Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence : 2005CCI387

Date : 20050818

Dossier : 2004-2399(IT)I

ENTRE :

JACK (JOHN) A. BOLEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à Winnipeg (Manitoba), le 6 mai 2005)

Le juge Margeson

[1]      Cette affaire est très difficile, pas sur le plan du droit, mais c'est une affaire difficile en raison des résultats qu'entraînera la décision, quelle qu'elle soit. Comme je l'ai indiqué à M. Bolen, la Cour ne peut pas trancher l'affaire par sympathie ou compassion pour lui ou de crainte qu'il fasse faillite, bien qu'elle soit très sympathique envers lui et que j'espère que cela ne se produise pas.

[2]      L'appelant a évidemment été obligé de faire cette grosse dépense parce que quelqu'un a rompu une entente avec lui; cela ne fait aucun doute. Il s'en est remis au tribunal pour contester cet état de choses et il a réussi à obtenir quelque restitution. La question ici concerne ce qu'il a reçu par suite de l'action en justice.

[3]      D'après la réponse à l'avis d'appel et d'après ce que l'appelant a dit quand il a témoigné, il est très clair, sans même avoir vu la déclaration (il aurait cependant été utile de la voir), que ce que la Cour a devant elle, c'est la preuve que M. Bolen a présentée et les présomptions qui n'ont pas été réfutées et qui ont été acceptées par l'appelant.


[4]      Dans la réponse, à la page 3, au paragraphe 11, le ministre a dit :

[TRADUCTION]

11.        En établissant ainsi la nouvelle cotisation d'impôt de l'appelant, le ministre a posé les hypothèses de fait suivantes :

a)          L'appelant était propriétaire de concessions minières et détenait des baux miniers dans la région de Fort Frances (le « bien » );

b)          L'appelant a conclu une entente (l' « entente » ) avec Minescape Exploration Inc. ( « Minescape » ) et Wallbridge Mining Company Limited ( « Wallbridge » ) dans le cadre de laquelle l'appelant échangeait les droits miniers à l'égard du bien contre des redevances et des actions de Minescape et de Wallbridge;

c)          Minescape et Wallbridge ont rompu l'entente.

[5]      Selon la preuve présentée, l'appelant a intenté une action en justice contre eux et a engagé des frais juridiques en intentant cette action pour recouvrer ses droits. Qu'a-t-il recouvré? Il a recouvré les droits miniers de Minescape et Wallbridge, ainsi que son droit d'obtenir des renseignements et une base de données.

[6]      Comme il est indiqué au point e) du paragraphe 11 de la réponse, l'appelant s'est vu accorder des droits miniers relativement au bien. D'après la preuve, l'appelant a ensuite transféré les droits à une autre compagnie avec laquelle il faisait affaire. Mais l'action en justice a été intentée par lui pour récupérer les droits qui étaient à lui. Il avait ensuite le droit de transférer ces droits à qui il voulait. Voilà les faits saillants.

[7]      Il n'y avait rien dans la preuve présentée par l'appelant qui puisse contredire ces faits. Il a dit, cependant, qu'il avait reçu 5 000 $ par mois de Hexagon Gold et le droit de propriété sur les droits miniers. Il n'a pas été précisé à la Cour comment cela s'est produit, mais cela n'avait rien à voir avec les droits miniers mêmes.

[8]      L'appelant a dit que tout l'intérêt de la chose pour lui était de retrouver ses droits, d'y travailler un peu et de les transférer ensuite de quelque façon à quelqu'un d'autre et d'en tirer un profit.

[9]      Voilà en quoi consistaient ses activités, depuis le début, selon ce qu'il a dit à la Cour.

[10]     Pour lui, cela représentait un revenu. [TRADUCTION] « Si je ne m'étais pas battu pour recouvrer mes droits, je n'aurais pas eu - il aurait fallu que je recommence tout. »

[11]     Pour lui, c'était tout comme si on lui avait accordé un revenu ou un salaire. Toutefois, la Cour est convaincue, d'après la preuve, que l'action en justice qu'il a intentée n'avait pas pour but de protéger une source de revenu ou de recouvrer des revenus perdus. Elle avait pour but d'obtenir ses droits miniers sur le bien.

[12]     Il n'y a aucun doute dans l'esprit de la Cour que sa poursuite avait pour but de récupérer ces droits miniers. C'est essentiellement ce qu'il a dit dans son témoignage.

[13]     La Cour sait qu'il a dit qu'il est sans abri depuis un an et que sa famille est désunie et que, s'il perd cette cause, il devra peut-être déclarer faillite. Il a dit de plus qu'il a été incapable de se trouver un emploi, que les compagnies minières semblent croire qu'il est en situation de conflit d'intérêts et qu'elles refusent de l'engager. Ces faits, cependant, n'ont rien à voir avec la question de savoir si, par suite de l'action en justice, ce qu'il a reçu avait un caractère d' « immobilisation » ou de « revenu » .

[14]     Il a maintenu catégoriquement que ce qu'il avait fait, c'était d'essayer de protéger son revenu, et, au bout du compte, cela a peut-être été le résultat indirect du retour de ses actions, qu'il a ensuite vendues.

[15]     Mais le revenu qu'il a eu en fin de compte est un revenu qui a découlé de la vente de ces actions. De toute façon, c'est ce en quoi consistaient ses activités. Il jalonnait des concessions minières, les développait, les vendait à une autre compagnie et obtenait des actions dans l'autre compagnie. Ce qu'il a reçu par suite de l'action en justice, c'est une immobilisation.

[16]     L'intimée a fait valoir que la vraie question était de savoir si ces frais juridiques ont été engagés relativement à une immobilisation ou à du revenu. Si c'était relativement à du revenu, ces frais pouvaient être déduits, comme il a essayé de le faire. Si c'était relativement à une immobilisation, il faudrait alors traiter les dépenses autrement.

[17]     Ce que l'appelant faisait dans le cadre de ses activités, c'était d'acquérir des droits miniers. En jargon fiscal, on appelle ça le « montant cumulatif des immobilisations admissibles » , et c'est ainsi qu'ils doivent être considérés d'après l'intimée. La question est de savoir s'ils avaient un caractère d'immobilisation ou non et si les dépenses en cause étaient déductibles ou non.

[18]     L'avocate de l'intimée s'est référée à l'arrêt Farmers Mutual Petroleums Ltd. c. Le Canada[1], où la Cour suprême du Canada a dit :

[TRADUCTION]

L'objet des poursuites, toutefois, était d'obliger l'appelante à remettre aux propriétaires du bien-fonds les droits miniers dont elle avait fait l'acquisition.

[19]     En l'espèce, la Cour conclut que l'appelant cherchait à protéger l'actif duquel son revenu était tiré, comme dans cette affaire-là.

[20]     Dans l'arrêt susmentionné, la Cour suprême a dit :

[TRADUCTION]

[...] et la preuve le confirme, que ces droits constituaient un capital immobilisé et étaient ainsi considérés par l'appelante. Au moment du litige, le total des droits miniers dont l'appelante avait fait l'acquisition, lesquels étaient tous du type visé par le litige, représentaient tous les biens en immobilisation de celle-ci. L'appelante n'en faisait pas le commerce, mais avait l'intention de les conserver indéfiniment.

[21]     En l'espèce, l'appelant, quand les droits lui ont été restitués par suite de l'action en justice, les a transférés à quelqu'un d'autre, ce qu'il avait le droit de faire.

[22]     En outre, la Cour suprême, dans l'arrêt Farmers Mutual Petroleums Ltd., précité, a dit :

[TRADUCTION]

C'est dans le but de protéger ces biens en immobilisation contre toute attaque que les frais judiciaires liés au litige ont été engagés et, pour reprendre les propos du juge Dixon (devenu par la suite juge en chef) dans la décision Hallstrom Pty. Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation, (1946) 72 C.L.R. 634, à la page 650, relativement aux coûts engagés pour défendre un titre de propriété :

[...]

Le fait que les baux, ainsi que les droits miniers, acquis par l'appelante aient été davantage liés à la production d'un revenu que la franchise dont il était question dans l'affaire Dominion n'influe pas, en principe, sur la question en l'espèce. Il est pertinent en ce qui a trait à l'application de l'alinéa 12(1)a), mais pour ce qui est de l'alinéa 12(1)b), il faut se demander si le débours a été engagé dans le but de conserver un bien en immobilisation. À mon avis, il l'a manifestement été et, le cas échéant, l'alinéa 12(1)b) en empêche la déduction.

[23]     En l'espèce, la Cour est convaincue que, lorsqu'elle pose cette question, elle obtient les mêmes résultats.

[24]     L'avocate de l'intimée s'est également référée à la décision Sunshine Mining Co. c. Le Canada[2], qui renferme des commentaires de nature plus générale :

Le principe général est qu'une transaction par laquelle on acquiert un bien ou un avantage durable pour l'entreprise est une opération en capital.

[25]     Lorsqu'on applique ce principe à ce que l'appelant a acquis ici par suite de l'action en justice, il faut conclure que ce qu'il en a retiré c'est une immobilisation.

[26]     Au paragraphe 15, la Cour a dit :

[...] je suis convaincu[e] que les sommes payées par la demanderesse à la Dolly Varden représentaient, de par leur vraie nature, le prix d'achat effectivement payé pour la moitié des concessions minières de la Dolly Varden, c'est-à-dire une dépense manifestement faite pour l' « acquisition d'un bien en vue du développement de l'organisation commerciale de la demanderesse » et, en tant que telles, représentaient, à mon avis, une dépense à compte de capital.

[27]     Au paragraphe 17,

Les faits de l'espèce concernent la propriété de droits et de permis miniers et de concessions minières; c'est là un exemple classique du genre de situation envisagée dans la dernière citation et, à mon avis, il s'agit d'un cas évident de véritables biens de capital.

[28]     Ayant lu ces motifs de jugement et les appliquant aux faits en l'espèce, la Cour n'éprouve aucune hésitation, bien que ce soit à regret, à conclure que ce que l'appelant essayait de faire en intentant l'action en justice et en engageant des frais juridiques, c'était d'obtenir une immobilisation. En ce qui regarde la Cour, le ministre a eu raison de refuser la déduction des frais juridiques comme dépense et de les admettre comme dépenses en immobilisations.

[29]     C'est à regret que la Cour doit rejeter l'appel et confirmer la cotisation du ministre.

                Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 18e jour d'août 2005.

« T. E. Margeson »

Le juge Margeson

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2007.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI387

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-2399(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               JACK (JOHN) A. BOLEN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 6 mai 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge T. E. Margeson

DATE DU JUGEMENT :                    Le 18 août 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Tracey Telford

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :

                   Nom :                             

                   Étude :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)



[1]           [1968] R.C.S. 59.

[2]           [1975] C.F. 415.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.