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Dossier : 2000-2170(IT)G

ENTRE :

LARRY PETERSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 15, 16 et 17 septembre 2003 à Sault Ste. Marie (Ontario)

Par l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions

Avocat de l'appelant :

Me Gregory J. DuCharme

Avocats de l'intimée :

Me Peter M. Kremer, c.r. et Me Justine Malone

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 sont accueillis, avec dépens, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations sur la base suivante :

a)        pour 1995, l'appelant peut déduire, lorsqu'il calcule son revenu, la somme de 24 000 $, qu'il a versée à titre de pension alimentaire pour enfants en paiements mensuels égaux pendant l'année;

b)       pour 1996, l'appelant peut déduire, lorsqu'il calcule son revenu, la somme de 24 000 $, qu'il a versée à titre de pension alimentaire pour enfants en paiements mensuels égaux pendant l'année;

c)        pour 1996, l'appelant peut déduire, lorsqu'il calcule son revenu, la somme de 36 000 $, qu'il a versée en décembre 1996 au titre des arriérés de pension alimentaire pour enfants;

d)       pour 1997, conformément à l'accord entre les parties, l'appelant peut déduire, lorsqu'il calcule son revenu, les trois sommes suivantes :

(i)       des honoraires s'élevant à 4 513 $;

(ii)       des dépenses d'emploi s'élevant à 19 500 $ concernant une demande pour congédiement injustifié;

(iii)      des paiements de pension alimentaire pour enfants s'élevant à 42 000 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'octobre 2003.

« M. A. Mogan »

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mars 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice


Dossiers : 98-2469(IT)I

2000-3286(IT)I

ENTRE :

PATRICIA TOSSELL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 15, 16 et 17 septembre 2003 à Sault St. Marie (Ontario)

Par l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions

Avocat de l'appelante :

Me Christopher P. FitzGerald

Avocats de l'intimée :

Me Peter M. Kremer, c.r. et Me Justine Malone

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont rejetés sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'octobre 2003.

« M. A. Mogan »

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mars 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice


Référence : 2003CCI712

Date : 20031008

Dossier : 2000-2170(IT)G

ENTRE :

LARRY PETERSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

98-2469(IT)I

2000-3286(IT)I

ET ENTRE :

PATRICIA TOSSELL,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan

[1]      Larry Peterson a épousé Patricia Boyd en Ontario en 1970. Trois filles sont issues du mariage : Dana (1975), Lisa (1977) et Caroline (1981). Larry et Patricia se sont séparés en 1991 et ont divorcé en 1995 ou en 1996. Après la séparation, Larry a versé des paiements mensuels s'élevant à 2 000 $ à Patricia à partir de la fin de 1991 à 1996 et lui a fait un versement unique s'élevant à 36 000 $ en décembre 1996.

[2]      Lorsqu'il a produit sa déclaration de revenus pour 1995 et 1996, Larry a déduit 24 000 $ à titre de frais d'entretien payés chaque année et, pour 1996, il a également déduit 36 000 $ à titre de frais d'entretien payés. Par voie d'Avis de nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a rejeté, à titre de déductions pour le calcul des revenus de Larry, les sommes suivantes versées à Patricia : 24 000 $ versés en 1995, 24 000 $ versés en 1996 et 36 000 $ versés en décembre 1996. Larry a interjeté appel à l'encontre de ces cotisations devant la Cour (numéro du dossier de la Cour 2000-2170).

[3]      Lorsqu'elle a produit sa déclaration de revenus pour 1995 et 1996, Patricia n'a inclus, dans le calcul de ses revenus, ni les 24 000 $ reçus sur une base mensuelle pour chaque année ni le paiement unique de 36 000 $ reçu en décembre 1996. Par voie d'Avis de nouvelle cotisation, le ministre a inclus, dans le calcul des revenus, les sommes suivantes reçues par Patricia de Larry : 24 000 $ reçus en 1995, 24 000 $ reçus en 1996 et 36 000 $ reçus en décembre 1996. Patricia a interjeté appel à l'encontre de ces cotisations devant la Cour (numéros des dossiers de la Cour 98-2469 et 2000-3286).

[4]      Le 13 mars 2002, le ministre a déposé une demande devant la Cour en vertu du paragraphe 174(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu visant à joindre Patricia Tossell à l'appel de Larry Peterson. Par ordonnance rendue le 26 mars 2002, la Cour a joint Patricia Tossell à l'appel de Larry Peterson en ce qui concerne les cotisations d'impôt sur le revenu établies pour les années d'imposition 1995 et 1996 relativement aux quatre questions suivantes :

          [traduction]

1.          Les paiements globaux s'élevant à 24 000 $ versés à Patricia Peterson (Tossell) par Larry Peterson pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996 doivent-ils être inclus dans le calcul des revenus de Patricia Peterson (Tossell) au motif qu'ils constituaient des paiements au sens de l'alinéa 56(1)b) de la Loi?

2.          Les paiements globaux s'élevant à 24 000 $ versés par Larry Peterson à Patricia Peterson (Tossell) pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996 sont-ils déductibles dans le calcul des revenus de Larry Peterson au titre de paiements au sens de l'alinéa 60b) de la Loi?

3.          Le paiement de 36 000 $ versé à Patricia Peterson (Tossell) par Larry Peterson pour l'année d'imposition 1996 doit-il être inclus dans le calcul des revenus de Patricia Peterson (Tossell) au motif qu'il constituait un paiement au sens de l'alinéa 56(1)b) et du paragraphe 56.1(3) de la Loi?

4.          Le paiement s'élevant à 36 000 $ versé par Larry Peterson à Patricia Peterson (Tossell) pour l'année d'imposition 1996 est-il déductible dans le calcul des revenus de Larry Peterson au motif qu'il constituait un paiement au sens des alinéas 60b) et 60c) de la Loi?

[5]      Le début de l'audition des appels de Larry Peterson et de Patricia Tossell ayant lieu à Sault Ste. Marie a été prévu pour le 15 septembre 2003 sachant que la preuve serait présentée concernant les quatre questions posées dans la demande du ministre en vertu du paragraphe 174(3). Au début de l'audience, l'avocat du ministre et Larry Peterson ont déclaré que toutes les questions soulevées dans son appel concernant l'année d'imposition 1997 avaient été réglées selon des modalités présentées à la Cour. Par conséquent, les seules questions qu'il restait à trancher étaient les quatre questions énumérées dans la demande du ministre en vertu du paragraphe 174(3).

Les faits

[6]      Le 15 septembre 2003, premier jour de l'audience, les parties ont déposé comme pièce 1 un document intitulé [traduction] « Exposé conjoint des faits » signé par les trois avocats représentant respectivement Larry Peterson, Patricia Tossell et le ministre. Les 18 premiers paragraphes de la pièce 1 ne contiennent que les faits. Les paragraphes 19 à 30 de la pièce 1 contiennent un résumé des positions des trois parties concernant les quatre questions devant être tranchées. La pièce 2 est un classeur comportant 11 onglets, de A à K inclusivement, qui contiennent les documents mentionnés dans la pièce 1. Bien que les faits établis aient déjà été énoncés ci-dessus, je vais reproduire la totalité du contenu de la pièce 1 :

          [traduction]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

1.          Patricia Jean Peterson, qui porte maintenant le nom Tossell ( « Patricia » ) et Larry Douglas Peterson ( « Larry » ) se sont mariés le 29 août 1970 et séparés le 1er janvier 1991.

2.          Trois enfants sont issus du mariage de Patricia et de Larry : Dana Patricia Peterson, née le 5 juillet 1975, Lisa Maureen Peterson, née le 1er novembre 1977 et Caroline Jane Peterson, née le 30 avril 1981.

3.          Le 5 septembre 1991, Patricia et Larry ont signé un accord de séparation (l' « accord de séparation » ) aux termes duquel Larry devait verser et Patricia avait droit de recevoir une pension alimentaire pour enfants s'élevant à 24 000 $ pour la période allant du 1er septembre 1991 au 31 août 1992. Conformément à l'accord de séparation, le montant de la pension alimentaire pour enfants payable par Larry à Patricia passerait à 36 000 $, advenant le cas où Patricia serait employée par quelqu'un d'autre que le cabinet d'avocats Peterson & Peterson. L'accord de séparation prévoyait une augmentation annuelle de la pension alimentaire pour enfants fondée sur l'augmentation de l'indice du coût de la vie. Onglet A.

4.          Le 22 mars 1993, ou vers cette date, Larry a commencé à effectuer des paiements qui étaient inférieurs aux montants prévus par l'accord de séparation.

5.          En mai 1993, Patricia a présenté une demande au Régime des obligations alimentaires envers la famille, région du Nord, pour faire appliquer l'accord de séparation en ce qui concerne les paiements.

6.          À partir de juin 1993, Larry a fait des versements de 1 000 $ deux fois par mois directement dans le compte de Patricia tenu par le Régime. Le Régime a versé à Patricia les montants recueillis en son nom. Onglet B.

7.          Le 9 mars 1994, Patricia a entamé une poursuite contre Larry par voie de déclaration devant la Cour de l'Ontario (Division générale) pour faire appliquer les modalités de l'accord de séparation. Larry a déposé une défense et demande reconventionnelle le 21 avril 1994. Onglets C et D.

8.          Par voie de requête en divorce datée du 1er juin 1995, Larry a présenté une requête en divorce contre Patricia. Onglet E.

9.          La poursuite mentionnée au paragraphe 7 a été réglée par procès-verbal de transaction et déposée le 16 décembre 1996. Elle s'est terminée par une ordonnance datée des 16 décembre 1996 et 27 mars 1997 (l' « ordonnance » ) rendue par Mme la juge Pardu. Onglets F et G.

10.        Conformément au paragraphe 6 de l'ordonnance, en décembre 1996, Larry a fait un versement au Régime s'élevant à 36 000 $ pour une pension alimentaire pour enfants supplémentaire, rétroactive et périodique pour les douze mois allant du 1er janvier 1996 au 1er décembre 1996 inclusivement.

11.        Au moment du versement des 36 000 $, le montant des arriérés dus en vertu des modalités de l'accord de séparation s'élevait à environ 56 000 $.

12.        Larry a versé, et Patricia a reçu, des paiements mensuels de 2 000 $ totalisant 24 000 $ pour chacune des années d'imposition 1994, 1995 et 1996.

13.        Lorsqu'elle a produit sa déclaration de revenus pour 1994, Patricia a signalé, à titre de revenus, les paiements de la pension alimentaire pour enfants, s'élevant à 24 000 $, que Larry lui avait versés.

14.        Lorsqu'il a produit sa déclaration de revenus pour 1994, Larry a déduit de ses revenus les paiements de la pension alimentaire pour enfants s'élevant à 24 000 $ versés à Patricia.

15.        Lorsqu'elle a produit ses déclarations de revenus pour 1995 et 1996, Patricia n'a pas signalé, à titre de revenus, les paiements de 24 000 $ que Larry lui avait versés pour ces années. Onglets H et I.

16.        Lorsqu'il a produit ses déclarations de revenus pour 1995 et 1996, Larry a déduit les 24 000 $ qu'il a versés à Patricia à titre de pension alimentaire pour enfants. Onglets J et K.

17.        Lorsqu'elle a produit sa déclaration de revenus pour 1996, Patricia n'a pas signalé, à titre de revenus, le paiement de 36 000 $ que Larry lui avait versé en décembre 1996. Onglet I.

18.        Lorsqu'il a produit sa déclaration de revenus pour 1996, Larry a déduit le paiement de 36 000 $ versé à Patricia en décembre 1996. Onglet K.

POSITION DES PARTIES

Patricia

19.        Selon Patricia, l'accord de séparation est un arrangement contractuel intégré pour le transfert de partenariat, des actifs et du passif commerciaux, l'emploi futur de Patricia par Larry, la résiliation du partenariat juridique des parties, les paiements en remplacement de l'emploi ainsi que pour la pension alimentaire pour enfants en fonction du niveau des autres modalités du contrat énoncées aux paragraphes 2 à 10 de l'accord à l'onglet A.

20.        Patricia allègue que Larry a violé les modalités de l'accord de 1991 le 22 mars 1993, ou vers cette date, et qu'il a dénoncé l'accord au plus tard en 1995, puis encore une fois en 1996 et que, par conséquent, ledit accord n'était pas valide à l'égard des années d'imposition 1995, 1996 et 1997.

21.        Selon Patricia, les paiements globaux s'élevant à 24 000 $ qu'elle a reçus pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996 et le versement de 36 000 $ qu'elle a reçu en décembre 1996 n'ont pas été reçus en vertu d'une ordonnance ou d'un accord valide et ne doivent pas être inclus dans les revenus conformément à l'alinéa 56(1)b) de la Loi.

22.        Patricia allègue également que le versement de 36 000 $ reçu en décembre 1996 était un paiement unique.

23.        Selon Patricia, étant donné que le versement de 36 000 $ n'était pas effectué sur une base périodique, il ne doit pas être inclus dans ses revenus pour 1996 conformément à l'alinéa 56(1)b) de la Loi.

Larry

24.        Larry allègue que les paiements globaux s'élevant à 24 000 $ versés pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996 l'étaient en vertu d'une ordonnance ou d'un accord valide et qu'ils sont déductibles conformément à l'alinéa 60b) de la Loi.

25.        Larry soutient également que le versement de 36 000 $ est déductible conformément à l'alinéa 60b) de la Loi.

Le ministre

26.        Selon le ministre, les paiements s'élevant à 24 000 $ versés par Larry au profit de Patricia, pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996, l'ont été en vertu d'une ordonnance ou d'un accord valide et sont déductibles conformément à l'alinéa 60b) de la Loi.

27.        Le ministre soutient que Patricia doit inclure, dans ses revenus, les paiements s'élevant à 24 000 $ qu'elle a reçus pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996 au motif que les montants tombent sous le coup de l'alinéa 56(1)b) de la Loi.

28.        Le ministre soutient également que Larry a le droit de déduire 24 000 $ de ses revenus pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996, au motif que les paiements tombent sous le coup de l'alinéa 60b) de la Loi.

29.        Le ministre soutient que le paiement de 36 000 $ n'était pas effectué sur une base périodique et que, par conséquent, il ne devait pas être inclus dans les revenus de Patricia pour l'année d'imposition 1996, au motif que le montant ne tombe pas sous le coup de l'alinéa 56(1)b) de la Loi.

30.        Le ministre soutient également que Larry n'a pas le droit de déduire le paiement de 36 000 $ de ses revenus pour l'année d'imposition 1996, au motif que le paiement ne tombe pas sous le coup de l'alinéa 60b) de la Loi.

[7]      La question la plus importante en l'espèce est soulevée dans le paragraphe 20 de la pièce 1 reproduit ci-dessus : il faut savoir si Larry Peterson a dénoncé l'accord de séparation du 5 septembre 1991 (pièce 2, onglet A) avant 1995. La plus grande partie de la preuve concernait cette question. Pour des raisons d'ordre pratique, j'appellerai l'appelant « Larry » , l'appelante « Patricia » et l'accord (pièce 2, onglet A) du 5 septembre 1991 l' « accord de séparation » . Il n'existe aucun autre accord de séparation.

[8]      Dans les présents appels, il est important de reconnaître que Larry et Patricia sont tous deux des avocats. Ils se sont mariés en 1970, avant de commencer leurs études en droit. Ils ont fait leurs études ensemble et ont tous deux été appelés au Barreau de l'Ontario en 1976. Ils exerçaient le droit en partenariat en 1990-1991 lorsque leur mariage s'est rompu. Leur siège social était situé à Sault Ste. Marie, mais ils avaient des cabinets à Bruce Mines et à Blind River qui n'étaient servis que par Larry. Il a déclaré qu'il travaillait au cabinet de Sault Ste. Marie le lundi, à Bruce Mines le mardi et à Blind River le mercredi, à Sault Ste. Marie le jeudi et à Bruce Mines le vendredi. Le père de Larry avait exercé le droit à Bruce Mines. Patricia n'exerçait qu'au cabinet de Sault Ste. Marie pendant des heures réduites car c'était elle qui s'occupait principalement de leurs trois filles.

[9]      Le 2 janvier 1991, Patricia a informé Larry qu'elle souhaitait une séparation, qu'elle voulait que cela se passe dans la discrétion et la confidentialité dans le sens qu'ils continueraient à partager le même logement mais pas la même chambre pendant les prochains mois. Elle lui a dit qu'elle souhaitait que la séparation soit amiable en ce qu'ils accorderaient tous les deux la priorité aux intérêts de leurs trois filles. Larry a accepté la proposition de Patricia. Ils ont continué à résider dans la maison familiale sise au 25 Alworth Place, à Sault Ste. Marie, jusqu'au 1er septembre 1991, date à laquelle Larry est déménagé. Cependant, leur mariage, en tant que tel, a réellement pris fin le 2 janvier 1991 lorsque Patricia a fait état pour la première fois de sa volonté de se séparer de Larry.

[10]     En avril 1991, puis en août 1991, Patricia a suivi deux cours de formation professionnelle continue à l'Université York portant sur la médiation familiale. Même si elle n'était pas spécialisée en droit de la famille, ses connaissances sur le sujet étaient supérieures à celle de Larry. Pendant l'été 1991, Patricia a rédigé, à la main, ce qui devait devenir l'accord de séparation. Parce que leur séparation n'était pas encore connue, l'accord de séparation n'avait pas été rédigé ou dactylographié au bureau. Vers la fin du mois d'août, Larry a ramené son ordinateur à la maison, au 25 Alworth Place, et a dactylographié l'accord de séparation à partir des notes manuscrites de Patricia. Larry est un dactylographe chevronné. Il a témoigné qu'il y a eu des discussions ou négociations entre lui et Patricia alors qu'il dactylographiait, mais il a déclaré que le seul changement important qu'il avait apporté à l'ébauche manuscrite était l'ajout de la dernière phrase du paragraphe 8.

[11]     L'accord de séparation est très détaillé, mais n'est pas bien rédigé car il est trop imprécis. La qualité de la rédaction est compréhensible, compte tenu de l'anxiété et des tensions qui doivent avoir existé dans le foyer Peterson en juillet et en août, lorsque Larry et Patricia vivaient encore sous le même toit, mais que leur séparation de fait datait de sept ou huit mois. Larry est déménagé le 1er septembre 1991. Les dispositions portant sur la pension alimentaire pour enfants sont enchevêtrées avec celles portant sur la continuation de l'emploi de Patricia en qualité d'avocate dans le cabinet d'avocats de son mari. Les dispositions les plus pertinentes de l'accord de séparation portant sur la pension alimentaire pour enfants sont reproduits ci-dessous :

[traduction]

Le rôle parental conjoint continue :

            Patricia et Larry ont décidé de se séparer et s'engagent à continuer d'assumer leur rôle parental envers les enfants nés du mariage.

Principale résidence

            Les enfants auront leur principale résidence chez Patricia et passeront du temps avec Larry à leur avantage mutuel. Patricia et Larry aiment tous deux les enfants issus du mariage et sont engagés à réduire au minimum les répercussions du divorce sur les enfants et à veiller à ce que les enfants grandissent dans un milieu sûr et aimant.

[...]

1.          Larry sera le seul propriétaire de son intérêt dans Bruce-Algo Enterprises Limited - Patricia renonce à son intérêt dans cette propriété - 1/5e de la juste valeur marchande de 300 000 $.

            Patricia sera la seule propriétaire du logement et de son contenu sis au 25 Alworth Place, Sault Ste. Marie - juste valeur marchande de 300 000 $.

[...]

CABINET D'AVOCATS PETERSON & PETERSON

4.          Patricia se retirera du partenariat connu sous le nom de Peterson & Peterson. Tous les honoraires et couvertures de garantie seront versés par le cabinet.

5.          Le 1er septembre 1991, Patricia deviendra une employée du cabinet d'avocats Peterson & Peterson avec un salaire de départ de 50 000 $ plus 24 000 $ (accordés à titre de pension alimentaire pour enfants) par année et se verra garantir un emploi dans le cabinet tant que Larry en sera un partenaire et jusqu'à ce que Patricia atteigne 65 ans, et ce, en remplacement d'un rachat complet. Les intérêts de Patricia dans le cabinet d'avocats seront cédés à Larry en fiducie, et une proportion au pro-rata du capital deviendra la propriété exclusive de Larry pour chaque année pendant laquelle Patricia demeurera employée du cabinet.

6.          Dans l'éventualité où Patricia trouverait un autre emploi convenable à Sault Ste. Marie pour un salaire minimum de 50 000 $, Larry lui versera alors 36 000 $ à titre de pension alimentaire pour enfants et une autre indemnisation pour ses intérêts dans le cabinet d'avocats, lorsque les fonds seront disponibles.

6.1        L'obligation fiscale contractée pendant l'exercice allant du 1er septembre 1990 au 31 août 1991 par Patricia sera réglée par le cabinet. Tous les impôts sur le revenu et autres retenues des employés applicables au salaire de Patricia à partir du 1er septembre 1991 seront déduits de son salaire et remis à Revenu Canada.

PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS

7.          Pour la première année (du 1er septembre 1991 au 31 août 1992), Larry, soit par l'entremise du cabinet, soit en personne, versera à Patricia, à condition qu'elle soit une employée du cabinet d'avocats Peterson & Peterson, une pension alimentaire pour enfants s'élevant à 24 000 $ par année (2 000 $ par mois ou 461,53 $ par semaine).

8.          Si Patricia est employée par un autre employeur, Larry versera à Patricia 36 000 $ par année à titre de pension alimentaire pour enfants et complétera le revenu de Patricia pour qu'il atteigne 50 000 $ au cas où son salaire annuel serait inférieur à 50 000 $. Il est convenu que, si Patricia accepte un emploi avec un salaire inférieur à 50 000 $ par année, Patricia et Larry devront tous deux en convenir.

8.1        La pension alimentaire pour chaque enfant continuera jusqu'à la survenance de l'un des événements suivants :

            -           l'enfant obtient son premier grade ou diplôme de premier cycle;

            -           l'enfant atteint 22 ans;

            -           l'enfant se marie;

            -           l'enfant devient auto-suffisant;

            -           l'enfant décède.

8.2        La pension alimentaire pour enfants augmentera tous les ans sur la base de l'indice du coût de la vie. Le salaire de Patricia versé par le cabinet sera révisé et augmenté lorsque Patricia et Larry en conviendront mais ne sera pas inférieur à 50 000 $ par année.

ÉTUDES POSTSECONDAIRES

9.          Il est convenu que Larry continuera à payer les fonds en fiducie pour l'éducation établis pour chacun des enfants, y compris le montant forfaitaire pour Lisa et Caroline.

10.        Patricia et Larry se partageront les coûts supplémentaires liés aux études postsecondaires des enfants.

[12]     Patricia et Larry ont tous deux longuement témoigné à propos des dispositions susmentionnées, et la règle d'exclusion de la preuve extrinsèque n'a jamais été invoquée, ce qui, à mon avis, est sage. De façon générale, leurs avis concordaient plus souvent qu'ils ne divergeaient quant à la signification des dispositions susmentionnées. Me fondant sur lesdites dispositions et les témoignages de Patricia et Larry, je conclus que l'accord de base portant sur la pension alimentaire pour enfants était le suivant en septembre 1991 :

a)        Larry devait payer 24 000 $ par année à partir du 1er septembre 1991, tant que Patricia était employée par son cabinet d'avocats;

b)       si Patricia cessait d'être employée par le cabinet d'avocats de Larry pour quelque raison que ce soit, ce dernier devait lui verser 36 000 $ par année;

c)        les renvois à un salaire minimum d'avocate s'élevant à 50 000 $ par année, qu'elle travaille pour Larry ou pour quelqu'un d'autre, ne constituaient pas, directement ou indirectement, une forme de pension alimentaire pour enfants, car ces renvois avaient trois autres objectifs : (i) les gains de Patricia en qualité d'avocate, (ii) l'acquisition, par Larry, des intérêts de Patricia dans le cabinet d'avocats (voir les paragraphes 5 et 6) et (iii) la garantie pour Patricia d'un niveau minimal de pension alimentaire comme des frais d'entretien ou des aliments (voir les paragraphes 8 et 8.2 plus le témoignage oral de Patricia).

[13]     À partir de septembre 1991, le salaire minimum de 50 000 $ et la pension alimentaire pour enfants de 24 000 $ étaient tous deux payés par le cabinet d'avocats Peterson, comme si la rémunération brute de Patricia s'élevait annuellement à 74 000 $. Les paiements mensuels réels étaient compliqués par le fait que Patricia utilisait une voiture du cabinet pour laquelle elle payait 6 000 $ par année. Par conséquent, les paiements en argent liquide lui étant faits chaque mois étaient déterminés grâce au calcul suivant :

Salaire annuel

50 000 $

Moins indemnité pour la voiture

6 000

Total partiel

44 000

Plus pension alimentaire pour enfants

24 000

Somme nette payée sur 12 mois

68 000 $

Larry a expliqué que le cabinet d'avocats effectuait les retenues à la source (impôt sur le revenu, a.-e. et RPC) sur seulement 50 000 $, et que seulement 50 000 $ étaient considérés comme une dépense lors du calcul des profits du cabinet d'avocats, bien que ce dernier ait également été la source des paiements au titre de la pension alimentaire pour enfants. Je prends pour acquis que chaque paiement mensuel de 2 000 $ effectué par le cabinet d'avocats à titre de pension alimentaire pour enfants était imputé à Larry en tant que retrait mais aucune preuve précise n'a été déposée sur ce point.

[14]     L'accord de séparation semble avoir fonctionné sans problème de septembre 1991 à mars 1993. Larry payait la pension alimentaire pour enfants s'élevant à 2 000 $ par mois, il déduisait lesdits montants lorsqu'il calculait son revenu et Patricia déclarait ces montants comme faisant partie de ses revenus. En mars 1993, Larry a conclu que son cabinet d'avocats était en situation de crise financière. Il a convoqué une réunion pour le samedi 20 mars mais Patricia ne s'est pas présentée. Le lundi 22 mars, Larry a envoyé une lettre de deux pages à Patricia (pièce T-1, onglet 3) exprimant sa déception face à son absence à la réunion. Je reproduis ci-dessous les trois déclarations les plus importantes, à mon avis, se trouvant dans la lettre :

          [traduction]

1.         D'août 1992 à février 1993, tes factures mensuelles moyennes s'élèvent à 3 472 $

2.          Tu reçois un salaire mensuel brut de 5 667 $.

3.          Ton salaire est réduit de moitié pour atteindre 34 000 $.

Les deuxième et troisième déclarations montrent le danger qui réside dans l'enchevêtrement de la pension alimentaire pour enfants et du salaire annuel de Patricia en qualité d'avocate. Dans la deuxième déclaration, le montant indiqué de 5 667 $ est un douzième de 68 000 $ qui, comme l'indique le paragraphe 13 ci-dessus est un montant combinant la pension alimentaire pour enfants au salaire annuel moins l'indemnité pour la voiture. Dans la troisième déclaration, le montant de 34 000 $ représente la moitié du même montant combiné s'élevant à 68 000 $.

[15]     Si la troisième déclaration est lue littéralement, elle n'a aucun sens, car Patricia n'a jamais reçu un salaire de 68 000 $. Lorsqu'il a rédigé cette troisième déclaration, Larry pensait seulement à l'argent liquide net (68 000 $) versé par son cabinet à Patricia sur une base annuelle à titre de pension alimentaire pour enfants et de salaire. Dans le paragraphe 12 ci-dessus, j'ai résumé l'accord de base entre les parties quant à la pension alimentaire pour enfants comme exigeant, en partie, que Larry verse 24 000 $ par année tant que Patricia serait employée par son cabinet d'avocats. Le montant de la pension alimentaire pour enfants payable par Larry était déterminé, dans l'accord de séparation, sans égard à la rémunération annuelle de Patricia en sa qualité d'avocate. Par conséquent, j'interprète la troisième déclaration comme signifiant que la pension alimentaire pour enfants devait continuer au montant de 24 000 $ par année après mars 1993 et que le salaire de Patricia était réduit à 10 000 $ (24 000 $ plus 10 000 $ égale 34 000 $).

[16]     Lorsqu'elle a reçu la lettre de Larry datée du 22 mars (pièce T-1, onglet 3), Patricia a obtenu des conseils juridiques auprès de Me Lorna E. Rudolph, une avocate de Sault Ste. Marie. La lettre envoyée par Me Rudolph à Larry datée du 14 avril 1993 (pièce T-3) déclare en partie ceci :

          [traduction]

Il en résulte que vous devez payer, à Patricia, le salaire annuel de 50 000 $ en vertu du contrat de travail, et que vous devez lui verser 24 000 $ par année à titre de pension alimentaire pour enfants.

[...] le fait que vous ayez décidé de regrouper la pension alimentaire pour enfants et son salaire [...]

Ces déclarations se trouvant dans la lettre de Me Rudolph sont une indication claire du fait que Patricia considérait son salaire comme étant totalement distinct de la pension alimentaire pour enfants.

[17]     Après avoir reçu la lettre de Larry datée du 22 mars, Patricia n'est jamais retournée au cabinet d'avocats de Larry en qualité d'employée régulière. Elle a travaillé sur quelques dossiers qui ont été facturés par le bureau de Larry. Elle a rapporté d'autres dossiers (un grand nombre de dossiers d'aide juridique) à la maison et elle les a facturés elle-même. À la fin de mai 1993, Patricia avait décidé d'exercer le droit par elle-même à partir de sa résidence. La pièce T-1, onglet 2 contient cinq talons de chèque pour des chèques émis par le cabinet de Larry au profit de Patricia comme suit :

Date pour 1993

Brut

Net

20 mars

2 606,60 $

1 803,86 $

3 avril

1 303,30

1 092,42

16 avril

1 303,30

1 092,42

1er mai

1 303,30

1 092,42

15 mai

846,76

709,86

Le premier chèque représente son salaire pour deux semaines sur la base d'une rémunération brute annuelle de 68 000 $. Les trois prochains représentent son salaire pour deux semaines sur la base d'une rémunération brute annuelle de 34 000 $. Larry a inscrit, sur le talon du premier chèque [traduction] « Indemnité de pension alimentaire pour enfants 2 000 $ » et sur le talon du quatrième chèque, [traduction] « Indemnité de pension alimentaire pour enfants 1 000 $ » . Ces inscriptions m'indiquent que Larry considérait la pension alimentaire pour enfants comme une charge de premier rang sur les montants versés à Patricia au moyen du livre de paie du cabinet d'avocats. Patricia a témoigné qu'elle n'avait encaissé aucun des cinq chèques avant d'avoir reçu des conseils juridiques indépendants lui indiquant que l'encaissement des chèques ne serait pas interprété comme allant à l'encontre de ses propres intérêts.

[18]     Patricia ne considérait aucun des cinq chèques comme le paiement de la pension alimentaire pour enfants. En mai 1993, elle a présenté une demande au Régime des obligations alimentaires envers la famille de l'Ontario (Régime) pour faire exécuter les paiements de la pension alimentaire pour enfants exigés en vertu de l'accord de séparation. Son affidavit pour étayer sa demande au près du Régime constitue la pièce T-1, onglet 4. À partir de juin 1993, Larry a versé 1 000 $ deux fois par mois dans le compte de Patricia tenu par le Régime, et ce dernier lui remettait les sommes. La pièce 2, onglet B est une récapitulation préparée par le Régime indiquant les montants accumulés et recueillis pour Patricia au cours de la période allant du 25 mai 1993 au 3 juin 1998. À partir du 1er juin 1993, le premier jour de chaque mois, le Régime ajoutait 3 000 $ à titre de [traduction] « montant dû » . Je prends pour acquis que le Régime ajoutait le montant de 3 000 $, soit parce que Patricia leur avait dit que c'était le montant de la pension alimentaire, soit parce qu'ils avaient lu l'accord de séparation et conclu que la pension alimentaire pour enfants s'élevait à 3 000 $ par mois après que Patricia avait cessé d'être employée par le cabinet d'avocats de Larry.

[19]     Le Régime ajoutait 3 000 $ chaque mois à titre de [traduction] « montant dû » , mais ne recevait que 2 000 $ chaque mois versé par Larry. Au fil du temps, suivant cet état de faits, le Régime accusait un solde croissant d'arriérés dus par Larry. Les arriérés de départ (8 182 $) indiqués dans la récapitulation du Régime n'ont jamais été expliqués en détail, mais une portion doit représenter la période allant de mars à mai 1993 lorsque Larry a diminué les paiements en provenance de son cabinet d'avocats destinés à Patricia. Au cours de la période de 43 mois allant du 1er juin 1993 au 31 décembre 1996, le résumé du Régime indique que Larry a effectué 85 paiements de 1 000 $ chacun à raison de deux paiements par mois. En outre, Patricia reconnaît que Larry a payé 2 000 $ pendant cette période pour lesquels il n'a pas été crédité dans la récapitulation du Régime. Par conséquent, pendant les 43 mois allant de juin 1993 à décembre 1996 inclusivement, Larry a payé, soit par l'entremise du Régime (85 000 $), soit directement à Patricia (2 000 $), un montant total s'élevant à 87 000 $.

[20]     Il ne fait aucun doute que, pendant la période allant de juin 1993 à décembre 1996, Larry payait la pension alimentaire pour enfants au taux de 2 000 $ par mois, alors qu'il aurait dû verser 3 000 $ par mois, parce que Patricia avait cessé d'être employée par son cabinet d'avocats. En mars 1994, Patricia a déposé une déclaration devant la Cour de l'Ontario (Division générale) (pièce 2, onglet C), et a poursuivi Larry pour l'exécution en nature de l'accord de séparation, pour dommages-intérêts pour violation du contrat, pour dommages-intérêts pour congédiement injustifié et autres articles. En avril 1994, Larry a déposé une défense et demande reconventionnelle (pièce 2, onglet D).

[21]     Le 1er juin 1995, Larry a déposé une requête en divorce devant la Cour de l'Ontario (Division générale) concernant son mariage avec Patricia (pièce 2, onglet E). La requête semble être un formulaire type d'environ 12 pages, car de nombreuses dispositions « passe-partout » sont éliminées car elles sont inapplicables. Dans leur témoignage oral, tant Patricia que Larry ont abondamment parlé des articles 27 à 30 de la requête en divorce. Parce que ces articles sont importants, je vais les reproduire ci-dessous tels qu'ils apparaissent dans la pièce 2, onglet E, sauf quelques termes non utilisés que j'omettrai :

[traduction]

27.a)     Les arrangements qui existent entre les conjoints pour la pension alimentaire des enfants sont les suivants :

Montant payé

Période

(hebdomadaire, mensuel, etc.)

Payé par

(époux ou épouse)

Payé pour

(nom de l'enfant)

666,67 $

mensuel

époux

Dana

666,67 $

mensuel

époux

Lisa

666,67 $

mensuel

époux

Caroline

   b)       Les arrangements actuels relatifs à la pension alimentaire sont honorés

28.        Les besoins des enfants en matière d'éducation sont satisfaits

29.        Ce qui suit représente toutes les autres procédures judiciaires liées au mariage ou à l'un ou l'autre des enfants issus du mariage :

           

            Une action a été intentée devant la Cour de l'Ontario (Division générale) dans le district d'Algoma; numéro du dossier de la Cour 13224-94.

CONTRATS FAMILIAUX ET ARRANGEMENTS FINANCIERS

30.        Les conjoints ont conclu les contrats familiaux et autres arrangements financiers, écrits ou oraux suivants :

Date                              Nature du contrat ou de l'arrangement               État

Il n'existe aucun accord oral ou écrit.

[22]     L'article 30 de la requête en divorce est tout simplement faux, car Larry et Patricia avaient signé l'accord de séparation le 5 septembre 1991 et, en juin 1995, lorsque Larry a déposé la requête en divorce, il versait une pension alimentaire pour enfants de 2 000 $ par mois. Lorsque Patricia a lu l'article 30, elle a conclu (i) que Larry avait dénoncé l'accord de séparation, (ii) que la pension alimentaire pour enfants de 2 000 $ par mois qu'elle recevait en 1995 n'était pas versée en vertu d'un accord écrit et (iii) qu'elle n'était pas obligée d'inclure, dans ses revenus, la somme de 24 000 $ que Larry lui avait versée en 1995. L'Avis d'appel de Patricia déposé devant la Cour pour 1995 était libellé, en partie, de la façon suivante :

[traduction]

Larry Peterson ne payait pas la pension alimentaire pour enfants conformément à l'accord de séparation de 1991 car, dans la requête en divorce datée du 1er juin 1995, il a déclaré, par écrit, au tribunal de divorce qui lui a accordé son divorce qu' « il n'existait aucun accord oral ou écrit » en vigueur entre les parties. Il payait unilatéralement 2 000 $ par mois [...]

De même, dans son Avis d'appel à la Cour pour 1996, Patricia a déclaré, en partie :

[traduction]

[...] Larry Peterson a également soutenu, dans sa requête en divorce de 1995, qu'il n'existait aucun accord oral ou écrit en vigueur entre les parties et a déclaré qu'il me payait volontairement 2 000 $ par mois à titre de pension alimentaire pour enfants. Bien que j'aie cherché à faire exécuter l'accord par le Bureau des obligations familiales puis par la Cour de l'Ontario (Division générale) entre mars 1993 et décembre 1996, je n'ai pas réussi.

Dans le dernier passage cité, Patricia a fait une déclaration qui est manifestement erronée : [traduction] « Larry Peterson [...] dans sa requête en divorce de 1995 [...] a déclaré qu'il me payait volontairement 2 000 $ par mois à titre de pension alimentaire pour enfants » . Larry n'a fait aucune déclaration de la sorte dans la requête en divorce.

[23]     Larry a tenté d'expliquer l'article 30 en disant qu'il pensait qu'il renvoyait à de [traduction] « nouveaux » accords écrits ou oraux. Je ne sais pas ce qu'il signifie par « nouveaux » , et cela n'a pas été expliqué lors des témoignages. Me Matti E. Mottonen était l'avocat de Larry pour la poursuite intentée par Patricia en 1994 et pour la requête en divorce qu'il a déposée en 1995. Me Mottonen a témoigné, dans la présente affaire, et a déclaré que l'article 30 était une erreur ou une omission, car il était manifestement erroné. À son avis, il ne faisait aucun doute que l'accord de séparation était en vigueur. Me Mottonen a également fait remarquer que l'article 29 de la requête en divorce renvoyait à la poursuite intentée en 1994 par Patricia dans laquelle elle et Larry se fondaient sur l'accord de séparation. La déclaration de Patricia comportait 37 paragraphes et la défense et demande reconventionnelle de Larry en comptait 91. Bien que l'article 30 soit erroné en ce qui concerne un fait pertinent, lorsque j'examine le renvoi précis à la poursuite en justice effectué à l'article 29, il m'est impossible de conclure que Larry ou Me Mottonen avait l'intention de tromper la Cour de l'Ontario lors de l'instance en divorce.

[24]     Comme en fait état le paragraphe 9 de la pièce 1 (exposé conjoint des faits), la poursuite intentée par Patricia contre Larry devant la Cour de l'Ontario (Division générale) a été réglée en décembre 1996. Une conférence préparatoire a eu lieu le 16 décembre 1996 en présence de Mme la juge Pardu. Il semble que cette conférence ait duré un peu plus de huit heures, du milieu de la matinée jusqu'au début de la soirée. À la fin de la conférence, un procès-verbal de transaction a été signé par Patricia et Larry ainsi que par leurs avocats respectifs. Le procès-verbal de transaction (pièce 2, onglet F) était rédigé à la main par l'avocat de Larry, Me Matti E. Mottonen, un avocat de Sudbury. Le paragraphe 6 du procès-verbal de transaction manuscrit est ainsi libellé :

          [traduction]

(6)         Le défendeur paiera rétroactivement, à la demanderesse, une pension alimentaire pour enfants supplémentaire périodique s'élevant à 36 000 $ pour les 12 mois allant du 1er janvier 1996 au 1er décembre 1996 inclusivement pour chaque enfant susmentionné. Les paiements sont imposables pour la demanderesse et déductibles des revenus du défendeur.

[25]     Le 31 décembre 1996, une conversation a eu lieu entre Larry et sa fille aînée, Dana (alors en deuxième année d'université), au cours de laquelle il a déclaré quel montant de pension alimentaire il lui paierait à l'avenir. Lorsque Dana a fait état de la conversation à sa mère, cette dernière a conclu que Larry était ou se trouverait en violation du procès-verbal de transaction. Mme la juge Pardu n'avait pas encore rendu une ordonnance pour la mise en oeuvre du procès-verbal de transaction. Patricia a par conséquent déposé une nouvelle requête devant Mme la juge Pardu pour l'interprétation du procès-verbal de transaction et son exécution grâce à une ordonnance du tribunal. La requête a été examinée par la juge Pardu le 27 mars 1997. Elle a dicté un mémoire de trois pages déposé au dossier (pièce T-1, onglet 10) puis a rendu une ordonnance (pièce 2, onglet G) portant les dates des 16 décembre 1996 et 27 mars 1997 qui reflétait, au fond, le procès-verbal de transaction. Le paragraphe 6 de l'ordonnance (pièce 2, onglet G) déclare ceci :

[traduction]

6.        LE TRIBUNAL ORDONNE que le défendeur doit payer rétroactivement à la demanderesse une pension alimentaire pour enfants supplémentaire périodique s'élevant à 36 000 $ pour les douze mois allant du 1er janvier 1996 au 1er décembre 1996 inclusivement pour chaque enfant susmentionné né du mariage. Les paiements sont imposables pour la demanderesse et déductibles des revenus du défendeur.

Analyse - Larry a-t-il dénoncé l'accord de séparation?

[26]     Selon le principal argument de l'avocat de Patricia, Larry a violé l'accord de séparation le 22 mars 1993, ou vers cette date, et il a dénoncé l'accord avant 1995, puis une nouvelle fois en 1996. Voir le paragraphe 20 de la pièce 1 reproduite au paragraphe 6ci-dessus. Patricia se fonde sur la dénonciation, car si Larry avait dénoncé l'accord de séparation, les paiements mensuels de 2 000 $ qu'il a effectués après ladite dénonciation ne seraient pas « reçu [...] en vertu d'un accord écrit » au sens de l'alinéa 56(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu tel qu'il s'appliquait aux années d'imposition 1995 et 1996.

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenue d'un contribuable pour une année d'imposition :

a)           [...]

b)          un montant reçu par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du contribuable ou d'enfants de celui-ci ou aux besoins à la fois du contribuable et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint tenu d'effectuer le paiement, au moment de la réception du paiement et durant le reste de l'année;

[27]     Patricia se fonde sur la preuve suivante pour étayer son argument selon lequel Larry avait dénoncé l'accord de séparation. Premièrement, dans les états financiers qu'il a déposés à l'égard de la poursuite intentée par Patricia (pièce T-1, onglet 6), il a attribué une valeur à certains biens répartis entre lui et Patricia dans l'accord de séparation qui était différente de la valeur utilisée dans ledit accord. Deuxièmement, il conservait tous les loyers pour l'immeuble dans lequel il exerçait le droit alors qu'en vertu du paragraphe 3 de l'accord de séparation, lui et Patricia étaient tenants communs de cet immeuble. Troisièmement, il a réduit le salaire de Patricia à moins de 50 000 $, en contradiction avec les termes du paragraphe 5 de l'accord de séparation. Quatrièmement, l'importante réduction du salaire de Patricia, effectuée par Larry le 22 mars 1993, constituait un congédiement déguisé et une violation de l'une des modalités fondamentales de l'accord de séparation. J'examinerai ces arguments à tour de rôle.

[28]     Premièrement, bien que la valeur des biens dont il est fait mention dans les états financiers de Larry (pièce T-1, onglet 6) diffère de celle de l'accord de séparation, je ne considère pas ses valeurs différentes comme constituant même une violation de l'accord de séparation, et encore moins une dénonciation. Les états financiers ont été élaborés en mai 1994, presque trois années après la rédaction de l'accord de séparation datant de septembre 1991. Dans les paragraphes 1, 2 et 3 de l'accord de séparation, Larry et Patricia sont allés trop loin dans un esprit de coopération pour atteindre un équilibre entre les valeurs des divers biens qu'ils se partageaient et se répartissaient. Selon leurs témoignages communs, ils tentaient, au cours de l'été 1991, de se séparer à l'amiable. En mai 1994, Patricia a poursuivi Larry, réclamant des montants considérables et, dans ses états financiers, il avait le droit de réexaminer rétrospectivement la valeur des biens qui n'avait jamais été mise à l'épreuve sur le marché.

[29]     Deuxièmement, étant donné le fait qu'ils possédaient en commun l'immeuble dans lequel Larry avait son cabinet d'avocats, si ce dernier et Patricia, en leur qualité de propriétaires et de locateurs, tiraient des gains de la propriété, Larry était obligé de partager les profits à égalité avec Patricia. Il n'existe aucune preuve que la propriété de l'immeuble générait des profits. Y avait-il d'autres locataires que le cabinet d'avocats de Larry? L'immeuble était-il grevé d'une hypothèque? Quelles étaient les dépenses annuelles? Le loyer était-il adéquat pour couvrir les dépenses et la dépréciation? Même s'il existait un [Traduction] « profit du propriétaire » que Larry n'avait pas partagé avec Patricia, il ne violerait que le paragraphe 3 de l'accord de séparation. Une telle violation pourrait être corrigée par l'ordonnance d'un tribunal intimant à Larry, en sa qualité de copropriétaire, de rendre des comptes à Patricia, en sa qualité d'autre copropriétaire. Une telle violation ne constituerait pas une dénonciation.

[30]     J'examinerai ensemble les troisième et quatrième arguments concernant la dénonciation en me penchant sur la lettre de Larry du 22 mars 1993 (pièce T-1, onglet 3) qui réduisait le salaire de Patricia, l'obligeant à quitter le cabinet d'avocats. Cette conduite de Larry pourrait constituer une violation importante du contrat. Je dis « pourrait » car il y avait un conflit entre les témoignages de Larry et de Patricia en ce qui concerne les obligations qui incombaient à cette dernière en sa qualité d'avocate employée. Dans sa déclaration (pièce 2, onglet C), Patricia alléguait ceci :

[traduction]

24.        Les parties avaient l'intention, grâce à leur accord, de garantir :

1)          un niveau de rémunération et de soutien financier suffisant à l'épouse pour lui permettre de continuer d'offrir aux enfants le niveau de vie qui existait avant la séparation;

2)          des périodes qui permettraient à l'épouse de s'acquitter de ses responsabilités en matière de soins donnés aux enfants;

3)          une période qui permettrait à l'épouse d'élargir son expérience juridique qui, étant donné le temps passé à s'occuper des enfants; était limitée au travail d'un avocat, particulièrement dans le domaine des successions.

25.        La contrepartie des paiements versés à l'épouse en vertu de l'accord était la suivante :

1)          le transfert, en fiducie, à l'époux, de son intérêt dans Peterson & Peterson, y compris les créances, le travail en cours et un report de l'indemnisation pour sa part du cabinet d'avocats;

2)          la prestation de services en tant qu'employée de Peterson & Peterson;

3)          les paiements à la place de l'entretien du conjoint qui constituaient une dépense d'entreprise déductible;

4)          une pension alimentaire pour enfants fixe.

Dans sa défense et demande reconventionnelle (pièce 2, onglet D), Larry a nié les paragraphes 24 et 25 de la déclaration et il a allégué ceci, au paragraphe 35 :

[traduction]

35.        [...] la demanderesse s'était engagée à être employée de façon permanente et à temps plein en qualité d'employée de la Société d'avocats Peterson & Peterson. La demanderesse a négligé ses obligations et, en fait, ne s'est pas acquittée, à temps plein et de façon permanente, des tâches de son emploi auprès du cabinet. [...] après la signature de l'accord de séparation, la demanderesse a choisi de ne pas travailler diligemment dans le cabinet d'avocats du défendeur, ni de gagner un salaire raisonnable et approprié. [...]

et au paragraphe 36 :

[Traduction]

36.        [...] la demanderesse a volontairement mis fin à son emploi avec le cabinet d'avocats du défendeur. [...] le travail de la demanderesse était inférieur aux normes acceptables, et la facturation de la demanderesse était extrêmement basse et inférieure à la norme affichée par la demanderesse avant la signature de l'accord de séparation le 2 septembre 1991. [...]

[31]     La question de l'allégation de congédiement injustifié de Patricia en mars 1993 constituait une portion importante de la poursuite intentée par celle-ci à l'encontre de Larry en mars 1994. Cette poursuite a été réglée par voie de procès-verbal de transaction (pièce 2, onglet F) signé le 16 décembre 1996 et par ordonnance du tribunal rendue le 27 mars 1997 (pièce 2, onglet G). Lors de l'audience devant la Cour, Patricia a témoigné en premier, suivie de Larry. Après le témoignage de Larry, l'avocat de Patricia a déclaré qu'il allait la rappeler pour répondre au témoignage et il a proposé d'appeler deux nouveaux témoins qui soutiendraient son allégation de congédiement injustifié en mars 1993. L'avocat de Larry et les avocats du ministre se sont opposés au témoignage des deux témoins au motif de la pertinence. L'avocat de Larry a également déclaré que si deux nouveaux témoins pour Patricia recevaient l'autorisation de témoigner, il appellerait deux autres nouveaux témoins pour soutenir la position de Larry selon laquelle sa lettre du 22 mars 1993 était justifiée.

[32]     J'ai décidé de ne pas entendre de nouveaux témoins sur la question de savoir si Patricia avait été congédiée de façon injustifiée en mars 1993, car cette question n'est pas pertinente à l'égard des quatre questions que je dois trancher dans le cadre de la procédure portant sur l'article 174. Voir les paragraphes 4 et 5 ci-dessus. Cette question aurait pu être débattue dans le cadre de la poursuite intentée par Patricia en mars 1994 mais ladite poursuite a été réglée. Il serait également plus difficile d'obtenir un témoignage oral fiable en septembre 2003 (dix ans après les événements de mars 1993) que cela ne l'aurait été en 1994 et en 1995, lorsque les événements du 22 mars 1993 étaient encore frais dans la mémoire de toutes les personnes concernées.

[33]     La véritable raison pour laquelle Patricia voulait prouver qu'elle avait été congédiée de façon injustifiée en mars 1993 était son désir de prouver que Larry avait dénoncé l'accord de séparation. Ma décision de ne pas entendre de nouveaux témoins à propos de la question du congédiement injustifié était motivée par la pertinence, mais, depuis la fin de l'audience, j'ai d'autres raisons pour justifier cette décision. Après avoir entendu les arguments des trois avocats, j'ai conclu que Larry n'avait, à aucun moment, dénoncé l'accord de séparation, même s'il pourrait être prouvé qu'il avait congédié Patricia de façon injustifiée en mars 1993. J'examinerai l'absence de dénonciation à deux points de vue : (i) l'exécution de l'accord de séparation par opposition à sa violation et (ii) s'il existe un acte quelconque de dénonciation réalisé par Larry (et je conclus que ce n'est pas le cas), un tel acte de dénonciation n'a jamais été accepté par Patricia.

[34]     Depuis la signature de l'accord de séparation par Patricia et Larry, le 5 septembre 1991, on constate beaucoup plus d'exécution et de conformité que de violations. Les paragraphes-clefs commencent à la page 2 de l'accord. Patricia et Larry se sont conformés aux dispositions du paragraphe 1 lorsqu'ils ont partagé et réparti Bruce-Algo Enterprises Limited et le logement familial sis au 25 Alworth Place. Ils se sont conformés aux dispositions du paragraphe 2 lorsqu'ils ont partagé et réparti Coppertown Investments Limited et la résidence secondaire de Beech Beach. Ils se sont conformés aux dispositions du paragraphe 3 lorsqu'ils ont changé la propriété du 626 Wellington Street de tenance viagère à tenants communs. Ils se sont conformés aux dispositions du paragraphe 4 lorsque Patricia s'est retirée du partenariat et que Larry a obtenu sa libération de toute dette à la banque en ce qui concerne le cabinet d'avocats. Ils se sont conformés aux dispositions du paragraphe 5 lorsque Patricia était employée par Larry pendant 18 mois (de septembre 1991 à mars 1993) contre un salaire annuel de 50 000 $. Je ne tenterai pas de trancher, dix ans après l'écoulement de la période en litige, la question de savoir si Larry ou Patricia ont violé les dispositions sur l'emploi en mars 1993.

[35]     En ce qui concerne la pension alimentaire pour enfants, la conformité était entière lorsque les trois filles résidaient principalement avec Patricia, soit de septembre 1991 jusqu'à une certaine période après 1996, et lorsque Larry a versé 2 000 $ par mois à Patricia de septembre 1991 à en mars 1993. En avril et en mai 1993, Larry a violé les dispositions portant sur la pension alimentaire pour enfants lorsqu'il a payé à Patricia des montants inférieurs, qui ne peuvent pas être identifiés avec certitude comme un salaire réduit ou principalement comme une pension alimentaire pour enfants. Au cours de la période de 43 mois allant de juin 1993 à décembre 1996, Larry s'acquittait essentiellement de ses obligations liées à la pension alimentaire pour enfants et les respectait lorsqu'il versait 2 000 $ par mois au Régime des obligations alimentaires envers la famille, mais il a également violé ses obligations liées à la pension alimentaire pour enfants au cours de cette même période de 43 mois en ne versant que 2 000 $ par mois alors qu'il aurait dû en verser 3 000 $. Voir le paragraphe 12 ci-dessus dans lequel j'arrive à une conclusion quant à l'accord de base sur la pension alimentaire pour enfants.

[36]     Larry et Patricia n'étaient pas d'accord à propos du coût des études postsecondaires de Dana, la fille aînée, qui a commencé ses études universitaires à l'automne 1994. Ce désaccord a été réglé dans le premier paragraphe du procès-verbal de transaction (pièce 2, onglet F) et dans l'ordonnance du tribunal (pièce 2, onglet G) en vertu desquels Larry devait verser certains paiements mensuels directement à Dana. Les deux cadettes n'avaient pas encore commencé leurs études universitaires à l'automne 1996. Compte tenu de toutes les dispositions prévues par l'accord de séparation, je suis convaincu que Patricia et Larry se sont plus acquittés de leurs obligations et conformés aux modalités de l'accord qu'ils ne les ont violées.

[37]     L'avocat de Patricia a soutenu que le congédiement (en tant qu'employée) de sa cliente par Larry, en mars 1993, constituait la violation d'une modalité fondamentale et, par conséquent, une dénonciation en elle-même. Me Fitzgerald s'est fondé sur le paragraphe 14 de l'accord de séparation qui prévoit ceci :

[traduction]

RENONCIATION ALIMENTAIRE DES DEUX CONJOINTS

14.        En contrepartie du règlement convenu et des autres modalités afférents aux biens contenus dans le présent accord, ni Patricia ni Larry n'ont besoin d'aliments, de pension alimentaire, d'entretien ou d'entretien et d'aliments. Ils s'accordent mutuellement, par les présentes, une libération et quittance de toute obligation d'entretien qui pourrait survenir découlant de la relation conjugale.

L'avocat a soutenu que l'expression [Traduction] « autres modalités [...] contenus dans le présent accord » constituait un renvoi direct à la capacité d'autosuffisance de Patricia en qualité d'avocate employée. Si je dois accepter cet argument, il faut qu'il y ait eu un niveau minimal de services juridiques ayant été offerts par Patricia pour gagner un salaire que Larry aurait « complété » à concurrence de 50 000 $ par année. La question difficile est celle de savoir si Patricia rendait ce niveau minimal de services juridiques pendant l'hiver 1992-1993.

[38]     Patricia et Larry semblent avoir tenu pour acquis, dans l'accord de séparation, que si elle quittait le cabinet d'avocats de Larry, elle serait employée en qualité d'avocate par un tiers. Les paragraphes 6 et 8 de l'accord de séparation renvoient au fait que Patricia trouverait un [traduction] « autre emploi convenable » et serait [Traduction] « employée par un autre avocat » . L'accord de séparation ne prévoit pas qu'elle ouvre son propre cabinet d'avocats à partir de rien comme elle l'a fait en juin 1993. Si elle était employée en qualité d'avocate par un tiers, Larry avait une obligation (paragraphe 8) de « compléter » ses revenus à concurrence de 50 000 $. Si Patricia avait une demande fondée pour congédiement injustifié en mars 1993 lorsqu'elle a quitté le cabinet d'avocats de Larry et lancé son propre cabinet d'avocats, il serait plus difficile de mesurer l'obligation de « compléter » incombant à Larry.

[39]     Je tiendrai pour acquis (et je considère que c'est une hypothèse généreuse) que le congédiement de Patricia, en tant qu'employée, par Larry en mars 1993 constituait une violation d'une modalité fondamentale de leur accord de séparation et une possible dénonciation dudit accord. Il existe un principe bien établi du droit des contrats selon lequel la dénonciation par l'une des parties doit être acceptée par l'autre. Chitty on Contracts (27e édition) 1994, contient le passage suivant à la page 1158 :

          [traduction]

            Acceptation de dénonciation. Lorsqu'il existe une rupture anticipée ou une violation d'un contrat exécutoire et que la partie innocente souhaite se considérer comme déchargée de ses obligations, elle doit « accepter la dénonciation » . Cela est généralement réalisé en communiquant la décision de résilier à la partie en défaut, bien qu'il puisse suffire de déposer des preuves d'un « acte manifeste sans équivoque qui ne correspond pas à la subsistance du contrat [...] sans manifestation simultanée de l'intention destinée à l'autre partie. » À moins et jusqu'à ce que la dénonciation soit acceptée, le contrat continue d'exister car « une dénonciation qui n'est pas acceptée n'est que du vent. » L'acceptation d'une dénonciation doit être claire et sans équivoque et un simple manque d'activité ou acquiescement ne sera généralement pas considéré comme une acceptation à cette fin. [...]

[40]     L'ouvrage Law of Contract in Canada par G. H. L. Fridman (1976) contient les passages suivants :

à la page 519 :

          [traduction]

Depuis longtemps, les tribunaux font face au problème de savoir quel genre de conduite constitue une dénonciation d'un contrat. Dans une certaine mesure, cette question n'est pas très différente (d'ailleurs, elle pourrait bien en être une variation) de celle, déjà examinée dans un autre chapitre, de la distinction entre les modalités d'un contrat qui sont d'une nature essentielle, même fondamentale et les modalités de moindre importance. La violation des premières, comme on l'a vu précédemment, crée des droits de dénonciation et de résiliation au profit de la partie innocente, la violation des autres ne donne droit à la partie innocente qu'à la demande de dommages-intérêts. [...]

à la page 524 :

          [traduction]

            « une dénonciation non acceptée » , dit le lord juge Asquit, dans une décision anglaise, « n'est que du vent et n'a de valeur pour personne, elle ne confère aucun droit juridique que ce soit » . Bien qu'il ait été dit que les faits de l'affaire qui l'ont suscitée limitent cette expression imagée, et qu'elle n'est pas applicable lorsque dénonciation a lieu « alors que l'exécution est à la charge de l'autre partie » , l'expression a un certain mérite et elle résume bien un aspect important du droit lié à la quittance causée par la dénonciation ou la rupture anticipée. Une telle dénonciation ne mettra pas fin au contrat à moins que la partie innocente ne l'accepte et ne soit prête à traiter le contrat comme s'il était terminé. La partie innocente, en fait, a le choix : elle peut traiter le contrat comme s'il demeurait en vigueur ou comme s'il avait pris fin une fois que la partie a commis un acte qui, conformément à ce qui a été dit plus tôt, peut être considéré comme une résiliation du contrat. [...]

à la page 526 :

            [traduction]

Par conséquent, il existe une distinction entre la dénonciation qui est acceptée et la dénonciation qui n'est ni prise en compte ni traitée par la partie innocente comme une dénonciation et une libération des obligations contractuelles. Une dénonciation acceptée a des effets en droit, une dénonciation qui ne l'est pas n'en a pas (par opposition à ses effets en fait) pour annuler le contrat. La question essentielle est celle de savoir si la partie innocente a choisi de traiter le contrat comme ayant pris fin. Ce choix, qui est obligatoire une fois qu'il est fait, doit être adopté dans un délai raisonnable, c'est-à-dire après la découverte, par la partie innocente, de la situation causant le choix qui s'ouvre à elle. Si elle retarde suffisamment la prise de sa décision pour que cela cause un préjudice à l'autre partie ou à un tiers, ou tellement que sa conduite peut être considérée comme une acceptation de la dénonciation, la partie innocente, en fait, perd son droit de choisir. [...]

[41]     Ayant tenu pour acquis que Larry avait dénoncé l'accord de séparation en mars 1993, je ne puis trouver de preuve que Patricia avait accepté cette répudiation à quelque moment que ce soit. Bien au contraire, il existe de solides preuves indiquant qu'elle avait continué à se fonder sur l'accord de séparation. En mars 1994, une année après la dénonciation présumée, Patricia a intenté une poursuite contre Larry. La première revendication de sa déclaration (pièce 2, onglet C) se passe de commentaires :

[traduction]

1.          Les revendications de la demanderesse À L'ENCONTRE DU CONJOINT DÉFENDEUR :

(1)         Exécution en nature de l'accord daté du 2 septembre 1991 passé entre l'épouse et l'époux et, en particulier, de l'obligation à la charge de l'époux de payer à l'épouse :

a)          jusqu'à concurrence de 50 000 $ chaque année pour son intérêt dans Peterson & Peterson jusqu'à ce qu'elle atteigne soixante-cinq (65) ans;

b)          1 000 $ chaque mois par enfant pour la pension alimentaire des enfants (totalisant 3 000 $ chaque mois pour trois enfants);

Dans sa défense et demande reconventionnelle (pièce 2, onglet D), Larry a fait la déclaration suivante au paragraphe 53 :

[traduction]

53.        Le défendeur plaide et se fonde sur les dispositions de l'accord de séparation convenu entre les parties et portant la date du 2 septembre 1991.

[42]     L'argument selon lequel Larry a dénoncé l'accord de séparation, en mars 1993, n'est pas fondé. D'abord, il n'a jamais déclaré ou laissé entendre qu'il dénonçait l'accord; ensuite, il a continué à honorer une portion importante des dispositions portant sur la pension alimentaire pour enfants en versant 2 000 $ par mois du 1er juin 1993 au 31 décembre 1996; puis, il a clairement soutenu, dans sa défense et demande reconventionnelle, qu'il se fondait sur l'accord de séparation, voir le paragraphe 53 précité; et enfin, de mars 1994 (la date de dépôt de la déclaration de Patricia) à décembre 1996 (la conférence préalable à l'instruction devant la juge Pardu), Patricia n'a pas modifié sa déclaration pour retirer sa demande d'exécution en nature ou pour accepter une quelconque dénonciation.

[43]     Je conclus que Larry n'a jamais dénoncé l'accord de séparation. J'en arrive à cette conclusion sans aucune hésitation. Le paragraphe 4 ci-dessus contient les quatre questions que je dois trancher en vertu de l'ordonnance d'un tribunal rendue conformément à article 174 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ayant conclu à l'absence de dénonciation de l'accord de séparation, les deux premières questions doivent avoir une réponse positive. En d'autres termes, Patricia est obligée d'inclure, dans le calcul de ses revenus pour 1995 et 1996, les 24 000 $ que Larry lui a versés pour chacune des années susmentionnées à titre de pension alimentaire pour enfants car ces sommes ont été reçues « en vertu d'un accord écrit » . Larry a le droit de déduire dans le calcul de ses revenus pour 1995 et 1996, les 24 000 $ qu'il a versés à Patricia pour chacune des années susmentionnées à titre de pension alimentaire pour enfants car ces sommes ont été reçues « en vertu d'un accord écrit » .


Analyse - Quel est le caractère du paiement s'élevant à 36 000 $?

[44]     Je me penche maintenant sur le paiement unique de 36 000 $ versé par Larry à Patricia en décembre 1996. Le versement dudit paiement est une conséquence de la conférence préalable à l'instruction qui a eu lieu le 16 décembre 1996 devant Mme la juge Pardu. Les paiements sont énumérés à la page 4 de la pièce 2, onglet B qui est un tableau des montants versés par Larry au Régime des obligations alimentaires envers la famille. Le tableau indique que les 36 000 $ ont été « payés » le 6 janvier 1997, mais les parties sont d'accord sur le fait que Larry a versé le montant et que le Régime l'a reçu (en sa qualité de mandataire de Patricia) au cours des derniers jours de décembre 1996. Voir le paragraphe 10 de la pièce 1, de l'Exposé conjoint des faits.

[45]     Les 36 000 $ ont été versés conformément au procès-verbal de transaction effectivement signé le 16 décembre 1996 et conformément à l'ordonnance du tribunal portant les dates des 16 décembre 1996 et 27 mars 1997. Bien que les dispositions pertinentes du procès-verbal de transaction et de l'ordonnance du tribunal soit reproduites aux paragraphes 24 et 25 ci-dessus, leur importance justifie leur répétition :

Procès-verbal de transaction (pièce 2, onglet F) :

          [Traduction]

(6)         Le défendeur paiera rétroactivement, à la demanderesse, une pension alimentaire pour enfants supplémentaire périodique s'élevant à 36 000 $ pour les 12 mois allant du 1er janvier 1996 au 1er décembre 1996 inclusivement pour chaque enfant susmentionné. Les paiements sont imposables pour la demanderesse et déductibles des revenus du défendeur.

Ordonnance du tribunal (pièce 2, onglet G) :

           

[Traduction]

6. LE TRIBUNAL ORDONNE que le défendeur doit payer rétroactivement à la demanderesse une pension alimentaire pour enfants supplémentaire périodique s'élevant à 36 000 $ pour les douze mois allant du 1er janvier 1996 au 1er décembre 1996 inclusivement pour chaque enfant susmentionné né du mariage. Les paiements sont imposables pour la demanderesse et déductibles des revenus du défendeur.

[46]     Selon un principe bien établi, une cour provinciale compétente dans le domaine du droit de la famille ne peut pas, aux fins de l'impôt sur le revenu, déterminer le caractère (imposable ou non, déductible ou non) d'un paiement versé par un conjoint à un autre. J'ai examiné cette question dans l'appel Elizabeth Bates, C.C.I., no 97-120(IT)G, 6 août 1998 (98 DTC 1919). Après avoir examiné d'autres décisions rendues dans les affaires Sigglekow, C.F. 1re inst., no T-696-82, 3 octobre 1985 (85 DTC 5471), Arshinoff, C.C.I., no 93-2348(IT)I, 8 avril 1994 ([1994] 1 C.T.C. 2850) et Halligan, C.C.I., no 95-2316(IT)I, 11 avril 1996 ([1996] 2 C.T.C. 2555), j'ai déclaré à la page 1924 :

[16] La cour supérieure d'une province a compétence pour ordonner que des paiements de pension alimentaire pour un conjoint ou des enfants soient faits à la rupture d'un mariage. Cette compétence n'inclut pas le pouvoir de déterminer le caractère imposable ou non de ces paiements aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu. Une fois que la cour supérieure d'une province a ordonné que des paiements de pension alimentaire s'effectuent à la rupture d'un mariage, le caractère imposable ou non de ces paiements sera déterminé en fonction des conditions énoncées aux alinéas 56(1)b) et 56(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si j'avais le moindre doute quant à l'existence de compétences distinctes pour ordonner le paiement d'une pension alimentaire et pour déterminer le caractère des paiements de cette pension du point de vue fiscal, je me fonderais sur les propos suivants tenus par les juges Cory et Iacobucci dans l'arrêt Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, à la page 703 : [...]

D'importantes modifications de la Loi de l'impôt sur le revenu entrant en vigueur le 1er mai 1997 font intervenir d'autres articles de la Loi, mais le principe susmentionné demeure. La question de savoir si la somme de 36 000 $ constitue un revenu pour Patricia ou est déductible par Larry sera déterminée grâce aux dispositions pertinentes de la Loi, par la jurisprudence et, en particulier, par les circonstances dans lesquelles la somme de 36 000 $ a été versée et reçue.

[47]     Deux principes généraux s'appliquent au montant de 36 000 $. D'abord, un paiement unique (souvent appelé « montant forfaitaire » ) ne constituera pas un revenu pour le bénéficiaire et ne sera pas déductible par le payeur s'il est versé en vue d'obtenir une libération de la responsabilité de réaliser des paiements futurs en vertu d'un accord de séparation ou de l'ordonnance d'un tribunal. Ensuite, un paiement unique sera (dans la plupart des cas) considéré comme un revenu pour le bénéficiaire et sera déductible pour le payeur s'il est versé pour couvrir des arriérés de paiements périodiques qui auraient dû être versés en vertu d'un accord de séparation ou de l'ordonnance d'un tribunal. J'examinerai la jurisprudence qui a établi ces deux principes.

[48]     Dans l'affaire M.N.R. v. John Armstrong, 56 DTC 1044, le contribuable et son épouse ont divorcé en 1948. Il devait payer 100 $ par mois à son épouse pour l'entretien de leur fille jusqu'à ce que cette dernière atteigne 16 ans. En 1950, lorsque la fille avait 11 ans, le contribuable a versé un montant forfaitaire de 4 000 $ à son ancienne épouse à titre de règlement de tous les montants payables à l'avenir. Le contribuable a déduit les 4 000 $ lorsqu'il a calculé ses revenus pour 1950 mais la déduction a été refusée par le ministre. Les appels couronnés de succès du contribuable devant les juridictions inférieures ont été portés devant la Cour suprême du Canada. Cette dernière a été unanime dans sa décision d'accueillir l'appel du ministre. Le juge Kellock a déclaré à la page 1045 :

[traduction]

À mon avis, le paiement en question ici ne se trouve pas dans les limites de la portée de la Loi. Ce n'était pas un montant payable « pursuant to » ou « conformément à » (pour mentionner le texte en français) une ordonnance mais plutôt un montant payé en vue d'obtenir une libération des obligations imposées par ladite ordonnance.

Le juge Locke a déclaré à la page 1046 :

          [traduction]

C'était dans le but d'obtenir ce qui était censé être une libération des obligations de l'appelant d'entretenir son enfant mineur dans la mesure imposée par le jugement conditionnel que les 4 000 $ ont été payés. On ne peut, à mon avis, dire correctement que ce montant forfaitaire était payé, pour utiliser le libellé de l'article, conformément à l'ordonnance de divorce. Il est vrai que le montant était payé en raison de l'obligation imposée par l'ordonnance en vue de l'entretien de l'enfant mineur, mais cela n'entre pas dans les limites du libellé de l'article.

[49]     Dans la décision La Reine c. Barbara Sills, C.A.F., no A-105-83, 29 novembre 1984 (85 DTC 5096), la contribuable et son époux ont signé un accord de séparation en 1974 qui exigeait que l'époux verse 100 $ par mois pour son entretien et 100 $ par mois pour chacun de leurs deux enfants. Elle devait recevoir un total de 300 $ par mois. À la fin de 1975, des arriérés s'élevant à 2 000 $ s'étaient accumulés concernant les sommes mensuelles que la contribuable avait droit de recevoir. En 1976, elle a reçu les trois paiements suivants :

février               1 000 $

avril                   1 000

décembre          1 000

                        3 000 $

Le ministre a inclus les 3 000 $ dans les revenus de la contribuable pour 1976, mais elle a interjeté un appel, avec succès, devant la Commission de révision de l'impôt et la Section de première instance de la Cour fédérale. L'appel interjeté par le ministre devant la Cour d'appel fédérale a été accueilli. Le juge d'appel Urie, rédigeant pour une cour unanime, a déclaré, à la page 5098 :

[...] Étant donné les faits en cause il est clair que les 3 000 $ remis à l'intimée par LaBrash ont été payés par ce dernier et reçus par celle-ci en accomplissement des dispositions de l'accord de séparation. Une partie de l'argent était payable à l'intimée à titre de pension alimentaire alors que le reste lui était payable pour subvenir aux besoins des enfants à charge. Ainsi que le stipulait l'accord de séparation, tout cet argent était payable mensuellement. À mon avis, l'erreur du juge de première instance consiste à n'avoir pas accordé toute l'importance qui se devait à l'emploi du mot « payable » dans l'alinéa en question. Pourvu que l'accord prévoie que les montants d'argent sont payables périodiquement, l'exigence contenue à l'alinéa est respectée. Les paiements ne changent pas de nature pour la seule raison qu'ils ne sont pas effectués à temps. [...]

[50]     Devant cette Cour, le juge Garon (tel était alors son titre) a suivi la décision Sills dans l'affaire Soldera c. M.R.N., C.C.I., no 90-1497(IT), 26 février 1991 (91 DTC 987). Le contribuable a payé 7 500 $ en 1986 pour des arriérés de pension alimentaire qui étaient payables à son épouse en vertu d'une ordonnance du tribunal. Lorsqu'il a accueilli l'appel du contribuable, le juge Garon a déclaré, à la page 990 :

[...] De plus, la question de l'obligation existante de l'appelant, avant que soit rendue l'ordonnance de 1986, en ce qui a trait aux paiements de pension alimentaire en souffrance était expressément traitée au paragraphe 3 de l'ordonnance de 1986, qui stipule, si l'on s'en tient à l'essentiel :

[traduction]

« [...] les arriérés de pension alimentaire au 31 mai 1986 [...] sont par les présentes fixés à 7 500 $. »

À mon avis, le paragraphe 3 de l'ordonnance de 1986 avait tout simplement pour effet de ramener à 7 500 $ l'obligation de l'appelant au 31 mai 1986 en ce qui concerne les paiements de pension alimentaire en souffrance. À cet égard, il faut se rappeler que le montant total que devait l'appelant au 31 mai 1986 aux termes du paragraphe 3 de l'ordonnance de 1983 s'élevait à environ 14 000 $. Il devient alors évident que le paragraphe 3 de l'ordonnance de 1986, en établissant à 7 500 $ les paiements de pension alimentaire en souffrance au 31 mai 1986, réduisait environ de moitié, en fait, l'obligation de l'appelant. Le paragraphe 3 de l'ordonnance de 1986 ne modifie pas la nature de l'obligation de l'appelant, il ne fait que la réduire. C'est ce qu'indique clairement la mention expresse, à ce paragraphe, des [traduction] « arriérés de pension alimentaire au 31 mai 1986 » . La conclusion selon laquelle la nature de l'obligation de l'appelant, dont le montant était fixé au paragraphe 3 de l'ordonnance de 1986, n'était pas modifiée est renforcée, si besoin est, par le fait que le paiement de 7 500 $ équivaut à peu près à ce que l'appelant disait être disposé à verser à titre de paiements de pension alimentaire pour ses enfants dans la lettre adressée par son procureur le 26 juillet 1983 aux procureurs de Mme Leggett. [...]

[51]     L'avocat a cité la décision que j'ai rendue dans l'affaire Susan Widmer v. M.N.R. (23 août 1995) dans laquelle je semble avoir été induit en erreur par une erreur dans le sommaire de la décision Soldera. Quoi qu'il en soit, le montant du paiement forfaitaire dans l'affaire Widmer (15 000 $) était tellement différent du montant des arriérés (50 590 $) et lui était tellement inférieur qu'il y a lieu d'établir une distinction entre ladite décision et le présent appel.

[52]     Les modalités du paragraphe 6 du procès-verbal de transaction et du paragraphe 6 de l'ordonnance du tribunal sont reproduites au paragraphe 45 ci-dessus. Les deux paragraphes sont essentiellement les mêmes. Il existe une certaine confusion au niveau des termes employés car un paiement unique de 36 000 $ est décrit comme un paiement [TRADUCTION] « périodique » . Cependant, le paragraphe 6 contient d'autres indices permettant de s'assurer de sa signification. D'abord, le paiement est fondé sur le passé et non sur le présent ou l'avenir car (i) il est qualifié de [TRADUCTION] « rétroactif » et (ii) il examine les 12 mois de 1996. Ensuite, il est manifestement conçu comme une [TRADUCTION] « pension alimentaire pour enfants » et enfin, il [TRADUCTION] « s'ajoute » à quelque chose. À mon avis, ce [TRADUCTION] « quelque chose » est la pension alimentaire pour enfants périodique qui avait été payée dans un passé récent (c.-à-d. avant le 16 décembre 1996).

[53]     Avant décembre 1996, la pension alimentaire pour enfants avait été payée au taux de 2 000 $ par mois de façon continue depuis juin 1993 et également de septembre 1991 à mars 1993. Dans le paragraphe 12 ci-dessus, je suis arrivé à une conclusion quant à l'accord de base portant sur la pension alimentaire pour enfants se trouvant dans l'accord de séparation. Plus précisément, les deux modalités les plus importantes sont les suivantes :

a)        Larry devait payer 24 000 $ par année à partir du 1er septembre 1991 tant que Patricia était employée par le cabinet d'avocats de Larry;

b)       si Patricia cessait d'être employée par le cabinet d'avocats de Larry pour quelque raison que ce soit, ce dernier devait lui payer 36 000 $ par année.

Patricia a cessé d'être employée par le cabinet d'avocats de Larry quelque part entre le 22 mars et le 31 mai 1993. À mon avis, Larry était obligé de payer la pension alimentaire pour enfants au taux de 3 000 $ par mois à partir du 1er juin 1993 et, peut-être, pendant un ou deux mois avant cette date. Larry n'a payé que 2 000 $ par mois au titre de la pension alimentaire pour enfants entre le 1er juin 1993 et décembre 1996. Par conséquent, pendant cette période de 43 mois, il a accumulé des arriérés de pension alimentaire pour enfants atteignant la limite de 43 000 $.

[54]     Selon le témoignage de Me Mottonen (l'avocat de Larry dans le cadre de la poursuite intentée contre lui par Patricia et de la requête en divorce), le mémorandum qu'il a rédigé pour la conférence préalable à l'instruction devant la juge Pardu le 16 décembre 1993 comportait un montant de 36 000 $. Me Mottonen semblait penser que les 36 000 $ représentaient un montant qu'il pouvait négocier en ce qui concerne les arriérés de pension alimentaire pour enfants de Larry au mois de décembre 1996. Il ressort clairement de la déclaration de Patricia qu'elle cherchait à se faire accorder 3 000 $ chaque mois, car sa demande pour une exécution en nature de l'accord de séparation (cité au paragraphe 41 ci-dessus) renvoie à ceci :

          [traduction]

b)          1 000 $ chaque mois par enfant pour la pension alimentaire des enfants (totalisant 3 000 $ chaque mois pour trois enfants);

[55]     J'ai conclu que le paiement unique de 36 000 $ était un montant négocié dans le procès-verbal de transaction signé le 16 décembre 1996 pour couvrir les arriérés de pension alimentaire pour enfants dus par Larry à cette date. Mes motifs pour atteindre cette conclusion sont les suivants : premièrement, le paiement est décrit comme [TRADUCTION] « une pension alimentaire pour enfants supplémentaire périodique et rétroactive » ; deuxièmement, si le paiement est réparti sur les trois années 1994, 1995 et 1996, il libère Larry des arriérés pour les 36 mois allant de janvier 1994 à décembre 1996; troisièmement, une répartition sur ladite période de 36 mois correspond à la déclaration de Patricia effectuée en mars 1994 et cité au paragraphe 54 ci-dessus; quatrièmement, les 36 000 $ ont été payés par l'intermédiaire du Régime des obligations alimentaires envers la famille et ont produit une réduction considérable du [TRADUCTION] « solde » qui s'était accumulé à raison de 3 000 $ par mois depuis juin 1993 (moins les 2 000 $ par mois qui ont effectivement été payés par l'intermédiaire du Régime); et cinquièmement, la répartition des 36 000 $ sur la période de 36 mois allant de janvier 1994 à décembre 1996 constitue l'interprétation la plus raisonnable et la plus conforme au bon sens du paragraphe 6 de l'ordonnance du tribunal et du paragraphe 6 du procès-verbal de transaction.

[56]     Même si j'acceptais et appliquais le libellé du paragraphe 6 [TRADUCTION] « pour les 12 mois allant du 1er janvier 1996 au 1er décembre 1996 » , je conclurais néanmoins que la somme de 36 000 $ a été payée pour réduire considérablement les arriérés de pension alimentaire pour enfants qui s'étaient accumulés jusqu'en décembre 1996. Je préfère ne pas accepter et appliquer ces termes car, ayant qualifié le montant de [TRADUCTION] « rétroactif » , Larry paierait la pension alimentaire pour enfants au taux de 5 000 $ par mois (2 000 $ plus 3 000 $) pour la seule année 1996. Une pension alimentaire pour enfants à ce taux ne correspondrait ni aux modalités de l'accord de séparation, ni à celles de la déclaration de Patricia, ni au nouveau régime de pension alimentaire pour enfants pour 1997 et pour les années subséquentes établis dans les paragraphes 1 et 2 du procès-verbal de transaction et de l'ordonnance du tribunal.

[57]     L'avocat de Patricia a soutenu que les paiements devant être versés en vertu du nouveau régime (1997 et les années subséquentes) se situaient à près de 5 000 $ par mois car, si le montant net d'impôt de 800 $ par mois payable à Dana était converti en un montant avant impôt de 1 600 $ par mois et ajouté aux 3 500 $ par mois pour les deux cadettes, la pension alimentaire pour enfants versée en vertu du nouveau régime approcherait 5 000 $ par mois. Je ne rationaliserais pas de la sorte dans toutes les circonstances de la présente espèce car le nouveau régime devait manifestement entrer en vigueur le 1er janvier 1997, et je devrais faire fi de la signification du terme « rétroactif » utilisé au paragraphe 6.

[58]     Lorsque j'interprète le paragraphe 6 de l'ordonnance du tribunal et du procès-verbal de transaction par rapport au contexte de l'ensemble des pièces documentaires et des témoignages oraux, je n'hésite nullement à conclure que le paiement unique de 36 000 $ constituait un montant négocié qui ne pouvait être lié qu'aux arriérés de pension alimentaire pour enfants depuis quelque mois en 1993 jusqu'à décembre 1996 inclusivement. Si j'avais hésité un tant soit peu quant à l'interprétation à donner au paragraphe 6 de l'ordonnance du tribunal et du procès-verbal de transaction (et ce n'était pas le cas), j'aurais pu accorder un certain poids à l'intention de Patricia et de Larry (ils avaient tous deux signé le procès-verbal de transaction) telle qu'elle était exprimée dans la dernière phrase du paragraphe 6 qui déclarait que les [TRADUCTION] « paiements » sont imposables pour Patricia (en tant que demanderesse) et déductibles par Larry (le défendeur). Le procès-verbal de transaction et l'ordonnance du tribunal étaient à peine signés quand Patricia a effectué sa déclaration de revenus pour 1996, négligeant, ou peut-être refusant, d'inclure les 36 000 $ dans son revenu. Voir la pièce 2, onglet I.

[59]     L'avocat de Patricia a soutenu que la somme de 36 000 $ devrait être jointe aux 39 000 $ (consulter le paragraphe 8 de l'ordonnance du tribunal) et l'a interprété comme un montant payé pour obtenir la libération d'autres dettes comme dans l'affaire Armstrong, précitée. Les deux montants sont joints dans les paragraphes 10 et 16 de l'ordonnance du tribunal et dans les paragraphes 10 et 15 du procès-verbal de transaction mais ce n'est que pour s'assurer que toutes les modalités de l'ordonnance et du procès-verbal sont respectées. Le paragraphe 6 de l'ordonnance du tribunal et du procès-verbal de transaction doivent être interprétés indépendamment.

[60]     Je mets un accent particulier sur la phrase suivante de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Sills citée au paragraphe 49 ci-dessus : « Les paiements ne changent pas de nature pour la seule raison qu'ils ne sont pas effectués à temps. » Les décisions Sills etSoldera s'appliquent au montant de 36 000 $ pour en faire un revenu pour le bénéficiaire et le rendre déductible pour le payeur. En ce qui concerne les troisième et quatrième questions que je dois trancher pour répondre à l'instance fondée sur l'article 174, la réponse est affirmative pour les deux. Les 36 000 $ doivent être inclus dans le calcul des revenus de Patricia pour 1996. Les 36 000 $ peuvent être déduits du calcul des revenus de Larry pour 1996.

[61]     Je statuerai sur l'appel de Larry pour 1997 conformément aux modalités du règlement dicté par le tribunal. Les appels interjetés par Patricia selon la procédure informelle pour 1995 et 1996 sont rejetés sans dépens. Les appels généraux de Larry pour 1995, 1996 et 1997 sont accueillis avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'octobre 2003.

« M. A. Mogan »

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mars 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice

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