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Dossier : 2003-3960(IT)I

ENTRE :

LOUIS BERTRAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 9 juin 2004 et jugement rendu verbalement sur le banc

le 10 juin 2004, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Simon Petit

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juin 2004.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


Référence : 2004CCI435

Date : 20040615

Dossier : 2003-3960(IT)I

ENTRE :

LOUIS BERTRAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

[1]      Il s'agit d'un appel logé selon la procédure informelle à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) pour l'année d'imposition 1999 dans laquelle le Ministre a refusé à l'appelant la déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise au montant de 59 719 $ (soit 75 pour cent x 79 625 $).

[2]      La perte de 79 625 $ réclamée par l'appelant est reliée à des avances qu'il dit avoir fait à deux sociétés, Beaudry, St-Jean Inc. et 9038-1625 Québec Inc., toutes deux détenues à 100 pour cent par madame Renée Beaudry, avec qui l'appelant vit en union conjugale depuis l'année 2000.

[3]      Le Ministre a refusé la perte au motif que ces avances n'ont pas été faites par l'appelant dans le but de tirer un revenu d'entreprise ou de bien, en conséquence de quoi la perte est réputée nulle au sens du sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ).

[4]      Il ressort de la preuve que madame Beaudry voulait donner une dimension nouvelle à son entreprise de consultation en comptabilité, en investissant dans une franchise « Paget » , qui devait accélérer la mise en marché des services offerts par son entreprise. L'appelant qui avait déjà rendu des services de consultation à l'entreprise de l'appelante, a suggéré de faire lui-même les avances des sommes requises puisque madame Beaudry n'avait pas le crédit nécessaire.

[5]      Les sommes avancées par l'appelant proviennent de lignes de crédit personnelles qu'il avait auprès de deux institutions financières. L'une de ces lignes de crédit obtenue auprès de la Banque Toronto-Dominion, est ouverte au nom de « Louis Bertrand, a/s Paget Service Aux Entreprises » et indique l'adresse commerciale de la Société 9038-1625 Québec Inc. (pièce A-5). La preuve révèle également que les deux sociétés en question remboursaient directement, au moins en partie, les intérêts payables sur les lignes de crédit de l'appelant.

[6]      Le 2 février 1998, le projet Paget ne se développant pas comme prévu, madame Beaudry a signé une reconnaissance de dette personnelle à l'appelant dans laquelle elle reconnaît être endettée envers l'appelant d'une somme de 80 000 $ que ce dernier lui aurait prêtée. Le document indique que la somme prêtée ne porte aucun intérêt et madame Beaudry a donné en garantie un immeuble lui appartenant personnellement (pièce A-4). L'appelant aurait donné main-levée de cette garantie en mai 1998 afin de permettre à madame Beaudry d'obtenir un financement supplémentaire.

[7]      Au moment de faire les avances, il aurait été verbalement convenu que madame Beaudry accordait à l'appelant une option exclusive d'acheter des actions des deux sociétés, laquelle option pourrait être exercée dès que l'appelant commencerait à travailler pour ces sociétés. Dans les faits, l'appelant travaillait à temps plein comme consultant pour la Banque de développement du Canada ( « BDC » ). Les deux sociétés ont déclaré faillite en octobre 1999 et l'appelant n'a jamais exercé son option puisqu'il n'a jamais travaillé pour les sociétés avant la faillite.

[8]      Par ailleurs, l'appelant n'a déclaré aucun revenu d'intérêts provenant des avances qu'il aurait faites à ces deux sociétés dans ses déclarations de revenu. Ni les dites sociétés, ni madame Beaudry n'ont remboursé ces avances à l'appelant.

[9]      L'intimée soutient que l'appelant n'a pas le droit de déduire les avances ainsi faites qui ne lui ont jamais été repayées, car il ne peut démontrer qu'il a acquis sa créance dans le but de gagner un revenu. En effet, ces avances ne portaient aucun intérêt et l'appelant, n'étant pas actionnaire des sociétés, ne pouvait espérer un retour sur son investissement.

[10]     L'appelant de son côté, soutient d'une part qu'il recevait des revenus d'intérêt indirectement puisque les sociétés remboursaient les intérêts sur ses lignes de crédit. D'autre part, il prétend qu'en recevant une option d'achat d'action, il pouvait s'attendre à un retour sur son investissement au moment où il exercerait son option, soit par le biais de dividendes ou par le biais de revenus de consultation provenant de ces sociétés.

[11]     À mon avis, les prétentions de l'appelant ne se justifient pas légalement. D'une part, rien n'indique que les deux sociétés étaient légalement débitrices envers l'appelant. Il est vrai que certains documents semblent indiquer que ce sont les sociétés qui remboursaient directement, au moins en partie, les intérêts sur les lignes de crédit personnelles de l'appelant. Mais ceci ne semble pas découler d'une obligation légale de le faire puisque le seul document officiel notarié produit en preuve, indique que c'est madame Beaudry personnellement qui était endettée pour un montant de 80 000 $ envers l'appelant (pièce A-4). Ce document indique également que la créance ne portait pas intérêt. De plus, l'appelant n'a pas fait état de revenus d'intérêt provenant de cette créance dans sa déclaration de revenu. Il est donc difficile pour l'appelant de prétendre qu'il a acquis la créance dans le but de gagner un revenu d'intérêt.

[12]     Par ailleurs, l'appelant invoque qu'il entendait tirer un revenu indirectement de ses avances en se faisant consentir une option d'achat d'actions. D'une part, une telle considération est à mon avis de nature capitale. Le fait de garantir un prêt par une option d'achat d'actions n'indique pas que le prêt a été fait dans le but de gagner un revenu mais plutôt dans le but éventuel d'acquérir une source de revenu, soit un bien de nature capitale. Mais de façon plus importante encore, je suis d'avis que le fait de pouvoir tirer un revenu de dividendes ou de consultation dans l'hypothèse où l'appelant exercerait son option, est trop éloigné pour prétendre que la créance a été acquise dans le but de gagner un revenu. Tant que l'option n'avait pas été exercée, l'appelant n'avait aucun droit dans les sociétés et il ne pouvait pas s'attendre légalement à recevoir un revenu sous forme de dividendes ou autres, généré par l'injection de capital. Ainsi, comme le disait la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Byram c. Canada, [1999] A.C.F. no 92 (Q.L.), au paragraphe 23, la preuve de l'existence d'un lien suffisant entre le contribuable et les gains éventuels de la société débitrice est beaucoup plus difficile à faire lorsque le contribuable n'est pas actionnaire de cette société. Ici, l'appelant travaillait à temps plein pour la BDC et avait prévu pouvoir exercer l'option seulement lorsqu'il aurait commencé à travailler pour les sociétés. Tant qu'il n'y travaillait pas, il ne pouvait même pas exercer l'option. Au moment, où les avances ont été faites, il ne pouvait donc exercer l'option et en conséquence, il ne pouvait espérer de gains éventuels des deux sociétés.

[13]     En conséquence, même si l'on disait que les sociétés étaient débitrices envers l'appelant (ce qui n'est pas légalement le cas selon la preuve), l'appelant n'a pas démontré qu'il avait acquis la créance dans le but de gagner un revenu d'entreprise ou de bien.

[14]     En conséquence, la perte sur la disposition de la créance est nulle au sens du sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi.

[15]     L'appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juin 2004.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :

2004CCI435

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-3960(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Louis Bertrand c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 9 juin 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 juin 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :

L'appelant lui-même

Pour l'intimé(e) :

Me Simon Petit

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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