Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2003-2245(IT)G

2003-2283(IT)G

ENTRE :

LA NATIONALE DU CANADA,

COMPAGNIE D’ASSURANCE‑VIE

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune

les 28 et 29 juin 2006, à Toronto, Ontario.

 

Devant : L'honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

 

Avocate de l’appelante :

Me Kathryn I. Chalmers

Avocats de l’intimée :

Me Luther P. Chambers, c.r.,

Me Rosemary Fincham

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 1997 et 1998 sont accueillis, avec dépens, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu’il soit procédé à un nouvel examen et à l’établissement de nouvelles cotisations conformément aux motifs joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d’octobre 2006.

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2008.

 

 

 

 

 

François Brunet, Réviseur


 

 

 

 

Référence : 2006CCI551

Date : 20061013

Dossiers : 2003-2245(IT)G

2003-2883(IT)G    

ENTRE :

LA NATIONALE DU CANADA,

COMPAGNIE D’ASSURANCE‑VIE

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L’appelante exploite une entreprise d’assurance‑vie au Canada et, pendant toutes les périodes pertinentes, elle établissait des contrats d’assurance‑vie et de rente, y compris des polices à fonds réservé.

 

[2]     Les présents appels concernent la provision technique visant ses années d’imposition 1997 et 1998 que l’appelante a demandée en vertu du sous‑alinéa 138(3)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi »).

 

[3]     Ce texte autorise les provisions techniques demandées à l’égard des polices d’assurance‑vie, jusqu’à concurrence du plafond prévu par les dispositions réglementaires. Il dispose:

 

138(3) Les sommes suivantes sont déductibles dans le calcul du revenu d’un assureur sur la vie, pour une année d’imposition, tiré de l’exploitation de son entreprise d’assurance‑vie au Canada :

 

a)         celles des sommes suivantes qui sont appropriées :

 

(i)    le montant que l’assureur demande à titre de provision technique pour l’année relativement à ses polices d’assurance‑vie, ne dépassant pas le total des montants qu’il lui est permis de déduire relativement aux polices selon les dispositions réglementaires, […].

 

[4]     Le ministre a conclu que le montant demandé par l’appelante comme provision technique à l’égard de chacune des années en cause dépassait le montant autorisé par les dispositions réglementaires.

 

[5]     Un exposé conjoint des faits a été déposé avant l’audience. J’évoquerai parfois dans les présents motifs des faits particuliers admis par les parties, mais je note dès le départ qu’il a été convenu que les provisions qui font l’objet des présents appels se rapportent à des polices d’assurance‑vie établies au Canada qui sont des polices d’assurance‑vie postérieures à 1995. Les dispositions réglementaires pertinentes concernant ces polices sont contenues à l’article 1404 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »). Le paragraphe 1404(1) du Règlement est rédigé ainsi :

 

1404(1) Pour l’application du sous‑alinéa 138(3)a)(i) de la Loi, un assureur sur la vie peut déduire, dans le calcul de son revenu provenant de l’exploitation de son entreprise d’assurance‑vie au Canada pour une année d’imposition relativement à ses polices d’assurance‑vie au Canada qui sont des polices d’assurance‑vie postérieures à 1995, un montant ne dépassant pas le montant suivant :

 

a)              si le montant déterminé selon le paragraphe (3) quant à l’assureur pour l’année est supérieur à zéro, ce montant;

 

b)              sinon, zéro.

 

[6]     Le paragraphe 1404(3) du Règlement contient une formule de calcul du montant maximal de la provision (la provision actuarielle maximale aux fins de l’impôt[1]) que l'assureur sur la vie peut déduire aux fins du paragraphe 1404(1). Même si la formule exige le calcul de plusieurs montants, les parties ont convenu que seul le calcul du montant A mentionné dans la formule était pertinent aux fins des présents appels. Le calcul contesté est défini dans les passages suivants du paragraphe 1404(3) du Règlement :

 

(3)        Pour l’application des alinéas (1)a) et (2)a), le montant déterminé selon le présent paragraphe quant à un assureur pour une année d’imposition relativement à ses polices d’assurance‑vie au Canada qui sont des polices d’assurance‑vie postérieures à 1995 correspond au résultat positif ou négatif du calcul suivant :

 

A + B + C + D − M

 

où :

 

A         représente le montant (sauf dans la mesure où il est déterminé relativement à un sinistre, une prime, une participation ou un remboursement à l’égard duquel un montant entre dans le calcul de la valeur des éléments B, C ou D) relatif aux polices d’assurance‑vie de l’assureur au Canada qui sont des polices d’assurance‑vie postérieures à 1995, égal au moins élevé des montants suivants :

 

a)         le total des provisions déclarées de l’assureur à la fin de l’année relativement à ces polices,

 

b)         le total des passifs de police de l’assureur à la fin de l’année relativement à ces polices; […]

 

[7]     Bref, le calcul contesté à l'égard de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt concerne la détermination du moins élevé des montants entre le total des provisions déclarées et le total des passifs de police. Ces expressions sont définies de la manière suivante à l’article 1408 du Règlement :

 

« passif de police » Quant à un assureur à la fin d’une année d’imposition relativement à une police d’assurance ou à un sinistre, un sinistre éventuel ou un risque couvert par celle‑ci, le montant positif ou négatif de la provision de l’assureur au titre de son passif éventuel dans le cadre de la police, du sinistre, du sinistre éventuel ou du risque à la fin de l’année, déterminés en conformité avec les normes actuarielles reconnues, mais compte non tenu des impôts sur le revenu et le capital projetés (sauf l’impôt payable en vertu de la partie XII.3 de la Loi).

 

« provision déclarée » Quant à un assureur à la fin d’une année d’imposition relativement à une police d’assurance ou à un sinistre, un sinistre éventuel, un risque, une participation, une prime ou un remboursement de primes ou de dépôts de prime prévu par une police d’assurance :

 

a)         si l’assureur est tenu de présenter un rapport annuel à l’autorité compétente pour une période se terminant au même moment que l’année, le montant positif ou négatif de la provision qui serait déclarée dans ce rapport au titre de son passif éventuel dans le cadre de la police si la provision était déterminée compte non tenu des impôts sur le revenu et le capital projetés (sauf l’impôt payable en vertu de la partie XII.3 de la Loi);

 

b)         si l’assureur est, tout au long de l’année, sous la surveillance de l’autorité compétente et que l’alinéa a) ne s’applique pas, le montant positif ou négatif de la provision qui serait déclarée dans ses états financiers pour l’année au titre de son passif éventuel dans le cadre de la police si, à la fois :

 

(i)         ces états étaient dressés en conformité avec les principes comptables généralement reconnus,

 

(ii)        la provision était déterminée compte non tenu des impôts sur le revenu et le capital projetés (sauf l’impôt payable en vertu de la partie XII.3 de la Loi);

 

[8]     L’un des calculs de la provision (passifs de police) semble s’appuyer sur des calculs effectués en conformité avec les normes actuarielles généralement reconnues, tandis que l’autre (provisions déclarées) semble s’appuyer sur des calculs présentés à l’autorité compétente vis-à-vis de l’appelante, en l’occurrence le Surintendant des institutions financières (le « Surintendant »).

 

[9]     Dans la présente affaire, tel qu’il a été convenu dans l’exposé conjoint des faits, les montants de provisions déclarées et de passifs de police étaient égaux. De même, les parties conviennent, en ce qui a trait au calcul des provisions déclarées, que l’appelante était tenue de présenter un rapport au Surintendant des institutions financières, ce qu’elle a d’ailleurs fait, voyant ainsi ses provisions déclarées régies par l'alinéa a) de la définition des provisions déclarées. Cependant, le calcul, s’il avait été effectué conformément à l'alinéa b) de cette définition (à savoir en conformité avec les principes comptables généralement reconnus (les « PCGR »), aurait eu pour résultat le même montant de provisions déclarées[2].

 

[10]    Les parties ne contestent pas le montant des provisions déclarées ou des passifs de police à partir duquel les calculs de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt qui sont en cause (c.‑à‑d. le calcul du montant A visé au paragraphe 1404(3)) ont été effectués. L’alinéa 1406b) du Règlement modifie le calcul en ce qui a trait aux polices à fonds réservé. L’appelante affirme que l’alinéa 1406b) augmente la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt afférente aux polices à fonds réservé, si bien que la déduction au titre du paragraphe 138(3) s’en trouve accrue. L’intimée prétend que tel n’est pas le cas. La Cour est donc appelée à évaluer l’incidence de l’alinéa 1406b) sur la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt afférente aux fonds réservés de l’appelante.

 

[11]    Le fonds réservé est défini comme suit au paragraphe 138.1(1) de la Loi[3] :

 

138.1(1) Lorsque la totalité ou une partie des provisions d’un assureur afférentes à des polices d’assurance‑vie varie en fonction de la juste valeur marchande d’un groupe déterminé de biens (appelé « fonds réservé » au présent article), pour l’application de la présente partie, les règles suivantes s’appliquent […]

 

[12]    Les provisions déclarées et les passifs de police sont calculés pour chaque police séparément. Les polices pour lesquelles un fonds réservé a été maintenu pendant les années considérées en l’espèce ont été identifiées et acceptées.

 

[13]    À l’égard de la détermination de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt pour les besoins du paragraphe 1404(3), l’alinéa 1406b) dispose:

 

1406. Les montants déterminés selon les articles 1404 et 1405 seront calculés comme suit :

 

 

[…]

 

b)         compte non tenu du passif relatif à un fonds réservé, sauf le passif relatif à une garantie au titre d’une police à fonds réservé. [Non souligné dans l’original.]

 

[14]    En ce qui concerne les présents appels, il est donc nécessaire de revoir les calculs de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt qui sont en cause (c.‑à‑d. le calcul du montant A au paragraphe 1404(3)) et de refaire les calculs concernant la provision déclarée et le passif de police en conformité avec cette directive. Pour refaire ces calculs en faisant abstraction du passif relatif aux fonds réservés, il est nécessaire d’examiner les formules de calcul actuariel qui en tiennent compte. Ces calculs débordent non seulement le cadre de la Loi et du Règlement, mais aussi ils sont conçus pour évaluer la solvabilité de l'assureur en fonction de sa capacité de verser les remboursements aux titulaires de police. Les rapports présentés au Surintendant des institutions financières sont des rapports sur la valeur de l’actif (y compris les gains projetés) disponible pour garantir le passif (y compris le passif projeté – plus particulièrement le passif actuariel relatif au paiement des prestations de décès et les autres montants garantis comme dans le cas des fonds réservés). Même si les formules élaborées à cette fin n’ont pas de lien évident avec une provision aux fins de l’impôt sur le revenu, néanmoins elles ont nécessairement été incorporées au calcul des provisions fiscales des compagnies d’assurances.

 

[15]    Les parties reconnaissent cette situation et elles conviennent que les calculs externes de provision actuarielle doivent être examinés à la lumière de l’alinéa 1406b). En effet, les parties ont énoncé les dispositions externes qui sont à la base du calcul des provisions déclarées et des passifs actuariels relatifs aux fonds réservés de l’appelante en partant du principe selon lequel l’alinéa 1406b) ne peut pas être appliqué, sauf dans le contexte de ces dispositions externes.

 

[16]    Pour mieux comprendre ces dispositions externes et les arguments des parties, il est nécessaire d’examiner le contexte plus en profondeur.

Contexte

[17]    L’appelante était assujettie pendant toutes les périodes en cause à la Loi sur les sociétés d’assurances (Canada) et elle était tenue de par la loi de présenter un rapport au Surintendant des institutions financières.

 

[18]    Dans le cas des polices d’assurance‑vie ordinaires, l’assureur‑vie investit les primes qu’il reçoit des titulaires de police d’assurance‑vie dans l’actif d’un compte appelé le « fonds général ». Ce fonds sert à payer les indemnités précisées dans ces polices d’assurance‑vie. Dans le cas de la police à fonds réservé, le titulaire de la police paie à l’assureur une somme d’argent en lui demandant de l’investir en partie ou en totalité dans un ou plusieurs groupes de biens distincts que celui-ci détient. Chaque groupe de biens distinct est appelé « fonds réservé ». L’appelante gère séparément plusieurs fonds réservés qu’elle garde à l’écart du fonds général. Chaque fonds réservé possède ses propres critères et objectifs d’investissement. Le risque d’investissement est assumé par le titulaire de la police, contrairement aux contrats rattachés au fonds général, quoique les contrats de fonds réservés en cause garantissent certaines prestations minimales au décès ou à l’échéance. Si besoin est, l’assureur peut alors avoir accès au fonds général pour payer les garanties, le cas advenant que le droit du titulaire de la police dans un fonds réservé donné n'ait pas une valeur suffisante par rapport aux prestations garanties.

 

[19]    C’est l’appelante, et non les titulaires de police, qui détient l’actif du fonds réservé. Les titulaires de police possèdent un droit bénéficiaire indivis sur la valeur de l’actif d’un fonds réservé donné dans lequel ils ont investi de l’argent[4]. L'appelante administre les fonds réservés et gère les placements qu’elle détient dans chacun de ces fonds réservés. Elle engage des dépenses relativement à cette gestion.

 

[20]    La valeur de l’actif du fonds réservé donné fluctue selon : les sommes investies, suivant les ordres des titulaires de police, dans ce fonds réservé[5]; le rendement de l’actif; les déductions relatives aux frais d’administration et aux frais de gestion des placements; les déductions se rapportant au décès et au capital‑échéance ainsi qu’aux retraits demandés par les titulaires de police.

 

[21]    Dans le cadre de l’obligation de faire rapport au Surintendant des institutions financières, l’appelante était tenue de déclarer annuellement ses passifs et actifs sur le formulaire BSIF‑54. Ce formulaire permet de constater les passifs relatifs aux polices qui comportent des options de placement variables (les polices « UltraFlex »). Comme je l’expliquerai incessamment, ce sont ces polices qui comportent une composante de fonds réservé.

 

[22]    L'appelante était également tenue de remettre au Surintendant le formulaire BSIF‑85 dans lequel elle devait fournir de plus amples renseignements sur l’actif total et le passif total des fonds réservés. Ce rapport cerne plus particulièrement les composantes et les sous‑composantes du calcul des passifs de fonds réservé.

 

[23]    L’appelante devait également remettre au Surintendant le rapport de l’actuaire qui a été nommé. Le rapport de l’actuaire en question contient lui aussi les passifs ventilés des fonds réservés de l’appelante. Ce rapport fait état des composantes et sous‑composantes du calcul des passifs de fonds réservé de la même manière que le formulaire BSIF‑85.

 

[24]    Tous les rapports déposés par l’appelante auprès du surintendant relativement aux années en cause ont été acceptés et n’ont donné lieu à aucune demande de modification.

 

[25]    Pour établir les passifs de fonds réservé, il est nécessaire de souligner que les polices UltraFlex comportent deux composantes. La première est appelée la composante fixe, laquelle consiste en placements à échéance déterminée semblables aux certificats de placement garanti et est détenue par l’appelante dans le fonds général. La seconde est appelée la composante variable, laquelle consiste en d’autres titres dont la valeur varie sur le marché et est comptabilisée par l’appelante séparément du fonds général. C’est la composante variable des polices UltraFlex qui est comptabilisée dans les fonds réservés.

 

[26]    Dans le calcul des passifs de police et des provisions déclarées, la composante variable des polices UltraFlex doit être évaluée séparément afin de déterminer la provision actuarielle qui leur est attribuable. À cet égard, les parties conviennent que l’appelante devait calculer toutes les provisions techniques à l’aide de la méthode de la prime commerciale (la « MPC ») pour chacune des polices UltraFlex en conformité avec les normes actuarielles généralement reconnues prescrites par la Canadian Insurance Association (la « CIA »)[6]. La MPC exige la prise en compte des estimations actuarielles concernant les futures rentrées et sorties de fonds attribuables à la police. Par conséquent, si l’on considère la provision se rapportant à la composante variable des polices UltraFlex, l’analyse actuarielle porte sur les trois composantes suivantes (sous‑composantes de la composante variable des polices à fonds réservés) :

 

(i)      les soldes de compte de fonds réservé relatifs aux polices;

 

(ii)      la valeur actualisée des futures commissions et des futurs frais de placement et d’administration moins la valeur actualisée des futurs honoraires de gestion et droits de rachat relatifs aux fonds réservés;

 

(iii)     la valeur actualisée des passifs relatifs aux garanties minimales de capital‑décès et de capital‑échéance au titre des fonds réservés.

 

[27]    Ces trois sous‑composantes correspondent aux dispositions externes (par rapport à celles de la Loi et du Règlement) visées par l'alinéa 1406b). Les deux parties ont établi leur argumentation à partir de cette prémisse. Le total arithmétique de ces trois sous‑composantes détermine les provisions déclarées et les passifs actuariels relatifs aux fonds réservés de l’appelante[7].

 

[28]    C’est le montant calculé pour la sous‑composante (ii) de la formule précédente qui est visé par les présents appels (le « montant de la sous‑composante (ii) »). Puisque l’orientation arithmétique du calcul consiste à déterminer un passif pour lequel il doit exister une provision, il faut considérer le passif après déduction des rentrées de fonds correspondantes. Compte tenu de cette orientation et du fait que les rentrées de fonds correspondantes sont budgétisées de manière à excéder les charges prévues, comme on peut s’y attendre dans le cas d’une entreprise à but lucratif, le montant de la sous‑composante (ii) devrait normalement être, de manière invariable me semble‑t‑il, un nombre négatif. Quoi qu'il en soit, dans la présente affaire, au moins le montant de la sous‑composante (ii) était négatif et il était désigné comme le « montant négatif de la provision ». Le montant négatif de la provision se rapportant aux fonds réservés réduit les passifs actuariels et les provisions déclarées. Cela n’est pas contesté[8].

 

[29]    Les produits et les charges inclus dans le calcul du montant de la sous‑composante (ii) sont comptabilisés dans le fonds général. Autrement dit, les pertes et les profits administratifs relatifs aux fonds réservés (à savoir les montants positifs et négatifs calculés conformément à la sous‑composante (ii) au titre des fonds réservés) aboutissent dans l’actif ou le passif du fonds général. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas été déterminés à l’égard des polices à fonds réservé. Ils l’ont clairement été.

 

[30]    L’appelante a calculé le montant maximal de provision déductible aux termes du sous‑alinéa 138(3)a)(i), soit la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt, selon la formule énoncée au paragraphe 1404(3) du Règlement, en excluant les montants des sous‑composantes (i) et (ii) du calcul du montant A relativement aux fonds réservés. L’exclusion a été faite en vertu de l’alinéa 1406b) du Règlement parce qu'il fallait que le montant de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt soit déterminé, conformément à l’article 1404, « compte non tenu du passif relatif à un fonds réservé, sauf le passif relatif à une garantie au titre d’une police à fonds réservé ».

 

[31]    Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante en s’appuyant sur le fait que le montant de la sous‑composante (ii) était un montant négatif et ne constituait pas pour cette raison un « passif » et qu'il ne répondait donc pas au critère d'exclusion prévu à l'alinéa 1406b). La provision actuarielle maximale aux fins d’impôt de l’appelante a ainsi été réduite de 7 922 000 $ pour 1997 et de 15 770 000 $ pour 1998, et le revenu imposable de l’appelante pour chacune de ces années a été augmenté des mêmes montants.

 

[32]    Finalement, je signale que les fonds réservés sont des fiducies aux fins de l’impôt. L’appelante doit produire des déclarations T3 pour chacun des fonds réservés et délivrer aux titulaires de police des feuillets T3 précisant leur intérêt dans chacun des fonds et la distribution des revenus pour chaque année. Les déclarations T3 de l’appelante indiquent le revenu imposable, le montant et la répartition en fonction du genre du revenu distribué aux bénéficiaires et le montant retenu dans le fonds qui est assujetti à l’impôt. La composante fixe, assimilable aux CPG, des polices UltraFlex n’est pas comptabilisée dans les fonds réservés.

 

[33]    Les montants négatifs de provision qui font partie des revenus du fonds général ne sont pas comptabilisés dans les revenus des fonds réservés[9].

 

[34]    Même si les fonds réservés sont des fiducies aux fins de l’impôt sur le revenu, ils constituent simplement un compte distinct aux fins des lois sur les assurances. C’est à ce seul égard que des comptes distincts sont maintenus pour enregistrer les dépôts et les revenus des titulaires de police à fonds réservé. On ne peut pas faire souscrire un contrat à l’égard d’un fonds réservé parce que le fonds réservé n’existe pas du point de vue juridique. Les assureurs font souscrire des contrats de rente à partir du fonds général (y compris les polices à fonds réservé) qui sont considérés comme étant des polices d’assurance. Les polices UltraFlex offrent une garantie qui joue en cas de décès ou de retrait et comportent ainsi une composante actuarielle. Vu cette garantie, les polices sont régies par la Loi sur les sociétés d’assurances, étant assimilées à des contrats de rente. En conséquence, elles ne sont pas assujetties aux règles des commissions des valeurs mobilières provinciales. La garantie est capitalisée à partir du fonds général mais le passif qui lui est rattaché ne prend naissance que dans la mesure où la valeur de l’actif d’un fonds réservé payable à un titulaire de police est inférieure au montant dont le paiement est garanti à ce titulaire de police. Pareil montant est une sous‑composante du passif actuariel relatif à un fonds réservé (à savoir la sous‑composante (iii)) et il n’est pas exclu de la provision aux fins de l’impôt sur le revenu aux termes de l’alinéa 1406b).

 

Reformulation de la question en litige et la thèse des parties

[35]    Après examen du contexte, on peut mieux circonscrire la question en litige: le montant de la sous‑composante (ii), représentant un montant négatif de passif, doit-il être exclu, aux termes de l’alinéa 1406b), du calcul de l’élément A de la formule du calcul de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt prévu au paragraphe 1404(3)? Comme je l’ai mentionné, les parties conviennent, et cela me semble évident également, que l’alinéa 1406b) vise plus particulièrement le calcul des montants des sous‑composantes (i), (ii) et (iii). La sous‑composante (i) correspond à un engagement envers les titulaires de police UltraFlex et elle est exclue du calcul des provisions aux fins d’impôt. La sous‑composante (iii), qui se rapporte aux garanties au titre d’une police à fonds réservé, correspond également à un engagement envers les titulaires de police UltraFlex et serait donc exclue aux termes de l’alinéa 1406b), s’il n’y était pas précisé expressément de ne pas exclure les garanties.

[36]    L’intimée allègue que le simple fait que les montants des sous‑composantes (i) et (iii) correspondent à des passifs et que la formule actuarielle totalisant les trois sous‑composantes que vise l’alinéa 1406b) est destinée et sert effectivement à calculer un passif relatif à un fonds réservé ne signifie pas que le montant de la sous‑composante (ii) est également un passif. Le fait qu’il s’agit d’une composante du calcul d’un passif n’implique pas qu’il soit un passif s’il n’est pas lui‑même un passif au sens ordinaire du terme. L’excédent de la valeur actualisée des produits (frais d’administration et de rachat) réalisés dans l’administration des fonds réservés sur la valeur actualisée des charges relatives à leur gestion ne correspond pas à un engagement de l'appelante.

[37]    L’appelante, par ailleurs, considère que le mot « passif » mentionné à l’alinéa 1406b) évoque simplement un « montant » qui, à titre de fait admis, fait partie de son passif attribuable aux polices UltraFlex et est calculé relativement à celles‑ci, lequel montant peut être positif ou négatif, mais que, dans l’un ou l’autre des cas, comme partie intégrante de son passif, il doit être exclu aux termes de l’alinéa 1406b).

[38]    Les thèses défendues par les parties à l’audience sont résumées dans les paragraphes qui suivent.

 

Arguments de l’appelante

 

[39]    L’appelante dit avoir présenté une preuve prima facie réfutant la prémisse sur laquelle l’intimée s’est fondée pour établir la nouvelle cotisation, à savoir la prémisse ou l’hypothèse voulant que le montant de la provision de la sous‑composante (ii) ne soit pas un passif et qu’il ne satisfasse donc pas aux critères d’exclusion du calcul de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt.

 

[40]    Les polices UltraFlex en cause créent l’obligation de faire des paiements futurs. Il s’agit d’un passif éventuel calculé de manière à ce que les provisions soient suffisantes pour payer les engagements au fur et à mesure qu’ils deviennent exigibles. Les parties conviennent de ce fait et aussi du fait que ce passif actuariel relatif aux fonds réservés comprend le montant de la sous‑composante (ii), comme l’exige la MPC imposée aux assureurs qui gèrent des fonds réservés.

 

[41]    Puisqu’il s’agit d’une composante obligatoire du passif actuariel de l’appelante relatif aux titulaires de police qui ont investi dans les fonds réservés, ce montant est un passif relatif aux fonds réservés. Ainsi, l’appelante invite la Cour à interpréter l’alinéa 1406b) de manière à exclure toutes les composantes du calcul actuariel des passifs de police relatifs aux fonds réservés, sauf le montant de la composante (iii).

 

[42]    Il s’agit de l’argument principal de l’appelante. Les autres versions améliorées ou façons de l’exprimer reviennent à la même idée, à savoir que le montant négatif de provision ne perd pas son caractère de passif actuariel du simple fait que la composante des produits du montant de la sous‑composante (ii) excède la composante des charges. La qualification du montant de la sous‑composante (ii) ne dépend pas du fait qu’il soit positif ou négatif. Le contexte exige en fait que le terme « passif » reçoive une signification qui dépasse son sens ordinaire.

 

[43]    Selon l’appelante, le fait que le fonds général prend en compte les montants des sous‑composantes (ii) et (iii) n’est pas pertinent. Ce sont néanmoins des montants déterminés seulement au titre des fonds réservés, comme le prévoit l'alinéa 1406b). L'expression « relatif à » a la portée la plus large possible[10]. Si l’appelante n’avait pas de polices à fonds réservé, le montant de la sous‑composante (ii) ne serait pas inclus dans son passif actuariel ou sa provision technique.

 

[44]    L’appelante souligne que le fait que la composante de passif du montant de la sous‑composante (ii) correspond à un engagement envers des tiers (et non à un engagement envers les titulaires de police) n’est pas pertinent. Cet argument est étayé par l'idée que si le montant de la sous‑composante (ii) était positif, il constituerait un passif, dans tous les sens du terme, expressément exclu par l’alinéa 1406b). La MPC exige la prise en compte de cet engagement envers des tiers comme composante des passifs actuariels relatifs à des fonds réservés.

 

[45]    En outre, l'on soutient que le Règlement dit clairement qu’un montant négatif peut constituer un passif. Vu la définition des expressions « provision déclarée » et « passif de police », la formule de calcul de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt et l’article 1407 du Règlement, on doit forcément conclure qu'un montant négatif peut être un passif aux fins de l’alinéa 1406b) ou, subsidiairement, que le montant de la sous‑composante (ii) correspond à un nombre négatif n’est pas pertinent quant à la question de savoir s’il s'agit d’un passif.

 

[46]    L’appelante pose également la question suivante: quelle est l’utilité du montant de la sous‑composante (ii) s’il ne constitue pas un passif. Selon son raisonnement, elle laisse entendre qu’il doit être considéré que l’alinéa 1406b) vise toutes les composantes de la MPC et que, comme le montant de la sous‑composante (ii) n’est pas expressément exclu de l’exclusion, il doit être considéré comme un montant exclu. Cet argument pourrait être renforcé davantage s’il était reformulé. Si le montant de la sous‑composante (ii) n’est pas un passif, ce n’est donc pas un montant qui serait à juste titre inclus dans la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de recourir à l’exclusion prévue à l’alinéa 1406b). Le montant de la sous‑composante (ii) ne sera exclu aux termes de l’alinéa 1406b) que s’il était un passif positif ou réel, parce que, dans ce cas, comme passif réel, il aurait été inclus de toute façon.

 

[47]    L’appelante soutient également, à titre subsidiaire, que l’alinéa 1406b) exige que la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt soit calculée « compte non tenu » du passif relatif à un fonds réservé. L'on affirme que la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt n’intéresse que des passifs. L’appelante soutient que le montant négatif de provision ne peut être déterminé que « compte tenu » des passifs relatifs aux fonds réservés de l’appelante, ce qui, semble‑t‑il, doit évoquer le fait que le montant négatif de provision ne peut être calculé sans tenir compte des engagements de l’appelante envers les tiers (et non des engagements envers les titulaires de police qui correspondent aux passifs visés dans les sous‑composantes (i) et (ii)). En d’autres termes, vu le sens ordinaire du terme « passif », le montant négatif de provision ne peut être calculé qu’en tenant compte des passifs relatifs aux fonds réservés. Par conséquent, pour que la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt soit déterminée sans qu’il soit tenu compte de ces passifs, le montant négatif de provision doit en être exclu.

 


Thèse de l’intimée

 

[48]    L’intimée prône une lecture de la Loi et du Règlement qui donne effet à une provision aux fins d’impôt fondée sur des principes, compatible avec les exigences en matière de rapports de l'industrie des assurances.

 

[49]    Les calculs de la provision actuarielle ont pour résultat final que les profits futurs sont pris en considération dans l’évaluation de la situation financière courante de l’appelante. Si l’assureur prend en compte un profit futur attribuable à la gestion des fonds (et l’appelante l’a fait relativement aux polices UltraFlex), cela aura, en conformité avec les normes actuarielles généralement reconnues, pour effet d’augmenter l’excédent déclaré disponible pour les titulaires de police et ainsi d’accroître ses liquidités et sa capacité à exercer ses activités. C’est le cadre commercial approprié auquel l’appelante ne peut échapper lorsqu’il s’agit de calculer ses revenus aux fins de l'impôt sur le revenu.

 

[50]    On fait valoir que l’industrie des assurances, compte tenu de sa nature, tient compte de l’avenir dans la présentation des états financiers. Ceux‑ci sont imparfaits en ce sens qu’ils tentent d'évaluer les sommes nécessaires pour payer les réclamations futures et d’autres charges, ainsi que les revenus prévus à l’égard de toutes les sources, y compris les primes futures, les revenus de placement et les honoraires de gestion des fonds. Puisque les notions comptables utilisées dans le cas des compagnies d’assurance sont propres à celles‑ci, l’intimée soutient que l'impact fiscal doit le refléter et que la Loi et le Règlement doivent être interprétés de manière à donner effet à ce résultat. Autrement dit, l’alinéa 1406b) doit être interprété de telle sorte que l’appelante ne puisse pas gonfler ses provisions aux fins d’impôt comme elle l’a fait en s’écartant du modèle de déclaration en matière d’assurance dans le calcul de son revenu aux fins d'impôt.

 

[51]    À l’appui de son interprétation des dispositions de la Loi et du Règlement pertinentes en l’espèce, l’intimée avance les trois arguments suivants :

 

1.       Le terme « passif » employé à l’alinéa 1406b) doit recevoir son sens ordinaire.

 

2.       Si le montant négatif de provision est un passif, il s’agit alors d’un passif relatif au fonds général de l’appelante et il ne peut pas être écarté en vertu d’une disposition visant l’exclusion d’un passif relatif à un fonds réservé.

 

3.       Si le montant négatif de provision est un passif relatif à un fonds réservé, il s’agit d’un passif relatif à une garantie au titre d’une police à fonds réservé et il est, de ce fait, expressément écarté de l’exclusion prévue à l’alinéa 1406b).

 

Le terme « passif » employé à l’alinéa 1406b) doit recevoir son sens ordinaire

 

[52]    Le ministre soutient que l’alinéa 1406b), qui interdit au contribuable d'inclure dans la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt un « passif relatif à un fonds réservé, sauf le passif relatif à une garantie au titre d’une police à fonds réservé », ne peut s’appliquer à un montant qui n’est pas un « passif » au sens ordinaire du terme. Le montant que l’appelante n’a pas pris en compte était un passif négatif qui n’était pas un « passif » au sens ordinaire du terme. L’intimée signale que le terme « passif » n’est pas défini dans la Loi ni le Règlement. Le paragraphe 1408(1) du Règlement définit seulement les expressions « provision déclarée » et « passif de police ».

 

[53]    L’intimée soutient que la définition des expressions « provision déclarée » et « passif de police » reprend les notions de « provisions » ou de « passifs actuariels » qui ont cours dans l’industrie des assurances qui sont le résultat final de plusieurs calculs. Il ne doit pas nécessairement en être inféré que les montants calculés utilisés pour en arriver au résultat final sont eux‑mêmes des passifs au sens de l'alinéa 1406b). Exclure automatiquement des composantes de calcul, au motif qu’elles constituent des passifs du simple fait qu’elles sont des composantes de calcul d’un passif revient à mal appliquer le modèle véritable que la loi cherche à mettre en œuvre. Les composantes ou sous‑composantes distinctes de « provisions actuarielles » ou de « passifs actuariels », telles que le montant négatif de provision, demeurent des composantes de calcul et ne constituent pas elles‑mêmes des « provisions » ou des « passifs ». Si elles ne sont pas des passifs en ce sens, elles ne peuvent pas être exclues aux termes de l'alinéa 1406b).

 

[54]    Le ministre fait valoir que, même dans le jargon de l’industrie des assurances, les sous‑composantes de calcul des passifs actuariels qui sont des montants négatifs de provision ou des profits du fonds général ne sont pas destinées, en dehors de ce contexte, à être considérées comme des passifs relatifs à des fonds réservés. Le fait qu’elles ont une incidence sur le calcul des actifs disponibles pour payer les engagements envers les titulaires de police et, par le fait même, sur les provisions actuarielles dans leur ensemble, ne fait pas d’elles des passifs actuariels, pas plus que des passifs au sens ordinaire du terme. Les montants négatifs de provision ne sont pas inscrits sur le formulaire BSIF‑54 au titre du passif final ou général, mais ils sont plutôt pris en compte dans le calcul des passifs actuariels à l’égard des fonds réservés seulement comme composantes ou sous‑composantes de ce montant. On ne peut alors parler de « passifs » suivant le sens que ce terme reçoit dans le domaine de la comptabilité des assurances ou de l’impôt sur le revenu. Ils ne constituent donc pas un « passif relatif à un fonds réservé ».

 

[55]    L’intimée ajoute, à l'appui de cette thèse que, puisqu’il a été convenu, dans l’exposé conjoint des faits, que les montants négatifs de provision peuvent être assimilés à un revenu‑primes net futur, ils ne peuvent pas être considérés comme un passif.

 

[56]    L’intimée signale également que l’inclusion de montants négatifs dont il est question au paragraphe 1404(3), à l'article 1407 et dans les définitions de l'article 1408 ne se rapporte pas aux calculs des composantes; l'on vise plutôt simplement les calculs du résultat final.

 

Si le montant négatif de provision est un passif, il s’agit alors d’un passif relatif au fonds général de l’appelante et il ne peut pas être écarté aux termes d’une disposition visant l’exclusion d’un passif relatif à un fonds réservé

 

[57]    Cet argument est fondé sur le fait que les composantes des produits et des charges du montant négatif de la provision (calculées ensemble pour obtenir le montant de la sous‑composante (ii) ou le montant négatif de la provision) font partie du fonds général de l’appelante et ne font jamais partie d’un fonds réservé. De plus, tous les passifs actuariels relatifs aux polices UltraFlex ont été en fin de compte comptabilisés dans le fonds général de l’appelante et les montants négatifs de provision ont réduit le passif de ce fonds.

 

[58]    L'on soutient en outre que la MPC imposée aux compagnies d’assurances canadiennes pour le calcul des provisions tient compte du fait que les montants négatifs de provision sont des montants à valeur actualisée relatifs au fonds général. Autrement dit, ils modifient les provisions techniques du fonds général, et non les provisions techniques relatives aux fonds réservés.

 

Si le montant négatif de provision est un passif relatif à un fonds réservé, il s’agit d’un passif relatif à une garantie au titre d’une police à fonds réservé et il est, de ce fait, expressément écarté de l’exclusion prévue à l’alinéa 1406b)

 

[59]    L’intimée avance que, puisque le seul passif éventuel ou risque assuré aux termes des polices UltraFlex se composait de garanties minimales de capital‑décès et de capital‑échéance, les montants négatifs de provision étaient des passifs relatifs à ces garanties et, par conséquent, des passifs relatifs à un fonds réservé qui ne doivent pas être exclus.

 

[60]    Les profits réalisés relativement à l’administration des fonds réservés constituaient nécessairement une partie de l’ensemble des activités de l’appelante comptabilisées dans le fonds général destiné à la protéger contre le risque associé aux titulaires de police qui, relativement aux titulaires de police UltraFlex, se limitait ni plus ni moins au montant de la garantie. Par conséquent, le montant négatif de provision devrait en fin de compte être considéré comme se rapportant à cette garantie.

 

Autres observations de l’intimée

 

[61]    L’intimée a faut valoir un quatrième argument à l'encontre de l’argument subsidiaire de l’appelante qui soutenait que le montant de la sous‑composante (ii) était déterminé en tenant compte des passifs et que, de ce fait, il était exclu vu les termes explicites de l’alinéa 1406b).

 

[62]    Selon l’intimée, l’argument subsidiaire de l’appelante repose sur la prémisse selon laquelle tous les montants inclus dans le calcul du montant négatif de la provision ne peuvent être déterminés qu’en tenant compte du passif relatif aux fonds réservés de l’appelante. Ainsi, les frais payés par les titulaires de police UltraFlex en fonction des contributions initiales ou même la valeur des fonds ne seraient pas calculés en fonction de l’engagement envers les titulaires de police UltraFlex lorsque le montant de la garantie correspondrait au montant du passif[11]. De plus, on peut inférer de la réponse de l’intimée à l’argument subsidiaire de l’appelante que le terme « passif » employé à l'alinéa 1406b) doit nécessairement évoquer un engagement envers les titulaires de police UltraFlex, comme c’est le cas à l’égard des sous‑composantes (i) et (iii).

 

[63]    Il faut faire état d'un dernier argument soutenu par l’intimée. Il s'agit de sa réponse à mes questions sur le régime de la Loi visant les compagnies d’assurance, qui allait dans le sens de sa thèse, à savoir que l’imposition des profits futurs était prévue par le législateur. L'hypothèse de l’intimée était que les états financiers des compagnies d’assurances présentés au Surintendant des institutions financières soient censés servir à des fins fiscales et je doutais qu'elle tienne la route. Même si je ne pencherai pas sur la réponse de l’intimée à mes questions à ce sujet dans mon analyse, je signale que l’intimée a soutenu, en termes généraux du moins, que la Loi offre une certaine symétrie quant aux primes payées à l’égard des fonds réservés qui exige que les revenus futurs constatés soient ceux déclarés au Surintendant. Par exemple, le revenu de prime initiale payée pour les fonds réservés est réputé, aux termes du sous‑alinéa 138.1(1)e)(ii), ne pas constituer un montant payé relativement à une prime au titre de la police et il est par conséquent exclu du revenu de l’assureur. L'on ne pourrait donc pas soutenu que la Loi vise à permettre à l'assureur qui fait souscrire des polices à fonds réservé de défalquer, dans le calcul de son revenu, les provisions techniques relatives aux revenus de primes qui ont été exclues du revenu de l’assureur. L’intimée a soutenu que, somme toute, la prise en compte des montants négatifs de provision dans le calcul des provisions fiscales représentait une forme d’appariement étant donné que les primes n’étaient pas imposées comme des revenus.

 

Analyse

 

[64]    L’argument principal de l’appelante, selon lequel le montant de la sous‑composante (ii), un élément obligatoire de son passif actuariel à l’égard des titulaires de police à fonds réservé, constitue ainsi un passif relatif aux fonds réservés, n’est pas convaincant. Un facteur pris isolément dans la détermination du montant d’un passif ne constitue pas nécessairement un passif lui‑même. La formule arithmétique visant la détermination d’un passif qui prévoit la déduction d’un montant réduisant ce passif ne peut transformer un montant qui n’est pas un passif en un montant qui est un passif. Même s’il n’est pas contesté que l’alinéa 1406b), lu au regard du contexte, doit viser les passifs contenus dans la formule actuarielle prescrite par la MPC à l’égard des fonds réservés, y compris, potentiellement du moins, le montant de la sous‑composante (ii), il n’y a pas lieu d’en inférer que tous les montants calculés dans cette formule sont eux‑mêmes des passifs. Je suis d’accord avec l’intimée sur ce point.

 

[65]    En outre, l’argument de l'appelante selon lequel des montants négatifs sont pris en considération dans certaines dispositions du Règlement ne va pas dans le seus de sa thèse à mon avis. Les dispositions sur lesquelles l’appelante cherche à s’appuyer sont loin de prescrire un changement dans la qualification de la nature du montant (quant à savoir s’il s’agit d’un passif ou non) ou l'obligation de prendre en compte ou d’écarter un montant (même un montant négatif) dans un calcul qui n’est pas le résultat du calcul dont il est question. Le fait que, dans le calcul de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt, le montant déterminé par la formule A + B + C + D - M puisse être un résultat positif ou négatif ne laisse pas entendre que le calcul du montant A doit soit traiter un montant qui n’est pas un passif comme un montant qui est un passif, soit imposer la prise en compte ou l’exclusion d’un montant négatif à l’égard de la sous‑composante (ii) dans le calcul d’une composante de ce calcul. De la même manière, le fait que le montant A lui‑même (provisions déclarées ou passifs de police) puisse être un montant négatif ne donne pas à entendre que le calcul du montant A doit soit traiter un montant qui n’est pas un passif comme un montant qui est un passif, soit imposer la prise en compte ou l’exclusion d’un montant négatif à l’égard de la sous‑composante (ii) dans le calcul d’une composante des calculs ayant pour résultat le montant A. En d’autres termes, l’argument de l’appelante voulant que, comme les provisions déclarées et les passifs de police peuvent être négatifs, il y ait lieu d’en inférer que les « passifs » peuvent être négatifs, n’est tout simplement pas raisonnable à mon avis.

 

[66]    Même si l'article 1407 du Règlement[12] a une portée plus large dans la mesure où selon lui, il est possible de conserver les nombres négatifs dans les calculs servant à déterminer les montants calculés conformément à l'article 1404 et où il a vraisemblablement pour conséquence que, sous réserve de l’alinéa 1406b), le montant négatif de provision demeure dans le calcul de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt, cela n’implique pas qu’il s’agit d’un « passif » pour l’application de l’alinéa 1406b)[13]. La question de savoir si un montant est un passif ne doit pas dépendre du signe positif ou négatif qui le précède dans une formule. Il se trouve que, si le montant de la sous‑composante (ii) était positif, il serait un passif et, à mon avis, il serait à juste titre exclu aux termes de l’alinéa 1406b), comme l’a d’ailleurs reconnu un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »)[14]. Cela ne signifie pas que le calcul aboutit toujours à un passif.

 

 

[67]    Le fait que l’appelante n’a pas réussi à marquer des points en s’appuyant sur son argument principal et sur les dispositions relatives aux nombres négatifs ne veut pas dire que ses appels sont pour autant mal fondés.

 

[68]    En effet, l’argument subsidiaire de l’appelante m’a convaincu que les appels doivent être accueillis. Il faut se rappeler que cet argument s’appuie sur l'alinéa 1406b) qui prescrit que le calcul des montants déterminés selon l’article 1404 doit être effectué « compte non tenu du passif relatif à un fonds réservé ». (Je souligne.) Les provisions déclarées et les passifs de police sont des montants calculés conformément à l’article 1404 et doivent être calculés sans qu’il soit tenu compte du passif relatif à un fonds réservé. Le montant de la sous‑composante (ii) est calculé en tenant compte des passifs. Peu importe qu’il soit ou non lui‑même un passif, il ne s’agit pas d’un montant qui peut être déterminé en faisant abstraction des passifs. Ce montant est inextricablement lié aux passifs relatifs à des fonds réservés. Si cela n’est pas en soi suffisant pour conclure que l’alinéa 1406b) exige expressément l’exclusion du montant négatif de provision, il devient nécessaire, à mon avis, d’abandonner l’approche holistique axée sur ce montant. Il faut donc mettre l'accent sur les composantes des montants négatifs de provision. Ces montants sont déterminés relativement aux fonds réservés de l’appelante. S’ils sont des passifs relatifs à des fonds réservés, ils doivent être exclus du calcul des provisions aux fins d’impôt, conformément au texte explicite de l’alinéa 1406b).

 

[69]    Un des éléments entrant dans le calcul du montant de la sous‑composante (ii) consiste en les frais bruts projetés payables à l’appelante par les titulaires de police UltraFlex. S’il ne s’agit pas d’un passif au sens de l’alinéa 1406b), le montant est pris en compte dans le calcul de la provision aux fins d’impôt et réduit ainsi le montant de la provision aux fins d’impôt. L’autre élément de la sous‑composante (ii), celui des charges, est un passif de l’appelante (au sens ordinaire du terme) et serait exclu du calcul de la provision aux fins d’impôt en vertu de l’alinéa 1406b). La valeur actualisée des revenus bruts projetés provenant des titulaires de police deviendrait alors le montant de la sous‑composante (ii) aux fins d’impôt et serait portée en réduction, comme un nombre négatif, du seul passif autorisé en vertu de l’alinéa 1406b), à savoir du montant de la sous‑composante (iii) (la garantie). Cette démarche aboutit à un résultat que ni l’une ni l’autre des parties n'a préconisé, mais il s’agit d’un résultat qui découle du sens ordinaire du terme « passif » qui figure dans l'alinéa 1406b)[15].

 

[70]    Ce dernier est ainsi interprété comme comportant implicitement l’exigence selon laquelle le passif dont il est question à l’alinéa 1406b) doit être un passif de l’appelante. L’obligation des titulaires de police de payer les frais exigés par l’appelante ne constitue pas un passif exclu selon cette interprétation de l’alinéa 1406b). Pourtant, en n’excluant pas ce passif, la formule ne donne pas une résultat que l’une ou l’autre des parties propose comme étant voulu.

 

[71]    En fait, la disposition considérée en l’espèce ne laisse nullement entendre que ce passif (les engagements des titulaires de police envers l’appelante) ne doit pas être exclu. L'alinéa 1406b) parle du passif relatif à un fonds réservé. Les engagements des titulaires de police envers l’appelante répondent à cette exigence. L’exclusion de cet élément du montant de la sous‑composante (ii), ainsi que de l’élément des charges, produirait un montant nul. Ce résultat est celui que préconise l’appelante, quoiqu’elle ait voulu aller plus loin et soutenir que les engagements des titulaires de police de fonds réservés sont eux‑mêmes calculés en fonction des engagements de l’appelante envers les titulaires de police et sont ainsi exclus aux termes de l’alinéa 1406b). D’une façon ou d’une autre, je suis d’avis que la démarche de l’intimée ne fonctionne tout simplement pas. L’alinéa 1406b) n’invite pas à une approche holistique pour considérer le montant de la sous‑composante (ii) comme le montant à examiner. Comme montant unique, il ne peut pas être déterminé sans qu’il soit tenu compte des engagements (même s’il ne s’agit que des engagements envers les tiers) et il doit donc être exclu, que l’on veuille ou non creuser davantage pour en arriver à conclure, comme l’appelante l’a fait, que les éléments de base du montant de la sous‑composante (ii) renvoient tous tôt ou tard aux engagements de l’appelante envers des tiers ou envers les titulaires de police qui sont tous relatifs à un fonds réservé.

 

[72]    Bref, si l'on abandonne l’approche holistique à l’égard du montant de la sous‑composante (ii), il est possible, à mon avis, d’appliquer l’alinéa 1406b) selon ses termes explicites et d’en arriver au résultat auquel aboutit le ministre. Eu égard aux circonstances de l’espèce, à mon avis, les présents appels doivent être accueillis. Dans l’éventualité où cette conclusion susciterait un doute, je signale que ce doute découle de l'incertitude découlant de la formulation de l'alinéa 1406b). L’incorporation d’une disposition relative aux provisions fiscales, formulée en des termes généraux, dans le dédale des formules de provision actuarielle externes mesurant des réalités assez différentes d’une provision fiscale a fragilisé l’interprétation de la disposition en cause. En pareil cas, la Cour doit adopter l’interprétation qui favorise le contribuable[16].

 

[73]    Je ne suis pas arrivé à cette conclusion sans être conscient du fait que l’interprétation que l’intimée donne à l’alinéa 1406b) aurait pour effet l’imposition des profits projetés[17]. Je me suis rendu compte dès le départ que cette interprétation allait à l’encontre de l’économie générale de la Loi. Cependant, les règles fiscales applicables aux compagnies d’assurance ont peut‑être peu de choses en commun avec l’économie de la Loi. J’ai donc pris soin de ne pas fonder ma conclusion sur un objectif sous‑jacent qui aurait pu servir à l’interprétation de l’alinéa 1406b).

 

[74]    Il ne faut toutefois pas faire abstraction des observations présentées en ce qui a trait à l’objet de cet alinéa. Je vais discuter de ces observations plus loin, mais j’aimerais d’abord souligner que mon penchant à considérer initialement la position de l’intimée, qui cherche à inclure les profits projetés dans les revenus, comme contraire à l’économie de la Loi était alimenté par une interprétation des dispositions en cause, qui pourraient être décrites comme interdisant expressément l’imposition des revenus projetés.

 

[75]    Le paragraphe 1404(3) est la disposition en vertu de laquelle les provisions sont calculées aux fins d’impôt. Est licite la provision d’un montant égal au moins élevé des montants suivants : le total des provisions déclarées et le total des passifs de police. Ces deux montants, calculés relativement à des fonds réservés (dont il a toujours été question), comprennent les revenus projetés dans la mesure où c’est ce que représente le montant de la sous‑composante (ii). Il n’est donc pas nécessaire de faire jouer l’alinéa 1406b) pour conclure que cette sous‑composante doit être exclue de la provision de l’assureur. L’exclusion se dégage des définitions des expressions « provision déclarée » et « passif de police », figurant dans l’article 1408 du Règlement, qui exigent expressément que la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt soit calculée « compte non tenu des impôts sur le revenu » :

 

« passif de police » Quant à un assureur à la fin d’une année d’imposition relativement à une police d’assurance […], le montant positif ou négatif de la provision de l’assureur au titre de son passif éventuel dans le cadre de la police, […] déterminés en conformité avec les normes actuarielles reconnues, mais compte non tenu des impôts sur le revenu et le capital projetés (sauf l’impôt payable en vertu de la partie XII.3 de la Loi).

 

[…]

« provision déclarée » Quant à un assureur à la fin d’une année d’imposition relativement à une police d’assurance […] :

 

a)         si l’assureur est tenu de présenter un rapport annuel à l’autorité compétente pour une période se terminant au même moment que l’année, le montant positif ou négatif de la provision qui serait déclarée dans ce rapport au titre de son passif éventuel dans le cadre de la police si la provision était déterminée compte non tenu des impôts sur le revenu et le capital projetés (sauf l’impôt payable en vertu de la partie XII.3 de la Loi); [Je souligne.]

 

[76]    Il est troublant de penser que j’aurais pu trancher ces appels sur le fondement de ce qui semble à première vue être une réponse claire à une question dont la Cour a été saisie, sans creuser davantage pour voir les conséquences sur d’autres calculs dans d’autres contextes. Si les parties avaient approfondi cette démarche, ces préoccupations auraient été soulevées. Elles ne l’ont pas fait. Cela étant, je ne me suis pas fondé sur cette démarche pour accueillir les appels. Il était inutile d’adopter cette démarche puisque je suis d’avis que l’argument subsidiaire de l’appelante est à lui seul suffisamment convaincant.

 

[77]    Cela me ramène à l’analyse des observations de l’intimée concernant l’économie de la Loi. Je l'ai invitée à se pencher sur cette question afin de mieux comprendre son raisonnement, car son interprétation des dispositions pertinentes en l’espèce aboutit à l’imposition des revenus projetés. Après avoir sollicité ces observations, je ne veux pas maintenant rester muet à ce sujet.

 

[78]    Selon l’intimée, on ne peut soutenir que la Loi vise à permettre à l'assureur qui gère des fonds réservés de déduire des provisions relatives à des revenus de primes alors que ces revenus de primes relatives à des fonds réservés ne sont pas, au départ, inclus dans le calcul des revenus (voir le sous‑alinéa 138.1(1)e)(iii) de la Loi). Les montants de revenu de primes dont il est question sont des dépôts dans les fonds réservés. Aux fins de l’impôt, ils sont détenus en fiducie pour les titulaires de police. En ce sens, ils ne constituent pas des revenus aux fins de l’impôt. Je ne vois aucune raison, dans ce contexte, de postuler que la Loi doit être interprétée comme exigeant que les revenus projetés relatifs à l’administration des fonds réservés soient déclarés au titre des revenus.

 

[79]    Dans le même ordre d’idées, l’intimée a fait référence à certaines modifications de la Loi et du Règlement qui, selon elle, exigent la prise en compte des montants négatifs de provision dans le calcul des réserves ou qui reflètent une politique voulant que le montant négatif de provision au titre de la sous‑composante (ii) doive être ainsi pris en compte. L’alinéa 138(4)b) de la Loi qui s’applique aux années d’imposition postérieures à  1995 a été ajouté pour faire en sorte que le montant prescrit par le paragraphe 1404(2) du Règlement soit pris en compte comme revenu. Le paragraphe 1404(2) dispose que le revenu pris en compte est la valeur absolue du montant déterminé selon le paragraphe 1404(3), ce qui signifie seulement que, si la formule de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt énoncée au paragraphe 1404(3) (A + B + C + D − M) débouche sur un montant négatif, ce montant négatif est déclaré au titre des revenus. Cela n’implique pas que le montant négatif de la provision déterminé selon la sous‑composante (ii) doit être déclaré au titre des revenus ou que ce montant négatif de passif ne peut être écarté de la provision aux fins d’impôt, en vertu de l’alinéa 1406b).

 

[80]    Persistant à me convaincre que, vu l’économie de la Loi, je devais conclure que le montant négatif de la provision déterminé selon la sous‑composante (ii) doit être conservé dans le calcul des provisions aux fins de l’impôt, l'intimée a soutenu que la Loi exige le rapprochement des revenus et des charges concernant les fonds réservés, lequel se reflète le mieux dans le traitement actuariel et le traitement suivant les PCGR. Vu l'imprécision de l’alinéa 1406b), il faut favoriser le portrait financier présenté au Surintendant des institutions financières.

 

[81]    En ce qui concerne l’argument du rapprochement, les deux parties en ont fourni des exemples à l’audience. Ils étaient destinés à me donner un aperçu des conséquences auxquelles aboutissent les thèses défendues par les parties. Toutefois, les parties n'y sont pas parvenues. À vrai dire, ces exemples ont suscité plus de questions. Il vaut tout de même la peine de signaler que le point de départ de ces exemples semblait porter surtout sur une limite relative au calcul du montant négatif de provision dont il n’avait pas été fait état jusque là. Les directives de la CIA, applicables aux années en cause et aux années suivantes, que l’appelante a suivies, fixent une limite ou un « plafond » quant au montant négatif de provision déterminé selon la composante (ii). Les profits futurs éventuels pouvant être pris en compte étaient limités aux coûts d’acquisition différés relatifs aux fonds réservés de l’appelante et aux garanties de la sous‑composante (iii). En fin le compte, la provision supplémentaire que l’appelante réclamait à des fins fiscales (en alléguant que l’alinéa 1404b) exclut le montant négatif de provision) permettait donc la comptabilisation en charges de la provision ayant trait aux coûts d’acquisition différés relatifs aux fonds réservés ainsi que la comptabilisation en charges de la provision relative aux garanties[18].

 

[82]    Il se peut bien que ce résultat, particulièrement parce qu’il entraîne la comptabilisation en charges anticipée des coûts d’acquisition différés, n’était pas voulu par le législateur. Il se peut que la méthode comptable actuarielle repose effectivement sur une assise solide en ce qui concerne la présentation de la situation financière des assureurs à cet égard. Toutefois, cela ne fait que soulever la question de savoir si la Loi embrasse pareille méthode.

 

[83]    À cet égard, il ne faut pas oublier que les rapports actuariels remis au Surintendant servent un but particulier. Même le plafond du montant négatif de passif dont il a été question précédemment sert d’outil de contrôle. Le montant négatif de passif (profits projetés) à l'égard des assurances gonfle les provisions dont jouit l’assureur – son actif paraîtra amélioré. Pour protéger les titulaires de police, un plafond ou une limitation est nécessaire. Le fait que la limitation procède d’un appariement à certains coûts découlant des besoins de l’industrie des assurances n’est pas pertinent à mon sens quant à la question dont la Cour est saisie, laquelle consiste à décider si le montant négatif de provision (profits projetés) réduit la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt. Là encore, cette question soulève la question de savoir si le portrait financier présenté au Surintendant des institutions financières correspond au portrait imposé par la Loi aux fins de l'impôt.

 

[84]    En fin de compte, il s’agit du noeud de la question soulevée par l’intimée. Toutes les observations de l'invitée visent à étayer la thèse que la provision aux fins d’assurance constitue le meilleur portrait financier des assureurs et doit être déterminante. La thèse de l’intimée ressort clairement de l’extrait suivant de ses observations écrites :

 

[TRADUCTION]

[…] Si l’assureur prend en compte un profit futur (et l’appelante l’a fait relativement à ses polices UltraFlex), le surplus déclaré sera augmenté. Cette augmentation du surplus peut se refléter dans le bilan seulement par une augmentation de l’actif ou par une réduction du passif. L’appelante a choisi la seconde option, tout en se conformant aux normes actuarielles généralement reconnues, et elle a augmenté son surplus et ainsi amélioré ses liquidités et sa capacité d’exercer ses activités. La réduction du passif de l’appelante d'un montant égal aux profits futurs était par conséquent volontaire et justifiée par des considérations ayant trait à la nécessité de recourir à une gestion saine et valable de ses affaires, considérations dont l’appelante ne peut faire abstraction dans le calcul de ses revenus aux fins de l’impôt.

 

[85]    Cette thèse, à mon avis, est tout simplement mal fondée. Le portrait financier que l’intimée veut imposer à l’appelante n’est pas conçu pour déterminer les revenus de la manière la plus précise, comme ce fut le cas dans l'affaire Canderel Limited v. The Queen[19]. En l’espèce, la méthode que prône l’intimée au motif qu'elle aboutit à l'évaluation la plus précise des revenus est en fait la méthode suivie dans le cadre des normes actuarielles généralement reconnues pour évaluer la capacité de l’assureur à payer ses engagements.

 

[86]    Le fait que les PCGR avalisent la méthode actuarielle employée pour surveiller les compagnies d’assurance n’implique pas à mon sens que cette méthode aboutit au meilleur calcul des revenus de l’appelante pour les années en cause. À vrai dire, l'existence même de l’alinéa 1406b) qui prescrit une correction de la méthode actuarielle évoque le contraire. Le paragraphe 1404(3) est la disposition en vertu de laquelle les provisions sont calculées. La Loi n’autorise aucune déduction pour les provisions, sauf celle des montants calculés en vertu de cette disposition. Même les provisions calculées pour le Surintendant ou selon les normes actuarielles généralement reconnues ou les principes comptables généralement reconnus ne sont pas autorisées. Ce qui est autorisé, indépendamment de la question de savoir s’il y a compatibilité avec les provisions ainsi calculées, et indépendamment de la question de savoir s’il s’agit d’un reflet fidèle des réalités commerciales illustrées par ces calculs de provision, c’est ce que le paragraphe 1404(3), en conformité avec l’alinéa 1406b), autorise. Tel est l’objet de la disposition et, suivant son libellé, le calcul étant effectué en conformité avec l’alinéa 1406b), je suis d’avis que les pertes ou les profits projetés déterminés selon la sous‑composante (ii) sont écartés. Même si cette interprétation est plus généreuse que le traitement actuariel et comptable par ailleurs imposé, elle n'est pas plus choquante que le recours au taux d’amortissement accéléré prévu par loi par rapport au taux retenu pour des PCGR. Il ne m’appartient pas de faire obstacle à une prise en compte anticipée des charges au regard des profits projetés. Si le législateur avait voulu interdire cette prise en compte, il aurait pu le faire plus clairement.

 

[87]    Avant de conclure l’exposé des présents motifs, il faut que je discute brièvement des arguments subsidiaires de l’intimée et de certaines décisions qu’elle a invoquées.

 

[88]    Le moins que l’on puisse dire, c’est que les thèses subsidiaires de l’intimée sont très discutables. Ils impliquent que la sous‑composante (ii) se rapporte au fonds général et à la garantie. Compte tenu du fait que chacun des éléments de la sous‑composante (ii) entre dans le fonds général ou en sort, l’intimée peut utilement faire valoir que le montant de la sous‑composante (ii) peut avoir une incidence sur le fonds général seulement. Néanmoins, il n’est tout simplement pas raisonnable de dire que le montant négatif de provision ne concerne pas les fonds réservés. Chaque élément, ou chaque montant, de la sous‑composante (ii) est calculé relativement à une police à fonds réservé particulière. Comme l’appelante l’affirme, le montant de la sous‑composante (ii) n’existe pas s’il n’y a pas de fonds réservé.

 

[89]    Je reconnais en effet qu’il existe un lien plus important entre le montant de la sous‑composante (ii) et la garantie comptabilisée comme le montant de la sous‑composante (iii)[20].

 

[90]    Même s’il est évident que le lien n’est pas important au point qu’il pourrait altérer la conclusion suivant laquelle le montant de la sous‑composante (ii) est un montant calculé en tenant compte d’un passif relatif aux fonds réservés, on pourrait encore se demander si le montant négatif de provision, calculé en tenant compte d’un passif relatif aux fonds réservés, est également un passif relatif à la garantie. Dans l’affirmative, il est fort possible que, aux termes de l’alinéa 1406b), le montant négatif de provision doive être inclus dans le calcul de la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt. Compte tenu de l’existence du lien, je suis toujours d’avis qu’il ne serait pas raisonnable de dire que le montant négatif de provision est un passif relatif à la garantie. De plus, si l’on considère les éléments du montant de la sous‑composante (ii), aucun d’eux ne constitue un passif calculé en fonction de la garantie. J’ai déjà conclu qu’il ne s’agissait pas d’un passif.

 

[91]    Je vais maintenant me pencher sur la jurisprudence invoquée par l’intimée. Dans la décision Double N Earth Movers Ltd. c. Canada[21], la Cour fédérale a examiné l’interprétation qu’il convenait de donner à une expression employée dans la Loi sur la taxe d’accise dans le contexte des techniques d’exploitation minière à ciel ouvert. Elle en a comparé le « sens ordinaire » et le « sens technique », et conclu que celui-là pouvait être rejeté et celui-ci retenu si les personnes visées comprenaient la disposition selon son sens technique. Il s’agit d’une question de fait.

 

[92]    Vu le point de vue de l’industrie des assurances sur l’interaction entre la sous‑composante (ii) et l’alinéa 1406b) et le point de vue reposant sur le « sens ordinaire » de cette interaction, cette méthode d'interprétation n’aboutit pas, à mon avis, à une solution meilleure que celle offerte par la thèse subsidiaire de l’appelante. En fait, si le mot « passif » était considéré suivant su sens « technique », il est permis de croire qu'il aurait le sens que l’appelante lui a attribué dans son argument principal, ce qui revient à dire que les « passifs » à exclure des calculs de provision conformément à l’alinéa 1406b) doivent inclure le montant négatif de passif déterminé selon la sous‑composante (ii) parce qu’il est inclus dans le passif général relatif aux assurances.

 

[93]    Dans la décision La Maritime, Compagnie d’assurance‑vie c. Canada[22], la Cour d’appel fédérale a statué que les frais d’administration de placements exigés pour gérer des fonds réservés n’étaient pas des frais reçus en contrepartie de la prestation de service. Elle a conclu que les virements entre les fonds réservés et le fonds général ne constituaient pas le paiement d’une somme d’argent en contrepartie de services rendus, même si les fonds réservés étaient considérés comme des personnes distinctes aux fins de l’impôt. La Cour a assimilé les frais à des recettes provenant de primes relatives aux contrats de rente à l’égard desquels ils étaient exigés et, en conséquence, ils ne constituaient pas une fourniture taxable aux fins de la TPS.

 

[94]    Je ne vois pas en quoi cette décision est utile à l’intimée. Que les frais facturés aux titulaires de police à fonds réservé constituent des recettes provenant de primes ou des frais payés en contrepartie de services aux fins de la TPS, la question demeure la même aux fins de l’impôt sur le revenu : l'alinéa 1406b) écarte‑t‑il les montants calculés en tenant compte des passifs relatifs aux fonds réservés dans le calcul des provisions aux fins d’impôt? Cette question n’est pas abordée dans l’arrêt La Maritime. En outre, je ne comprends pas la thèse de l’intimée suivant laquelle le profit, une fois réalisé, sous forme de recettes provenant de primes ou de frais nets, ne constitue pas un revenu aux termes de la Loi. Comme l’a confirmé l’exemple de l’appelante que l’intimée n’a d’ailleurs pas contesté à l’audience, l’inclusion ou l’exclusion du montant négatif de provision est une question de synchronisation par rapport à la constatation du revenu. Quoi qu’il en soit, la Loi ne donne pas toujours effet aux symétries que l’ARC juge appropriées. Ce seul fait impose rarement une interprétation de la Loi favorable à l’ARC[23].

 

[95]    En dernier lieu, j’invoquerai l’arrêt The Queen v. Manufacturer’s Life Insurance Company[24]. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a statué que le bilan accepté par le Surintendant des institutions financières l’emportait lorsqu’il s’agissait de déterminer le « capital imposable » pour fixer l’impôt sur le capital que l’assureur devait payer. En tranchant la question de savoir si les gains reportés constituaient un capital imposable, la Cour d’appel fédérale a accepté le bilan auparavant accepté par le Surintendant des institutions financières parce que c’est exactement ce que prescrivaient les dispositions expresses de la Loi. La Loi exigeait que les montants à utiliser soient conformes au rapport financier accepté par le surintendant qui, dans ce cas précis, s’appuyait à son tour sur les PCGR. Pour cette raison, la Cour d’appel était d’avis que les PCGR constituaient la méthode qu’il convenait de suivre pour évaluer le capital imposable dans cette affaire.

 

[96]    De toute évidence, l’intimée souhaite que les PCGR (qui reprennent les normes actuarielles généralement reconnues) l'emportent en l’espèce. Elle fait valoir que les rapports présentés au Surintendant des institutions financières doivent être déterminants dans la décision d’inclure ou d’exclure le montant négatif de provision calculé selon la sous‑composante (ii). Toutefois, dans l'    Manufacturer’s Life, la Cour d’appel examinait alors des dispositions législatives qui prescrivaient sans ambiguïté la conformité avec les rapports présentés au Surintendant, ce qui n’est pas le cas dans les présents appels.

 

[97]    Pour terminer, je me dois de conclure que, aux termes de l'alinéa 1406b) du Règlement, le montant négatif de provision calculé selon la sous‑composante (ii) doit être retranché de la provision d’assurance déclarée au Surintendant des institutions financières.

 

[98]    Par conséquent, les appels sont accueillis avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, le 13e jour d’octobre 2006.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2008.

 

 

 

 

 

François Brunet, Réviseur.


 

 

RÉFÉRENCE :

2006CCI551

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

 

2003-2245(IT)G et 2003-2883(IT)G

 

INTITULÉ :

La Nationale du Canada, compagnie d’assurance‑vie c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 28 et 29 juin 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 octobre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelante :

Me Kathryn I. Chalmers

 

Avocats de l’intimée :

Me Luther P. Chambers, c.r., et

Me Rosemary Fincham

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

Me Kathryn I. Chalmers

 

Cabinet :

Stikeman Elliott

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Le paragraphe 138(12) de la Loi définit la provision actuarielle maximale aux fins d’impôt.

[2] Exposé conjoint des faits, paragraphes 35 et 37.

[3] Cette définition figure également dans le Règlement. Voir le paragraphe 1408(1).

[4] L’appelante a fait comparaître un témoin pour expliquer plus en détail la différence entre la participation unitaire des titulaires de police collective et la participation unitaire des titulaires de police individuelle. La différence est liée à la façon d’établir les frais. Les titulaires de police collective, contrairement aux autres titulaires de police, peuvent négocier les frais. Par conséquent, il n'y a que pour les fonds réservés des titulaires de police individuelle que l'on utilise une méthode de répartition par unité qui déduit les frais de la valeur des biens du fonds, ce qui réduit proportionnellement la valeur des unités. Les titulaires de police collective voient le nombre d’unités qu’ils détiennent ajusté. Je ne vois pas la pertinence de cette distinction à l’égard des présents appels.

[5] L’appelante achète elle aussi des intérêts bénéficiaires dans les fonds réservés et, en conséquence, obtient une participation unitaire pour son propre compte.

[6] Pendant les années en cause, la MPC a également été appliquée en conformité avec les PCGR, selon les consignes de l’Institut canadien des comptables agréés.

[7] Plus précisément, ce total est une composante de l’ensemble des provisions déclarées et des passifs actuariels de l'appelante.

[8] Les expressions « montant de la sous‑composante (ii) » et « montant négatif de provision » sont interchangeables dans les présents motifs.

[9] Cela ne laisse pas nécessairement entendre qu’ils sont comptabilisés dans le revenu de l’appelante à des fins fiscales, quoique l’intimée ait soutenu que ce soit le cas en vertu de l’alinéa 138(4)b) de la Loi et du paragraphe 1404(2) du Règlement.

[10] Norwegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la page 39.

[11] L’appelante n’était pas d’accord avec cette thèse. Elle était d’avis que même les frais exigés des titulaires de police UltraFlex ne peuvent être calculés qu’en tenant compte d’un passif qui constate les engagements envers les titulaires de police. Je souscris à l’opinion de l’appelante sur ce point. Les frais dépendent de l’actif du fonds réservé dont il faut tenir compte pour déterminer les frais payables par les titulaires de police.

[12] L’article 1407 du Règlement est rédigé comme suit :

1407 Il est entendu que les montants visés aux articles 1404 et 1405 ou déterminés selon ces articles peuvent être nuls ou négatifs.

[13] Si tel n’était pas le cas, le montant négatif serait réputé être nul en vertu de l’article 257 de la Loi, et l’appelante obtiendrait gain de cause sur ce fondement. L’appelante n’a pas soutenu cette thèse.

[14] Dans un témoignage consigné comme élément de preuve au cours de l’audience, un vérificateur de l’ARC a concédé ce point, même si les avocats de l’intimée ont à juste titre fait remarquer qu’il s’agissait d’une question de droit qui devait être tranchée par la Cour et non d’un exposé du droit que le témoin était en mesure de faire comme tel. Il s’agit tout de même d’une interprétation de la disposition en cause que l’ARC aurait certes suivie. Sinon, les pertes projetées augmenteraient les provisions. Si la question avait été posée directement à la Cour, et il faut reconnaître que tel n’a pas été le cas, je ne verrais aucune raison susceptible de m'inciter à exprimer des réserves sur cette interprétation, et les avocats de l’intimée n’en ont présenté aucune, soutenant qu'il s'agissait d'une question hypothétique qui ne devrait pas avoir d'incidence sur l'interprétation de la disposition en cause compte tenu des faits dont la Cour est saisie.

[15] Considérons un exemple de police UltraFlex où la sous‑composante (i) était de 100 $ (soit la valeur des placements réservés), la sous‑composante (iii) était de 40 $ (le montant complémentaire nécessaire au titre de la garantie) et la sous‑composante (ii) se ventilait comme suit : charges à VA de 15 $ moins les frais à VA de 25 $, rapportant un profit ou un montant négatif de passif de 10 $. L’intimée a établi la cotisation en se fondant sur l'hypothèse suivante: la provision aux fins de l’impôt relative à la composante variable des placements de cette police était de 30 $ (40 − 10 = 30). Seul le montant de la sous‑composante (i) est exclu du calcul, lequel correspond à la valeur des placements payables aux titulaires de police (c.‑à‑d. un passif). La provision fiscale que l’appelante cherche à obtenir est de 40 $, ce qui exclut le montant négatif de passif de la sous‑composante (ii) et le montant de la sous‑composante (i). La séparation des éléments de la sous‑composante (ii) donne un résultat tout à fait différent. Une fois les éléments séparés, il est constaté que seul celui des charges est un passif exclu en vertu de l’alinéa 1406b). Le montant de la provision déterminé sans prendre en compte l’élément des charges serait de 15 $ (40 − 25 = 15); c.‑à‑d. qu’il inclurait le montant de 40 $ de la sous‑composante (iii), exclurait le montant de la sous‑composante (i) et inclurait seulement les frais de 25 $ comme montant négatif de passif à l’égard de la sous‑composante (ii) parce que l’alinéa 1406b) exclut seulement le passif relatif aux charges de 15 $. Les revenus bruts projetés de 25 $, suivant une valeur actualisée, deviendraient le montant de la sous‑composante (ii) et seraient appliqués, comme un nombre négatif, pour réduire le seul passif autorisé en vertu de l’alinéa 1406b), à savoir le montant (iii) de 40 $ (la garantie).

[16] Voir Gunn c. Canada, 2006 C.A.F. 281.

[17] Il convient, à mon avis, de redéfinir la déduction des profits projetés d’une provision comme ayant l’effet d’imposer les profits projetés en l’espèce. Selon l’alinéa 1406b), le montant négatif de provision réduit les provisions de l’appelante nécessaires pour respecter les garanties (et les autres engagements rattachés au fonds général). En supposant que les garanties soient véritablement des provisions (comme le laisse supposer l’alinéa 1406b)), la déduction des revenus futurs de ces provisions (comme dans la cotisation établie par l’intimée) équivaudrait à imposer des profits projetés.

[18] Sur ce fondement, il semble que l’intimée refuserait ou réduirait la provision, même à l’égard des garanties. Dans la mesure où les profits futurs peuvent être pris en compte pour garantir les engagements, ils éliminent, du fait qu’ils constituent un passif négatif, la provision autorisée au titre des garanties du paragraphe 1406b). Toutefois, l’exemple de l’appelante donnait à penser que l’exclusion du montant négatif de passif aurait seulement anticipé la comptabilisation en charges des coûts d’acquisition différés. Autrement dit, rien ne laissait croire que la provision au titre de la garantie serait réduite ou éliminée si le montant négatif de provision n’était pas exclu. Cette question est au nombre des questions découlant des exemples qui sont demeurés sans réponse.

[19] 98 DTC 6100 (C.S.C.).

[20] Un élément de la sous‑composante (ii), à savoir les frais facturés aux titulaires de police, réduira le nombre d’unités ou la valeur des unités détenues par le titulaire de police dans un fonds réservé, ce qui pourrait avoir comme conséquence d’augmenter le passif relatif à la garantie. De plus, le montant négatif de provision réduit les provisions nécessaires pour couvrir les garanties et le « plafond » dont il a déjà été question limite le montant négatif de provision compte tenu de la garantie. Il s’agit là des liens sur lesquels l’intimée semble s’appuyer.

[21] [1998] A.C.F. nº 1033.

[22] [2000] A.C.F. no 1674.

[23] Je ne vois rien dans le sous‑alinéa 138.1(1)e)(iii) de la Loi qui pourrait m’amener à croire que les recettes provenant de primes dont il est question dans l’arrêt La Maritime ne seraient pas incluses dans le revenu de l’appelante une fois celui‑ci réalisé. Le fait que les primes versées dans les fonds réservés ne sont pas des revenus et sont imputées au capital au titre de l’intérêt des titulaires de police dans le fonds réservé ne donne pas à entendre que les retraits au titre des recettes nées de primes, au sens de l’arrêt La Maritime, seraient autre chose que des revenus pour l’appelante une fois réalisés.

[24] 2001 DTC 5396.

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