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Dossier : 2002-1767(IT)I

ENTRE :

DENIS MARTIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 23 janvier 2003 à Sherbrooke (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée ::

Me Claude Lamoureux

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JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000 est accueilli, sans frais et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de février 2003.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


Référence : 2003CCI27

Date : 20030224

Dossier : 2002-1767(IT)I

ENTRE :

DENIS MARTIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Alain Tardif, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel des cotisations pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000.

[2]      La question en litige est de déterminer si les déductions pour pension alimentaire réclamées par l'appelant pour les années en litige ont correctement été rejetées par le ministre du Revenu national.

[3]      Après avoir été assermenté, l'appelant a admis la majorité des faits pris pour acquis lors de l'établissement des nouvelles cotisations, il s'agit des faits suivants :

a)          L'appelant et madame Carole Poirier (ex-conjointe) se sont divorcés le 20 janvier 1992;

b)          Quatre enfants sont nés de leur union :

Dominic né le 26 novembre 1980

Émilie née le 4 mai 1982

Audray née le 24 septembre 1984

Joëlle née le 8 octobre 1986

c)          Lors du divorce, la garde des quatre enfants a été confiée à l'ex-conjointe de l'appelant;

d)          Le 15 mars 1996, la pension alimentaire a été révisée à 325 $ par semaine avec indexation annuelle;

e)          Le 11 avril 1997, Dominic Martin va habiter avec l'appelant;

f)           Le 14 avril 1997, l'appelant loge une requête pour entériner le changement de garde de son fils et obtenir une réduction de la pension alimentaire versée à son ex-conjointe;

g)          Le 28 avril 1997, l'appelant et son ex-conjointe signent une convention selon laquelle ils conviennent qu'advenant un changement de garde entériné par la Cour, la pension alimentaire versée à l'ex-conjointe pour les autres enfants sera réduite et qu'elle demeurera déductible pour l'appelant et imposable pour l'ex-conjointe;

...

i)           Le 1er mai 1997, une ordonnance intérimaire est rendue qui confie à l'appelant la garde de son fils Dominic, maintient le statu quo quant au montant de la pension alimentaire et reporte l'audition de la requête au 12 juin 1997;

j)           Cette ordonnance indique aussi que « le montant de la pension alimentaire fixé sera rétroactivement à la date de la signification des procédures » ;

...

m)         Le 5 mai 1998, la Cour supérieure rend un jugement corrigé selon lequel le tribunal ordonne que la pension soit payable à compter du 1er juillet 1997 et qu'elle demeure imposable et déductible pour les parties;

n)          L'appelant a réclamé dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1999 la déduction pour la pension alimentaire qu'il a versé au cours des années 1998 et 1999;

o)          Les montants en litige pour chacune des années s'élevaient à 14 035 $ en 1998, 13 935 $ en 1999 et 13 439 $ en 2000.

[4]      Il a ignoré le contenu des faits suivants h, k et l :

h)          En vertu de cette convention du 28 avril 1997, l'appelant et son ex-conjointe laissent à la Cour le soin de déterminer la date à laquelle le changement du montant de la pension alimentaire sera effectif;

k)          Le 4 juillet 1997, la Cour supérieure rend jugement et confie aux parties la garde conjointe de Dominic, celui-ci ayant sa résidence principale chez l'appelant, et diminue à 247,41 $ par semaine la pension alimentaire payable par l'appelant à son ex-conjointe et ce, à compter du jugement;

l)           Le 20 avril 1998, une autre convention est intervenue entre les parties dans laquelle il est indiqué que puisque les parties avaient signé une entente à l'effet que le montant de la pension alimentaire à être payée continuerait à être déductible pour l'appelant et imposable pour son ex-conjointe et puisque le jugement du 4 juillet 1997 ne contient aucune mention quant à cet effet, les parties conviennent à ce que jugement soit rendu afin de condamner l'appelant à payer à son ex-conjointe une pension alimentaire de 1 072,11 $ par mois et d'ordonner que cette pension soit payable à compter du 4 juillet 1997 et qu'elle demeure imposable et déductible.

[5]      L'appelant a expliqué d'une manière détaillée et fort nuancée tous les faits et circonstances relatifs à la pension alimentaire dont il était le débiteur.

[6]      Il a expliqué que son ex-conjointe et lui avait pris connaissance des nouvelles dispositions édictées quant à la défiscalisation des pensions alimentaires. Ils auraient alors fait plusieurs démarches auprès du ministère dans le but de connaître très précisément toutes les exigences et modalités aux fins de convenir d'une convention exprimant leur choix. L'appelant a consulté et mandaté une avocate pour s'assurer que le tout se fasse en conformité avec les nouvelles exigences.

[7]      Ils se sont rapidement entendus quant aux aspects financiers. Par contre, l'un des quatre enfants, Dominic, né le 26 novembre 1980, a manifesté au même moment son désir de résider désormais avec son père.

[8]      Responsables, les parents ont voulu s'assurer que le désir de Dominic n'était pas essentiellement un simple caprice d'où la question de la garde est demeurée en suspens.

[9]      En date du 28 avril 1997, les parties ont convenu d'une entente (pièce I-1); cette convention est claire quant à l'intention des parties; elle tient compte de l'incertitude qui entourait alors le sort de l'un des enfants, à savoir Dominic. Il y a lieu de reproduire cette convention :

CONVENTION

Nous, soussigné, Carole Poirier et Denis Martin, reconnaissons qu'une requête visant un changement de garde de notre fils Dominic a été déposée à la Cour supérieure du district de St-François et qu'elle doit être entendue sous peu devant le tribunal.

Advenant un changement de garde, nous convenons qu'il y a entente sur les points suivants:

   -          réduction de la pension alimentaire de 329,88 $ à 247,41 $ par semaine;

   -         le père assumera seul les coûts d'entretien et d'éducation de son fils;

   -          le père continuera d'assumer seul le paiement de la prime des assurances collectives (médicaments et dentaire) pour le bénéfice de son fils et de ses trois filles;

   -          le père pourra prendre les déductions fiscales pour son fils dans ses rapports d'impôt et ce, à compter du 30 avril 1997;

   -          la pension alimentaire demeurera déductible d'impôt pour le père et imposable pour la mère;

   -          la prime d'assurances demeurera déductible d'impôt pour le p`re et imposable pour la mère dans une proportion de 60% de son coût (actuellement de 110,94 $ / mois);

   -          les droits de visite ou d'accès aux enfants s'effectueront dorénavant sur une base volontaire et au gré des enfants, chaque parent devra assumer la moitié du transport;

   -          notre fils Dominic pourra prendre possession de ses biens personnels.

Nous acceptons de porter devant le tribunal les points de mésentente suivants :

-            les motifs et le bien-fondé d'un tel changement de garde;

-            la date à laquelle le changement de pension alimentaire doit être effective et, s'il y a lieu le montant de la rétroactivité;

-            le changement de bénéficiaire des prestations fiscales et des allocations familiales.

Nous convenons qu'il n'y a aucun intérêt à soumettre le présent litige à l'arbitrage ou à la médiation. De plus, nous souhaitons soustraire la présente entente des nouvelles règles touchant les pensions alimentaires pour l'intérêt des parties en cause.

Sherbrooke, le 28 avril 1997

Carole Poirier,mère    Denis Martin, père      Me Michèle Beaupré, témoin

[10]     L'appelant et son ex-conjointe étaient d'accord sur tout l'aspect financier, mais en désaccord quant à la volonté de Dominic.

[11]     La garde de Dominic avait des conséquences directes et significatives sur le montant de la pension alimentaire dont l'appelant était débiteur depuis le prononcé du jugement accordant la garde des quatre enfants à son ex-conjointe.

[12]     L'inconnu quant à la garde de Dominic faisait en sorte que les parents ne pouvaient pas convenir d'une entente claire et non équivoque quant à la pension alimentaire.

[13]     Par contre, il était alors évident que la Cour supérieure devrait éventuellement trancher la question de la garde de Dominic demeurée litigieuse.

[14]     L'appelant et son ex-conjointe avaient alors un sérieux problème. Ils s'entendaient quant à la pension alimentaire attribuée originalement pour les quatre enfants, mais ne s'entendaient pas nécessairement sur la pertinence du choix exprimé par Dominic qui voulait vivre avec son père. Les parties ont donc convenu d'une entente décrivant, du mieux qu'elle le pouvait, la situation qui prévalait alors. Le tout fut exprimé par la convention du 28 avril 1997.

[15]     À la lumière des arguments soumis par l'intimée, il appert que le fondement de la cotisation se situe au niveau de la date d'exécution des dispositions relatives à la pension alimentaire.

[16]     Il a été attribué une importance déterminante à un extrait de l'entente intervenue entre les parties le 28 avril 1997 (pièce I-1); il s'agit notamment du passage suivant :

Nous acceptons de porter devant le tribunal les points de mésentente suivants :

-            les motifs et le bien-fondé d'un tel changement de garde;

-            la date à laquelle le changement de pension alimentaire doit être effective et, s'il y a lieu le montant de la rétroactivité;

-            le changement de bénéficiaire des prestations fiscales et des allocations familiales.

[17]     Interpréter l'entente à partir de ce seul extrait, sans tenir compte du contexte global, justifie possiblement l'interprétation de l'intimée. De façon globale, cette interprétation est injustifiée puisque l'intention des parties ne fait aucun doute ni équivoque.

[18]     L'extrait sur lequel l'intimée fonde ses prétentions n'avait pour but que de s'assurer que la question alimentaire reliée à Dominic ne risquerait pas de modifier l'entente.

[19]     Le premier jugement de la Cour supérieure en date du 1er mai 1997, soit quelques jours après la convention est en tout point cohérent et conforme avec la convention; bien plus, il confirme le montant de la pension alimentaire et détermine la date de son exécution, cela ressort très clairement de l'extrait suivant (pièce I-2) :

...

MAINTIENT le statu quo quant au montant de la pension alimentaire;

DÉCLARE que le montant de la pension alimentaire fixé sera rétroactivement à la date de signification des procédures;

...

[20]     La preuve n'a pas établi quelle avait été la date de signification des procédures; il est cependant évident que cette date se situait quelques jours avant la date du jugement.

[21]     Comme l'intimée n'acceptait pas le jugement comme étant conforme aux prétentions de l'appelant, de nouvelles procédures furent alors initiées à la demande commune de l'appelant et de son ex-conjointe pour faire corriger le premier jugement de manière à ce qu'il satisfasse l'intimée.

[22]     Des suites de cette demande commune, pour obtenir un jugement corrigé, celui-ci fut effectivement corrigé le 5 mai 1998. Il ressort clairement de ce jugement que le juge saisi du dossier a voulu régler le dossier en conformité avec la volonté des parties clairement exprimée à la convention du 28 avril 1997.

[23]     Face à ce jugement du 5 mai 1998, qui se voulait une simple clarification, l'intimée l'écarte du revers de la main en soutenant que la Cour supérieure n'a aucune autorité pour déterminer ce qui doit être déductible ou imposable.

[24]     Il m'apparaît manifeste que la mention du jugement relatif à la déductibilité n'avait cependant pas pour but de trancher ou de dicter à l'intimée comment traiter la question, mais visait essentiellement à entériner la volonté des parties.

[25]     Les parties ont clairement exprimé leur intention dans la convention sous-seing privée sur la question alimentaire. Les deux jugements ultérieurs de la Cour supérieure se rapportaient exclusivement à la garde de Dominic et la partie de pension alimentaire le concernant. L'appel est donc accueilli.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de février 2003.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


RÉFÉRENCE :

2003CCI27

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-1767(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Denis Martin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

le 23 janvier 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 24 février 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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