridiques pertinents, est pour le moins neutre. Comme les parties ont estimé qu'elles se trouvaient dans une relation d'entrepreneur indépendant et qu'elles ont agi d'une façon conforme à cette relation, je n'estime pas que la juge de la Cour de l'impôt avait le loisir de ne pas tenir compte de cette entente. ...

[31]     Je me réfère à une autre décision de la Cour d'appel fédérale dans D & J Driveway Inc. c. Le Ministre du Revenu national, 2003CAF453, et plus particulièrement aux paragraphes 7, 9, 10, 11, 12 et 15 :

7           Les livreurs n'ont ni feu ni lieu chez la demanderesse. Leurs services sont retenus et fournis sur appel. Ils sont tout à fait libres de refuser l'offre qui leur est faite de conduire un camion, par exemple, à Halifax, Québec ou Montréal. Les livraisons se font à partir de Saint-Jacques, au Nouveau-Brunswick. Les livreurs reçoivent un montant fixe déterminé en fonction de la distance à parcourir.

...

9           Un contrat de travail requiert l'existence d'un lien de subordination entre le payeur et les salariés. La notion de contrôle est le critère déterminant qui sert à mesurer la présence ou l'étendue de ce lien. Mais comme le disait notre collègue le juge Décary dans l'affaire Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1996] A.C.F. no. 1337, (1996), 207 N.R. 299, suivie dans l'arrêt Jaillet c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 1454, 2002 FCA 394, il ne faut pas confondre le contrôle du résultat et le contrôle du travailleur. Au paragraphe 10 de la décision, il écrit :

Rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur

10         Il est bien sûr qu'en l'espèce, la demanderesse contrôlait les résultats. Elle s'assurait que les camions seraient livrés aux bons destinataires en temps opportun ou convenu. Mais là s'arrêtait son contrôle.

11         De fait, les livreurs pouvaient accepter ou refuser de faire une livraison lorsqu'appelés par la demanderesse, ce qui n'est certes pas le propre d'une personne liée par un contrat de travail. Ils n'occupaient aucun emplacement à la place d'affaires de la demanderesse et ils n'étaient pas contraints d'y être disponibles. Ils ne s'y présentaient que pour prendre possession du camion qu'ils avaient accepté de livrer.

...

15         Nous croyons qu'il est légalement erroné de conclure à l'existence d'un lien de subordination et, en conséquence, à l'existence d'un contrat de travail, lorsque la relation entre les parties consiste en des appels sporadiques aux services de personnes qui ne sont aucunement tenues de les pourvoir et peuvent les refuser à leur guise. ...

[32]     Ici, à l'instar des travailleurs chez D & J Driveway (supra), les professeurs n'avaient ni feu ni lieu chez l'appelante. De plus, ils utilisaient leur propre ordinateur. Ils pouvaient emprunter du matériel pédagogique de l'appelante, mais habituellement, concevaient et utilisaient leur propre matériel. Les professeurs déterminaient en grande partie le plan du cours à donner.

[33]     Les travailleurs pouvaient accepter ou refuser de faire une session d'enseignement. Ils pouvaient travailler pour d'autres entreprises. Ils informaient l'appelante de leur disponibilité et celle-ci leur offrait des contrats. Il s'agissait dans l'ensemble de relations contractuelles sporadiques.

[34]     La supervision directe des professeurs par l'appelante était inexistante. Le contrôle de la qualité du service se faisait par l'évaluation des élèves. Il s'agissait d'un contrôle afférent au contrat d'entreprise, c'est-à-dire le contrôle du résultat.

[35]     Le fait que le professeur pouvait ou ne pouvait pas se faire remplacer n'est pas un élément déterminant d'un contrat d'entreprise. Dans bien des cas, la personne qui doit exécuter le contrat d'entreprise est celle choisie dans le contrat.

[36]     Je suis d'avis que les conditions de travail décrites par madame Hill et les professeurs sont indicatives d'un contrat d'entreprise.

[37]     Mais, s'il s'agissait d'une situation neutre, quelle était l'intention commune? Selon les témoignages des professeurs, leur intention était d'établir un contrat d'entreprise. En ce qui concerne l'appelante, ce choix de procéder par mode de contrat d'entreprise s'est fait en fonction des exigences économiques et organisationnelles relatives à son exploitation.

[38]     En ce qui concerne les deux travailleuses en question, l'une des deux, celle qui avait accumulé le plus d'heures de travail, n'est pas venue témoigner. Nous ne pouvons donc pas lui imputer une intention autre que celle exprimée par le contrat signé entre elle et l'appelante. Ce contrat est un contrat d'entreprise. De plus, ses conditions de travail telles que décrites par madame Hill, étaient semblables à celles des professeurs qui réclament à juste titre le statut de travailleurs autonomes.

[39]     Madame Saintonge est venue témoigner. Dans son cas, il est possible que son intention non exprimée ait été d'obtenir le statut d'une employée. Toutefois, elle a accepté le contrat de travail qui lui a été proposé. Il n'y a pas eu de pourparlers pour en modifier la teneur et l'appelante ne lui a jamais fait croire qu'elle avait un statut d'employé, par exemple elle n'a pas fait les déductions à la source prescrites par la Loi sur l'assurance-emploi et la Loi de l'impôt sur le revenu à l'encontre de la rémunération payée à un employé, comme c'était le cas dans Tip Investment Advisors Ltd., 2004CCI236.

[40]     De plus, dans la présente affaire, il n'y a pas d'éléments qui me portent à croire qu'il y ait eu maquillage des intentions véritables des parties sur la nature du contrat d'entreprise.

[41]     En conséquence, les appels sont accordés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai, 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2004CCI370

Nos DES DOSSIERS

DE LA COUR :

2003-1154(EI) et 2003-1153(EI)

INTITULÉS DES CAUSES :

À Propos, Services de Formation Linguistique Inc. et M.R.N., et Mélanie Saintonge et

À Propos, Services de Formation Linguistique Inc. et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 25 mars 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 14 mai 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Lysane Tougas

Pour l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

Pour l'intervenante :

l'intervenante elle-même

(pour le dossier 2003-1154(EI)

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Lysane Tougas

Étude :

Pouliot Mercure

Montréal (Québec)

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.