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Référence : 2004CCI759

Date : 20041130

Dossier : 2004-400(IT)I

ENTRE :

MANJIT S. BRAR,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

 

Pour l’appelant : L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée : Me Justine Malone

____________________________________________________________________

 

Motifs du jugement

 

(Prononcés oralement à l’audience

à London (Ontario), le 22 octobre 2004)

 

Le juge McArthur

 

[1]     Le présent appel découle d’une cotisation établie à l’égard de l’appelant par le ministre du Revenu national pour l’année d’imposition 2000, qui rejetait la déduction d’un prétendu don de bienfaisance de 3 000 $. L’appelant soutient avoir fait ce don à la Weldon Park Academy au cours de cette année d’imposition. À l’audience, l’appelant a témoigné, de même qu’une vérificatrice pour le compte de l’intimée.

 

[2]     L’appelant est un infirmier autorisé; il est marié et a trois enfants. Outre son emploi à temps plein, il a un emploi à temps partiel et en 2000, il a gagné entre 70 000 $ et 80 000 $. Au cours de l’année 2000, son épouse et lui ont retiré leurs enfants du système scolaire public qu’ils fréquentaient et les ont inscrits en huitième, en quatrième et en deuxième années à la Weldon Park Academy, une école privée. Mme Brar, en particulier, estimait que ses enfants recevraient une meilleure éducation dans une école privée par opposition au système scolaire public.

 

[3]     Avant l’inscription de ses enfants, l’appelant avait vérifié que le total des frais pour les trois enfants serait de 10 000 $. Il avait trouvé le montant raisonnable et son budget le lui permettait. Il a donc payé le montant complet par chèque avant le 1er septembre 2000. Quelques semaines plus tard, il a reçu une facture de l’école (pièce R‑1), qui indiquait ce qui suit pour les trois enfants :

 

                   [traduction]

 

Description

Total

 

Frais de scolarité (option 2)

23 200,00 $

Frais accessoires

1 100,00

Rabais pour la famille

3 060,00

Rabais de l’option 1 (paiement complet)

1 010,00

Supplément de l’option 3 (mensuel)

 

Autres (bourse)

10 500,00

 

9 730,00

Moins : dépôt …

9 909,10

 

Solde dû

-179,19 $

 

Les éléments de la facture constituaient un mystère pour l’appelant, mais tant que les frais n’excédaient pas 10 000 $, il n’a jamais mis la facture en doute, quoiqu’il ait demandé le remboursement du crédit de 179 $ qu’il n’a jamais reçu.

 

[4]     Le problème découle de ce qui suit. L’appelant déclare qu’après plusieurs semaines de réflexion, son épouse et lui ont décidé de faire un don volontaire de 3 000 $ en espèces à la Weldon Park Academy, en plus du montant de 10 000 $. Mme Brar aurait remis le montant de 3 000 $ le ou avant le 31 décembre 2000 et l’appelant affirme que le montant a été donné d’une manière tout à fait volontaire, sans condition ni contrepartie.

 

[5]     L’appelant a déposé le rapport de vérification de la vérificatrice du ministre, Carol Grieve, comme pièce sous la cote A‑2. Le rapport contient ce qui suit :

 

          [traduction]

 

Le rajustement se rapporte au reçu pour don de bienfaisance émis par la Weldon Park Academy pour « contribution au fonds d’immobilisations ». Comme l’indique le paragraphe 3 du bulletin d’interprétation IT-110R3, Dons et reçus officiels de dons, un don est un transfert volontaire de biens sans contrepartie de valeur ni avantage pour le donateur où toute personne désignée par lui en raison du transfert. Nous avons établi que le « don » était un montant calculé par la Weldon Park Academy à l’égard duquel une partie des frais de scolarité avaient fait l’objet d’un reçu pour don. Il ne s’agissait pas d’un don volontaire. En conséquence, le montant déduit n’est pas visé par la signification d’un don de bienfaisance en vertu de l’article 118.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Tout autre reçu pour don valable émis par la Weldon Park Academy a été accepté (p. ex., journée des fondateurs, livres, encans silencieux, etc.).

 

Il s’agit de la position principale du ministre, bien qu’elle ne semble pas être soulevée dans la réponse à l’avis d’appel. Selon la position secondaire du ministre, le montant de 3 000 $ en argent comptant n’a jamais été payé ni donné à Weldon et le montant total que l’appelant a versé à l’école s’élevait à 10 000 $. Le reçu pour don de bienfaisance de 3 000 $ visait une partie du montant de 10 000 $ payé par chèque le 1er septembre 2000.

 

[6]     Lorsqu’ils ont eu connaissance des reçus pour don de bienfaisance irréguliers ou illégaux, les administrateurs de Weldon ont renvoyé le directeur et l’agent financier en 2001. Par la suite, Weldon a fermé l’école, selon toute vraisemblance en raison de problèmes financiers.

 

[7]     L’avis d’appel de l’appelant est rédigé en partie comme suit :

 

          [traduction]

 

Mon appel vise un don de bienfaisance fait à un établissement d’enseignement au cours de l’année d’imposition 2000. J’avais un reçu pour la somme de 3 000 $ que j’ai joint à ma déclaration. La vérification de cet établissement d’enseignement par l’ADRC en 2001 a révélé que l’établissement ne respectait pas d’une certaine manière les lignes directrices de l’ADRC concernant les dons, ce que je ne pouvais pas savoir et il s’agit d’une situation qui échappe à ma volonté. De même, plus de 300 élèves étaient inscrits à cette école et leurs parents ont aussi fait des dons d’une manière semblable à la mienne. On n’a demandé à aucun des parents à qui j’ai parlé de rembourser l’ADRC pour les dons inadmissibles. Par conséquent, il n’est pas juste en vertu du droit fiscal canadien que l’ADRC me demande de rembourser ce montant et ne le demande pas aux autres. L’ADRC me demande de rembourser environ 1 500 $ à titre de don inadmissible pour l’année d’imposition 2000.

 

Avant de passer aux points en litige, je ferai un bref commentaire sur l’aspect d’équité que soulève l’appelant. L’appelant sait qu’il n’est pas devant un tribunal d’equity, mais devant une cour de justice qui respecte la loi telle qu’elle est rédigée. De plus, l’avocate de l’intimée a souligné par l’entremise de la vérificatrice que tous les parents qui avaient reçu de semblables reçus pour don de bienfaisance avaient été interrogés et que l’appelant n’avait pas été ciblé de façon particulière.

 

[8]     La réponse du ministre à l’avis d’appel contient le résumé suivant :

 

          [traduction]

 

l’appelant n’a pas fait un don volontaire de 3 000 $ à Weldon en plus des frais de scolarité qu’il a payés à Weldon;

 

par conséquent, le montant refusé n’est pas un montant qui peut être inclus dans le montant du « total des dons » décrit au paragraphe 118.1(1) de la Loi.

 

Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord avec la position du ministre. Selon l’argument principal de cette position, si l’argent a été versé, il ne l’a pas été volontairement.

 

[9]     Il était important pour l’appelant que les frais de scolarité n’excèdent pas 10 000 $. Son témoignage comportait plusieurs anomalies, sinon des contradictions. Il a indiqué que sa femme et lui avaient une réserve d’agent comptant à la maison et qu’elle avait pris 3 000 $ de cette réserve pour les donner à quelqu’un à Weldon. Cependant, l’appelant a invoqué un manque de ressources afin d’obtenir une dispense pour les droits de dépôt de la Cour, bien qu’il déclare qu’il avait une réserve d’argent comptant à la maison. Le fait qu’il affirme que le don a été fait en argent comptant me rend sceptique.

 

[10]    Son épouse n’a pas témoigné, bien que j’aie offert d’ajourner à un autre moment cette semaine pour permettre à Mme Brar d’être présente. Il a refusé, expliquant qu’avec trois enfants dont elle devait s’occuper, il lui était très difficile de prendre le temps de témoigner. Cela est compréhensible et je crois qu’ils vivent à Sarnia. L’appelant n’a pas non plus fait témoigner quiconque de Weldon. La pièce R‑3 est une lettre‑type de Weldon, datée du 26 février 2001, qui accompagne un reçu pour don de bienfaisance de 3 000 $. La lettre indique en partie ce qui suit :

 

          [traduction]

 

Le montant du reçu est fonction des dépenses annuelles de l’école pour des activités de bienfaisance, telles que définies par le conseil des gouverneurs.

 

[11]    Il ne semble pas qu’un don volontaire de 3000 $ a été fait. De plus, la pièce R‑5, qui est une recommandation du conseil des gouverneurs, explique comme suit la philosophie des dons :

 

          [traduction]

 

Pour la première fois à l’occasion de l’année scolaire 1999-2000, l’école a affiché des frais qui comprenaient le montant qui serait ultimement considéré comme un don. L’école calculait alors le montant du don en fonction de ses dépenses réelles pour les activités de bienfaisance. Cette approche a été approuvée par le conseil des gouverneurs et faisait partie de l’approbation du budget de 1999‑2000. Le total des dépenses pour les activités de bienfaisance, définies de la même manière depuis le début des activités de l’école, constituait la base du don et ce calcul a été effectué le 31 décembre 1999 et à nouveau le 30 juin 2000. Le reçu maximum émis par ETP pour l’année scolaire 1999‑2000 s’élevait à 1 000 $, même si la dépense moyenne pour les activités de bienfaisance était 1 350 665 $/480 élèves ou 2 814 $ par ETP. Le montant était différent par souci de prudence et pour demeurer comparable au montant des années antérieures (lorsque la portion du fonds d’immobilisations imputée aux frais était de 900 $ par année).

         

La recommandation est datée du 19 février 2001 et le reçu émis à l’appelant pour le montant de 3 000 $ est daté du 26 février 2001. La lettre qui accompagne le reçu indique ce qui suit :

 

          [traduction]

 

L’utilisation de ce reçu indique que vous reconnaissez la nature volontaire du don.

 

Il ressort de ceci que la partie « don volontaire » des frais de 10 000 $ était une fabrication.

 

[12]    Plusieurs documents déposés en preuve par l’intimée constituent du ouï‑dire. L’auteur des lettres de Weldon et des livres comptables n’était pas présent pour identifier les documents et être contre-interrogé. J’ai autorisé leur dépôt nonobstant qu’une norme de procédure plus élevée s’applique à l’intimée qu’à l’appelant à l’occasion d’une audience selon la procédure informelle. En comparant les éléments de preuve de l’intimée et de l’appelant, je n’ai aucune difficulté à déterminer la validité de ce qui suit :

 

(i)      La pièce R‑1 est une facture que l’appelant reconnaît avoir reçue de Weldon.

(ii)      La pièce R‑2 est une lettre de Weldon à M. et Mme Brar et l’appelant reconnaît l’avoir reçue également.

(iii)     La pièce R‑3 est une lettre qui accompagne le reçu pour le montant de 3 000 $, que l’appelant reconnaît avoir aussi reçue.

(iv)     La pièce R‑4 est le reçu de 3 000 $ concernant le don en cause et l’appelant s’appuie sur ce document.

(v)     La pièce R‑5 provient censément du directeur et de l’agent financier de Weldon à l’intention du conseil d’administration et présente une recommandation concernant les dons de bienfaisance. J’infère que le conseil d’administration a accepté cette recommandation. La vérificatrice a obtenu la pièce R‑5 au cours de sa vérification et cette pièce est liée à la comptabilité de la première page de la pièce R‑6 et est également liée au reçu dans la pièce R‑3.

(vi)     La pièce R‑6 est également étayée par la facture (pièce R‑1).

 

[13]    Je souscris à la position de l’intimée selon laquelle l’appelant n’a pas fait un don volontaire de 3 000 $ à Weldon et que le reçu pour don de bienfaisance vise une partie des frais de scolarité de 10 000 $ payés conformément à la pièce R‑1. L’appelant avait un budget restreint et il est inconcevable qu’il ait fait un don volontaire de 3 000 $, augmentant ainsi le montant versé à Weldon de 10 000 $ à 13 000 $. Sans une solide corroboration, je n’accepte pas, sur la seule foi du témoignage de l’appelant, que son épouse a remis 3 000 $ en argent comptant à Weldon. Le montant de 3 000 $ faisait partie des frais de scolarité de 10 000 $ et, selon la prépondérance des probabilités, il n’a pas été donné volontairement.

 

[14]    Qui plus est, j’estime que le montant de 3 000 $ mentionné sur le reçu présenté comme pièce R‑4 fait partie du chèque de 10 000 $ versé pour les frais de scolarité et n’a pas été donné en argent comptant en plus du chèque de 10 000 $.

 

[15]    L’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2004.

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

RÉFÉRENCE :

2004CCI759

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-400(IT)I

 

INTITULÉ :

Manjit S. Brar et Sa Majesté la Reine

 

Lieu de l’audience :

London (Ontario)

 

DATE de l’audience :

Le 20 octobre 2004

 

Motifs du jugement :

L’honorable juge C.H. McArthur

 

DATE du jugement :

Le 27 octobre 2004

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Justine Malone

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

s/o

 

Cabinet :

s/o

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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