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Dossier : 2002-1991(IT)I

ENTRE :

MARITIME-ONTARIO FREIGHT LINES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 12 et 13 février 2003 à Toronto (Ontario)

Par : L'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Doug Munro

Avocate de l'intimée :

Me Jenna Clark

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JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation fiscale établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté.

Signé à Toronto (Ontario), ce 24e jour de septembre 2003.

« A. A. Sarchuk »

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mai 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


Référence : 2003CCI674

Date : 20030924

Dossier : 2002-1991(IT)I

ENTRE :

MARITIME-ONTARIO FREIGHT LINES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk

[1]      Maritime-Ontario Freight Lines Limited interjette appel à l'encontre de la nouvelle cotisation établie pour son année d'imposition 1996. Dans le calcul du revenu pour l'année visée, l'appelante a pris en compte des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (RS-DE) de 54 188 $ et demandé le crédit d'impôt à l'investissement (CII) connexe de 10 838 $. Par l'Avis de nouvelle cotisation daté du 10 juin 1999, le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé la demande de crédit de l'appelante.

Les faits

[2]      L'appelante est une entreprise de camionnage qui transporte toutes sortes de marchandises de l'Ontario et du Québec partout au Canada. Dans ce secteur industriel, l'appelante et les autres entreprises facturent leurs clients au poids des marchandises expédiées. Cependant, selon Doug Munro (M. Munro), président de l'appelante, elles se heurtent à une difficulté importante vu que de nombreux clients n'ont pas de balance et que, par conséquent, les poids déclarés sur les lettres de voiture se révèlent souvent inexacts. Il était donc souhaitable de tenter de mettre au point un appareil qui pourrait, entre autres choses, évaluer correctement le poids et permettre ainsi la facturation exacte des clients. Vers la fin des années 80, la société Alert-O-Brake Systems Inc. (Alert-O-Brake)[1] a été fondée dans le but de mettre au point un système de surveillance électronique utilisable sur les véhicules de manutention de charges, tels que les chariots élévateurs à fourche, par exemple. M. Munro a participé au projet, ainsi que Zeljko Ted Jurca (M. Jurca). En 1987, un brevet a été délivré à M. Jurca concernant un tel appareil, dont il a par la suite cédé les droits à Alert-O-Brake[2]. Alert-O-Brake a mis en marché le système Accu-Data dès 1990.

[3]      En 1994, ou aux environs de cette année, les éléments d'actif d'Alert-O-Brake, principalement Accu-Data, ont été vendus à l'appelante. La société a fait d'autres tentatives pour commercialiser l'appareil mais, d'après M. Munro, les ventes restaient faibles parce que les clients n'acceptaient pas la marge de précision du système. On a tenté d'améliorer la précision du pesage afin de mettre au point une balance qui pourrait être vendue à des tiers en plus d'être utilisée dans l'entreprise de l'appelante. M. Munro a souligné que l'appareil ne pourrait être « légal » pour le commerce que si la précision du pesage atteignait une marge de 1/10 de 1 p. 100, ce qui représentait l'objectif de la société[3]. Des difficultés sont survenues et, en 1995, l'appelante a engagé M. Jurca dont les compétences techniques devaient permettre d'effectuer la mise au point et les essais nécessaires. En fin de compte, la société n'a pas pu atteindre son objectif et, en 1997, elle a abandonné le projet.

[4]      M. Jurca est un ingénieur qui a achevé une scolarité dans un collège d'électrotechnique à Zagreb, en Croatie, et pris par la suite, des cours de génie industriel à Toronto. Il se spécialise dans la conception d'instruments pour des véhicules comme les automobiles, autobus, camions, hélicoptères, etc. Selon lui, l'un de ses domaines de compétences particuliers est la mise au point de « boîtes noires » , c.-à-d. de petits appareils informatiques qui, une fois installés dans une machine hôte telle qu'un camion ou un chariot élévateur à fourche, collectent et enregistrent les données voulues pendant le fonctionnement de la machine. Lorsqu'elle était reliée à un véhicule ordinaire de manutention de toute marque ou catégorie, la « boîte noire » brevetée Accu-Data analysait - d'après M. Jurca - [traduction] « des données brutes provenant du chariot élévateur à fourche concernant l'utilisation et les mouvements du véhicule, le levage, la conduite - sous charge et sans charge - le levage et ainsi de suite; mais sa fonction (une des fonctions du système) était aussi le pesage » . Il a ajouté que cela procurait à la direction [traduction] « la collecte automatique de données sur l'utilisation du véhicule, la productivité, les surcharges, ce genre de choses. L'idée était de fournir de l'information à la direction, c'est à peu près ça, concernant l'utilisation du matériel » .

[5]      Lorsque l'appelante a engagé M. Jurca en 1995, sa tâche consistait à [traduction] « concevoir et inventer un système de mesure des poids plus précis que ce que nous avions avant cette année-là ou, essentiellement, à améliorer l'appareil qui existait déjà » . Selon lui, lorsqu'Accu-Data a été conçu il :

            [traduction]

[...] avait déjà une certaine précision, selon le chariot élévateur, c'est ce qui était drôle. C'est pourquoi cela a été si facile. Sur certains chariots élévateurs à fourche, supposons un véhicule qui n'était pas flambant neuf mais plutôt un véhicule très usagé, j'avais de très bons résultats parce que tout était, disons le vérin hydraulique, la chaîne et le reste, tout était lâche.

Alors, autrement dit, de la façon dont mon logiciel fonctionnait, j'obtenais d'assez bons résultats, croyez-moi, 1 p. 100, mais le problème était que si je soulevais ou si je ramassais la même charge, disons dix fois, supposons que je ramassais 1 000 livres, j'obtenais parfois 1 010 livres, parfois 1 050 livres. Avec 1 000 livres, 50 livres, c'est une assez grosse erreur, et cela se produisait comme je l'ai dit pour une raison quelconque. Je ne savais pas ce qui la causait. Était-ce un problème mécanique, un problème de logiciel, la conception du [...], ce genre de choses?

Par conséquent, le projet avait pour objectif

[traduction]

[...] de concevoir le système pour enregistrer 1 p. 100 de la charge appliquée. Autrement dit, si je ramassais 1 000 livres, 1 p. 100 de la charge appliquée correspondait à 10, 10 livres. Alors c'était mon but. [...]

Il a poursuivi en expliquant que les incertitudes technologiques étaient à la fois mécaniques et logicielles, et qu'il avait l'intention d'étudier

[traduction]

[...] la possibilité d'améliorer mon matériel, peut-être avec de meilleurs amplificateurs d'une technologie différente, ou bien aussi une modification du logiciel, parce que la façon dont on saisit ces choses a naturellement beaucoup à voir avec le logiciel. C'est donc une combinaison de ces trois choses et c'est ce que j'essayais de faire.

La méthodologie employée par M. Jurca dans ce but consistait essentiellement à soulever des charges connues, à maintes reprises avec différentes marques de chariots élévateurs à fourche et dans des conditions différentes, pour obtenir, grâce à la fonction de pesage, des données qui pouvaient ensuite être reportées sur un graphique et analysées. D'après lui, un certain nombre de modifications, tant mécaniques que computationnelles, ont été faites et leurs effets ont été examinés. Une des difficultés qu'il a rencontrées était de trouver la source des écarts observés dans les données fournies par la fonction de pesage de la « boîte noire » . Il a déclaré que les essais visant à peser souvent la même charge produisaient des résultats très différents et que l'origine de ces écarts pouvait être mécanique (c.-à-d. causée par le chariot élévateur à fourche ou par le matériel informatique) ou bien computationnelle (c.-à-d. causée par le logiciel). En fin de compte, le résultat a été.

[traduction]

[...] que nous sommes arrivés très près de 1 p. 100, j'essayais d'atteindre 1 p. 100 de la capacité du chariot élévateur, et je ne savais plus quoi faire pour obtenir 1 p. 100 de la charge appliquée, ce que j'essayais de faire. Vous voyez, je pensais qu'il était peut-être possible de faire quelque chose, plus ou moins, je ne sais pas, je pensais que je perdais peut-être la partie.

Par conséquent, on a reconnu qu'il y avait peu de chances de répondre au critère de 1 p. 100 de la charge appliquée et on a abandonné le projet.

[6]      La position de l'intimée se fonde sur un rapport rédigé par Yashvant S. Parmar[4] et sur le témoignage de celui-ci devant la Cour. Les diplômes de celui-ci comprennent un baccalauréat spécialisé ès sciences (1974) en génie électrique et électronique de l'University of Leeds, de Leeds, en Angleterre. Il possède une vaste expérience de la systémique dans un certain nombre de domaines comme l'élaboration d'analyse d'exigences et de données, la conception d'architectures de système, la conception de tests intégrés, l'essai et l'intégration de systèmes, l'analyse par arbre des causes, l'analyse des modes de défaillance et de leurs effets, l'analyse de circuits électriques, la conception de logiciels et les ICD d'analyse et de spécifications (MIL-STD-490). Il a travaillé dans diverses entreprises spécialisées dans la technologie depuis 1974, et tout dernièrement comme ingénieur-système principal chez Spar Aerospace Limited et Honeywell Canada (de 1987 à 1995; de 1995 jusqu'à présent). Je souligne aussi que M. Parmar est conseiller en recherche et technologie auprès de l'ADRC depuis septembre 2001.

[7]      Il est également pertinent de signaler maintenant que l'appelante a choisi de ne pas présenter de rapport d'un expert indépendant et qu'en conséquence, le rapport rédigé par M. Parmar repose sur une seule rencontre avec M. Jurca et sur l'examen de plusieurs documents que l'appelante a remis à l'ADRC[5]. Dans cette documentation, se trouvait une [traduction] « brève description technique de l'appareil Alert-o-Brake » incluant la légende « Truck Check Weighing System » (système de pesage de poste d'inspection de camions)datée du 27 décembre 2000 (auteur inconnu) et un document désigné comme une réponse technique concernant la [traduction] « demande de remboursement pour RS-DE; Maritime-Ontario Freight Lines Limited » , daté du 17 août 2001 et préparé par Tino Sequeira. Dans ce document, M. Sequeira fait notamment allusion à des incertitudes technologiques, à des perfectionnements et à un contenu scientifique et technique, pour démontrer le respect de la législation par l'appelante. Le représentant de l'appelante a utilisé ce document pour contre-interroger M. Parmar, comme si les points de vue qui y étaient exprimés constituaient une preuve non contestée. En fait, la Cour ne dispose d'aucun élément de preuve démontrant la capacité de M. Sequeira à exprimer une opinion. De plus, bien que ce dernier ait été présent à l'audience pour aider M. Munro à un titre quelconque, il n'a pas été appelé comme témoin, de sorte que la source de l'information contenue dans ce document n'a pas été mise en preuve.

[8]      De l'avis de M. Parmar, le travail entrepris par l'appelante ne mettait en oeuvre aucune investigation systématique ni aucun développement expérimental visant à résoudre les incertitudes technologiques et amenant des progrès technologiques. Il a déposé que la documentation fournie et le témoignage de M. Jurca, rendaient difficile, sinon presque impossible, de déterminer s'il existait une incertitude technologique. À son avis, il aurait pu y en avoir, mais la seule preuve d'incertitude présentée était le vague engagement de l'appelante à améliorer la précision de la fonction de pesage. Cette défaillance était aggravée par un sérieux manque de documentation visant à établir les activités entreprises afin de réduire ou d'éliminer les facteurs que M. Jurca avait identifiés comme obstacles à la précision de l'appareil. M. Parmar a expressément fait état de l'omission de l'appelante à préciser les obstacles technologiques qui devaient être surmonté, et il a ajouté qu'à défaut de preuves identifiant ces obstacles et les mesures prises pour les surmonter, il était impossible de conclure à l'existence d'un genre d'incertitude qui ne pouvait pas être résolu par les méthodes d'ingénierie habituelles. De plus, il s'est inscrit en faux contre l'affirmation de l'appelante voulant que l'échec du projet ait constitué en soi une preuve prima facie d'incertitude technologique, étant donné une telle pénurie de preuve documentaire ou matérielle qu'il était impossible d'établir la raison véritable de l'échec du projet.

[9]      M. Parmar a également émis des réserves quant à la formulation d'hypothèses ou de tout autre plan conjointement avec la « méthode scientifique » , pour régler les difficultés qui se présentaient. Même si l'appelante avait énuméré un certain nombre de facteurs pouvant influencer l'exactitude du pesage, aucun des documents déposés ne formulait d'hypothèse. En outre, M. Parmar a souligné qu'aucun des documents déposés auprès du tribunal ne révélait l'emploi d'une procédure conforme aux méthodes scientifiques reconnues, puisqu'aucune donnée d'essai ni aucune analyse n'avait été présentée, et que seuls des énoncés généraux avaient été faits. Selon la conclusion de M. Parmar, le résultat du processus était qu'aucune incertitude technologique n'avait été prouvée et, par conséquent, qu'aucun progrès technologique n'avait été réalisé.

[10]     Même si l'appelante a déposé plusieurs pages photocopiées du journal[6] de M. Jurca, ainsi que quelques copies de modifications de logiciel et de diagrammes de logiciel[7], celles-ci n'ont offert que peu d'information à la Cour. M. Parmar a témoigné qu'en temps normal, tout scientifique qui travaille sur un problème complexe tient un journal dans lequel est inscrite une quantité importante d'information, y compris des données techniques sans lesquelles il est impossible de déterminer ce qui a été fait, ni pour quelle raison cela l'a été. La documentation présentée, qui consistait en trois pages des journaux de M. Jurca, n'avait pas grand valeur. Selon M. Parmar, [traduction] « une des pages indiquait qu'on avait modifié les trois versions du logiciel; cela ne me dit pas la raison des modifications » . Il a ajouté que l'étude des documents ne révélait pas clairement les mesures prises ni les motifs des modifications, en précisant qu'il ne pouvait distinguer [traduction] « les techniques qu'on tentait d'employer pour améliorer » la précision de la fonction de pesage.

Analyse

[11]     L'article 2900 du Règlement de l'impôt sur le revenu définit de la façon suivante l'expression « activités de recherche scientifique et de développement expérimental » pour les fins du paragraphe 37(1) :

a)          la recherche pure, à savoir les travaux entrepris pour l'avancement de la science sans aucune application pratique en vue;

b)          la recherche appliquée, à savoir les travaux entrepris pour l'avancement de la science avec application pratique en vue;

c)          le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l'intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l'améliorations, même légère, de ceux qui existent;

d)          les travaux relatifs à l'ingénierie, à la conception, à la recherche opérationnelle, à l'analyse mathématique, à la programmation informatique, à la collecte de données, aux essais et à la recherche psychologique, lorsque ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) et servent à les appuyer directement.

[...]

[12]     Dans l'affaire C.W. Agencies Inc. c. La Reine[8], le juge d'appel Sexton a fait l'observation suivante :

            Les deux parties se sont appuyées sur les critères énoncés dans Northwest Hydraulic Consultants Limited c. Sa Majesté la Reine, [1998] D.T.C. 1839. Dans cette décision, le juge Bowman de la Cour de l'impôt a énoncé cinq critères utiles pour déterminer si une activité donnée constitue de la RS & DE. Ces critères ont été approuvés par la Cour d'appel fédérale dans RIS-Christie c. Sa Majesté la Reine, [1999] D.T.C. 5087, à la page 5089. Les critères sont les suivants :

1.          Existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes?

2.          La personne qui prétend faire de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique?

3.          La procédure adoptée était-elle complètement conforme à la discipline de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la vérification et la modification des hypothèses?

4.          Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique?

5.          Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a-t-il été fait au fur et à mesure de l'avancement des travaux?

[13]     Existait-il un risque ou une incertitude technologique?        La preuve dont je suis saisi ne me permet pas de conclure à l'absence de risque ou d'incertitude technologique dans les tentatives faites par l'appelante pour améliorer la fonction de pesage de la « boîte noire » . Cependant, reste la question substantielle de savoir si cette incertitude aurait pu être éliminée par les procédures d'ingénierie habituelles ou par des méthodes courantes. Pour décider si l'appelante a identifié clairement une incertitude technologique, il ne faut pas oublier qu'Accu-Data était un dispositif breveté « de surveillance électronique pour la manutention des charges » doté effectivement de la capacité de peser une charge. Pour l'appelante, le problème était l'insuffisance du rendement du système, c'est pourquoi elle a pris des mesures pour augmenter la précision de pesage à l'intérieur d'une marge variant de plus ou moins 1 p. 100 de la capacité de levage du véhicule. Je discerne le bien-fondé des remarques de M. Parmar selon lesquelles l'appelante a procédé d'une manière qui s'apparentait à l'emploi des « procédures habituelles ou des études techniques courantes » en entreprenant des efforts visant à modifier un produit technique qui existait déjà.

[14]     L'appelante a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique?          Une hypothèse est une supposition ou une explication provisoire en ce qui concerne un problème de nature inconnue et, en règle générale, cette incertitude est résolue par un plan logique conçu pour observer et résoudre le problème hypothétique. Dans un sens très général, M. Jurca a effectivement exprimé certaines questions touchant l'objectif visé ainsi que les expériences qu'il a menées, y compris les problèmes tout mécaniques que computationnels. Malgré la difficulté qu'il y avait à suivre son témoignage, il était évident que l'isolement des divers facteurs créait des problèmes à cause du nombre de variables inconnues à n'importe quel moment (soupapes de commande, fuites hydrauliques, différences dans la marque du chariot élévateur, programmation inadéquate, etc.). Il n'existe toutefois presque aucun compte rendu documentaire des mesures prises par M. Jurca dans ce contexte. M. Parmar a témoigné de la nécessité d'avoir un plan et de procéder à une analyse, avant la conception. L'une des contraintes les plus nécessaires est la formulation d'un compte rendu clair et intelligible, permettant à une tierce partie de vérifier les résultats de façon indépendante. M. Parmar a déclaré que, ni la documentation fournie, ni le témoignage de M. Jurca, ne lui procurait suffisamment d'informations convaincantes pour décider si une hypothèse définissant un objectif clair et exprimant l'incertitude technologique avait été formulée. Après l'audition du témoignage de M. Jurca, M. Parmar a observé que [traduction] « il m'était difficile de comprendre quelle hypothèse avait vraiment été formulée » et quelles mesures étaient proposées pour éliminer l'incertitude technologique, le cas échéant. Les réserves de M. Parmar concernant l'absence d'hypothèses claires ou d'autres plans conçus pour aplanir les difficultés rencontrées par l'appelante sont bien fondées.

[15]     Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a-t-il été fait au fur et à mesure de l'avancement des travaux? Il est juste de dire que l'une des principales exigences de toute expérience scientifique véritable est la production de résultats consignés, pouvant être vérifiés indépendamment dans des conditions identiques. Comme minimum acceptable, la documentation doit être en mesure de montrer les méthodes employées et les résultats obtenus, de manière à ce que ceux-ci puissent être reproduits de façon indépendante par une tierce partie raisonnable. La Cour ne dispose de presque aucun document fournissant une preuve compréhensible de la nature des expériences effectuées. En fait, selon le témoignage de M. Jurca, aucun compte rendu détaillé n'a été tenu et les documents qui existaient, tels que ceux qui ont été déposés en l'instance, n'étaient intelligibles que pour M. Jurca mais pas pour M. Parmar ou une autre partie raisonnable. Il n'est pas surprenant que l'objectif, les hypothèses et les méthodes de l'appelante n'aient pas été clairs pour le conseiller scientifique de l'intimée; il n'est pas non plus surprenant qu'on ne sache pour quels motifs les résultats théoriques obtenus par l'appelante sont demeurés indiscernables des résultats pratiques.

[16]     La preuve dont je suis saisi ne démontre pas que le projet de l'appelante répond aux critères énumérés dans le règlement sur la RS-DE, à la partie XXIX de la Loi. Par conséquent, l'appel est rejeté.

Signé à Toronto (Ontario), ce 24e jour de septembre 2003.

« A. A. Sarchuk »

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mai 2004.

Nancy Bouchard, traductrice



[1]           Les actionnaires de l'appelante ont constitué Alert-O-Brake en personne morale.

[2]           Les témoins qui ont comparu désignaient souvent l'appareil sous le nom d'Accu-Data.

[3]           Par « légal » , M. Munro entendait la norme fixée par Poids et Mesures Canada.

[4]           Pièce R-3.

[5]           Pièce R-1. Ces documents ont été déposés au nom de l'appelante pendant l'examen.

[6]           Pièce A-2.

[7]           Pièces A-3, A-4 et A-1.

[8]           C.A.F., no A-601-00, 11 décembre 2001 (2002 DTC 6740, à la page 6742).

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