Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2005CCI590

Date : 20050901

Dossiers : 2003-3047(IT)G

et 2003-3048(IT)G

ENTRE :

BRUNO A. DEPEDRINA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

- et -

ENTRE :

ELAINE E. H. DEPEDRINA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience,

à Vancouver (Colombie-Britannique), le 9 juin 2005.)

Le juge Woods

[1]      Bruno et Elaine DePedrina interjettent appel des cotisations qui ont été établies à leur égard en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998. Le litige porte sur les conséquences fiscales de la vente d'un terrain qui appartenait auparavant aux parents de M. DePedrina.

[2]      Le terrain en question est une parcelle de cinq acres située à Langley (Colombie-Britannique), sur laquelle les parents de M. DePedrina résidaient. En 1978, les parents ont signé et enregistré, relativement au terrain, un acte translatif de propriété qui avait été préparé par un cabinet d'avocats. En vertu du document, le bien était transféré à M. DePedrina, à son frère et à leurs épouses respectives, et les parents se réservaient un intérêt viager. Ces derniers n'ont pas informé les DePedrina du transfert avant de signer l'acte translatif de propriété et leur ont simplement indiqué, par la suite, qu'ils « s'étaient occupés de leur héritage » . Le frère de M. DePedrina a construit une maison sur le terrain en question; le terrain est ainsi devenu sa résidence principale, ainsi que celle des parents. Par respect pour ses parents, M. DePedrina s'est abstenu de faire la même chose.

[3]      Le père de M. DePedrina est décédé en 1983 et sa mère, en 1997. En conséquence, l'intérêt viager a expiré en 1997. L'année suivante, les enfants ont vendu le terrain 1 850 000 $ au total.

[4]      Le ministre du Revenu national a établi des cotisations d'impôt à l'égard de M. et Mme DePedrina relativement à la vente survenue en 1998. Chaque contribuable a été imposé relativement à un gain en capital de 384 833 $. Dans le calcul du prix de base rajusté, le ministre a pris en considération la valeur de l'intérêt résiduel en 1978 selon une évaluation.

[5]      À l'ouverture de l'audience, j'ai demandé à l'avocat de la Couronne de se pencher sur l'article 43.1 de la Loi, qui n'était pas mentionné dans la réponse. Au terme d'une brève suspension visant à lui permettre d'étudier le dossier, la Couronne a accepté de réduire le gain en capital de chacun des contribuables de 17 500 $ sur le fondement de la valeur de l'intérêt viager en 1978 selon l'évaluation. M. et Mme DePedrina ne contestant pas ces calculs, il ne me sera pas nécessaire de les examiner.

[6]      L'argument des contribuables estsimple. Ils soutiennent qu'ils ne devraient pas être imposés sur le gain qui s'est produit avant qu'ils ne deviennent entièrement propriétaires du terrain, au décès de la mère de M. DePedrina en 1997. La Couronne, pour sa part, fait valoir que M. et Mme DePedrina sont devenus les propriétaires du terrain en 1978 et que, par conséquent, ils ont été correctement imposés sur le gain qui a été réalisé après cette date.

[7]      Avant d'analyser les arguments des parties, je ferai remarquer d'entrée de jeu que les circonstances de la présente affaire semblent susciter la compassion. Si l'interprétation des faits qu'avance la Couronne est juste, la signature de l'acte translatif de propriété en 1978 a pu avoir pour effet de priver les parents de l'exemption pour résidence principale dont ils auraient pu bénéficier, du moins sur la partie du terrain qui a été utilisée à titre de résidence principale. De plus, ainsi que l'a fait remarquer Mme DePedrina, si l'on retient l'argument de la Couronne, elle et son mari doivent être imposés relativement à la partie du gain qui s'est produite au cours d'une période où ils ne pouvaient véritablement exercer de droit de propriété à l'égard du terrain.

[8]      Les contribuables en appellent à laCour principalement pour des motifs d'équité. Malheureusement pour eux, la Cour n'a pas le pouvoir d'accorder le redressement demandé sur ce fondement. Il incombe au législateur d'adopter les lois fiscales, tandis que la Cour a pour mandat de réduire les seules cotisations d'impôt qui sont fondées sur une application incorrecte des lois. Si les cotisations sont établies sur le fondement d'une application correcte des lois, la Cour n'est pas compétente pour accorder le redressement demandé, même si le résultat est sévère.

[9]      Dans la présente affaire, si l'acte translatif de propriétéque les parents ont signé est valide, les contribuables sont devenus les propriétaires d'un intérêt résiduel à l'égard du bien deLangley en 1978. Les conséquences fiscales sont claires. En fait, le législateur envisageait précisément ce genre de situation lorsqu'il a adopté l'article 43.1. Il peut sembler terrible d'imposer des personnes sur un gain qui s'est produit avant qu'elles ne prennent possession d'un bien, mais c'est le résultat que, manifestement, le législateur souhaitait.

[10]     La question qui demeure est celle de savoir si l'acte translatif de propriétéqui a été signé est valide. Originaires de l'Italie, les parents ne parlaient pas ni ne lisaient l'anglais. Les contribuables donnent à entendre que les parents ne savaient pas vraiment ce qu'ils signaient et croyaient en fait qu'il s'agissait d'un testament. Pour affirmer cela, ils se fondent sur des conversations qu'ils ont eues avec les parents sur un certain nombre d'années et sur un document que la mère a signé et qui a été versé en preuve.

[11]     Le document en question est une opposition relative auterrain de Langley. Il indique que la mère avait antérieurement signé un document à la demande d'un autre de ses enfants sans en comprendre les conséquences en droit et que, lorsqu'elle a commencé à craindre d'avoir renoncé à des droits sur le terrain de Langley qu'elle n'avait pas l'intention d'abandonner, elle a demandé à ses avocats de préparer et d'enregistrer un acte d'opposition réitérant qu'elle détenait un intérêt viager dans le terrain.

[12]     À mon avis, la manière dont les contribuables interprètent l'intention des parents ne peut avoir préséance sur l'effet juridique de l'acte translatif de propriétéqu'ils ont signé. Quoi qu'il en soit, je ne puis en venir à la conclusion, compte tenu de la preuve, que les parents ne comprenaient pas que l'acte translatif de propriétédonnait lieu à un transfert juridique du bien. L'acte translatif de propriétéa été préparé par des avocats qui auraient dû être convaincus que lesparents comprenaient ce qu'ils signaient. En outre, il est évident que les parents avaient l'intention d'offrir un héritage aux enfants, et c'est effectivement ce que l'acte translatif de propriété leur a permis de faire.

[13]     M. et Mme DePedrina affirment que les parents n'auraient pas signé l'acte translatif de propriété s'ils avaient été informés des conséquences fiscales de leur geste. Cela est possible, mais il ne s'ensuit pas que les parents n'avaient pas l'intention de transférer le terrain lorsqu'ils ont signé l'acte translatif de propriété en 1978.

[14]     En conséquence, je ne peux accorder le redressement demandé par les contribuables, si ce n'est pour accepter la réduction du gain en capital à laquelle la Couronne a consenti. Il en résulte, pour chaque contribuable, une réduction du gain en capital de 17 500 $. Les appels seront admis dans cette mesure. En ce qui concerne les dépens, j'en suis arrivée à la conclusion qu'il ne convient pas, en l'espèce, de les adjuger.

Signé à Toronto (Ontario), ce 1er jour de septembre 2005.

« J. Woods »

Le juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de décembre 2005

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2005CCI590

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2003-3047(IT)G et 2003-3048(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Bruno A. DePedrina et Sa Majesté la Reine et

Elaine E. H. DePedrina et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

8 juin 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :

L'honorable juge Judith Woods

DATE DU JUGEMENT :

13 juin 2005

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

Avocate de l'intimée :

Margaret Clare

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Nom :

n/a

Cabinet :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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