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Dossier : 2002-2024(IT)G

ENTRE :

XCO INVESTMENTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

West Topaz Property Ltd. (2002-2036(IT)G), le 7 septembre 2005

à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge en chef D. G. H. Bowman

Comparutions

Avocat de l'appelante :

Me Craig C. Sturrock

Avocats de l'intimée :

Me Robert H. Carvalho

Me Gavin Laird

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels contre les cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993 et 1994 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que le montant réattribué aux appelantes en vertu des cotisations doit être réduit de 557 556 $.

La Couronne a droit à 50 % des dépens entre parties.


Signé à Ottawa (Ontario), ce 14e jour de novembre 2005.

« D. G. H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


Dossier : 2002-2036(IT)G

ENTRE :

WEST TOPAZ PROPERTY LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

XCO Investments Ltd. (2002-2024(IT)G), le 7 septembre 2005

à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge en chef D. G. H. Bowman

Comparutions

Avocat de l'appelante :

Me Craig C. Sturrock

Avocats de l'intimée :

Me Robert H. Carvalho

Me Gavin Laird

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels contre les cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993 et 1994 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que le montant réattribué aux appelantes en vertu des cotisations doit être réduit de 557 556 $.

La Couronne a droit à 50 % des dépens entre parties.


Signé à Ottawa (Ontario), ce 14e jour de novembre 2005.

« D. G. H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


Référence : 2005CCI655

Date : 20051114

Dossiers : 2002-2024(IT)G

2002-2036(IT)G

ENTRE :

XCO INVESTMENTS LTD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

ENTRE :

WEST TOPAZ PROPERTY LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Bowman

[1]      Les appels, entendus ensemble, ont été interjetés contre des cotisations établies pour les années d'imposition 1993 et 1994 des appelantes.

[2]      La principale question est de savoir si le ministre du Revenu national a eu raison d'attribuer aux appelantes une part importante du revenu gagné par une société de personnes, dont elles étaient des associés. La société de personnes avait attribué le revenu provenant d'un immeuble d'appartements à Woodwards Stores Limited ( « Woodwards » ). Woodwards s'était jointe à la société de personnes en 1992. C'est la partie attribuée par la société de personnes à Woodwards qui a été réattribuée par le ministre aux appelantes.

[3]      La réattribution, par le ministre aux appelantes, du revenu qui avait été attribué à Woodwards était basée sur le point de vue selon lequel le rôle de Woodwards dans la société de personnes représentait simplement un projet d'évitement fiscal conçu pour absorber les pertes de Woodwards. L'attaque du ministre était triple :

          a)        Woodwards n'a jamais été un associé.

         

          b)       Quoi qu'il en soit, si Woodwards était un associé, l'attribution du revenu était déraisonnable, et il aurait convenu de n'attribuer aucun revenu à Woodwards en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

          c)        De toute manière, il s'agissait d'opérations d'évitement au sens du paragraphe 245(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la disposition générale anti-évitement (DGAE)), et la réattribution du revenu aux appelantes était justifiée en vertu des paragraphes 245(2) et 245(5).

[4]      Voici les faits.

[5]      Natale Bosa contrôlait Astron Realty Group Inc. ( « Astron » ); XCO Investments Ltd. ( « XCO » ), soit l'une des appelantes, et Bosa Brothers Construction Ltd. ( « BBCL » ) étaient des filiales en propriété exclusive d'Astron.

[6]      Le 9 mai 1979, BBCL a acheté Westhill Place Apartments ( « Westhill Apartments » ) pour 2 715 889 $. Le 6 décembre 1986, West Topaz Property Limited ( « West Topaz » ), soit l'autre appelante, a été constituée comme filiale en propriété exclusive d'Astron. The West Topaz Real Estate Partnership (la « société de personnes » ) a été créée entre BBCL et XCO, qui détenaient des participations de 99 % et 1 % respectivement (leur « participation proportionnelle » ). BBCL a fait un apport de 99 $, et XCO, de 1 $.

[7]      L'article VII du contrat de société de personnes se lit comme suit :

[TRADUCTION]

ARTICLE VII

ATTRIBUTION DE PROFITS ET PERTES

POUR FINS FISCALES

ET COMPTABLES

Attribution des revenus et des pertes pour fins fiscales seulement

7.01      Pour fins fiscales seulement, les revenus et les pertes de la société de personnes pour un exercice calculés suivant les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (du Canada) (la « Loi » ) seront attribués aux associés conformément à leur participation proportionnelle respective.

7.02      Les associés conviennent par le présent document qu'aux fins des impôts fédéral et provincial sur le revenu la société de personnes indiquera, pour chaque exercice, la déduction pour amortissement maximum légale à l'égard de ses actifs, ainsi que les autres réserves et déductions disponibles pour elle en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (du Canada), à moins que l'associé majoritaire en décide autrement.

Répartition des revenus ou des pertes pour fins comptables

7.03      Les associés conviennent que le bénéfice net ou la perte nette de la société de personnes calculé conformément aux principes comptables généralement reconnus et uniformément appliqués d'année en année sera réparti entre les associés à la fin de chaque exercice, comme suit :

a)       toutes les pertes ou tous les profits, selon le cas, seront attribués aux associés conformément à leur participation proportionnelle respective;

b)       aux fins du présent document, le bénéfice net et la perte nette pour chaque exercice seront déterminés par les comptables de la société de personnes en conformité avec le présent contrat; leur décision sera définitive et liera la société de personnes;

c)       à la fin de chaque exercice de la société de personnes, la part du bénéfice net ou de la perte nette de la société de personnes revenant à chaque associé sera portée au crédit ou au débit, selon le cas, du compte de capital de chaque associé et sera enregistrée en conséquence.

7.04      Lors du retrait, par un associé, de sa part proportionnelle du bien de la société de personnes, les revenus ou les pertes pour fins comptables découlant ou résultant du retrait, par cet associé, de sa participation proportionnelle dans le bien de la société de personnes seront attribués à cet associé.

[8]      Le 5 décembre 1986, un bien appelé Topaz Apartments a été transféré à la société de personnes. Le 22 décembre 1986, le bien appelé Westhill Apartments a été transféré par BBCL à la société de personnes selon un choix effectué en vertu du paragraphe 97(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La contrepartie aux fins fiscales était le « coût » pour le vendeur en échange de billets ainsi que de la prise en charge, par la société de personnes, de prêts hypothécaires. Ce jour-là, BBCL a transféré sa participation dans la société de personnes à l'appelante, West Topaz, choisissant le coût pour BBCL selon le paragraphe 85(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[9]      Ainsi, de 1986 à 1992, la société de personnes se composait de West Topaz, dans une proportion de 99 %, et de XCO, dans une proportion de 1 %. La société de personnes était propriétaire des deux immeubles d'appartements, Topaz Apartments et Westhill Apartments. West Topaz agissait comme fiduciaire pour la société de personnes.

[10]     En 1992, il y a eu un certain nombre d'opérations qui ont donné lieu aux appels. La réponse à l'avis d'appel de West Topaz contient une description succincte de ces opérations. La réponse à l'avis d'appel de XCO est la même, sauf pour ce qui est du fait que West Topaz avait une participation de 99 %, et XCO, une participation de 1 %. Ces hypothèses n'ont pas été réfutées, et je les considère comme exactes.

[11]     Les alinéas 7e) à j) de la réponse à l'avis d'appel de West Topaz se lisent comme suit :

          [TRADUCTION]

e)       En prévision de la vente, par la société de personnes, de Westhill Apartments, une série prédéterminée d'opérations a eu lieu, à savoir :

         (i)    Le 12 mars 1992, le comptable pour le groupe de sociétés Bosa a envoyé une télécopie au comptable de Woodwards. Cette dernière était une société ouverte oeuvrant dans le commerce de détail et ayant d'importantes pertes autres qu'en capital accumulées. La télécopie décrivait une proposition en vertu de laquelle la société de personnes admettrait Woodwards de manière qu'elle participe à 80 % du bénéfice d'exploitation et des rentrées nettes de fonds relativement à Westhill Apartments. Les détails quant à cette proposition incluent ce qui suit :

               1.      Woodwards ferait un apport en espèces égal à 80 % de l'avoir net estimatif de la société de personnes dans Westhill Apartments. L'avoir net serait basé sur la valeur actuelle estimative de Westhill Apartments, moins une réduction de 5,25 % - de manière à tenir compte du fait que l'assiette d'imposition du bien était inférieure à sa valeur actuelle - et moins l'encours des prêts hypothécaires relatifs au bien. L'avoir net estimatif de 2,3 millions de dollars était basé sur une valeur actuelle de 10,8 millions de dollars moins 8,5 millions de dollars de dettes y afférentes correspondant à une hypothèque de 5 millions de dollars dont le bien devait être grevé et à des hypothèques existantes, à savoir :

                       Société canadienne d'hypothèques et de logement

( « SCHL » ) : 1 725 000 $

                       Compagnie Trust National : 1 775 000 $;

               2.      Des distributions mensuelles en espèces devaient être basées sur le bénéfice d'exploitation plus la dotation aux amortissements moins les remboursements de principal;

               3.      Des distributions de rentrées nettes de fonds provenant de la vente de Westhill Apartments devaient être le prix d'achat moins la dette remboursée, les commissions et autres coûts de vente y afférents;

               4.      Woodwards avait la possibilité de se retirer de la société de personnes en deçà de six mois, sauf que, en cas de vente de Westhill Apartments, un tel retrait n'était pas permis avant le premier jour de l'exercice suivant de la société de personnes, au plus tôt;

               5.      S'il était demandé aux associés de faire un apport de capital supplémentaire, Woodwards pourrait se retirer au lieu de faire cet apport;

      (ii)      Le 13 mars 1992, les opérations suivantes ont eu lieu :

               1.      Bosa Development Corporation ( « BDC » ) a versé à Natale Bosa une prime de 5 000 000 $. BDC est contrôlée par Natale Bosa;

               2.      Natale Bosa a versé les 5 000 000 $ à Bancorp, comme prêt d'actionnaire. Bancorp est contrôlée par Natale Bosa;

               3.      Bancorp a versé les 5 000 000 $ à la société de personnes, comme prêt hypothécaire;

               4.      La société de personnes a versé les 5 000 000 $ à BDC, comme remboursement du prêt hypothécaire;

               (globalement appelé l' « arrangement relatif à la dette de 5 000 000 $ » )

     (iii)       Les diverses opérations concernant l'arrangement relatif à la dette de 5 000 000 $ ne portaient pas intérêt, et il n'y avait aucune convention pour les transferts autres que ceux qui se rapportaient à la convention en matière d'hypothèque non enregistrée entre Bancorp et la société de personnes. La convention relative à l'hypothèque non enregistrée était datée du 16 mars 1992 et disait que le prêt hypothécaire était productif d'intérêt et remboursable à vue. Des intérêts n'ont pas été exigés à l'égard de ce prêt hypothécaire;

      (iv)     L'arrangement relatif à la dette de 5 000 000 $ a été conclu pour accroître la dette hypothécaire liée à Westhill Apartments afin de réduire la valeur nette réelle du bien en vue de faciliter l'achat de pertes autres qu'en capital de Woodwards;

        (v)    L'appelante, XCO et Woodwards ont signé une lettre d'engagement acceptant Woodwards comme associé à un coût de 1 260 000 $. Le montant de 1 260 000 $ a été calculé comme suit :

               Juste valeur marchande estimative

               de Westhill Apartments                                                          10 800 000 $

               Moins 6,5 % de réduction                                                      10 098 000 $

               Moins les prêts hypothécaires :

               SCHL                                                                                     1 725 000 $

               Compagnie Trust National                                                       1 775 000 $

               Bancorp (hypothèque non enregistrée)                                     5 000 000 $

               Valeur nette estimative                                                             1 598 000 $

               Part de 80 % de Woodwards                                                  1 278 400 $

               Apport effectif de Woodwards                                                1 260 000 $

      (vi)     Le 19 mars 1992, le contrat de société de personnes initial de 1986 a été modifié de manière à refléter la participation de 80 % nouvellement acquise par Woodwards dans la société de personnes (le « Contrat » ). Voici les détails du Contrat :

               1.       La participation de Woodwards se limitait à Westhill Apartments;

               2.       Woodwards devait détenir une participation de 80 %, l'appelante, une participation de 19,8 %, et XCO, une participation de 0,2 %;

               3.       À la vente de Westhill Apartments, les associés partageraient la distribution du produit net en proportion de leurs participations.

               4.       Woodwards était pendant 180 jours en droit de se retirer et recevoir son apport de capital et sa part de tout bénéfice d'exploitation distribuable. Toutefois, un retrait suivant la vente du bien Westhill n'était permis qu'après la fin de l'exercice suivant de la société de personnes;

               5.       Woodwards n'avait pas droit à une distribution de fonds résultant d'une vente du bien Westhill et à un remboursement de son apport de capital en se retirant de la société de personnes;

               6.       La définition d' « associé majoritaire » a été révisée de manière à désigner l'appelante plutôt que le détenteur d'une participation majoritaire dans la société de personnes;

      (vii)    Par voie de convention d'achat en date du 20 mars 1992, 420688 BC Ltd. a acheté Westhill Apartments à la société de personnes pour 10 850 000 $. La 420688 BC Ltd. est une société sans lien de dépendance;

     (viii)     Le 25 mars 1992, les opérations suivantes ont eu lieu :

               1.      Un contrat de dépôt entre les mains d'un tiers a été conclu entre Woodwards, la société de personnes et le cabinet d'avocats Owen Bird. Ce contrat prévoyait que l'apport de 1 260 000 $ de Woodwards à la société de personnes serait détenu en fiducie par Owen Bird;

               2.      Bancorp et BDC ont convenu de prêter 1 million de dollars à Woodwards. Le remboursement du prêt et le paiement des intérêts étaient exigibles à la conclusion de la vente de Westhill Apartments. Aucune somme n'a en fait été prêtée à Woodwards;

      (ix)     À un moment donné avant le 25 mars 1992, Woodwards a signé et remis à la société de personnes un avis indiquant qu'elle se retirait de la société de personnes[1];

        (x)    La vente de Westhill Apartments s'est conclue le 8 juillet 1992, avec la réception du produit de vente de 10 090 467 $, sans compter un versement initial de 750 000 $ effectué précédemment. Le produit a été versé comme suit :

                    1 715 736 $ à la SCHL;

                    1 860 952 $ à la Compagnie Trust National;

                    5 000 000 $ à Bancorp en remboursement du prêt relatif à l'hypothèque non enregistrée;

                    2 917 $ en frais juridiques;

                    1 510 862 $ à l'appelante;

      (xi)     Le 13 juillet 1992, l'appelante a reçu le versement initial de 750 000 $;

     (xii)      Le 13 juillet 1992, le cabinet d'avocats Owen Bird a reçu pour instructions de remettre à la société de personnes les 1 260 000 $ déposés entre les mains du cabinet d'avocats à titre de tiers, plus 25 200 $ d'intérêts courus. Un chèque a été fait à l'ordre de l'appelante et déposé dans le compte de cette dernière à la Banque Royale;

   (xiii)       Le 15 mai 1993, Woodwards a transféré sa participation dans la société de personnes à l'appelante pour 1 $ et une autre contrepartie de valeur;

f)        Pour l'exercice de la société de personnes se terminant le 30 avril 1992, Woodwards s'est vu attribuer un bénéfice d'exploitation pour fins comptables de 11 563 $ sur un total de 292 066 $. Aux fins de l'impôt, le bénéfice d'exploitation attribué à Woodwards a été de 118 405 $ sur un total de 292 066 $;

g)       Le 4 mai 1992, Woodwards a reçu une lettre l'avisant que sa part de bénéfice d'exploitation distribuable pour mars 1992 était de 8 827 $. Un chèque de ce montant accompagnait la lettre;

h)       Un résumé de la distribution du produit net de vente en date du 13 juillet 1992 indique un produit net de 2 260 862 $ (1 510 862 $ + 750 000 $). La part de 80 % du produit revenant à Woodwards a été calculée comme s'élevant à 1 808 689,86 $. L'appelante a donc envoyé à Woodwards un chèque de ce montant, le 13 juillet 1992. Le produit aurait été de 7 260 862 $ sans le prêt hypothécaire de 5 000 000 $ de Bancorp;

i)        Pour l'exercice de la société de personnes se terminant le 30 avril 1993, Woodwards s'est vu attribuer un revenu de société de personnes de 5 748 931 $, soit un montant de 5 725 794 relatif au gain sur la vente de Westhill Apparents et un montant de 23 137 $ relatif au bénéfice d'exploitation. Ce revenu a été abrité de l'impôt grâce à l'utilisation de pertes autres qu'en capital de Woodwards;

j)        Pour l'exercice de la société de personnes se terminant le 30 avril 1994, le reste du montant de 6 652 877 $ dans le compte de capital de Woodwards a été réattribué aux associés restants. L'appelante s'est vu attribuer une proportion de 99 %, et XCO, une proportion de 1 %;

[12]     La pièce A-1 est la lettre de Revenu Canada en date du 7 août 1997. Elle expose en détail les événements décrits ci-devant. Je ne reproduirai que deux passages de la lettre :

          [TRADUCTION]

Objet : West Topaz Real Estate Partnership (la « société de personnes » )

Messieurs,

Nous avons terminé l'examen de l'arrangement entre la société de personnes et Woodwards Stores Ltd. ( « Woodwards » ) dans lequel Woodwards a acheté une participation de 80 % dans la société de personnes relativement au bien Westhill Apartments ( « Westhill » ).

Nous sommes d'avis que Woodwards n'était pas un associé dans la société de personnes et n'avait donc pas droit à une part du revenu de la société de personnes. Par conséquent, nous nous proposons de réattribuer le revenu de la société de personnes comme suit :

1992

DÉCLARÉ

RÉATTRIBUÉ

TOTAL RÉVISÉ

Woodwards

118 405

-118 405

0

West

123 003

117 221

240 224

XCO

     1 242

     1 184

     2 426

Total

242 650

     0 000

242 650

1993

DÉCLARÉ

RÉATTRIBUÉ

TOTAL RÉVISÉ

Woodwards

5 748 931

-5 748 931

0

West

1 527 334

5 691 442

7 218 776

XCO

      15 428

      57 489

      72 917

Total

7 291 693

      0 000

7 291 693

[...]

Par suite de notre examen, nous sommes d'avis que Woodwards ne s'est pas jointe à la société de personnes comme associé dans l'intention d'exploiter une entreprise en commun en vue de réaliser un profit. L'arrangement était un projet d'évitement fiscal dans lequel West et XCO ont acheté des pertes à Woodwards pour réduire leurs impôts payables par ailleurs.

West et XCO voudraient faire croire au Ministère que Woodwards a acheté une participation dans une société de personnes dans l'intention d'exploiter une entreprise en commun en vue de réaliser un profit. Il est réputé y avoir eu un contrat de société de personnes valable, un arrangement quant au partage des profits et un apport en espèces à la société de personnes pour l'achat de cette participation. Toutefois, quand on examine la véritable intention et les actions de chacune des parties intéressées, on arrive à une conclusion différente. Le fond des opérations ne correspond pas à la forme. Woodwards n'a pas acheté et vendu une participation dans une société de personnes; elle a vendu des pertes que le contribuable a utilisées pour réduire ses impôts payables par ailleurs.

[13]     Avant d'examiner les conséquences fiscales de ces opérations, il faut analyser les aspects juridiques. Si les mesures prises ne permettent pas d'atteindre le résultat juridique visé, parce qu'elles constituent des opérations trompe-l'oeil ou qu'une faille ou un obstacle juridique invalide les opérations, la question s'arrête là et il n'est pas nécessaire d'examiner les articles 103 ou 245. C'est seulement si les parties avaient établi une société de personnes valable que la disposition anti-évitement particulière qui est prévue à l'article 103 ou la disposition générale anti-évitement qui est prévue à l'article 245 pourrait peut-être s'appliquer.

[14]     Dans les réponses aux avis d'appel, la question de l'existence d'une société de personnes entre l'appelante, XCO et Woodwards est clairement et expressément soulevée aux alinéas 1d), 8a), b) et c) et 9a) ainsi qu'aux paragraphes 11, 12 et 13 et aux paragraphes 11, 12 et 13 de l'alinéa e). Néanmoins, dans les observations écrites de l'intimée, l'avocat de cette dernière mentionne seulement deux points (le paragraphe 103(1) et l'article 245). Je crois donc comprendre que l'intimée a abandonné l'argument selon lequel il n'existait pas de société de personnes. Je pense de toute manière que l'intimée avait raison de ne pas faire valoir l'argument selon lequel il n'y avait pas de société de personnes valable entre Woodwards et XCO et West Topaz. Les documents portaient création d'une relation valable et prévoyaient la distribution des profits de la société de personnes. Pour des raisons que je préciserai davantage ci-après, faire en sorte que Woodwards se joigne à la société de personnes était, du moins du point de vue des appelantes, motivé par des considérations fiscales. Le degré relatif de motivation basée sur des considérations fiscales est un élément que je dois prendre en compte, mais, que la réduction de l'impôt ait été ou non la raison exclusive, principale, prédominante ou essentielle relativement au rôle de Woodwards dans la société de personnes, aucune de ces motivations ne diminue la validité des relations créées par les documents.

[15]     Mes motifs partiront donc du principe que les relations juridiques créées par les documents ne correspondaient pas à des opérations trompe-l'oeil et étaient authentiques et valables. Alors, que s'est-il passé?

[16]     En 1992, les appelantes étaient des associées dans une société de personnes dont West Topaz était un associé dans une proportion de 99 %, et XCO, dans une proportion de 1 %. La société de personnes était propriétaire de deux biens locatifs : Westhill Apartments et Topaz Apartments. Westhill Apartments a initialement été acquis par BBCL. En 1986, on a offert à Delta Investments d'acheter Westhill Apartments à BBCL. En vertu d'une disposition de roulement prévue au paragraphe 97(2), Westhill Apartments a été transféré à la société de personnes et, en vertu d'une disposition de roulement prévue à l'article 85, la participation de BBCL dans la société de personnes a été transférée à l'appelante West Topaz. Selon toute probabilité, ces transferts ont été effectués en prévision de la vente possible de Westhill Apartments. Il se trouve que Westhill Apartments n'a pas été vendu à ce moment-là.

[17]     Concernant les opérations qui ont eu lieu en 1986 après l'offre d'achat, par Delta Investments, de Westhill Apartments, y compris les deux transferts en franchise d'impôt, je ne considère pas ces opérations comme faisant partie de la série d'opérations de 1992. Certes, la structure de société de personnes existant en 1992 faisait partie intégrante de l'arrangement conclu avec Woodwards, mais elle n'a pas été mise en place en prévision de l'arrangement conclu avec Woodwards ou de la vente, en 1992, de Westhill Apartments. Donc, nous commençons avec l'année 1992.

[18]     Le 20 mars 1992, la 420688 B.C. Ltd. a offert à West Topaz d'acheter Westhill Apartments pour 10 850 000 $. Le 19 mars 1992, le contrat de société de personnes entre West Topaz et XCO a été modifié de manière à admettre Woodwards comme associé. Ce serait trop naïf de ma part de croire que la modification du contrat de société de personnes n'a pas été faite en prévision de la vente de Westhill Apartments. De plus, au 25 mars 1992, Woodwards avait signé et remis à la société de personnes un avis de retrait. Je présume qu'il ne devait pas y être donné suite immédiatement et qu'il fallait autre chose pour l'activer.

[19]     Avant la modification, un plan avait été formulé et signé comme l'indique le sous-alinéa 7e)(ii) de la réponse reproduite ci-devant. Pour l'essentiel, ce plan comportait une mesure consistant à grever Westhill Apartments d'une hypothèque non enregistrée. Le prêt hypothécaire était daté du 16 mars 1992 et a été accordé à West Topaz par Bancorp Mortgage Investments Corporation ( « Bancorp » ). Le montant avancé était de 5 000 000 $, mais le montant mentionné dans la convention de prêt hypothécaire était de 6 000 000 $. L'argent a décrit un cercle, c'est-à-dire qu'il est passé de BDC à Natale Bosa, puis à Bancorp et à la société de personnes et qu'il est ensuite revenu à BDC. Le seul effet concret de l'arrangement hypothécaire est que la dette relative à Westhill Apartments a augmenté et que la valeur nette réelle du bien a baissé de 5 000 000 $. Woodwards a ainsi pu se joindre à la société de personnes pour 1 278 400 $ plutôt que pour 5 278 400 $.

[20]     Les modifications qui ont été apportées au contrat de société de personnes et par lesquelles Woodwards a été incluse sont résumées ci-devant. Ce qui est un peu inusité, c'est la limitation de la participation de Woodwards dans la société de personnes à une participation de 80 % dans Westhill Apartments. Je ne vois pas d'obstacle juridique au fait de limiter la participation d'un associé dans le revenu et le bien de la société de personnes à une partie de l'entreprise de la société de personnes. Les associés sont libres de créer des moyens non orthodoxes de diviser les profits et les actifs de la société de personnes sans invalider ces dispositions. C'est toutefois une indication de l'objet de cette forme de division quelque peu étrange.

[21]     Il y a lieu de signaler un certain nombre d'autres points. Woodwards pouvait se retirer en deçà de 180 jours et recevoir un remboursement de son apport de capital et sa part du bénéfice d'exploitation distribuable, sous réserve que, après la vente de Westhill Apartments, elle ne puisse se retirer qu'une fois terminé l'exercice subséquent de la société de personnes. Il est évident que le but était de faire en sorte que, si Westhill Apartments était vendu, la part proportionnelle revenant à Woodwards à l'égard de tout revenu ou gain en capital résultant de la vente soit attribuée à Woodwards, et ce, à la fin de l'exercice de la société de personnes (30 avril).

[22]     La convention d'achat de Westhill Apartments était datée du 20 mars 1992. Le 25 mars 1992, un contrat de dépôt entre les mains d'un tiers a été conclu entre la société de personnes, Woodwards et le cabinet d'avocats Owen Bird. En vertu de ce contrat, l'apport de 1 260 000 $ de Woodwards était détenu en fiducie par Owen Bird. Les clauses 3, 4 et 5 du contrat de dépôt entre les mains d'un tiers se lisent comme suit :

          [TRADUCTION]

3.      Le dépositaire légal ne doit utiliser ou débloquer les fonds qu'en conformité avec les instructions écrites fournies et signées par tous les associés formant la société de personnes, à savoir West Topaz Property Ltd. et XCO Investments Ltd. et le nouvel associé.

4.      Nonobstant les dispositions du paragraphe 3 ci-devant et suivant les instructions de la société de personnes et du nouvel associé, le dépositaire légal devra, sur réception d'une copie conforme de l'avis de retrait déjà dûment délivré à la société de personnes par le nouvel associé, selon les modalités du contrat de société de personnes, débloquer les fonds, nets d'intérêts y afférents, premièrement en faveur de Bancorp Mortgage Investment Corporation, en remboursement du solde de son prêt au nouvel associé, et deuxièmement en faveur du nouvel associé.

5.      Il est convenu entre les parties au présent contrat que, nonobstant toute autre disposition du présent contrat, celui-ci prendra fin à la distribution initiale, par la société de personnes, du produit net provenant de la vente, par la société de personnes, de Westhill Place Apartments.

[23]     Je suis encore un peu dans le noir quant à la raison pour laquelle un avis de retrait a été signé et déposé auprès de la société de personnes presque en même temps que l'entrée de Woodwards dans la société de personnes. Je ne peux que présumer que, une fois que le rôle de Woodwards dans la vente de Westhill Apartments avait permis d'atteindre l'objectif visé, les parties voulaient être certaines que Woodwards disparaisse de la scène.

[24]     L'analyse de ces opérations doit commencer par la question de savoir quelle aurait été la situation si Woodwards n'avait jamais joué un rôle comme associé. En partant de cette hypothèse, il me faudrait nécessairement présumer que l'arrangement relatif au prêt hypothécaire de 5 000 000 $ n'aurait pas été conclu, car son seul but était de réduire la somme d'argent que Woodwards devait fournir pour participer à l'opération. Je conviens avec Me Sturrock que le profit de Woodwards aurait été le même avec ou sans les 5 000 000 $. Le tableau suivant, que Me Sturrock a présenté dans sa plaidoirie, illustre ce point :

[TRADUCTION]

Avec l'hypothèque de 5 000 000 $

Sans l'hypothèque de 5 000 000 $

10 800 000

10 800 000

-     702 000      (6,5 % de réduction)

-     702 000

10 098 000

10 098 000

- 8 500 000     (hypothèques)

- 3 500 000

   1 598 000

   6 598 000

X_____0,8

X______0,8

   1 278 000

   5 278 400

   1 260 000     (réglé à)

   5 260 000       (réglé à)

   2 300 000     (profit) (produit net de vente)

   7 300 000

X______0,8

X______0,8

   1 840 000

   5 840 000

- 1 260 000

- 5 260 000

      570 000 $ (profit pour WW)

     570 000 $

[25]     L'arrangement hypothécaire de 5 000 000 $ est une diversion, sauf qu'il illustre le fait que le groupe Bosa était disposé à prendre en compte la situation financière un peu difficile de Woodwards pour faciliter la participation de cette dernière.

[26]     Si nous supprimons Woodwards ainsi que l'arrangement de 5 000 000 $, nous avons une simple vente pour 10 850 000 $. Le produit de vente aurait été de 10 840 467 $ (10 090 467 $ + 750 000 $), comme l'indique le sous-alinéa (x) précité. (Je n'ai pas essayé d'expliquer la différence de 9 533 $. Ce n'est pas essentiel aux fins de la présente décision.)

[27]     Ce montant aurait été versé comme l'indique le sous-alinéa 7e)(x), sauf que XCO et l'appelante West Topaz auraient reçu une somme totale de 7 260 862 $, y compris le versement initial de 750 000 $. Si nous tenons compte du prêt hypothécaire de 5 000 000 $ qui a décrit un cercle à l'intérieur du groupe Bosa, le montant est de 2 260 862 $. Je considère le prêt hypothécaire de 5 000 000 $ comme un tour de passe-passe d'ordre financier qui n'est guère pertinent aux fins de la présente décision.

[28]     Un autre résultat de la suppression de Woodwards aurait été que, pour l'exercice de la société de personnes se terminant le 30 avril 1993, un montant de 5 748 931 $ aurait été attribué à XCO et à l'appelante, et ces dernières auraient sans doute été imposables à cet égard. Il en est de même pour l'exercice se terminant le 30 avril 1992. Bien que seulement 11 563 $ aient été attribués à Woodwards pour fins comptables, Woodwards s'est vu attribuer aux fins de l'impôt 118 405 $ sur 292 066 $. Ce montant aurait été attribué aux appelantes si Woodwards n'avait pas été là et elles auraient été imposables à cet égard.

[29]     En espèces, Woodwards a payé 1 260 000 $ et reçu 8 827 $ plus 1 808 689,86 $. La différence de 548 689,98 $ entre 1 808 689,86 $ et 1 260 000 $ est très proche de 561 600 $, ce qui représente 80 % de 702 000 $, soit la réduction de 6,5 % de la juste valeur marchande présumée de 10 800 000 $ de Westhill Apartments. Ainsi, Woodwards a réalisé un profit de 548 689 $ et reçu 8 867 $ du bénéfice d'exploitation, soit au total 557 556 $.

[30]     Tel a été le coût effectif en argent pour les appelantes pour obtenir la participation de Woodwards. Ainsi, elles ont économisé ou auraient économisé, si le plan avait marché, l'impôt sur 5 867 336 $ (118 405 $ + 5 748 931 $). Je n'ai pas calculé les économies d'impôt effectives pour les appelantes. Je suppose que je pourrais essayer, mais j'arriverais probablement à un résultat inexact. Qu'il suffise de dire que ce serait probablement un montant de plus de 2 000 000 $, soit plusieurs fois leur mise de fonds effective.

[31]     Quel était donc l'objet prédominant de cette opération? Du point de vue des appelantes, c'était évidemment de réaliser des économies d'impôt. Pour une mise de fonds d'un peu plus d'un demi-million de dollars, elles s'attendaient à réaliser des économies d'impôt de plus de 2 000 000 $. La motivation est évidente. J'ai été incapable de déterminer une fin commerciale ou non fiscale.

[32]     Du point de vue de Woodwards, il n'y avait absolument pas de motivation fiscale. C'était simplement une proposition d'affaires. Il n'y avait pas d'impôt à payer ou à économiser. Pour sa participation au projet, Woodwards a reçu un profit d'environ 550 000 $[2].

[33]     La contribution de Woodwards a été éphémère et, à toutes fins pratiques, sans risque. Il est donc déraisonnable de lui attribuer 80 % du revenu provenant de Westhill Apartments. C'est exactement ce pour quoi le paragraphe 103(1) est là. Ce paragraphe se lit comme suit :

        Lorsque les associés d'une société de personnes sont convenus de partager en proportions déterminées tout revenu ou perte de la société de personnes provenant d'une source donnée ou de sources situées dans un endroit déterminé ou tout autre montant qui se rapporte à une activité quelconque de la société de personnes et qui doit entrer en ligne de compte dans le calcul du revenu ou du revenu imposable de tout associé de cette société de personnes et lorsqu'il est raisonnable de considérer que cette convention a pour objet principal de réduire les impôts ou de différer le paiement des impôts qui auraient pu être ou devenir payables par ailleurs en vertu de la présente loi, la part du revenu ou de la perte, selon le cas, ou de l'autre montant, revenant à chaque associé de la société de personnes est le montant qui est raisonnable, compte tenu des circonstances, y compris les proportions dans lesquelles les associés sont convenus de partager les profits et les pertes de la société de personnes provenant d'autres sources ou de sources situées à d'autres endroits.

[34]     Les arrangements entrent carrément dans le cadre de cette disposition. Le principal motif de la division des profits de la société de personnes est la réduction de l'impôt, et le partage des bénéfices, vu le rôle temporaire et sans risque de Woodwards dans la société de personnes, est intrinsèquement déraisonnable. Que serait une attribution raisonnable des revenus? À mon avis, le ministre est allé un peu trop loin. Aussi bien dans son application du paragraphe 103(1) que s'il avait été tenu d'appliquer la DGAE, à l'égard de laquelle le critère du caractère raisonnable est essentiellement le même, le ministre a tout attribué aux appelantes.

[35]     Selon moi, un traitement raisonnable de cet arrangement en vertu de l'article 103 serait de considérer la part du revenu revenant à Woodwards comme étant la somme qu'elle a effectivement reçue (557 556 $), et le montant attribué aux appelantes devrait être réduit en conséquence. Cette réattribution correspond davantage à la réalité économique de l'arrangement. Je suis conscient que la réalité économique est un concept qui, dans la jurisprudence récente, n'est pas en faveur. C'est toutefois un élément important pour déterminer ce qui est raisonnable.

[36]     Après la présentation des plaidoiries dans la présente cause, la Cour suprême du Canada a rendu deux arrêts établissant les principes à appliquer dans les causes de DGAE : Canada Trustco Mortgage Co. c. Canada, 2005 CSC 54, et Mathew c. Canada, 2005 CSC 55. Les avocats se sont vu donner la possibilité de formuler des observations sur l'effet de ces arrêts.

[37]     L'article 245 représente la troisième corde à l'arc du ministre, qui, tout à fait à juste titre, a déterminé que l'article 245 ne devrait s'appliquer qu'en cas d'échec sur les deux premiers fronts de son attaque (l'absence de société de personnes et l'article 103). Telle est l'approche qu'il convient à mon avis d'adopter. L'article 245 est, comme l'a déclaré la Cour suprême du Canada au paragraphe 21 de l'arrêt Canada Trustco, une disposition de dernier recours. En l'espèce, le paragraphe 103(1) est totalement adéquat pour traiter de l'évitement fiscal contesté par le ministre. En tant que disposition particulière, ce paragraphe l'emporte sur la disposition générale de l'article 245. Si j'avais conclu que le paragraphe 103(1) ne s'appliquait pas, mais que l'article 245 s'appliquait, serais-je arrivé à la même conclusion sur le caractère raisonnable du montant à attribuer aux associés? C'est une question difficile, mais, en définitive, je serais probablement arrivé à la même conclusion. Le problème tient au fait que l'article 103 exige simplement une attribution de revenus ou de pertes raisonnable dans les circonstances. Le paragraphe 245(5) est plus complexe. Il prévoit diverses mesures pouvant être prises par le ministre :

[...] dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d'une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l'avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d'une opération d'évitement [...].

Il pourrait être argué que cela pourrait, si nous étions à l'article 245, justifier l'attribution de l'ensemble du profit aux appelantes. Toutefois, nous ne sommes pas encore à l'article 245. Si nous étions parvenus à cet article, j'aurais préféré entendre une argumentation sur ce que devrait être la mesure de cotisation appropriée en vertu du paragraphe 245(5). Il se peut bien qu'à un moment donné la Cour ait à déterminer si les causes relatives à l'article 245 devront être divisées en deux parties, soit premièrement la question de savoir si l'article 245 s'applique et deuxièmement la question de savoir quelle mesure est appropriée en vertu du paragraphe 245(5).

[38]     Je n'entends pas traiter de façon approfondie de la DGAE, car j'estime que ce n'est pas nécessaire à la lumière de l'article 103. J'ai cependant une ou deux remarques qui s'appliquent à l'article 245 et peut-être aussi, à un degré moindre, à l'article 103.

[39]     Premièrement, bien que le terme « raisonnable » soit relatif et que ce qui est raisonnable doit dépendre de l'ensemble des circonstances, la détermination de ce qu'il en est ne représente nettement pas une mesure discrétionnaire de la part du ministre. Ce serait totalement inacceptable si, en examinant la décision du ministre sur ce qui est « raisonnable » , la Cour était entravée par la théorie que la décision du ministre était discrétionnaire et que devaient être observées les règles concernant l'examen d'une mesure discrétionnaire et le fait de faire preuve de déférence à l'égard de la décision du ministre. Si vaste que puisse être la portée de l'article 245, celui-ci ne confère pas des pouvoirs discrétionnaires au ministre, que ce soit dans la décision d'appliquer cet article ou dans la détermination des conséquences de ce dernier.

[40]     Deuxièmement, des dispositions anti-évitement comme les articles 103 et 245 ne sont pas censées être un moyen de punir quelqu'un ayant offensé le ministre dans ses perceptions. En vertu de ces dispositions, le ministre n'a pas carte blanche pour imposer des sanctions parce que l'on transcende sa notion de rectitude fiscale. L'article 245 est là pour contrecarrer de sérieuses formes d'évitement fiscal qui ne seraient pas par ailleurs empêchées par des dispositions anti-évitement particulières. Lorsqu'une disposition particulière anti-évitement couvre une opération, mais ne prévoit pas, selon le ministre, un remède jugé suffisant par le ministre, l'article 245 n'est pas là pour permettre au ministre d'ajouter au remède qu'il considère comme inadéquat.

[41]     Les appels sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que doit être réduit de 557 556 $ le montant réattribué aux appelantes par les cotisations en vertu du paragraphe 103(1).

[42]     Le succès est partagé, mais la Couronne a réussi bien plus que les appelantes. La Couronne a droit à 50 % des dépens entre parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2005.

« D. G. H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur



RÉFÉRENCE :

2005CCI655

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2002-2024(IT)G

2002-2036(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

XCO Investments Ltd.,

West Topaz Property Ltd. et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 7 septembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge en chef

D. G. H. Bowman

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 14 novembre 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Craig C. Sturrock

Avocats de l'intimée :

Me Robert H. Carvalho

Me Gavin Laird

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Thorsteinssons

Étude :

C.P. 49123

2700-595, rue Burrard

Vancouver (C.-B.) V7X 1J2

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Ce document n'a pas été déposé en preuve, et Woodwards s'est en fait retirée au 15 mai 1993. Il est clair que l'avis de retrait existait. Cet avis était mentionné dans le contrat de dépôt entre les mains d'un tiers en date du 25 mars 1992. On se rappellera que Woodwards s'est jointe à la société de personnes le 19 mars 1992. Pourquoi, alors, a-t-elle signé un avis de retrait à un moment donné avant le 25 mars 1992?

[2] Woodwards a rendu un service en permettant que l'on se serve d'elle. Le fait que le service qu'elle a rendu aux appelantes n'a pas donné lieu à l'économie d'impôt espéré par ces dernières n'en faisait pas moins un service pour lequel elle a été rétribuée et qui devrait être assimilé à son revenu. On pourrait faire une comparaison avec le genre de service examiné par le juge Rowlatt dans Ryall v. Hoare, and v. Honeywill, 8 T.C. 521, [1923] 2 B.R. 447.

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