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Dossier : 2003-133(IT)I

ENTRE :

PAUL HARVEY FONTAINE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appels entendus le 13 juin 2003 à Nanaimo (Colombie-Britannique)

Par : L'honorable juge C. H. McArthur

Comparutions

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Johanna Russell

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies pour l'impôt en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 sont rejetés.

          Comme l'a concédé l'intimée, les appels des cotisations établies pour l'impôt en vertu de la Loi pour les années d'imposition 2000 et 2001 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations pour le motif que l'appelant est admissible à des déductions au titre de paiements de la pension alimentaire.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de septembre 2003.

« C. H. McArthur »

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


Référence : 2003CCI662

Date : 20030922

Dossier : 2003-133(IT)I

ENTRE :

PAUL HARVEY FONTAINE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge McArthur

[1]      Au début de l'audition des présents appels, l'avocate de l'intimée a concédé les questions en litige pour les années d'imposition 2000 et 2001. Quant à l'autre question en litige, elle consiste à savoir si l'appelant est admissible à une déduction au titre de paiements de la pension alimentaire au cours des années d'imposition 1998 et 1999. Les montants qui font l'objet d'un litige sont les suivants :

Année d'imposition

Sommes qu'a déduites le contribuable

Sommes à l'égard desquelles le ministre a établi une nouvelle cotisation

1998

5 322 $

1 800 $

1999

7 310 $

   0

Total :

12 632 $

1 800 $

[2]      L'appelant et son épouse Marilyn ont divorcé en vertu d'une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique datée du 13 janvier 1995. La garde de deux de leurs enfants a été accordée à Marilyn, et la Cour a ordonné à l'appelant de lui verser une pension alimentaire pour enfants correspondant à 200 $ par mois pour chaque enfant. Il s'est ensuivi des litiges interminables qui ont donné lieu aux ordonnances suivantes de la Cour :   

No de réf.

Auteur et date

Description et résumé

Ordonnance 1

Cour suprême de la C.-B.

Le 13 janv. 1995

Contribuable divorcé :

Garde de Collette et de Brandon accordée à l'ex-épouse;

Garde de Dean accordée au contribuable;

Pension établie à 200 $ par mois pour chaque enfant à compter du 1er fév. 1995

Ordonnance 2

Cour suprême de la C.-B.

Le 1er avr. 1996

L'ordonnance 1 est modifiée :

Pension établie à 250 $ par mois pour chaque enfant à compter du 1er fév. 1997 jusqu'en déc. 1997, puis à 300 $ par mois à compter du 1er janv. 1998

Ordonnance 3

Cour suprême de la C.-B.

Le 30 mars 1998

L'ordonnance 2 est modifiée :

Le montant précédent de la pension est supprimé et la pension est établie à 627 $ par mois à compter du 1er avr. 1998

Ordonnance 4

Cour suprême de la C.-B.

Le 6 mai 1999

La demande en vue d'obtenir une modification de l'ordonnance 3 est rejetée :

La pension est établie à 627 $ par mois à compter du 1er avr. 1999 payable en deux versements égaux le 1er et le 15 de chaque mois;

Le montant total des arriérés établis à 4 594 $ payables à compter du 31 déc. 1999 est réduit de 1 000 $, ce qui établi les arriérés à 3 594 $ payables en versements mensuels de 100 $ à compter du 1er déc. 1999;

La pension est établie à 382 $ par mois à compter du 1er janv. 2000

Ordonnance 5A

Cour d'appel de la C.-B.

Le 11 fév. 2000

Les ordonnances 3 et 4 sont annulés en appel et l'ordonnance 2 est rétablie (motifs rendus oralement)[1]

Dossier 5B

Greffier de la Cour d'appel de la C.-B.

Le 4 août 2000

Mémoire aux juges d'appel expliquant les difficultés à rendre l'ordonnance[2]

Dossier 5C

Greffier de la Cour d'appel de la C.-B.

Le 15 sept. 2000

Lettre à l'intention des Fontaine contenant des commentaires du juge Lambert en vue de clarifier les modalités de l'ordonnance 5A[3]

Dossier 5D

Marilyn Lorenz alias Fontaine

Le 2 oct. 2000

Projet d'ordonnance proposé par l'ex-épouse du contribuable[4]

(rejeté par le contribuable)

Ordonnance 5E

Cour d'appel de la C.-B.

Le 6 déc. 2000

Les conditions de l'ordonnance 5A sont établies[5] :

Les ordonnances 3 et 4 « sont annulées sans effet rétroactif, mais sont en vigueur depuis le 11 février 2000 » ;

L'ordonnance 2 est rétablie de sorte que les paiements sont déductibles à l'égard du contribuable et imposables à l'égard de l'ex-épouse;

L'allègement des arriérés de 1 000 $ n'est plus en vigueur

Ordonnance 6

Cour suprême de la C.-B.

Le 19 janv. 2001

L'ordonnance 5 est modifiée :

Depuis la mi-octobre 1999, Collette est majeur et, conséquemment, n'est plus admissible à une prestation alimentaire pour enfant; les arriérés dus sont donc réduits de 600 $ et établis à 4 322,82 $ à compter du 12 janv. 2001

[3]      Les ordonnances prononcées après avril 1997 concernant la pension alimentaire pour enfants soulèvent une question relative à la déductibilité des paiements de pension alimentaire pour enfants qu'a versés l'appelant. Elle se résume à l'interprétation de la phrase « annulées sans effet rétroactif » que contiennent lesdites ordonnances. Avait-on fixé une date d'entrée en vigueur qui a eu pour effet de compromettre le régime de déduction des pensions alimentaires après avril 1997? La réponse dépend de la façon dont l'ordonnance datée du 11 février 2000 est interprétée. La seule période en cause est le mois d'avril 1998 au mois de février 2000. Les deux paragraphes de l'ordonnance 5A, datée du 11 février 2000 qui ont été modifiés le 6 décembre 2000 représentent l'élément clé. Ils sont ainsi rédigés :

[traduction]

[3]         LA COUR ORDONNE que les ordonnances qu'a prononcées le juge Hutchinson, le 30e jour de mars 1998 ainsi que le 6e jour de mai 1999, soient annulées, sans effet rétroactif, mais qu'elles soient en vigueur à compter du 11e jour de février 2000.

[4]         LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT que les ordonnances prononcées le 1er jour d'avril 1996 soient rétablies de manière à ce que les paiements que M. Fontaine versera ultérieurement soient déductibles dans le calcul de son revenu et qu'ils soient inclus dans le revenu de Mme Fontaine.

[4]      Selon l'intimée, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ( « CABC » ) a eu l'intention que les ordonnances de 1998 et de 1999 soient en vigueur pour la période du mois d'avril 1998 au mois de février 2000. Quant à l'appelant, il soutient que selon l'intention de la CABC, l'ordonnance prononcée en 1996 dans le cadre de l'ancien régime devait prévaloir pour les années 2000 et 2001.

[5]      Les ordonnances de la CABC semblent donner raison à l'interprétation de l'intimée. Si le paragraphe 3 s'était terminé après les mots « soient annulées » , alors l'interprétation de l'appelant aurait été correcte. Toutefois la phrase se poursuit. Même si l'on admet que les termes « sans effet rétroactif » ne consistaient qu'à fournir une précision ou qu'à mettre l'accent sur la totalité de l'annulation, les termes suivants « mais sont en vigueur depuis le 11 février 2000 » appuient fortement l'interprétation de l'intimée.

[6]      L'emploi du futur au paragraphe 4 renforce d'autant plus l'interprétation de l'intimée. La CABC a tenu compte des répercussions fiscales en rétablissant l'ordonnance prononcée en avril 1996 et a clairement indiqué que la déduction et l'inclusion des paiements de pension alimentaire dans le revenu seraient applicables à l'égard des paiements « ultérieurs » et non à l'égard de « tous » les paiements, des paiements « antérieurs » , ou des paiements versés « entre avril 1998 et février 2000 » .

[7]      Plusieurs éléments ont compliqué les choses. Les motifs rendus oralement à la première audience devant la CABC, le 11 février 2000 ne contiennent aucune indication ou intention voulant que la période entre le mois d'avril 1998 et le mois de février 2000 soit traitée différemment des autres périodes la précédant ou la suivant immédiatement. En fait, l'emploi du présent au paragraphe 16 pour décrire la situation fiscale des paiements de pension alimentaire appuie l'interprétation de l'appelant. Les motifs rendus oralement ne permettent pas de trancher la question. Un mémoire de suivi daté du 4 août 2000a été présenté, de même qu'une lettre de suivi datée du 15 septembre 2000. Le contenu de la lettre appuie les deux interprétations. Il ne s'avère donc pas utile de l'examiner davantage dans ses moindres détails.

[8]      Toutefois, les motifs rendus oralement à la deuxième audience tenue devant la CABC, le 6 décembre 2000, ne facilite l'interprétation de ni l'une ni l'autre des positions puisqu'ils n'énoncent les conditions de l'ordonnance qu'a prononcée la CABC que de façon sommaire. Le mémoire du registraire de la CABC daté du 4 août 2000 permet de mieux déterminer qu'elle était l'intention de la CABC en employant la phrase « sont annulées sans effet rétroactif » . Il énonce que l'ordonnance entre en vigueur à la date du jugement de la Cour d'appel (soit le 11 février 2000) et que les aliments versés avant que la Cour d'appel ne prononce l'ordonnance n'est pas en cause. Marilyn a déclaré que si tel avait été le cas, elle aurait été tenue de rembourser une somme considérable à l'appelant. Manifestement, la CABC n'a pas eu l'intention de pénaliser Marilyn à l'égard de sommes qui avaient été déjà versées et perçues en vertu des ordonnances de 1998 et de 1999. Par ailleurs, la Cour d'appel a reconnu que ces ordonnances étaient erronées et qu'il était nécessaire de les annuler.

[9]      Selon l'argument de l'appelant, il est curieux, voir amusant, que la CABC n'a aucune compétence pour rendre des décisions en matière de fiscalité. Son argument est fondé en droit, mais il accepte les effets bénéfiques découlant des ordonnances de la CABC en refusant toutefois d'en assumer les effets négatifs. Les Cours, autres que la Cour canadienne de l'impôt, ne peuvent rendre de décision en matière de fiscalité, mais elles peuvent formuler leur décision de manière à occasionner certaines répercussions fiscales, ce qu'a fait la CABC en l'espèce.

[10]     La Charte des droits et libertés n'est d'aucune aide pour l'appelant. Il n'est l'objet d'aucune discrimination aux termes du paragraphe 15(1) ou de tout autre article. Son argument faisant valoir ses droits en vertu de la Charte est frivole. Dans l'affaire Thibaudeau c. La Reine, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'alinéa 56(1)b) de la Loi était constitutionnellement valide et qu'il ne portait pas atteinte aux droits que garantit la Charte.

[11]     L'appelant est intelligent et s'exprime facilement, bien qu'il se plait, à mon avis, à argumenter. Par exemple, ses plaidoiries, son témoignage, ses observations et la jurisprudence ne lui ont pas été favorables. À quelques reprises, la crédibilité de l'appelant a soulevé des doutes. La jurisprudence à laquelle il a renvoyé la Cour n'étayait pas ce qu'il tentait de démontrer. La preuve documentaire révèle qu'il a souvent omis de verser des paiements de pension alimentaire ou qu'il payait moins que ce qu'il était tenu de verser et qu'il a soulevé un litige interminable et contentieux après son divorce. De même, il est souvent revenu sur sa parole concernant les accords conclus relativement au paiement d'arriérés - par exemple, après avoir assuré la CABC, en février 2000, qu'il verserait la somme de 100 $ par mois pour payer les arriérés. Il n'en avait payé aucun (en fait, il a pris un retard considérable dans ses paiements réguliers) lorsqu'il a comparu devant la CABC pour la deuxième fois en décembre 2000.

[12]     Aucune preuve n'a été présentée pour appuyer l'allégation de l'appelant selon laquelle certains paiements de pension alimentaire en cause pour les années d'imposition 1998 et 1999 sont déductibles au titre de paiements versés antérieurement. Au contraire, la preuve documentaire révèle qu'il n'a même pas versé les paiements réguliers de pension alimentaire qui prévalaient à l'époque, encore moins les paiements d'arriérés. Il n'a pas été en mesure de réfuter les hypothèses du ministre énoncées dans la Réponse à l'avis d'appel et j'ai donc conclu que ces faits étaient exacts.

[13]     Je conclus que la position de l'intimée est fondée et, par conséquent, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de septembre 2003.

« C. H. McArthur »

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2004.

Nancy Bouchard, traductrice



[1]           Voir le Dossier d'appel de l'appelant, onglet 5, page 6 (pièce « A » ) ou le recueil de documents de l'intimée, onglet 9.

[2]           Voir le Dossier d'appel de l'appelant, onglet 5, page 15 (pièce « B » ).

[3]           Voir le Dossier d'appel de l'appelant, onglet 5, page 17 (pièce « C » ) ou le recueil de documents de l'intimée, onglet 10.

[4]           Voir le Dossier d'appel de l'appelant, onglet 5, page 20 (pièce « F » ).

[5]           Voir le Dossier d'appel de l'appelant, onglet 6 (motifs et jugement) ou le recueil de documents de l'intimée, onglet 11 (jugement seulement).

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