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Référence : 2003CCI9

Date : 20030203

Dossier : 2001-4498(IT)I

ENTRE :

AMI BENARROCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 24 janvier 2003 à Toronto (Ontario)

Par : L'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions :

Avocat de l'appelant :          Me Moses Muyal

        Avocats de l'intimée :           Me Michael Appavoo

                                          Me Joel Oliphant

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          La Cour admet les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998 et défère les cotisations au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement pour annuler les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

          Aucune ordonnance n'est rendue quant aux dépens.

Signé à Vancouver, Canada, ce 3e jour de février 2003.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de décembre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2003CCI9

Date : 20030203

Dossier : 2001-4498(IT)I

ENTRE :

AMI BENARROCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I.

[1]      Les présents appels visent les nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998. Ils concernent le rejet de crédits d'impôt pour des dons de bienfaisance supposément faits à la congrégation séfarade Or Hamaarav pour des sommes de 9 750 $, 9 750 $, 19 000 $, 14 000 $ et 18 000 $ respectivement pour les années de 1992 à 1996. Pour 1997, l'appelant réclamait des crédits pour des dons de 15 000 $ et 1 000 $ faits respectivement à la synagogue Mincha Gedolah et au Centre d'apprentissage séfarade Abarbanel. Pour l'année 1998, l'appelant prétendait avoir fait des dons de bienfaisance de 13 000 $ à la synagogue Mincha Gedolah. Les crédits d'impôt liés à ces prétendus dons de bienfaisance ont tous été refusés par le ministre du Revenu national.

[2]      Les nouvelles cotisations pour au moins quelques-unes des années en question ont été établies après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation de trois ans. En conséquence, afin de justifier de revenir à ces années prescrites, l'intimée a le fardeau d'établir que l'appelant a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire.

[3]      De plus, des pénalités ont été imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu et le ministre a le fardeau supplémentaire de prouver que l'appelant a fait de fausses déclarations ou des omissions dans ses déclarations de revenus « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde » .

[4]      Les présents appels sont parmi les nombreux appels que les juges de cette cour ont entendus ces derniers mois à propos de reçus pour dons de bienfaisance émis par la congrégation séfarade Or Hamaarav fondée par le rabbin Leon Edery.

[5]      Le rabbin Edery est arrivé au Canada en 1967 en provenance du Maroc. Il a fondé une synagogue sise au 2939, rue Bathurst, à North York, et une charte a été émise en 1971 à la congrégation séfarade Or Hamaarav.

[6]      L'âme de cette congrégation était le rabbin Edery. Il s'intéressait particulièrement aux nouveaux arrivants au Canada et voulait s'assurer que les enfants juifs reçoivent une éducation juive convenable.

[7]      Il a amassé des fonds pour une école hébraïque et a obtenu en 1983 une deuxième charte pour le Centre d'apprentissage séfarade Abarbanel, une garderie pour enfants juifs.

[8]      En 1985, l'édifice dans lequel se trouvait la garderie a été perdu suite à une forclusion et il est devenu difficile d'amasser des fonds. Le rabbin Edery a donc conçu un projet qui, malgré ses objectifs louables, était tout à fait illégal. Il émettait des reçus pour des dons de bienfaisance indiquant un montant beaucoup plus élevé que celui réellement donné. L'un ou l'autre des scénarios suivants était utilisé : ou bien le montant complet indiqué sur le reçu était donné et 80 % à 90 % de ce montant était retourné au donateur, ou bien le donateur ne donnait que 10 % à 20 % du montant indiqué sur le reçu.

[9]      En 1996, le rabbin Edery fondait un autre organisme, la synagogue Mincha Gedolah. Pour ces trois organismes, le rabbin Edery était la seule personne autorisée à émettre des reçus pour dons de bienfaisance.

[10]     La collecte de fonds que je viens de décrire était généralement faite par le biais de collecteurs de fonds, dont l'un était un certain Meier Cohen (aujourd'hui décédé).

[11]     La pratique du rabbin Edery consistant à émettre des reçus pour dons de bienfaisance trop élevés a été découverte lorsque l'ADRC (ou Revenu Canada) a commencé à examiner les déclarations de revenus de clients de Jacob Abacassis, un spécialiste en déclarations de revenus. Le montant inhabituellement élevé des dons de bienfaisance et des pertes d'entreprises déclarés par ses clients a attiré l'attention du fisc. Tant M. Abacassis que le rabbin Edery ont fait face à des accusations pénales en vertu de l'article 239 de la Loi de l'impôt sur le revenu. M. Abacassis a plaidé coupable. Le rabbin Edery a contesté les accusations mais a été trouvé coupable par le juge Rebecca Chamail et a été condamné à payer une amende de 32 000 $, à une année de détention à domicile et à 240 heures de travaux communautaires. Les chartes des organismes de bienfaisance ont également été révoquées.

[12]     Ce qui différencie les présentes affaires des autres dossiers dans lesquels la Couronne a refusé des crédits d'impôt pour des dons de bienfaisance, c'est que dans les autres dossiers, on prétendait que les reçus pour dons de bienfaisance émis par le rabbin Edery pour le compte de ses organismes de bienfaisance indiquaient des montants qui excédaient de beaucoup le montant réellement donné par le donateur et reçu par les organismes de bienfaisance.

[13]     La situation dans le cas présent est plutôt différente. L'appelant connaissait le rabbin Edery depuis 1970 ou 1971. Il est arrivé au Canada en provenance d'Alger en 1968, à l'âge de 15 ans. Il a toujours été actif au sein de la congrégation du rabbin Edery et de la communauté juive. Il faisait des collectes de fonds pour les synagogues et les activités de bienfaisance du rabbin Edery. Il a réussi et est maintenant président d'une importante société générant des revenus substantiels.

[14]     Il a la coutume de donner de 10 % à 15 % de ses revenus à la communauté.

[15]     Il s'impliquait beaucoup dans les collectes de fonds pour les activités de bienfaisance et religieuses du rabbin Edery. Il a témoigné avoir donné de l'argent et des biens, tels que des vêtements, qui étaient distribués aux nécessiteux ou utilisés par les organismes de bienfaisance du rabbin Edery.

[16]     Nous sommes donc en présence d'un pilier de la communauté, activement impliqué dans des activités de bienfaisance et dans le travail communautaire.

[17]     Le problème consiste en ce que le rabbin Edery a témoigné avoir payé à l'appelant une commission variant entre 5 % et 15 % des montants substantiels collectés, mais ces commissions étaient données sous forme de reçus pour dons de bienfaisance.

[18]     Au départ, je n'étais pas certain si les commissions représentaient 5 % à 15 % du montant net reçu par les organismes de bienfaisance (c.-à-d. de 5 % à 15 % du 10 % à 20 % réellement reçu par les organismes de bienfaisance) ou 5 % à 15 % du plein montant apparaissant sur les reçus pour dons de bienfaisance remis aux donateurs. Ce point a été élucidé par le rabbin Edery et la pièce R-8 démontre que les 15 % ont été appliqués au montant sur les reçus pour dons de bienfaisance émis en mars 1997 aux personnes desquelles l'appelant avait sollicité des dons. Cette partie de la pièce R-8 est claire, même si celle qui se trouve au bas de la page, après le calcul de 15 % des 50 000 $ indiqués sur les reçus pour dons de bienfaisance, ne l'est pas. Le témoin de la Couronne, un enquêteur, M. Menniti, a été incapable d'expliquer les chiffres sous-tendant les reçus supplémentaires.

[19]     Voici ce qu'il en est. Les reçus pour dons de bienfaisance que l'appelant a joints à sa déclaration de revenus semblent provenir en partie des commissions que lui a versées le rabbin Edery, en partie de dons en espèces et en partie de dons en nature. Il a été incapable de préciser la proportion des dons en espèces, des dons en nature et des commissions. Il acceptait les reçus que lui donnait le rabbin Edery.

[20]     Il est clair que le ministre avait raison de revenir aux années frappées de prescription en raison de la négligence dont a fait preuve l'appelant et de rejeter les crédits réclamés en vertu des reçus. Les reçus pour dons de bienfaisance émis comme commissions pour des collectes de fonds pour un organisme de bienfaisance ne sont manifestement pas admissibles au crédit d'impôt pour dons de bienfaisance et si l'appelant est incapable d'identifier quels reçus, à tout le moins, sont liés à des dons valables et quels reçus ne sont que des commissions pour des fonds recueillis, aucun de ces reçus n'est admissible.

[21]     Les pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi soulèvent une autre question. La faute ( « faute lourde » ) requise pour permettre une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) est plus grave que celle requise pour permettre au ministre d'émettre une nouvelle cotisation après l'expiration du délai normal (Farm Business Consultants Inc. c. La Reine, C.C.I., no 92-2597(IT)G, 16 septembre 1994, 95 D.T.C. 200, conf. par C.A.F., no A-542-94, 18 janvier 1996, 96 D.T.C. 6085).

[22]     Ce critère plus élevé, qui exige que la Couronne démontre une indifférence presque assimilable à de l'insouciance n'est pas, à mon avis, satisfait. La preuve est compatible autant avec la simple négligence qu'avec la faute lourde et tout doute doit être résolu en faveur du contribuable.

[23]     Les appels sont admis et les cotisations pour les années 1992 à 1998 inclusivement sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement pour annuler les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[24]     Aucune ordonnance n'est rendue quant aux dépens.

Signé à Vancouver, Canada, ce 3e jour de février 2003.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de décembre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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