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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2003CCI23

Date : 20030205

Dossier : 2002-1805(IT)I

ENTRE :

HUIQING H. G. GUO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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                   Pour l'appelante :                                 L'appelante elle-même

                   Avocate de l'intimée :                           Me Anne Jinnouchi

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à Saskatoon (Saskatchewan),

le mardi 5 novembre 2002.)

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      L'affaire dont la Cour est maintenant saisie est celle de Huiqing H. G. Guo et Sa Majesté la Reine. La seule question devant la Cour est de déterminer si l'appelante résidait habituellement au Canada du 1er juin 1999 au 19 juillet 2000 en vertu des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). La preuve en l'espèce est très claire. Les faits ne sont pas vraiment contestés.

[2]      Si l'on examine le paragraphe 12 à la page 4 de la Réponse à l'avis d'appel (la « réponse » ), l'appelante a admis toutes les allégations, à l'exception de l'alinéa 12(f), qui allègue qu'en février 1999, l'appelante a postulé un emploi en recherche au niveau post-doctoral à l'université du Minnesota en tant que chercheuse invitée. L'appelante a dit que cela n'est pas tout à fait exact. Il se peut que la date ait été le 19 décembre 1998 ou janvier 1999 et non février 1999 mais, en ce qui concerne la Cour, cela ne change rien à la situation.

[3]      L'appelante a contesté le paragraphe (q)(I) dans lequel le ministre du Revenu national (le « ministre » ) allègue qu'elle avait une demeure au Canada, où son mari, son enfant et sa mère résidaient. Elle n'était pas d'accord avec cette affirmation. L'avocate de l'intimée soutient qu'elle est exacte. L'appelante a également contesté le paragraphe (q)(V), qui allègue que l'admissibilité de l'appelante à l'assurance hospitalisation et à l'assurance-maladie provinciale constituait un autre lien. D'après l'appelante, elle ne bénéficiait pas d'une couverture d'assurance provinciale au Canada quand elle était aux États-Unis. Elle n'avait pas l'impression que, si elle avait présenté sa carte aux États-Unis, elle aurait été couverte.

[4]      La question était de déterminer si l'appelante bénéficiait d'une couverture d'assurance provinciale en Saskatchewan ou ailleurs au Canada. C'est cette question que la Cour doit trancher. L'appelante a maintenu que non. Elle a également contesté le paragraphe (r). Elle a soutenu que ceci ne s'appliquait que jusqu'en juin 1999. Elle a admis les autres hypothèses.

[5]      La preuve ne fait pas vraiment l'objet d'un litige. L'avocate de l'intimée a analysé la preuve en détail et a fait valoir ses arguments. Elle a affirmé que la véritable question en litige est de déterminer si l'appelante résidait habituellement au Canada entre le 1er juin 1999 et le 19 juin 2000 en vertu de la Loi. Subsidiairement, l'avocate de l'intimée a plaidé qu'en vertu des dispositions du sous-alinéa 110(1)f)(i) de la Loi, l'appelante était assujettie à l'impôt au Canada puisqu'elle n'était pas assujettie à l'impôt aux États-Unis. Ainsi, même dans l'hypothèse où elle n'aurait pas résidé habituellement au Canada, elle serait imposable au Canada puisqu'elle n'était pas imposée aux États-Unis.

[6]      L'avocate de l'intimée s'est référée à la Loi quant à la signification des termes « résidait habituellement » . Le paragraphe 2(1) porte que :

Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu par la présente loi, pour chaque année d'imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à un moment donné au cours de l'année.

[7]      Il est ensuite nécessaire de se référer au paragraphe 250(1) de la Loi quant aux termes « personne réputée résider » et au paragraphe 250(3) quant aux termes « résident habituel » .

[8]      L'avocate de l'intimée a cité à bon droit le jugement qui fait jurisprudence au Canada sur la question de savoir si une personne réside habituellement au Canada ou est une résidente habituelle du Canada. Dans l'affaire Thomson v. M.N.R., 2 D.T.C. 812, aux pages 815 et 816, le juge Rand s'exprime ainsi :

[TRADUCTION]

Pour l'application de la législation fiscale, il faut présumer qu'une personne a toujours une résidence. Il n'est pas nécessaire pour cela qu'elle possède une maison, une résidence particulière ou même un abri. Elle peut coucher à la belle étoile. Il faut uniquement déterminer les limites géographiques dans lesquelles elle passe sa vie ou auxquelles sa vie ordinaire ou quotidienne est liée. La résidence ordinaire peut être mieux appréciée par l'examen du contraire, la résidence occasionnelle, fortuite ou inhabituelle. Celle-ci semble clairement être non seulement temporaire et exceptionnelle, mais également accompagnée d'un caractère passager et d'une notion de retour.

[9]      Ce sont les éléments dont il faut tenir compte quand il s'agit de décider si une personne est une résidente habituelle.

[10]     Au paragraphe 50 du même jugement, la Cour a affirmé que :

[TRADUCTION]

Cependant, dans le cas de ce qu'on appelle la « résidence permanente » , la « résidence temporaire » , la « résidence ordinaire » , la « résidence principale » et ainsi de suite, les adjectifs n'influent pas sur le fait qu'il y a dans tous les cas résidence; cette qualité dépend essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question. Cela peut être limité en temps depuis le début ou être indéfini ou, dans la mesure où cela est considéré, illimité. À un niveau inférieur, les expressions concernant la résidence devraient être distinguées, comme je crois qu'elles le sont dans le langage ordinaire, des situations de « séjours » ou de « visites » .

[11]     L'avocate de l'intimée a également cité la Loi sur l'immigration, et plus précisément le paragraphe 25(2), qui se lit comme suit :

Le fait d'être muni d'un permis de retour réglementaire établit, sauf preuve contraire, l'absence d'intention de ne plus résider en permanence au Canada de la part de la personne absente du Canada pendant un certain temps.

[12]     En l'espèce, l'appelante a fait une demande de permis de retour et la Cour ne dispose d'aucune preuve qui lui permettrait de conclure que l'appelante a abandonné sa demande. Si l'on se fie à la preuve que l'appelante a elle-même présentée, il est très clair qu'elle n'a aucunement laissé entendre, de quelque façon que ce soit, qu'elle abandonnait le Canada.

[13]     La preuve de l'appelante elle-même permettrait de conclure, sans trop s'avancer, que l'appelante n'aurait abandonné le Canada que si elle avait été en mesure de satisfaire à la condition préalable qu'elle s'était fixée de devenir résidente des États-Unis, c'est-à-dire que son mari, sa fille, sa mère et elle-même puissent aller aux États-Unis. La Cour est parfaitement convaincue que, dans l'éventualité où ces conditions ne se réaliseraient pas, l'appelante n'aurait pas et n'avait pas l'intention d'abandonner son droit de revenir au Canada. Elle n'a pas non plus abandonné ses droits en vertu de son permis de résidente permanente. Elle n'a jamais prétendu qu'elle n'était pas intéressée à garder ce permis, indépendamment du fait que, dans son esprit, elle croyait qu'elle éprouverait peut-être un jour certaines difficultés à revenir au Canada. Ces craintes ne se sont jamais concrétisées.

[14]     L'avocate de l'intimée a également cité l'affaire Qing Gang K. Li c. Canada, C.A.F., no A-162-93, 5 novembre 1993, 94 D.T.C. 6059, dans laquelle la Cour traite de l'article 19 de l'Accord Canada-Chine en matière d'impôts sur le revenu, qui constitue la disposition visant à éviter la double imposition, et déclare ce qui suit :

[...] Le requérant en l'espèce était un visiteur et, à ce titre, il avait le droit de se prévaloir de l'avantage de l'article 19 pendant qu'il avait ce statut au Canada. Cependant, il a décidé pour des raisons personnelles de solliciter le statut d'immigrant admis, montrant ainsi son intention de demeurer en permanence au Canada. Cette intention s'est concrétisée lorsque le statut qu'il sollicitait lui a été accordé le 13 juillet 1990. Dans ces circonstances, le requérant ne peut à mon sens invoquer à bon droit l'article 19 de l'Accord à son avantage.

[15]     Dans l'affaire Lee c. M.R.N., C.C.I., no 88-278(IT), 29 novembre 1989, 90 D.T.C. 1014, le juge Teskey énonce les différents facteurs dont le tribunal doit tenir compte quand il a à décider la question de fait de savoir si une personne réside habituellement à un endroit. Il s'exprime ainsi :

La question de la résidence est une question de fait liée aux circonstances précises de chaque affaire. Voici une liste de certains des indices pouvant être retenus pour décider si un particulier est, aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu canadienne, résidant du Canada. Il convient de noter que la présence, dans une situation donnée, d'un, de deux ou de trois de ces éléments ne permet pas en soi d'établir qu'une personne était effectivement résidante du Canada. Mais la réunion d'un certain nombre de ces facteurs tendrait à démontrer qu'aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, un particulier résidait effectivement au Canada : [...]

[16]     Un bon nombre des facteurs auxquels l'avocate de l'intimée a fait référence aujourd'hui et que l'appelante a également abordés dans son argumentation font partie de cette liste.

[17]     L'avocate de l'intimée a également cité d'autres causes. Elle a cité l'affaire Ayodeji Harris-Eze c. La Reine, C.C.I., no 2001-972(IT)I, 22 janvier 2002, une décision de cette cour dans laquelle beaucoup des questions soulevées ressemblaient à celles en l'espèce, mais dans laquelle les faits différaient beaucoup. Dans cette cause, la Cour a jugé que M. Harris-Eze n'était dans les faits pas un résident du Canada. Elle devait tenir compte des règles de départage et de l'article IV de la Convention entre le Canada et les États-Unis d'Amérique en matière d'impôts sur le revenu (1980). Une question de résidences concomitantes se posait également dans cette affaire. Les facteurs que la Cour a jugés favorables à la position de l'appelant dans cette affaire ne sont pas présents en l'espèce. Quant aux facteurs qui étaient les mêmes qu'en l'espèce, cette cour conclut qu'ils sont défavorables à l'appelante.

[18]     Dans cette cause, la Cour s'est exprimée ainsi, au paragraphe 137 :

En premier lieu, la Cour doit faire un commentaire au sujet du témoignage de l'appelant. Dans une affaire de ce type, le témoignage de l'appelant est primordial. Cependant, c'est non seulement l'intention déclarée de l'appelant qui importe, mais plus encore les actes qu'il a accomplis, indépendamment de son intention déclarée. Bien qu'elle soit importante, la question de l'intention n'est pas déterminante en l'espèce. La Cour doit examiner et soupeser tous les faits de même que tenir compte de l'intention déclarée de l'appelant selon ce qui ressort de son témoignage.

[19]     En l'espèce, en analysant la preuve de l'appelante et en tenant compte de tout ce qu'elle a dit, la Cour n'a aucune difficulté à conclure que, en fin de compte, l'appelante a clairement exprimé qu'elle avait toujours eu l'intention de revenir au Canada. C'était là son intention. Elle a toujours eu l'intention de revenir au Canada et de s'y établir. Ce n'est que si elle avait été en mesure de satisfaire à ses conditions préalables pour rester aux États-Unis, soit que sa mère, son mari et sa fille puissent y aller et qu'elle-même puisse y trouver un emploi, que l'appelante ne serait pas revenue au Canada. Aucune de ces conditions ne s'était réalisée au moment où elle est revenue au Canada. Il n'y avait donc rien qui indiquait que son intention de résider habituellement au Canada, intention qui était manifestement présente depuis le début, avait changé.

[20]     Elle tentait de profiter de son droit de venir au Canada, elle ne voulait pas renoncer à ce droit et elle n'y renoncerait pas tant que certaines des conditions pour aller aux États-Unis ne se seraient pas réalisées. La Cour est convaincue que ces conditions n'ont jamais été remplies et qu'il n'y avait aucun signe qui pouvait laisser croire qu'elles seraient un jour remplies. Dans l'analyse par la Cour de l'intention de l'appelante, telle que manifestée dans son témoignage devant la Cour, il est évident que l'appelante a toujours eu l'intention de revenir au Canada et qu'elle souhaitait protéger son droit d'y revenir.

[21]     L'avocate de l'intimée a affirmé que l'appelante avait conservé ses liens fondamentaux avec le Canada. Son mari était ici, sa fille était ici et sa mère était ici. Ils vivaient ici et avaient un lieu de résidence en Saskatchewan. Son mari était manifestement un étudiant et il était aux études. Peut-être est-il vrai que l'appelante était d'avis qu'elle devait subvenir aux besoins de son mari, mais cela n'empêche pas que ce soit une preuve qu'il y avait un lien important avec le Canada. Les liens entre l'appelante, son mari et sa famille étaient entretenus. Elle leur envoyait de l'argent des États-Unis, qui était l'argent qu'elle y gagnait. Ces facteurs constituent des indices de son intention et de sa résidence habituelle.

[22]     Le lieu de résidence était à la disposition de l'appelante, et son mari, sa fille et sa mère y habitaient, tout comme l'appelante y a habité quand elle est revenue au Canada le 22 juillet pour les visiter. L'appelante a dit qu'elle les visitait environ tous les trois mois. Elle était d'avis qu'il ne s'agissait pas de visites très importantes, mais plutôt de visites temporaires qui n'évoquaient pas la notion de permanence. La Cour n'est pas d'accord avec cet argument. Les visites de l'appelante au Canada étaient beaucoup plus importantes que cela. À toutes les fois qu'elle est venue au Canada, l'appelante a utilisé la résidence. Elle n'a jamais été refoulée à la frontière et bien qu'elle ait pu y éprouver certaines difficultés, elle a toujours été admise.

[23]     L'avocate de l'intimée a renvoyé à la pièce R-1 dans laquelle l'appelante a elle-même admis, en avril 2000, qu'elle était une résidente permanente du Canada et qu'elle devait y revenir et s'y trouver un emploi avant 2001. La Cour ne peut pas en faire fi. Il y avait également d'autres facteurs. L'appelante possédait un véhicule immatriculé en Saskatchewan. Elle a tenté de justifier ce fait en disant que son mari avait besoin d'un véhicule et qu'elle n'allait pas tout simplement prendre le véhicule et le vendre puisque sa valeur était insuffisante. Mais le fait demeure qu'il s'agissait d'un véhicule immatriculé à son nom, que ce véhicule était au Canada, que son mari l'utilisait et que l'appelante pouvait sans doute l'utiliser quand elle était au Canada. Tels sont les faits.

[24]     L'appelante était membre d'une association au Canada. Elle était membre d'une association aux États-Unis. L'on pourrait soutenir que ces deux faits s'annulent mutuellement puisque la Cour comprend qu'il s'agissait d'une seule et même association, mais il faut tout de même en tenir compte. Comme parent, l'appelante a participé à certaines des activités scolaires de sa fille au Canada. Elle a assisté à une rencontre parents-enseignants au Canada.

[25]     L'appelante a participé aux festivités du nouvel an chinois au Canada. Elle entretenait certaines relations sociales au Canada. Ces relations n'étaient pas nombreuses, mais elles existaient. Quand l'appelante habitait dans l'appartement au Canada, elle fréquentait au moins l'une des familles, et sa fille allait à l'école avec l'un des enfants de l'une des familles. L'appelante avait certaines relations sociales de nature personnelle et la Cour doit tenir compte de ce fait.

[26]     Quant aux liens économiques, la Cour conclut que l'appelante avait un compte de banque au Canada, le même qu'elle avait quand elle était ici et qu'elle a conservé après être partie aux États-Unis. Il est vrai qu'il s'agissait d'un compte conjoint, mais il n'en reste pas moins qu'il s'agissait d'un compte de banque auquel elle avait accès, dans lequel elle déposait de l'argent et à même lequel des comptes étaient payés, peut-être pour elle et certainement pour son mari et sa fille.

[27]     L'appelante avait fait demande pour la prestation fiscale pour enfants et elle estimait y avoir droit. Elle a expliqué qu'elle n'avait pas changé les renseignements qu'elle avait fournis au ministre avant d'aller aux États-Unis, mais que son mari assumait maintenant la responsabilité pour les soins de son enfant. Le fait demeure qu'elle a reçu la prestation fiscale pour enfants.

[28]     L'appelante possédait également une carte d'assurance-maladie provinciale. Il n'y a rien dans la preuve qui démontre à la Cour que l'appelante n'avait pas le droit de l'utiliser si elle revenait au Canada. Évidemment, elle ne pouvait pas l'utiliser aux États-Unis, mais il n'y a aucun motif pour lequel elle n'aurait pas pu l'utiliser si elle était revenue au Canada, et selon toute vraisemblance, c'est précisément la raison pour laquelle elle l'a conservée.

[29]     Certains éléments de preuve indiquent que l'appelante avait une adresse postale en Saskatchewan. Il est vrai qu'elle avait également une adresse postale aux États-Unis, mais elle n'avait donné une adresse aux États-Unis que pour y recevoir les remboursements des frais de déplacement qu'elle réclamait. Aux fins fiscales, elle a indiqué comme adresse, tout au moins sur l'une de ses déclarations de revenus, son adresse en Saskatchewan. La Cour ne peut pas tout simplement ne pas en tenir compte; la situation est telle qu'elle est. Elle a produit des déclarations de revenus au Canada en utilisant son adresse canadienne.

[30]     Quand la Cour compare les indications de résidence habituelle au Canada aux indications de résidence habituelle aux États-Unis, il n'est pas vraiment possible d'hésiter. Si on additionne tous les facteurs qui indiquent que l'appelante résidait habituellement au Canada et qu'on les compare à ceux qui indiquent qu'elle résidait habituellement aux États-Unis, y compris le témoignage de l'appelante elle-même et ses propres déclarations, la demande qu'elle a elle-même remplie et ses propres déclarations de revenus, aucune hésitation n'est permise. Les liens qu'elle avait avec le Canada sont beaucoup plus importants, non seulement en termes de quantité, mais également en termes de qualité, que les liens qu'elle avait avec les États-Unis.

[31]     De plus, pendant que l'appelante était aux États-Unis, elle n'y payait pas d'impôt sur le revenu. Elle était qualifiée de non-résidente des États-Unis. Si elle avait l'intention de rester aux États-Unis en permanence, elle n'aurait pas été qualifiée ainsi et elle aurait bien fait comprendre qu'elle était à la recherche d'un emploi permanent aux États-Unis et qu'elle n'avait pas l'intention de revenir au Canada, ce qui, de toute évidence, n'était pas le cas. Toutes les indications démontraient plutôt qu'elle avait l'intention de retourner au Canada et de continuer d'être une résidente permanente du Canada.

[32]     Les visites que l'appelante a faites au Canada sont assez significatives. Ces visites avaient lieu tous les trois mois et n'étaient pas uniquement des visites momentanées. L'appelante est allée à Toronto et elle a visité la Saskatchewan tous les trois mois pour voir sa mère, son mari et sa fille.

[33]     Elle avait été invitée à aller à Toronto par le Prairie Swine Centre (Centre porcin des Prairies), un endroit où elle avait travaillé dans le passé au Canada. Cela constitue une indication qu'un lien continuait d'exister entre l'appelante et les gens de la Saskatchewan et constitue une indication supplémentaire de son intention de rester une résidente permanente du Canada. Le statut au regard de l'immigration n'est pas un facteur déterminant quant aux intentions de l'appelante ni pour décider si une personne réside habituellement dans un pays ou dans un autre. Toutefois, en l'espèce, ce statut a son importance, compte tenu qu'il a été mis en preuve que l'appelante avait fait une demande pour obtenir le statut de résidente permanente, qu'elle a reçu son permis de retour pour résidente permanente, qu'elle s'est assurée de le conserver et qu'elle n'a rien fait pour l'annuler. Tous ces gestes sont des indications de l'intention de l'appelante de demeurer une résidente permanente du Canada.

[34]     L'avocate de l'intimée a également renvoyé à la présomption au paragraphe 25(1) de la Loi sur l'immigration. Il faut en tenir compte.

[35]     La Cour est d'accord avec l'avocate de l'intimée et convient qu'en définitive tous ces facteurs pris dans leur ensemble démontrent que l'appelante avait l'intention d'être une résidente permanente du Canada, et c'est bien ce qu'elle était. Elle n'était pas une résidente des États-Unis. Pour elle, il ne s'agissait là que d'une éventualité qui dépendait de conditions non remplies.

[36]     L'avocate de l'intimée plaide subsidiairement qu'en vertu du sous-alinéa 110(1)f)(i) de la Loi, l'appelante n'était pas exonérée car elle n'était pas assujettie à l'impôt aux États-Unis. La Convention Canada-États-Unis ne s'applique pas à elle. Aucune question de double imposition ne se pose. Les règles de départage ne s'appliquent pas.

[37]     La Cour a écouté les arguments de l'appelante attentivement. La preuve n'était pas toujours cohérente et, là où il y a incohérence entre le témoignage de l'appelante et les documents, la Cour est d'avis que ce deuxième moyen de preuve doit prévaloir.

[38]     L'appelante a dit qu'elle n'était autorisée qu'à travailler au Prairie Swine Centre, que si elle n'avait pas eu cet emploi, elle n'aurait pas eu le droit de revenir au Canada, et qu'à chaque fois qu'elle quittait le Canada, elle ne pouvait plus y revenir pendant un certain temps. Pourtant, la preuve démontre tout à fait le contraire. L'appelante s'est rendue à Toronto et elle a été admise sans aucun problème. Elle est venue en Saskatchewan et elle a été admise car les ordinateurs indiquaient qu'elle et son mari allaient obtenir le statut de résidents permanents. Par conséquent, elle n'a éprouvé aucune difficulté à être admise.

[39]     De toute façon, la Cour est convaincue qu'il n'y a aucune preuve devant elle qui lui permettrait de conclure que l'appelante n'avait pas le droit de revenir au Canada et qu'elle ne pouvait pas retourner chez elle. Il n'y a pas la moindre preuve démontrant que c'était le cas et, de fait, à chaque fois que l'appelante a tenté d'entrer au Canada, elle y est parvenue, peu importe la raison.

[40]     L'hypothèse avancée par l'appelante est que le Canada n'était pas obligé de la laisser entrer. La Cour n'est pas convaincue que cette hypothèse ait été prouvée par la prépondérance de la preuve. Toute la preuve ayant été présentée indique que l'appelante avait le droit d'entrer, qu'elle a toujours eu l'intention d'être une résidente permanente et que c'est ce qu'elle était.

[41]     L'appelante a renvoyé à l'affaire Shih c. La Reine, C.C.I., no 97-3044(IT)G, 31 mars 2000, [2000] A.C.I. no 196 (Q.L.), et plus particulièrement au paragraphe 15, mais cette décision n'aide pas la cause de l'appelante. Cette affaire renvoie à l'affaire Thomson, précitée, et elle concerne la différence entre une « visite » et un « séjour » .

[42]     En l'espèce, la Cour est convaincue que c'est un séjour que l'appelante a effectué aux États-Unis. Elle est allée aux États-Unis avec l'intention d'y travailler, mais elle a toujours eu l'intention de revenir au Canada. Elle n'avait pas l'intention de travailler en permanence aux États-Unis. Elle avait l'intention de continuer à résider habituellement au Canada et c'est ce qu'elle a fait.

[43]     Malheureusement pour l'appelante, sur la foi de la preuve présentée et en tenant compte de la crédibilité de son témoignage, la preuve de l'appelante elle-même appuie la position de la Couronne selon laquelle l'appelante résidait habituellement au Canada pendant les années en cause, et c'est là la conclusion à laquelle la Cour doit en arriver.

[44]     L'appel est rejeté et la cotisation du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de février 2003.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de janvier 2005.

Yves Bellefeuille, réviseur

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