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Dossier : 2003-4474(IT)I

ENTRE :

DAVID ZAINA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 21 avril 2004 à Lethbridge (Alberta).

Devant : M. le juge Beaubier

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Belinda Schmid

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels formés à l'égard des nouvelles cotisations établies sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 sont accueillis, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu'il les examine à nouveau et établisse de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci-joints.

          L'appelant a droit à des dépens s'élevant à 100 $ au titre des débours, comme les photocopies et autres frais de même nature, engagés dans le cadre de la poursuite du présent appel.

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 12e jour de mai 2004.

« D.W. Beaubier »

Juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


Référence : 2004CCI349

Date : 20040512

Dossier : 2003-4474(IT)I

ENTRE :

DAVID ZAINA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Beaubier

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle et entendu à Lethbridge (Alberta) le 12 avril 2004. L'appelant était le seul témoin.

[2]      Les paragraphes 5 à 14 de la réponse à l'avis d'appel exposent une partie du litige. Voici le texte de ces paragraphes :

[TRADUCTION]

5.          Dans le calcul du revenu pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002, l'appelant a réclamé les déductions suivantes au titre de la pension alimentaire pour enfants :

            a)          10 663 $ pour 1999;

            b)          6 184 $ pour 2000;

            c)          10 094 $ pour 2001;

            d)          12 644 $ pour 2002.

6.          Les avis de cotisation initiaux visant les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 ont été établis et postés à l'appelant aux dates suivantes :

            a)          le 11 décembre 2000 pour l'année 1999;

            b)          le 6 avril 2001 pour l'année 2000;

            c)          le 3 avril 2002 pour l'année 2001;

            d)          le 3 avril 2003 pour l'année 2002.

7.          Lorsqu'il a fixé une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 2000 le 18 avril 2002, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a réduit la déduction demandée au titre de la pension alimentaire pour enfants de 36 $, la faisant ainsi passer de 6 184 $ à 6 148 $. La déduction a été réduite pour permettre la déduction au titre de la pension alimentaire pour enfants qui a été payée pendant l'année.

8.          Lorsqu'il a fixé de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 le 1er mai 2003, le ministre a refusé la déduction demandée au titre de la pension alimentaire pour enfants pour chacune des années. Cette déduction a fait l'objet d'un refus parce que le ministre estimait que la pension alimentaire pour enfants demandée pour chacune des années avait été versée aux termes d'un accord écrit conclu ou modifié après le 30 avril 1997.

9.          Le 12 juin 2003, l'appelant a signifié au ministre des avis d'opposition visant les nouvelles cotisations datées du 1er mai 2003 pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002.

10.        Par un avis de ratification daté du 26 septembre 2003, le ministre a confirmé les nouvelles cotisations datées du 1er mai 2003 pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002.

11.        Lorsqu'il a fixé les nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 et ainsi confirmé les nouvelles cotisations, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          l'appelant et Lisa Marie Zaina (ci-après l' « ancienne épouse » ) sont les parents de trois enfants issus de leur mariage : Jordan Paul Zaina, né le 5 novembre 1987, Taylor Charles Zaina, né le 13 septembre 1989 et Joshua David Zaina, né le 13 september 1989 (ci-après les « enfants du mariage » );

b)          l'appelant et son ancienne épouse se sont séparés le 4 janvier 1992;

c)          conformément à un accord de séparation conclu le 5 mai 1992 (l' « accord de séparation » ), l'appelant s'est notamment engagé à verser à son ancienne épouse une pension alimentaire pour les enfants du mariage s'élevant à 250 $ par mois par enfant, pour une somme totale de 750 $ par mois, payable le premier jour de chaque mois à partir du 1er mars 1992 et jusqu'à ce que l'enfant concerné ne soit plus un enfant au sens de la Loi sur le divorce;

d)          suivant le procès-verbal de transaction établi le 15 décembre 1997 (le « procès-verbal de transaction » ), l'appelant et son ancienne épouse ont convenu de modifier l'accord de séparation afin, entre autres, de diminuer le montant de la pension alimentaire pour les enfants du mariage que l'appelant devait payer à l'ancienne épouse et de le faire passer de 750 $ par mois à 475 $ par mois à partir du 1er septembre 1997, ce montant étant payable le premier jour de chaque mois par la suite;

e)          l'appelant, par le truchement du Programme d'exécution des obligations alimentaires du ministère de la Justice de l'Alberta, a versé à son ancienne épouse les paiements suivants à titre de pension alimentaire pour les enfants du mariage :

Année

Versements de pension

alimentaire pour enfants

1999

10 663 $

2000

6 148 $

2001

10 094 $

2002

12 644 $

B.         QUESTIONS À TRANCHER

12.        Voici les questions sur lesquelles je dois me prononcer :

a)          L'appelant a-t-il droit aux déductions suivantes au titre de la pension alimentaire pour enfants :

            (i)          10 663 $ pour 1999;

            (ii)         6 148 $ pour 2000;

            (iii)        10 094 $ pour 2001;

            (iv)        12 644 $ pour 2002?

b)          La Cour canadienne de l'impôt peut-elle accorder la réparation demandée en ce qui concerne la renonciation aux intérêts ou l'annulation de ceux-ci?

C.         DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOYENS INVOQUÉS ET RÉPARATION DEMANDÉE

13.        Le ministre s'appuie sur les paragraphes 56.1(4), 60.1(4) et 220(3.1) et l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la « Loi » ), modifiée, pour ce qui est des années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002.

14.        Il soutient que l'accord de séparation en vertu duquel l'appelant était tenu de payer à son ancienne épouse une pension alimentaire pour les enfants du mariage a été modifié après le mois d'avril 1997, selon le procès-verbal de transaction, afin de diminuer les montants de pension alimentaire payables par l'appelant. En conséquence, il affirme que l'appelant n'a pas droit à une déduction au titre de la pension alimentaire pour enfants de 10 094 $ pour l'année 2001 et de 12 644 $ pour l'année 2002 suivant les paragraphes 65.1(4) et 60.1(4) et l'alinéa 60b) de la Loi.

[3]      À cet égard, les hypothèses de fait sont fondées.

[4]      L'accord du 5 mai 1992 (alinéa 11c)) faisait partie d'une ordonnance judiciaire prononcée en Ontario, laquelle a été exécutée dans le cadre du Programme d'exécution des obligations alimentaires de l'Alberta, où résidait l'appelant. Ce dernier a versé les sommes en question par le truchement de ce programme. Comme il a fait l'objet de mises à pied, l'appelant était souvent en retard dans ses paiements tant avant qu'après le 30 avril 1997. C'est ce qui ressort des montants déduits et payés. Certaines de ces sommes paraissent avoir été reportées après la transaction du 15 décembre 1997.

[5]      La transaction du 15 décembre 1997 a été consignée à titre d'ordonnance judiciaire en Ontario (voir la pièce A-1), mais n'a pas été enregistrée en Alberta par la suite. Elle a été enregistrée dans le cadre du Programme d'exécution des obligations alimentaires de l'Alberta vers le 26 novembre 2003.

[6]      Jusqu'à ce moment, l'appelant, résident albertain, était tenu de payer les sommes en question dans le cadre du Programme d'exécution des obligations alimentaires de l'Alberta en application de l'ordonnance antérieure, laquelle est, à tous les moments pertinents, demeurée en Alberta dans les dossiers de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. L'appelant s'est conformé à cette obligation.

[7]      L'appelant a donc payé les sommes en application d'une ordonnance judiciaire qui avait effet dans sa province de résidence. Mais l'intimée ne lui permet pas de déduire ces sommes en raison de la transaction intervenue le 15 décembre 1997. Les règles de droit albertaines ont fait en sorte que l'ancienne épouse de l'appelant a bien reçu les sommes qu'il a payées. Le document pertinent joint à l'annexe A-1 est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

Alberta                                                                                    Gouvernement de l'Alberta

JUSTICE                                                                                                Premier prix IAPC

                                                                                                                                                          2001 et 2002

                                                                                                                     pour gestion

                                                                                                                                                             innovatrice

______________________________________________________________________________

Exécution des obligations                       7e étage Nord, immeuble Brownlee Téléphone (780) 422-5555

alimentaires                                                      C.P. 2404                                              Hors d'Edmonton 310-0000 422-5555

                                                                          Edmonton (Alberta)                           Télécopieur (780) 401-7565

                                                                          Canada, T5J 3Z7

                                                                                                                                        Compte PEOA no 0862-573

Le 26 novembre 2003

Monsieur David Zaina

C.P. 886

Coalhurst (Alberta)

T0L 0V0

OBJET : EXÉCUTION DES OBLIGATIONS ALIMENTAIRES

Monsieur,

Notre service a consigné l'ordonnance judiciaire émanant de l'Ontario en date du 15 décembre 1997 par laquelle vos obligations alimentaires continues de 750 $ par mois ont été réduites à compter du 1er janvier 1998. Cette ordonnance précise en outre que vous devez payer à Mme Lisa Zaina la somme de 700 $ à titre de frais de justice.

Nous avons donc redressé votre compte pour qu'il reflète ces changements et nous sommes actuellement à prendre les mesures nécessaires pour vous rembourser les paiements que nous détenons pour vous en fiducie. Malgré cela, votre compte est toujours excédentaire d'une somme de 18 075 $. Notre service portera cette somme en déduction des obligations alimentaires continues futures dont le montant s'élève à 475 $ par mois jusqu'à ce que l'excédent soit épuisé en février 2007. Veuillez trouver ci-joint, pour votre examen, un état de votre compte.

Comme votre compte est excédentaire, nous avons transmis à votre employeur des documents qui mettent fin à la saisie-arrêt à laquelle nous avions procédé.

Si vous avez des questions touchant la présente lettre, vous pouvez les poser par téléphone au (780) 422-5555 ou par écrit au Programme d'exécution des obligations alimentaires, C.P. 2404, Edmonton (Alberta), T5J 3Z7.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

Nina Escoto

Unité des services d'information

Programme d'exécution des obligations alimentaires

Pièce jointe

[8]      Voici le texte de l'alinéa 1e) et du paragraphe 16(1) de l'Alberta Maintenance Enforcement Act, R.S.A. 2000 :

[TRADUCTION]

1.          Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

e)          « ordonnance alimentaire » S'entend d'une ordonnance ou d'une ordonnance provisoire rendue par un tribunal judiciaire de l'Alberta, d'une ordonnance de protection rendue par la Cour du Banc de la Reine sous le régime de la Protection Against Family Violence Act ou d'une ordonnance, autre qu'une ordonnance provisoire qui n'a pas été confirmée, enregistrée en application de la ReciprocalEnforcement of Maintenance Orders Act ou de la InterjurisdictionalSupport Orders Act et comportant une disposition exigeant le paiement d'aliments.

16(1)     Le directeur ou un créancier peut déposer à la Cour du Banc de la Reine une ordonnance alimentaire qui n'est pas par ailleurs déposée à la Cour et, au moment du dépôt, les parties de l'ordonnance alimentaire qui intéressent les aliments sont réputées constituer un jugement de la Cour du Banc de la Reine.

Le libellé des versions antérieures de ce texte législatif allait dans le même sens.

[9]      Dans l'arrêt Fraser c. Canada, 2004 CAF 128, la Cour d'appel fédérale mentionne ce qui suit aux paragraphes 9, 10, 11 et 14 :

[9]         Le passage pertinent de la définition de l'expression « pension alimentaire » qu'on trouve dans la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que la pension alimentaire pour enfants doit avoir été payée aux termes d'une « ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province » . Le législateur a ainsi précisé que la question de l'existence d'une ordonnance correspondant à cette description relève de la loi provinciale.

[10]       Les lois concernant les pensions alimentaires pour enfants ainsi que les lois prescrivant les formalités d'obtention, auprès de tribunaux, d'ordonnances de pension alimentaire pour enfants relèvent de la compétence législative des provinces. À mon avis, l'expression « en conformité avec les lois d'une province » est suffisamment large pour englober toutes les lois de la province concernant l'obligation légale de verser une pension alimentaire pour enfants, y compris les lois provinciales régissant la procédure de mise à exécution d'une telle obligation. L'interprétation proposée par la Couronne aurait pour effet de limiter la portée de cette expression en en excluant certains aspects procéduraux relatifs aux pensions alimentaires pour enfants de la loi provinciale. Je ne vois aucune raison d'adopter une interprétation aussi restreinte.

[11]       Nous ne sommes pas en présence d'une situation où le législateur d'une province a tenté de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu ou la portée de celle-ci dans le but d'atteindre un objectif provincial incompatible avec les objectifs de la Loi de l'impôt sur le revenu. Au contraire, l'assemblée législative de l'Alberta a simplement rationalisé la procédure d'obtention des ordonnances alimentaires auprès des tribunaux, de façon à ce qu'un jugement « réputé » de la Cour du Banc de la Reine soit, comme c'est le cas en l'espèce, considéré comme l'équivalent juridique d'un « vrai » jugement sur consentement de cette cour. La seule différence pratique est que l'obtention d'une ordonnance sur consentement nécessite probablement plus de temps et d'argent de la part des parties et plus de ressources judiciaires.

[...]

[14]       J'infirmerais le jugement de la Cour de l'impôt, je le remplacerais par un jugement faisant droit à l'appel en matière d'impôt sur le revenu de M. Fraser et je renverrais l'affaire au ministre afin qu'il établisse de nouvelles cotisations en tenant compte du fait que les paiements de pension alimentaire pour enfants versés par M. Fraser en 1999 sont déductibles. Les parties ayant convenu que la Couronne paiera à M. Fraser une somme raisonnable à titre de dépens du présent appel, je n'adjugerais aucuns dépens.

[10]     Ce jugement s'applique aussi à la présente affaire.

[11]     Le paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu applicable aux années en cause précise ce qui suit relativement aux termes « pension alimentaire » :

(4)         Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

[...]

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)          le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

L'alinéa 56.1(4)a) de la définition de « pension alimentaire » a été modifié par L.C. 2000, ch. 12, ann. 2, al. 2b) et 9b), applicable à compter du 1er janvier 2001, entré en vigueur le 31 juillet 2000. L'alinéa 56.1(4)a) de la définition de « pension alimentaire » était antérieurement rédigé de la façon suivante :

a)          le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit.

[12]       À la lumière des faits en l'espèce, il peut exister deux différentes sommes à recevoir pour les besoins de la définition des termes « pension alimentaire » donnée au paragraphe 56.1(4) :

-         une aux termes d'une ordonnance d'un tribunal compétent enregistrée en Alberta en 1992 sous le régime de l'Alberta Maintenance Enforcement Act;

-         une autre aux termes d'une ordonnance subséquente d'un tribunal judiciaire de l'Ontario (l' « ordonnance ontarienne » ) datée du 15 décembre 1997 qui n'a été enregistrée en Alberta que bien après la période pertinente.

La Cour doit décider laquelle de ces deux sommes est pertinente pour l'application de la définition de l'expression « pension alimentaire » suivant la Loi de l'impôt sur le revenu. Le tribunal albertain avait compétence à l'égard de l'appelant pendant toute la période en cause.

[13]     Selon la thèse de l'intimée, il faut appliquer l'ordonnance judiciaire rendue en Ontario le 15 décembre 1997 puisqu'elle a été rendue à une date postérieure et qu'elle est la plus récente. L'appelant soutient qu'en dépit de cette ordonnance ontarienne plus récente, l'ordonnance initiale enregistrée sous le régime de l'Alberta Maintenance Enforcement Act doit s'appliquer puisqu'elle avait force exécutoire et qu'elle était exécutée contre lui en Alberta pendant toute la durée de la période pertinente. L'appelant a précisé qu'il était continuellement en retard, qu'il ignorait exactement combien d'argent il devait verser chaque mois et qu'il ne savait pas que les responsables du Programme d'exécution des obligations alimentaires de l'Alberta exécutaient l'ordonnance initiale enregistrée plutôt que la plus récente ordonnance ontarienne. Son ancienne épouse a continué d'accepter les sommes payables en application de l'ordonnance initiale et a omis de signaler à l'appelant qu'il lui versait davantage d'argent aux termes de l'ordonnance initiale toujours en vigueur contre lui en Alberta que ce qu'il était tenu de payer aux termes de l'ordonnance ontarienne subséquente non enregistrée (en Alberta).

[14]     L'arrêt Fraser c. Canada de la Cour d'appel fédérale permet d'affirmer sans équivoque que, pour l'application du paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour doit se fonder sur « [...] les lois provinciales régissant la procédure de mise à exécution d'une telle obligation » . (Voir le paragraphe 10 de l'arrêt Fraser c. Canada.)

[15]     Dans la décision Hill v. Hill, [1985] S.J. no 25, l'époux défendeur a fait valoir que l'ordonnance alimentaire prononcée contre lui par un tribunal judiciaire manitobain et enregistrée sous le régime de la Saskatchewan Reciprocal Enforcement of Maintenance Orders Act avait été annulée en Saskatchewan par l'effet d'une ordonnance rendue beaucoup plus tard par un tribunal judiciaire de la Saskatchewan et portant annulation de son mariage avec la demanderesse. Dans la décision Hill, le juge Dickson du Tribunal unifié de la famille de la Saskatchewan a toutefois mentionné ce qui suit :

[TRADUCTION]

La mission des tribunaux judiciaires de la Saskatchewan se limite à l'exécution de l'ordonnance enregistrée et à l'examen des demandes présentées en application du paragraphe 8(7) de la Reciprocal Enforcement of Maintenance Orders Act afin d'obtenir une ordonnance provisoire modifiant ou rescindant cette ordonnance.

Voir aussi la décision Sawers v. Sawers, 22 R.F.L. (2d) 66 (à laquelle on renvoie dans la décision Hill v. Hill), où la Cour d'appel du Manitoba, saisie de faits analogues à ceux de l'affaire Hill, a déclaré :

[TRADUCTION]

Selon le principe énoncé, l'ordonnance initiale continue d'avoir effet tant qu'une demande d'annulation de cette ordonnance n'a pas été présentée et accueillie;

En d'autres termes, le tribunal judiciaire provincial ne peut qu'exécuter l'ordonnance enregistrée ou la modifier suivant la Reciprocal Enforcement of Maintenance Orders Act, mais n'a pas compétence, hors du cadre de ce texte législatif, pour l'annuler, la modifier ou en faire abstraction. La situation est la même sous le régime de l'Alberta Maintenance Enforcement Act. En l'espèce, cela signifie que la plus récente ordonnance judiciaire de l'Ontario n'est pas opposable à l'appelant en Alberta tant et aussi longtemps que l'ordonnance initiale enregistrée n'est pas modifiée ou rescindée en application de l'Alberta Maintenance Enforcement Act. Par conséquent, la seule obligation susceptible d'exécution en Alberta durant la période en cause était l'ordonnance initiale enregistrée sous le régime de l'Alberta Maintenance Enforcement Act.

[16]     Dans l'arrêt Fraser, la Cour d'appel fédérale a estimé qu'elle devait appliquer les lois provinciales régissant la procédure de mise à exécution d'une obligation alimentaire. L'ordonnance initiale enregistrée sous le régime de l'Alberta Maintenance Enforcement Act est donc l'ordonnance pertinente pour l'application de la définition des termes « pension alimentaire » employés au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans la présente affaire, le service d'exécution des obligations alimentaires de l'Alberta a exécuté l'ordonnance initiale prononcée contre l'appelant, et l'ancienne épouse de ce dernier a continué de recevoir les sommes payables suivant l'ordonnance initiale.

[17]     Pour ces motifs, l'appel est accueilli.

[18]     L'appelant s'est représenté lui-même. Il a droit à la somme de 100 $ au titre des débours, comme les photocopies et autres frais de même nature, engagés dans le cadre de la poursuite du présent appel.

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 12e jour de mai 2004.

« D.W. Beaubier »

Juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


RÉFÉRENCE :

2004CCI349

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-4474(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

David Zaina c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Lethbridge (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 21 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

M. le juge Beaubier

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 mai 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Belinda Schmid

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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